- Michel Houellebecq
- Stylistique
- Soumission
- Ironie
- Littérature française XXe
Résumé :
Les romans de Houellebecq rencontrent un vif succès populaire ; leur auteur s'impose sur la scène littéraire contemporaine comme l'écrivain controversé par excellence. On peut expliquer cela simplement : Houellebecq est un romancier qui parle de politique. Oui, sans aucun doute. Mais la question reste entière : comment en parle-t-il ? Notre proposition est la suivante : chez Houellebecq la passion politique se porte sur les idées ; pour s'en tenir à Soumission, le narrateur énonce une thèse qu'on peut résumer ainsi : l'islamisme modéré réussit là où le libéralisme et la social-démocratie, d'inspiration européenne, échouent : cet islamisme modéré parvient en effet à rétablir une société patriarcale, qui correspondrait aux aspirations d'une majorité silencieuse déboussolée par l'ultra-modernité résultant de l'esprit de mai 68. Le héros-narrateur est à la fois le témoin et le bénéficiaire tardif de cette victoire politique de l'islamisme modéré en France. C'est à ce premier niveau de lecture qu'on s'en tient généralement ; on discute pour savoir si cette variante de la thèse dite du grand remplacement est bien ou mal fondée. Mais il existe un second niveau de lecture. Soumission met en scène un anti-héros penseur, un intellectuel dont l'objet de prédilection semble être la politique ; or c'est une fausse fenêtre ; sa seule vraie passion, c'est la littérature. C'est pourquoi dans Soumission, le discours romanesque déconstruit la thèse politique. Tel est le paradoxe qui nous sert d'hypothèse : Soumission est un roman politique antipolitique au sens où la politique est précisément ce dont on doit se moquer quand on est intelligent.