Résumé :
« Perceval vient encore à son tour ». Errances du Perceval à l'époque moderne (1579-1698) Sébastien Douchet Aix Marseille Université CIELAM EA 4235-CUERMA Identifier une réception de « Perceval » au XVII e siècle relève assurément de la gageure. Les études critiques font toutes le constat de la disparition du roman de Chrétien à l'âge classique. Les romans de chevalerie n'auraient pas disparu des cabinets de lecture, mais seules les versions plus modernes que sont les Amadis et les Don Quichotte auraient été en faveur. En 2011, Francis Gingras écrivait que Perceval « tombe dans l'oubli » après 1530 (date de parution à Paris chez Galliot du Pré de la Très plaisante et très récréative hystoire du très preulx et vaillant chevalier Perceval le Galloys, jadis chevalier de la Table ronde-adaptation en prose et seule édition imprimée du roman de Chrétien avant le XIX e siècle 1) et n'est « réinventé » qu'en 1775 puis en 1783 avec les deux récritures publiées dans la Bibliothèque universelle des romans. De fait, on ne garde trace d'aucune publication de ce roman dans cet intervalle, pas même dans la pourtant très populaire bibliothèque bleue. Nettement circonscrite dans le temps, cette absence de 245 ans fait l'objet du même constat chez Douglas Kelly qui écrit : Chrétien's romance disappeared from view in the late Middle Ages, to be rediscovered in the eighteenth century. Scholarly reception has today restored Chrétien's writings to the prominence they once had 2. Néanmoins, en 1665, Jean de La Fontaine faisait paraître, dans son second recueil de contes, une ballade-la tradition médiévale affleurant dans le choix de cette forme poétique-sur « La lecture des romans et des livres d'amour ». Alizon, une vieille dévote, s'y plaint qu'on ne lise plus la Légende dorée et vient à souhaiter que l'Astrée « fût brûlée » avec les oeuvres de la même espèce que la jeune génération s'arrache. Les auteurs de fictions et leurs mensonges romanesques, ajoute-t-elle, détournent du chemin de l'église. La jeune Cloris lui oppose, avec une sincère insolence, qu'à son âge avancé, il est bien normal que la vieillissante Alizon ne s'intéresse plus à l'amour : Oui pour vous, dit Cloris, qui passez cinquante ans : Moi, qui n'en ai que vingt, je prétends que L'Astrée Fasse en mon cabinet encor quelque séjour. Las ! L'imprudente et tartuffe Alizon-dont le nom trahit un inavouable penchant pour la lecture : « Ah ! Lisons ! »-a négligé de dissimuler un billet qui tombe opportunément dans les mains du conteur : Alizon y confesse aimer lire l'Arioste et même entrer « en tentation / Lorsque l'ermite trouve Angélique endormie ». La passion d'Alizon pour l'église et les prêtres éclaire ici, avec une ironie plaisante, le goût de son temps pour les romans d'amour. La ballade souligne à quel point, malgré les intenses débats du temps sur la moralité et l'utilité du genre, 1 Francis Gingras, « Lumières sur le Moyen Âge : les 'Perceval' concurrents de la Bibliothèque universelle des romans », Revue des Langues Romanes,