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Auteurs & Autrices :
  • July Joël
Mots-clés :
  • Chanson
  • Stylistique
  • Romance
  • Romantique
  • Charles Trenet
  • Maurice Chevalier
  • Tino Rossi
  • Marguerite Duras
  • Albert Camus

Résumé :

Joël July, décelant chez « Trenet, une tendance à détraquer la romance », replaçant l’oeuvre dans son contexte, constate que Trenet s’inscrit bien dans la « veine palpitante de la romance » (p.209), attribut du chanteur de charme comme Maurice Chevalier ou Tino Rossi. Cependant, après avoir rappelé les différentes acceptions du terme et les caractéristiques de ce type de chanson, « bluette sentimentale » (p.210) « d’inspiration populaire et naïve » (p.209) destinée à un public féminin, l’auteur se propose d’examiner en quoi Charles Trenet prend ses distances envers cette dernière, voire la tourne en dérision. En cela le chanteur fait preuve une nouvelle fois de modernité, ou pour le moins d’avant-garde, puisqu’il annonce les années 50 où le terme de romance devient clairement péjoratif. Par une analyse des textes de La Romance de Paris et de Fleur Bleue, l’auteur montre tout d’abord que ces romances ne sont pas forcément à prendre au premier degré. Ainsi de nombreux éléments de La Romance de Paris vont dans le sens d’une « distanciation » (p.213) par rapport aux clichés d’usage : entre autres les rimes très (trop?) conventionnelles, l’« idéalisation naïve » (p.214) qui accumule les stéréotypes, les interventions du narrateur hétérodiégétique qui toutes suggèrent le caractère illusoire de l’histoire racontée… Il en va de même dans Fleur Bleue : le « flottement » (p.215) énonciatif, l’énumération de clichés contribuent à déprécier l’expression « fleur bleue ». En outre le lyrisme et le pathétique attendus sont respectivement mis à mal l’un par l’irruption de la farce avec le « dragon à moustache » et l’« assez grosse dame / pas fleur bleue », l’autre par la réaction finale de l’amant délaissé qui se console rapidement en pensant à ses nouvelles conquêtes à venir. Le dernier exemple étudié est Tout me sourit : là aussi le narrateur en fait trop, ce qui, ajouté à la musique « très enlevée » (p.218) et à l’allusion grivoise finale apparentent la chanson plus à une «fanfaronnade » (p.218) qu’à une romance. Ensuite l’auteur élargit sa réflexion à des procédés plus généraux. Le premier, narratif, consiste à envisager l’évolution la relation amoureuse dans le temps et à présenter une fin dysphorique : c’est le cas dans Pigeon vole, J’ai connu de vous ou Bateau d’amour. Charles Trenet joue aussi très tôt de son âge et présente dans nombre de ses textes la nostalgie d’une romance qui appartient à une époque révolue. Le chanteur dénature aussi la romance en la transformant « soit en un rêve un peu déjanté, soit à une simple montée de sève » (p.220) : il ne s’agit point ici d’amour, mais d’une montée du désir sans rapport avec l’objet désiré. Selon Joël July, la stratégie la plus manifeste consiste à jouer sur les registres et à décrédibiliser le lyrisme en y introduisant des éléments « comiques ou burlesques » (p.221), procédés déjà relevés par Boris Vian. Ainsi le seul refuge pour Charles Trenet demeure la nostalgie, mais une nostalgie heureuse, en accord avec l’utilisation des rythmes entraînants du jazz. L’article se termine par l’examen des raisons possibles de ce « détraquement insidieux » (p.223) : plusieurs sont envisageables, mais l’auteur retient surtout le caractère novateur de Charles Trenet qui initie là un mouvement dont nombre d’artistes se réclameront par la suite et l’ homosexualité du chanteur qui lui interdit de vivre « le grand amour » (p.224).

Type de document : Book section