Alpes de Haute-Provence, 2019 © François Deladerrière

Colloque Giono : Paysages

Université d’Aix-Marseille, UFR ALLSH – Université de Toulon – Association des Amis de Giono – MUCEM – Laboratoires CIELAM et BABEL

Autant que dans le port de Marseille, le MUCEM baigne dans les paysages qui l’entourent, de la pointe de l’Estaque, à la Bonne Mère, de la ville qu’il ceinture à la mer dont il la protège. Au loin le château d’If marque la limite du regard, celle des brumes violettes où commence le rêve. Giono, que le MUCEM salue en cette année qui marque le demi-siècle de la disparition du romancier, a vu dans ce paysage celui de L’Odyssée, dont son premier texte abouti raconte la Naissance. Plus tard – autre rêve éveillé – Giono dira avoir été prisonnier dans la forteresse dont s’évade Edmond Dantès ; il n’était qu’au fort Saint-Nicolas, juste en face du MUCEM. Il était ainsi naturel, pour parler de Giono dans ce lieu où une exposition le célèbre, de prendre son œuvre par où lui-même l’a souvent entreprise : le paysage. Ce colloque investit le MUCEM pour faire entendre, en écho aux images, aux manuscrits, aux lettres, la voix de l’œuvre portée par ceux qui font profession de l’étudier, pour qu’elle continue à vivre dans les lectures qu’elle inspire. En cherchant à les faire partager à un large public, cette rencontre aimerait contribuer à inscrire encore davantage Giono dans le paysage de nos imaginaires.

Giono lecteur soulignait le peu de cas que font du paysage Machiavel et Stendhal, deux de ses auteurs favoris. Du premier, il écrit : « Nicolas ne nous renseigne guère sur le paysage qui l’entoure ». Si Stendhal note dans les marges des manuscrits de ses romans « Ici paysage, ici description », il ne le fait pas ; « mais moi, ajoute Giono, à ce moment-là, j’avais besoin d’une description, d’un arbre, d’une herbe, d’un bruit dans la nature… ». Le romancier est gourmand de paysages. Au cours de ses promenades, il se « gonfle de richesses étonnantes ». Il en a « vu de toutes sortes, tous extraordinaires, autant dans la grandeur que dans l’intimité » : montagnes du Dauphiné qui lui offrent des « paysages bouleversants de grandiose et magiques jusqu'à effrayer » ; plateaux désertiques, tragiques, où rien ne distrait l’homme de lui-même ; paysage italien qui « vous affirme que vous pouvez être heureux fort simplement ». Combien de personnages de Giono s’installent en « belle vue » d’un paysage qui leur apporte le bonheur et la paix, quand d’autres se sentent « devenir rien » dès que la neige, le brouillard ou un trop grand soleil ont « frotté la gomme sur tout » et effacé les si rassurants et divertissants « visages de ta terre ». Le paysage chez Giono est éprouvé sensuellement dans sa beauté, son harmonie, son mystère. Il met en branle l’imagination qui installe « le paysage inventé dans les espaces du paysage réel, sans le remplacer » et crée ainsi un paysage qui contient « deux fois plus de spectacles ». Juste à côté de l’exposition Giono du MUCEM, et avec elle, c’est un spectacle redoublé que propose ce colloque, dans les paysages de Giono, et parmi eux.