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Auteurs & Autrices :
  • Bernard Florence
Mots-clés :
  • Théâtre
  • Vingtième siècle
  • Bernstein
  • Judith
  • Giraudoux
  • Réécriture

Résumé :

L’histoire de Judith et Holopherne fait partie des épisodes de l’Ancien Testament les plus souvent portés à la scène. La liste dressée à la fin des années 1920 à la demande de Jean Giraudoux dénombre seize adaptations théâtrales du texte biblique, en majorité françaises, dont un Mystère de Judith et Holofernès datant du quinzième siècle et attribué à Jean Molinet. Mais il serait aisé de rallonger cette liste, tant le thème a séduit les dramaturges par-delà les siècles et les frontières, de l’Allemagne – où ont été écrits notamment le drame sacré de Hans Sachs Judith et le Jugement Dernier (1551) et Judith de Friedrich Hebbel (1839) – à l’Italie, qui avec la pièce de Federigo della Valle donne en 1627 l’une des versions les plus appréciées du mythe. Nous avons résolu de nous pencher sur une adaptation moderne, délivrée en 1922 par Henry Bernstein, auteur méconnu du grand public actuel et mal aimé de la critique contemporaine. Au cours de cette étude, nous nous référerons également souvent à la pièce de Jean Giraudoux, elle-même intitulée Judith, qui, bien que postérieure à l’œuvre qui nous intéresse, puisque datée de 1931, ne peut que l’éclairer, en lui servant de contrepoint. Ce renouveau du thème de Judith et Holopherne dans la première moitié du vingtième siècle s’inscrit dans le contexte de l’époque, propice au retour des influences mythiques dans les œuvres tant poétiques et romanesques que théâtrales. Un second facteur justifie cet intérêt ; Giraudoux, notamment, déclare que s’exerce dans ce type de drame biblique : « une fatalité plus impitoyable que la fatalité antique, un Jéovah qui, en plus de la cruauté native de Zeus, a sur les hommes des destins précis, des êtres qui, outre leur fatalité particulière, portaient encore une fatalité générale. » Mais c’est un phénomène culturel précis, toujours vivace dans la mémoire des dramaturges du XXe siècle, qui explique sans doute le mieux la survivance de cet épisode : l’avènement du motif de la femme fatale, qui remet au goût du jour les figures de Judith et de ses sœurs de sang, Salomé et Dalila, tant en littérature qu’en peinture ou encore en sculpture. Que Giraudoux retravaille ce mythe n’est guère étonnant, lui qui dans la même période fait jouer Electre, La Guerre de Troie n’aura pas lieu ou encore Amphitryon 38. En s’emparant de l’histoire de cette héroïne juive, Henry Bernstein se détache en revanche de ses œuvres précédentes, aux sujets invariablement contemporains, pour fonder son écriture sur une plus grande étude psychologique. Si, dans un premier temps, il apparaît nécessaire à ces deux hommes de théâtre de réduire les paramètres structurels de l’hypotexte, il leur incombe également de s’approprier l’œuvre qu’ils transposent à la scène. Ce travail de réécriture, qui s’inscrit, comme nous le démontrerons, dans un vaste processus de désacralisation du mythe biblique, repose ici sur la dénonciation de l’aliénation dont est victime le personnage éponyme.

Type de document : Book section