Tout progrès, toute nouvelle observation, toute pensée, toute création,
semble créer (avec une lumière) une zone d’ombre.
Toute science crée une nouvelle ignorance.
Tout conscient, un nouvel inconscient.
Tout apport nouveau crée un nouveau néant.
Lecteur, tu tiens donc ici, comme il arrive souvent, un livre que n’a pas
fait l’auteur, quoiqu’un monde y ait participé. Et qu’importe ?
Signes, symboles, élans, chutes, départs, rapports, discordances, tout y
est pour rebondir, pour chercher, pour plus loin, pour autre chose.
(Henri Michaux, « Postface » à Plume)
La première chose que m’ait dite mon directeur quand je lui ai annoncé mon inscription en thèse est : « souvenez-vous que personne ne vous attend » ; et ma directrice a toujours dit, quant à elle, qu’elle se refusait à toute forme de favoritisme ou de localisme. Les débouchés d’une thèse en littérature étant aussi limités que sélectifs, j’aurais pu ne pas avoir le courage de mener ce projet à terme – comme il arrive à 60% des thèses en sciences humaines.
Mais si l’histoire de ma thèse n’a pas toujours été heureuse, elle a été chanceuse. Après avoir eu l’opportunité d’étudier à l’École Normale Supérieure de Lyon, j’ai obtenu l’agrégation externe de lettres modernes et suis partie pendant un an à Prague pour y enseigner le français en tant que lectrice à l’Université Charles.
J’ai ensuite été inscrite en thèse pendant cinq ans et bénéficié d’un contrat doctoral associé à une charge de cours à Aix-en-Provence pendant les trois premières années. Étudiant l’art et la littérature d’Europe centrale, j’ai travaillé à Aix-Marseille Université sous la direction de Mme Fridrun Rinner, professeure de littérature comparée spécialiste de l’Europe centrale, en co-direction avec M. Xavier Galmiche, spécialiste de civilisation et de littérature tchèques à Paris IV Sorbonne.
La dispersion géographique que supposaient cette co-direction comme le thème de ma recherche s’est renforcée à l’issue de ces trois ans, quand je me suis retrouvée enseignante en lycée dans l’académie de Grenoble pour quelques mois, puis Attachée Temporaire d’Enseignement et de Recherche à l’université de Poitiers, où je suis restée deux ans et demi.
Ces charges de cours ont toujours été aussi chronophages qu’essentielles à la progression de ma réflexion sur ma discipline, la littérature comparée. De même, le relatif décentrement dont témoigne ce parcours s’est révélé un défi heureux, compte tenu des rencontres qu’il a permises.
Ainsi le prix de thèse que j’ai l’honneur de recevoir aujourd’hui couronne-t-il en quelque sorte un effort collectif autant que personnel, au même titre que le poste de Maître de conférences en littérature comparée pour lequel j’ai eu la chance d’être nommée en septembre dernier à l’École Normale Supérieure de Lyon.
C’est la raison pour laquelle je tiens à exprimer ma gratitude, non seulement à ma directrice, mais aux membres de l’équipe Transpositions et au CIELAM, ainsi qu’à toute l’équipe d’Aix-Marseille Université, sans qui tout cela n’aurait pas été possible, même s’il aura fallu un soutien et une collaboration bien plus vastes pour arriver « au bout de mes peines ».
Hélène Martinelli