- Koltès
- Shakespeare
- Théâtre
- Réécriture
- Hamlet
Résumé :
Alors qu’il s’est déjà inspiré d’Enfance de Gorki, du Cantique des Cantiques et de Crime et châtiment pour écrire ses trois premières pièces, Les Amertumes, La Marche et Procès ivre, Bernard-Marie Koltès revient en 1974 à la tendance scripturale qu’il avait abandonnée deux ans plus tôt en écrivant trois œuvres dépourvues d’hypotextes : L’Héritage, Récits morts et Des Voix sourdes. Le besoin qu’il rencontre à l’époque de régler les dettes contractées lors de ses précédentes mises en scène peut éclairer le fait qu’il ait choisi cette fois-ci une œuvre dramatique – où le meurtre et la famille occupent une place centrale comme dans la plupart de ses premières pièces –, dont il peut cette fois reprendre l’essentiel de la matière textuelle. Le Jour des meurtres dans l’histoire d’Hamlet se distingue par l’écart que Koltès instaure avec l’esthétique baroque de Shakespeare. Il semble que, guidé par les remarques de l’ancien directeur du TNS Hubert Gignoux, il ait été à la recherche d’un nouveau mode d’expression artistique, la pièce témoignant de ce moment de tâtonnement où, après avoir exploré dans Récits morts tout le potentiel de l’onirisme à la scène, le dramaturge se sent de plus en plus attiré par d’autres médias, cinéma ou roman. Par le traitement radical qu’il impose à la pièce de Shakespeare, Koltès n’entend cependant pas, comme Heiner Müller le fera quatre ans plus tard dans son Hamlet-machine, « essayer de détruire Hamlet ». L’étude de la simplification que subissent les paramètres de la pièce élisabéthaine, à laquelle nous nous livrerons en premier lieu, nous permettra de voir que Le Jour des meurtres… recourt à une tonalité plus sombre, moins onirique que l’hypotexte, selon un rythme alerte, pour faire de Hamlet, quelque quatorze ans avant Roberto Zucco, un meurtrier d’autant plus fascinant qu’il n’hésite pas à agir et qu’il parle un langage proche du nôtre.