Directeur de thèse : Stéphane Lojkine
Co-directrice : Dorothée Kimmich
2022/20023 : 1ère année de thèse
2023/2024 : 2ème année
Résumé du projet de thèse: En partant d’un de ses moments clef, la publication d’Humain trop humain (1878), ce travail cherche à savoir ce qui se joue au niveau de l’histoire de la littérature et de la philosophie de l’Europe dans la rencontre franco-allemande de Nietzsche et de Voltaire. Si avec cette œuvre Nietzsche réitère son projet de repenser l’histoire et ce avec une œuvre dédiée à Voltaire, dont la publication coïncide avec le passage à la forme aphoristique et à une expression plus brève, qui deviendra caractéristique de l’auteur allemand, il s’agira dans un premier temps d’interroger les visées de Nietzsche quand il y poétise Voltaire par la figure de « l’esprit libre » ainsi que l’histoire et l’histoire de la philosophie par une intrigue prométhéenne, qui fait valoir l’auteur d’Humain, trop humain comme nouveau titan de la pensée. Afin de mesurer l’influence que prend ce que Nietzsche appelle un « fantôme » de Voltaire sur le projet nietzschéen de repenser l’histoire au moment d’Humain, trop humain, nous comparerons cette œuvre charnière avec la Considération inactuelle II quant au style spirituel et à la distanciation ironique par rapport aux sources. En analysant le Dictionnaire (1764) et ses suites, l’Essai sur les mœurs (1755) ainsi que la Philosophie de l’histoire (1765) de Voltaire quant à l’esthétisation de l’histoire par son style spirituel et le modèle d’écriture théâtrale revendiqué par l’auteur français, nous exposerons les similitudes entre Nietzsche et Voltaire, qui permettront d’interroger la filiation avec Voltaire que Nietzsche revendique : il s’agira de différencier le modèle théâtral aristotélicien que Voltaire mobilise pour faire valoir son discours sur la tolérance du modèle présocratique privilégié par Nietzsche, puis de différencier l’esprit voltairien du Geist de Nietzsche, avant de pouvoir différencier les méthodes philosophico-historiques: la distanciation ironique y est une caractéristique commune aux deux auteurs. Conformément aux travaux de la professeure Dr. Kimmich sur la similitude il s’agira ensuite de penser l’architecture de ces différences et donc le rôle de la poétique dans les méthodes philosophico-historique de Nietzsche et de Voltaire, qui sert à la fois à exposer et à masquer l’absence de vérité historique et le potentiel catastrophique de l’histoire qu’elle génère. Quand il serait plus clair comment leurs dispositions esthétiques permettent à Nietzsche et à Voltaire de mettre les moyens poétiques mentionnés au service du déploiement de récits historiques, bien qu’ils reconnaissent l’impossibilité de récits historiques, nous devrions discuter leurs rapports respectifs à ce potentiel catastrophique. Conformément au vocabulaire nietzschéen ainsi qu’aux travaux du Professeur Lojkine sur Voltaire j’envisagerai ces rapports comme réglés par une logique de hantise, telle que celle que Derrida décrit dans Spectres de Marx (1993). Se posera alors la question si la rencontre de ces deux auteurs rend possible l’émergence d’une lecture spectrale de l’histoire en Europe.