3:30 pm, Friday, April 26
Lilly Library
Indiana University Bloomington
About the talk
En 1785, le chevalier de Mayer rassemble pour Le Cabinet des fées une collection de contes en 41 volumes. Le succès éditorial est immédiat et consacre la naissance d’une littérature industrielle et transnationale qui n’a plus rien à voir avec les rituels de sociabilité mondaine qui encadraient la nouvelle galante du siècle précédent. À l’élargissement du public correspond une transformation profonde des normes et des codes selon lesquels se développe cette nouvelle littérature de consommation.
Le corpus réuni dans Le Cabinet des fées s’est constitué tout au long du XVIIIe siècle : il fixe en quelque sorte le territoire du conte des Lumières, depuis Perrault, Mme d’Aulnoy et leurs épigones jusqu’aux Mille et une nuits, traduites de l’arabe par Galland (1704-1717) et à leurs avatars (Gueulette, Ridley…).
C’est, dans le texte comme dans les gravures, un corpus de réemploi, adapté, transformé pour de nouveaux usages. On constate en effet d’un côté un basculement vers l’enfance (une littérature pour les enfants se dessine à partir d’un matériau qui ne leur était pas destiné) et, dans le même temps, vers la terreur et le sublime (a priori peu compatibles avec la mièvrerie enfantine qui colonise le corpus). Ce qui fait tenir ensemble ces tendances contradictoires, c’est l’amplitude mondiale des univers fictionnels mobilisés : la merveille y ordonne un nouveau rapport, à la fois ludique et brutal, au politique. Car il ne s’agit pas seulement de voyages : métempsycose, songe, magie mettent en œuvre une pluralité de mondes par laquelle coexistent des normes contradictoires qui posent les premiers jalons de la mondialisation contemporaine.
Le système ainsi créé marque la fin du projet humaniste des Lumières (il n’y a plus d’homme universel), mais dans le même temps il construit sa postérité post-moderne (la prolifération et la bigarrure d’un sapere aude universel).
About the speaker
Stéphane Lojkine est professeur de littérature française à l’université d’Aix-Marseille, chercheur au CIELAM. Spécialiste de Diderot, il anime la base de données iconographique Utpictura18. Il a écrit La Scène de roman, A. Colin, 2002 ; Image et subversion, Jacqueline Chambon, 2005 ; L’Œil révolté : Diderot, Salons, Jacqueline Chambon, 2007. Il est à l’origine de l’exposition Le Goût de Diderot, Montpellier et Lausanne, 2013-2014 (catalogue Hazan).
Sponsors
The Mary-Margaret Barr Koon Fund of the Department of French & Italian, the College of Arts & Sciences, and the Office of the Vice President for International Affairs.