- Forêt
- Marie Darrieussecq
- Notre vie dans les forêts
- Écopoétique
- Écocritique
- Dystopie
- Fiction panier
Résumé :
Eduardo Kohn exposait, en 2013, comment pensent les forêts, montrant que dans un monde « animé » où « toute vie est sémiotique et toute sémiose est vivante (…) "nous" ne sommes pas le seul genre de nous ». Cette Vie dans les forêts est justement au centre du roman de Marie Darrieussecq (2017), récit dans lequel décentrement et révolution mentale passent par le retrait, dans les forêts, d’une communauté́ résistante, d’un « nous » d’ailleurs présent dès le titre du livre, englobant en quelque sorte les lecteurs, voire l’humanité́ tout entière dans une autre forme d’existence ou de subsistance. Là, Viviane, fée d’une forêt anonyme, écrit, au crayon, ce qu’elle comprend ou pense avoir en partie compris d’une situation de crise. Elle prend des notes, dans une forme d’urgence, il s’agit pour elle, pour citer Buell, d’écrire pour un monde en voie de disparition (« writing for an endangered world »). Quelque chose a sombré, il faut lutter et résister, ce qu’énonce ce texte, sans pathos ou idéologie, nous invitant seulement à nous situer, à envisager notre vie dans les forêts (métaphore et métonyme de notre présent ou de notre avenir), puisque « les forêts représentent un monde inversé, l’ombre ironique même », constat de Robert Harrison (Forêt. Essai sur l’imaginaire occidental) auquel Marie Darrieussecq fait écho avec ses forêts « envers du monde ». Loin d’être un cadre, la forêt est ici le lieu d’un rassemblement de ce qui doit demeurer d’une civilisation en péril, une « fiction-panier » (Ursula K. Le Guin) : la dystopie s’offre comme une ample réécriture, de Samuel Beckett à Margaret Atwood, une potentielle bibliothèque du futur.