- Azouz Begag
- Hanif Kureishi
- Fouad Laroui
Résumé :
Je me suis attachée dans cet article aux diverses stratégies de construction identitaire mises en scène par trois écrivains, qui incarnent chacun une position spécifique au sein des espaces nationaux européens : le Français Azouz Begag né à Lyon de parents algériens, le Britannique Hanif Kureishi, de mère anglaise et de père pakistanais, et le Marocain, Fouad Laroui, désormais naturalisé néerlandais, mais dont les œuvres romanesques sont, pour la plupart, écrites en français. Ces indications biographiques, loin de relever du pur Who’s Who, s’avèrent ici essentielles, puisqu’elles ont déterminé le corpus sur lequel j’ai travaillé. J’ai en effet sélectionné quatre textes, au sein desquels la figure du narrateur est un reflet plus ou moins déformé de celle de l’auteur. On connaît le personnage public d’Azouz Begag. Pour son premier opus d’inspiration autobiographique "Le Gone du Chaâba" (1986), suivi trois ans plus tard de "Béni ou le paradis privé", il crée des protagonistes qui lui ressemblent. "The Buddha of Suburbia" ("Le Bouddha de banlieue", 1990) est, quant à lui, le premier roman de Hanif Kureishi, l’un des plus réussis. Cet écrivain se plaît, lui aussi, à mettre en scène des personnages issus de l’immigration. Si Fouad Laroui dépeint plutôt, pour sa part, dans ses romans et ses nouvelles le Maroc contemporain, avec "De quel amour blessé" (1998), il choisit un autre cadre : un Belleville multiculturel qu’il traite non pas de façon réaliste, mais plutôt comme un décor de théâtre peuplé de figures cocasses. Dans ces quatre textes, les jeunes protagonistes, du fait de leurs origines maghrébines ou indopakistanaises, sont tous affublés sur la scène européenne, de ce qu’il faut bien appeler un « marquage de type “racial” » et culturel. Ce marquage tient tant à leur apparence physique qu’à leur nom, un nom qui exhibe une différence et stigmatise . Loin d’être secondaires, ces caractéristiques qu’ils partagent avec leur créateur, jouent — on le devine — un rôle essentiel. Elles indiquent le principal enjeu de ces textes pour leur auteur : donner corps à un personnage-narrateur, plus ou moins présenté comme un double de lui-même, avec une ascendance liée à une histoire migratoire — et du même coup une assise nationale — quasi identiques à la sienne. A travers ce personnage, l’écrivain dispose d’une scène virtuelle pour manipuler les préjugés dont lui-même est victime et en jouer.