Par ce colloque international, l’université de Provence entend participer à la célébration du tricentenaire de la naissance de Jean-Jacques Rousseau en 2012. Cette rencontre sera également l’occasion de rendre hommage à Henri Coulet.
« Avant d’être un texte philosophique ou une confession transposée, La Nouvelle Héloïse est un roman, le plus beau roman français du XVIIIe siècle, qui a marqué de son influence toute l’évolution ultérieure du genre », écrit Henri Coulet dans Le Roman jusqu’à la Révolution.
Et de fait : la parution du roman de Rousseau en 1761 a constitué une révolution littéraire et idéologique. Contre le roman libertin, qui ridiculise la vertu, et contre les fadeurs de la pastorale rococo, qui la réduit en chimères, Rousseau entend réhabiliter la vertu, en la présentant sous un jour moins austère. Déçu par la société qui l’entoure, il imagine un monde peuplé d’êtres selon son cœur, qui exaltent les vertus, la morale et l’économie de la bourgeoisie et de l’aristocratie progressistes.
Mais le monde fictionnel de Julie, et le modèle imaginaire et symbolique qu’il institue, ne sauraient se réduire à la fantasmagorie solitaire d’un seul homme. Ce modèle vient synthétiser toute une pratique européenne du roman, développée notamment dans la sphère de Richardson, pratique que Rousseau réinterprète, s’approprie, et en quelque sorte retourne contre elle-même.
À son tour, le modèle lancé par la Julie ouvre la voie à de nombreux imitateurs, qui le reproduisent plus ou moins fidèlement, inventant un nouveau roman sentimental et sensible. Il se constitue alors, au prix d’un certain infléchissement de l’original, un modèle vertueux de La Nouvelle Héloïse, qui, tout en déployant un nouvel idéal social et féminin, met en œuvre une véritable machinerie de production sérielle de la fiction : le modèle moral est aussi un modèle économique.
Si La Nouvelle Héloïse a bénéficié de nombre d’études et d’exégèses, la façon dont il s’est constitué comme modèle, et la postérité de ce modèle n’ont pas toujours bénéficié de la même attention. Le colloque se propose donc de réfléchir sur l’exploitation idéologique, esthétique et poétique du modèle proposé par Rousseau.
Programme du colloque
Jeudi 5 mai, salle des Professeurs, université de Provence
Ouvertures
10h Accueil des participants par Jean-Raymond Fanlo, directeur de l’École doctorale « Lettres, Langues et Arts »
10h15 Geneviève Goubier, université de Provence, « Le modèle de Julie : de l’altération à la réinvention »
10h45 Nathalie Ferrand, CNRS, Maison française d’Oxford, « La genèse de Julie dans les brouillons de La Nouvelle Héloïse »
11h15 Jacques Berchtold, université de Paris-Sorbonne, président de la SFEDS, « “Le voile est déchiré.” Voile et dévoilement dans La Nouvelle Héloïse »
12h Déjeuner
Julie à l’époque révolutionnaire
14h Catriona Seth, université de Nancy, « A propos d’Adélaïde de Clarencé de François Vernes (1796) »
14h30 Huguette Krief, université de Provence, « Julie et ses variantes républicaines »
15h Jean-Noël Pascal, université de Toulouse-Le Mirail, « Le modèle de Julie dans la poésie du tournant du siècle »
15h45 Pause
Le modèle balzacien
16h Marion Mas, université Paris XII, « Fortune balzacienne de la Nouvelle Héloïse »
16h30 Brigitte Louichon, IUFM d’Aquitaine, « De La Nouvelle Héloïse au Lys dans la vallée »
17h30 Hommage à Henri Coulet
- Discours de M. Caverni, Président de L’Université de Provence
- Xavier Lafon, vice-président de l’Université de Provence, secteur LSH
- Jacques Berchtold, université de Paris-Sorbonne,président de la SFEDS
- Huguette Krief, secrétaire générale du CAER 18
Conférence de Michel Delon, université de Paris-Sorbonne, « Julie ou la dissémination »
Buffet.
Vendredi 6 mai, musée des Tapisseries
Modèle de passion, modèle de vertu
8h45 Veronika Altachina, université pédagogique de Saint Pétersbourg, « Cleveland et Julie : topoï communs de deux romans philosophiques »
9h15 Frédéric Marty, université de Toulouse-Le Mirail, « Julie au théâtre »
9h45 Pause
10h Ourida Mostefai, Boston College, MA (Etats-Unis), « Manon et Julie : de la passion sans ordre à l’ordre sans passion »
10h30 Lesley H. Walker, Indiana University, « Héritage des baisers âcres chez les écrivaines »
11h Pause
Le modèle richardsonien
11h15 Marilina Gianico, université de Bologne, « Clarisse au chevet de Lovelace : l’inversion d’un modèle richardsonien dans la scène de l’inoculation de l’amour »
11h45 Stéphane Lojkine, université de Provence, « Du bonheur de Pamela au bonheur de Julie : déréalisation, modélisation, fiction »
12h45 Déjeuner
Le modèle religieux
15h Alicia Montoya, université de Goningen, « Les lettres d’Héloïse comme modèle de Julie »
15h30 Nicolas Brucker, université Paul-Verlaine (Metz), « Julie dans la gloire des saints. Construction / déconstruction du modèle de la piété ordinaire »
16h Ghislain Waterlot, université de Genève, « Julie, l’invention d’une nouvelle attitude religieuse »
16h45 Pause
Figurer Julie
17h00 Jean-Christophe Sampieri, université Sorbonne Nouvelle, « Le portrait de Julie »
17h30 Benoît Tane, université de Toulouse-Le Mirail, « Julie ou le modèle défiguré. Le supplément de la mère coupable »
19h30 Dîner en ville
Samedi 7 mai, Musée des Tapisseries
Le modèle sadien
9h Bérengère Durand, ENS Lyon et université Paris-Sorbonne, « Clarens à Vertfeuille : un tombeau pour l’Élysée (Julie et Aline et Valcour) »
9h30 Benjamin Clauzel, université de Provence, « Scénario sadien contre modèle de Julie : la vertu à l’épreuve de la fiction dans Aline et Valcour »
10h Pause
Du modèle au sujet ?
10h15 Jean-Damien Mazaré, ENS et université de Provence, « Le pénitent et l’itinérant : modèles de subjectivation de La Nouvelle Héloïse au Paysan perverti »
10h45 Bérengère Baucher, université de Savoie, « Modèles de lecture et modèles de lecteur dans La Nouvelle Héloïse »
11h15 Martin Rueff, université de Genève, « Le modèle et le nom »
12h Clôture du colloque, Stéphane Lojkine
12h30 Buffet