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Ces dernières années ont été particulièrement riches du point de vue de la recherche sur la notion de plaisir au Moyen Âge et sous l'Ancien Régime : ouvrages (celui d'Ulrich Langer sur la Renaissance en 2009, celui de Thomas Kavanagh sur les Lumières en 2010), dictionnaire (le tout récent Dictionnaire libertin de Patrick Wald Lasowski), collectifs (Le Plaisir dans l'Antiquité et à la Renaissance en 2008 par exemple), thèses (celle de Caroline Foscallo sur la « bonne vie » dans les fabliaux, soutenue en 2010) et séminaires, à l'Université Jean Monnet par l'Institut Claude Longeon en 2008-2010 et celui tenu par les équipes CUERMA et 16-18 à l'Université de Provence en 2010.

Dirigé par Chantal Connochie (Moyen Âge), Jean-Raymond Fanlo (XVIe), Pierre Ronzeaud (XVIIe) et Stéphane Lojkine (XVIIIe) et intitulé « Usages et Représentations du plaisir du Moyen-Âge aux Lumières », ce séminaire donna lieu à une journée d'études le 26 mai 2010 à l'Université de Provence, organisée par le CIELAM et l'École doctorale 354, en collaboration avec l'ENS de Lyon et réunissant des étudiants de Master 2 et des doctorants. Le séminaire s'était organisé autour de trois champs d'application, dont les enjeux, bien que différents, se recoupaient : champ de la fiction, champ de la représentation et champ du langage. Tout en s'appuyant sur ces axes de réflexion, la journée fut l'occasion pour les étudiants de Master 2, les doctorants et deux professeurs invités (Michèle Rosellini et Françoise Lavocat) d'envisager d'autres perspectives, en lien avec leurs sujets de recherche : Éros poète / Éros pédagogue, les déguisements du plaisir et la machinerie du plaisir.

Ce premier numéro de la Revue Malice reprend, sous forme d'articles, neuf de ces communications.

Eros poète, Eros pédagogue

Palma le vieux, Jacob et Rachel, 1525-1526, Dresde, Staatliche Kunstsammlungen
Palma le vieux, Jacob et Rachel, 1525-1526, Dresde, Staatliche Kunstsammlungen

 

En s'appuyant à la fois sur les représentations et le langage, Michèle Rosellini montre comment, à partir du caractère obscène du plaisir sexuel, se construit l'érotisme moderne dans les fictions libertines du XVIIe, grâce à la jouissance que prend le lecteur aux textes.

Fanny Rouet aborde la question du plaisir par le biais d'un philosophe hédoniste, Aristippe. À partir des anecdotes de Diogène Laërce, elle s'intéresse à la postérité de cette figure à la Renaissance chez Alciat, Machiavel et Montaigne, le seul, dans le parallèle qu'il fait entre l'hédonisme d'Aristippe et celui d'Épicure, à prendre au sérieux le cyrénaïque.

Melaine Folliard s'intéresse au plaisir comme motif dans les péritextes de recueils poétiques collectifs du XVIIe. Il expose comment de 1597 à 1626, ce motif rend compte d'une évolution de sa réception et des goûts différents du public, entre convention raillée et signe d'anticonformisme.

C'est par la voie du voyage que Mathilde Morinet traite du plaisir chez La Fontaine. S'attachant à montrer que tout voyage chez La Fontaine n'est pas signe de malheur, elle propose un parcours de l'œuvre de La Fontaine qui, en liant plaisir et voyage, s'intéresse aussi bien aux voyages initiatiques, qu'aux voyages amoureux ou érotiques.

Les déguisements du plaisir

En analysant le déguisement comme motif narratif et comme pratique discursive dans l'Histoire comique de Francion de Charles Sorel, Amélie Lefèbvre aborde le plaisir en tant qu'élément romanesque, discours philosophique et source de divertissement pour le lecteur.

C'est au plaisir vertueux, envisagé dans une dynamique de la variété et du mouvement, que Marilina Gianico consacre son étude. La quête d'un plaisir qui tendrait au bien est analysée dans trois textes : Clarisse Harlowe de Richardson, La Nouvelle Héloïse de Rousseau et Les Souffrances du Jeune Werther de Goethe.

La machinerie du plaisir

Deux nouvelles de l'Heptameron de Marguerite de Navarre, une nouvelle de Bonaventure des Périers et les Comptes amoureux de Jeanne Flore fournissent à Audrey Gilles-Chikhaoui la matière d'une analyse de la revendication de la volupté par les épouses, comme motif discursif nouveau et qui se veut honnête.

En étudiant la « pratique du plaisir » dans Les Cent Vingt Journées de Sodome de Sade, Benjamin Clauzel analyse l'importance de l'idée de scénario. En effet, c'est l'élaboration des plaisirs, dans leur conception et leur mise en scène tout comme dans la prise en compte de leurs manquements, qui permet la jouissance.

Léopold Boyer montre comment les scènes érotiques de couvent dans Mon Noviciat de Nerciat renversent et détournent, de façon ludique, affichée ou inattendue, des scènes libertines de Thérèse philosophe de Boyer d'Argens. Les liens intertextuels témoignent ainsi d'un plaisir que prend l'auteur à l'élaboration de son œuvre.

De l'approche philosophique à la scène de roman, du motif narratif au motif discursif, les réflexions de ce numéro interrogent le rapport entre les possibles représentations du plaisir et son écriture, de la Renaissance aux Lumières, en privilégiant le regard de jeunes chercheurs sur la question.

Audrey Gilles-Chikhaoui est la responsable éditoriale de ce numéro 1 de la Revue Malice, le comité de lecture étant constitué de Chantal Connochie (Moyen-Âge), Jean Raymond Fanlo (XVIe siècle, directeur de lÉcole doctorale 354), Daniel Martin (XVIe siècle), Pierre Ronzeaud (XVIIe siècle), Stéphane Lojkine (XVIIIe siècle, directeur du Cielam).

Palma le vieux, Jacob et Rachel, détail
Les représentations du plaisir de la Renaissance aux Lumières
1|2012
Sous la direction de :
Audrey Gilles-Chikhaoui