- Littérature Enseignement
Résumé :
Réponse à une enquête L'appel à contribution qui m'a été adressé par Ursula Bähler et Thomas Klinkert comportait cinq volées de questions. J'ai pris le parti le plus simple, qui était de répondre successivement à chacune. J'ai seulement un peu modifié l'ordre dans lequel elles m'avaient été communiquées, pour en choisir un autre qui me convenait davantage. 1 • Comment analysez-vous la situation actuelle dans le domaine des lettres dans votre université ? Quels sont d'après vous les effets du système de Bologne sur l'enseignement de la littérature (française) ? J'enseigne depuis une quinzaine d'années à l'université d'Aix-Marseille. Le département de lettres d'Aix-Marseille est (était) traditionnellement un gros département. Étant pourvu d'effectifs nombreux (beaucoup d'étudiants, beaucoup d'enseignants) il était puissant. Il avait un certain prestige : un gros département dans une grosse université, ancienne par-dessus le marché, ce qui est symboliquement rémunérateur. Le directeur de l'UFR est longtemps sorti de ses rangs. Les départements voisins moins fournis (lettres classiques) ou plus récents (arts, communication...) se plaignaient de sa domination. Les choses sont changées. Les effectifs ont beaucoup baissé quand ils montaient ailleurs (en arts, par exemple), les rapports de force se sont transformés, et pas à l'avantage des lettres, même s'il faut nuancer : le département est bien représenté dans les conseils; l'école doctorale « Langues, lettres, arts » dont je suis l'actuel directeur, a toujours eu un littéraire à sa tête. Et c'est un littéraire qui a dirigé durant les deux dernières années le Collège réunissant les 12 école doctorale de l'université unifiée. Car, et c'est une donnée majeure, il n'y a plus qu'une seule et très grosse (plus de 70.000 étudiants) université à Aix et Marseille : Aix-Marseille Université (pour faire vite, AMU). La fusion, en 2011, a soulevé de grandes craintes dans l'ensemble du secteurs sciences humaines, comme il était prévisible. La fusion at -elle nui aux littéraires ? Les grosses universités unifiées sont-elles nécessairement défavorables aux sciences humaines ? Que des disciplines fragilisées le craignent, il n'y a rien là que de normal. Cette crainte est-elle fondée ? Bien sûr l'argent de la recherche ne va pas en priorité aux LSH (mais elles n'ont pas les mêmes besoins d'équipement que les sciences dures) ; les contrats doctoraux en LSH sont rares. J'ajoute que lorsque, au sein de l'université unique, on côtoie (et que, d'une certaine manière, on se trouve en concurrence avec) de grosses équipes de physique ou de biologie qui travaillent avec des machineries internationales comme le CERN, ou avec telle équipe américaine ou japonaise dirigée par un prix Nobel, la compétition est rude. Cependant, un collègue américain qui en avait fait l'expérience me faisait observer que les scientifiques qui dirigent, bien sûr, ces grosses universités unifiées ne tiennent pas à passer pour des barbares, que du reste ils ne sont pas (le prestige et le goût des arts-de la peinture, de la musique, parfois de la littérature-sont grands auprès de beaucoup de nos collègues scientifiques, aussi éloignés que possible du cliché du scientiste borné). Pour ce qui concerne l'université d'Aix-Marseille, je ne vois pas que depuis la fusion, la situation de notre secteur se soit détériorée de ce fait. La direction sortante vient du reste d'être reconduite à la tête de l'université avec, dans le secteur LSH, des résultats meilleurs qu'en 2011. Ce qui se produit par ailleurs, ou plutôt ce qui s'accélère, de manière tout à fait sensible, à la faveur de cette fusion, c'est une série de décloisonnements. Il existait voici encore une dizaine d'années quatre centres de recherche en lettres : médiévistes, spécialistes des « siècles classiques »,