- Barker
- Théâtre
- Bible
- Violence
- Judith et Holopherne
Résumé :
« Tout mon travail consiste à élargir le champ des possibilités. » Lutter contre les certitudes, tel est le but que Howard Barker assigne à son théâtre. Pour mieux déjouer les attentes du public, plusieurs de ses écrits pour la scène se fondent ainsi sur un matériau très connu, comme Blanche-Neige : comment le savoir vient aux jeunes filles, d'après le conte de Perrault ou Gertrude : le Cri, qui revisite Hamlet de Shakespeare. Il nous semble toutefois que c'est dans la pièce que le dramaturge anglais tire en 1990 du Livre de Judith, texte non seulement célèbre mais à la visée didactique évidente, que se donne à lire avec le plus d'éclat la mise à mal des repères à laquelle procède son écriture : une écriture qui, pour dresser le constat d'une humanité parcourue, jusqu'au point de rupture, de violentes tensions, n'en célèbre pas moins l'incessante fluctuation qui anime le vivant. La simplicité de la structure conférée à l'intrigue témoigne de la volonté de Barker de ne pas surcharger de détails une histoire que le public est censé maîtriser. Elle apparente cette oeuvre dramatique très brève au tableau d'une exécution, pour reprendre le titre de l'une de ses pièces inspirée par la figure d'Artemisia Gentileschi, célèbre peintre renaissante elle-même fascinée par le mythe de Judith. La condensation de l'intrigue hypotextuelle ne simplifie pas pour autant la donne, bien au contraire. L'absence d'ancrage géographique ou historique qui caractérise l'action attire inévitablement l'attention du spectateur sur les seuls personnages, pour le confronter à leur irréductible complexité : oscillant entre la vérité et le mensonge, le plaisir et le dégoût, la raison et la folie, l'humanité et le monstrueux, ils l'empêchent ainsi de trancher en faveur de l'un d'eux ou d'un sens à donner à leur confrontation.