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Auteurs & Autrices :
  • Charbonnier Gil

Résumé :

En France, au début du XX e siècle, après la période symboliste, les représentations de l'intériorité se modifient. Des poètes comme Léon-Paul Fargue, Saint-John Perse, des romanciers et nouvellistes comme Marcel Arland, participent de cette transformation en confiant à leurs oeuvres le soin d'exprimer la nécessité intérieure d'écrire. En conséquence, pour Arland, la littérature vaudra en proportion de ce que l'écrivain « laisse fatalement transparaître dans son oeuvre de son propre tourment ; du tourment qui le conduit à recréer le monde ». 1 Valery Larbaud, poète, romancier, nouvelliste et écrivain du voyage, demandera également au poète, dans une étude sur Léon-Paul Fargue, d'être « tout entier tourné vers la vie intérieure » car « c'est là le domaine de ses conquêtes et de ses découvertes ». 2 Mais pour lui, le monde, la « Nature » s'incarneront en un paysage reflété « dans un miroir situé au plus profond de la conscience ». Le paysage sera donc l'un des principaux vecteurs de ce courant recréateur du monde et c'est à ce titre qu'il permettra de renouveler la tradition lyrique. Sa préface pour une traduction russe d'Anabase de Saint-John Perse, qui analyse les contours d'une « poétique planétaire » 3 , le dit clairement : Mais quel chemin parcouru, quel renouvellement et quel approfondissement lyrique depuis les descriptions de Chateaubriand ! Celles de Saint-J. Perse sont à la fois plus exactes et précises, et plus chargées de sens et de méditation. Ces paysages lui sont intérieurs ; il les voit dans un miroir situé au plus profond de la conscience. 4 Ce qui apparaît, aussi bien dans l'article sur Fargue que dans la préface d'Anabase, c'est que Larbaud se sert du paysage pour penser à la fois l'intériorité et l'origine de la création, à tel point que l'idée de paysage est souvent associée chez lui à celle de genèse. Au sein de sa propre « poétique planétaire » cette démarche reste le principal enjeu. C'est aussi la principale source de créativité dans la mesure où ses paysages s'enrichissent de nouvelles valeurs d'espace, de temps et de durée jusqu'à former ce que Thibaudet nomme le « paysage de la valise », 5 variante pittoresque de la « poétique planétaire ». À travers l'analyse de ces expressions d'époque et des notions qu'elles contiennent, il importera surtout de montrer comment la créativité moderniste du paysage larbaldien tente « une réconciliation entre le lyrisme et le visuel ». Dans un article sur Morand, qui réfléchit au rôle de la photographie, Anne Reverseau a bien défini cette problématique : l'invention de Morand « exprime le rêve moderniste d'une réconciliation entre le lyrisme et le visuel ». 6 Il me semble que ce rêve, rapporté au paysage, est aussi celui de Larbaud.

Type de document : Journal articles