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Les études rassemblées dans ce cinquième numéro de Malice ont été présentées lors du colloque Marivaux entre les genres. Le corps, la parole, l’intrigue organisé, dans le cadre du CIELAM, les 16 et 17 janvier 2015 à la Faculté ALLSH d’Aix-Marseille Université. Tous les contributeurs ont accepté de transmettre leurs textes très rapidement, parfois sous une version encore provisoire, afin qu’ils soient mis le plus rapidement possible à la disposition des étudiants qui préparent l’agrégation de lettres 2015 : qu’ils en soient très sincèrement remerciés ici1.

J. F. de Troy, La Déclaration d'amour
Jean-François de Troy, La Déclaration d'amour, 1724.
New York, Metropolitan Museum

Au-delà du programme d’agrégation, l’objet de ce colloque était avant tout de favoriser une approche transgénérique des œuvres de Marivaux : en cessant de séparer romans, théâtre et journaux, l’on souhaitait favoriser une approche globale des textes, d’un point de vue thématique, formel, stylistique. Les études ici présentes montrent cette unité, ainsi que la fécondité des rapprochements entre genres différents. Au théâtre, dans ses ouvrages périodiques comme dans ses romans, c’est bien un écrivain – sinon un « auteur », terme souvent récusé par Marivaux comme on le sait – que l’on appréhende ainsi, un écrivain qui sait jouer des interférences entre les genres pour constituer une œuvre qui allie bigarrure et unité, dans une volonté toujours renouvelée d’exploration des variations, parfois minimales, mais toujours décisives en termes de poétique, de stylistique, de morale et d’anthropologie.

Pour la clarté de la présentation, les différentes études ont été réparties en deux sections, l’une privilégiant les analyses transgénériques, l’autre étant plus spécifiquement consacrée à La Vie de Marianne. Comme tout classement, celui-ci a toutefois ses limites, tant les croisements apparaissent nombreux et féconds.

D’un genre à l’autre

Les études rassemblées dans cette première partie interrogent l’œuvre de Marivaux en privilégiant les confrontations entre textes de genres et d’époques différents : à traverser ainsi les romans, le théâtre et les journaux, à rassembler sous un même angle d’analyse textes « de jeunesse » et œuvres de la maturité, ces études proposent une série de réflexions sur la poétique de Marivaux romancier, dramaturge et auteur d’ouvrages périodiques.

C’est ainsi que C. Gallouët souligne, dans l’analyse qui ouvre ce recueil, l’intérêt des « romans de jeunesse » pour appréhender la poétique romanesque de Marivaux et son unité, dont les maîtres mots sont le naturel et la transparence.

L’analyse transgénérique est le point de départ de plusieurs études : C. Ramond, à partir du personnage de la commère que l’on retrouve aussi bien dans le théâtre que dans les romans, montre la manière dont le flux ininterrompu de la parole de ce personnage fait l’objet d’un traitement tout à fait distinct selon les genres ; K. Bénac et L. Sieuzac éclairent, de façon différente et complémentaire, la question centrale dans l’œuvre de Marivaux de la coquetterie et de ses liens avec l’amour-propre et la liberté, en plongeant dans un corpus provenant des journaux, des romans et du théâtre ; S. Waelti explore, à partir de la notion de contrat, la question de la confiance dans le théâtre et dans le roman et les différents modes selon lesquels elle est traitée ; A. Dumas propose une analyse stylistique de la modalité interrogative dans La Vie de Marianne et Le Jeu de l’Amour et du Hasard ; A. Lévrier confronte romans périodiques et ouvrages journalistiques et dessine les grands axes d’une poétique expérimentale propre à Marivaux et Prévost. E. Lièvre enfin, à partir de la notion de réticence, explore le rapport ambigu de Marivaux à la position d’auteur dans l’ensemble des genres qu’il a pratiqués.

La Vie de Marianne

Les études qui composent cette seconde partie sont plus directement axées sur La Vie de Marianne. À bien des égards cependant, elles entrent en écho avec les précédentes (notamment sur les aspects de poétique et sur la question du corps) et ouvrent des directions d’analyse qui dépassent le strict cadre de ce roman.

À la suite des nombreux travaux publiés récemment sur La Vie de Marianne, plusieurs d’entre elles proposent une approche renouvelée des questions de poétique romanesque : J. Herman se livre à une étude précise des notions d’auctorialité, de fictionnalité et d’exemplarité à l’œuvre dans le roman mémoire ; C. Martin revient sur la publication par livraisons successives de La Vie de Marianne et, prenant le contrepied d’un certain nombre d’études récentes, souligne l’extrême fécondité poétique et narrative avec laquelle Marivaux joue de ce mode particulier de publication ; S. Lojkine analyse, tout au long du roman, les jeux du regard et de la parole dans le processus de constitution de la scène visuelle et sensible ; B. Tane quant à lui travaille la question de la figure, tant du point de vue de la richesse polysémique de ce terme que de celui des illustrations du roman ; C. Ailloud-Nicolas et D. Reynaud explorent le motif de la reconnaissance dans La Vie de Marianne, pour en souligner à la fois la récurrence et la variété, notamment du point de vue des modes adoptés (pictural, théâtral, romanesque).

M. Berman, pour sa part, se livre à une analyse stylistique précise des fonctions de la répétition dans le roman et ouvre, à partir de cette étude, des pistes de lecture renouvelées.

Enfin, une série d’études thématiques viennent compléter cet ensemble : J. Guilhembet détaille avec minutie le langage du corps de Marianne, ses stupeurs, ses rougeurs et ses tremblements ; cette analyse entre en résonance particulière avec l’étude menée par C. Aznavour sur le corps sensible de Jacob dans Le Paysan parvenu ; enfin, S. Albertan-Coppola, à travers les personnages des dévots, vrais ou faux, que l’on croise dans La Vie de Marianne, souligne l’importance de l’analyse sémiologique à l’œuvre dans le roman, ainsi que l’ironie parfois féroce dont les différentes figures de Tartuffe sont l’objet.

 

Mathieu Brunet

Notes

1 .

Un remerciement tout particulier à J. Herman, qui n’avait pas pu être présent au colloque, et a néanmoins tenu à y participer in absentia.

 

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