« Combat de nègre et de chiens : quand la garde fait sécession »

Résumé :

De la fin du mois de janvier aux premiers jours du mois de mars 1978, Bernard-Marie Koltès séjourne chez des amis installés dans une concession Dumez près d'Ahoada, dans le sud-est du Nigeria. Après l'expérience difficile qu'a constituée pour lui l'écriture de Salinger, pièce que lui avait commandée le metteur en scène Bruno Boëglin, ce voyage promet à l'auteur de « mener une petite enquête sur les multinationales et le reste » mais aussi de découvrir l'Afrique, dont il n'a alors foulé le sol qu'une seule fois, en 1964, en se rendant au Maroc avec ses parents et ses frères. Le cadre de la concession et du chantier qui le jouxte impriment de leurs marques son imaginaire. Entouré de barbelés et de miradors, ce lieu, dont le décor de Combat de nègre et de chiens reproduit les principales caractéristiques, est surveillé par des vigiles dont la présence impressionne durablement Koltès. S'ils ne figurent pas dans la dramatis personae, dont l'énoncé se borne à désigner Horn, Cal, Alboury et Léone comme les protagonistes de la pièce, ils sont pourtant présentés comme l'élément qui a motivé son impulsion créatrice, ainsi qu'il l'affirme dans un entretien publié au début de l'année 1983 : « C'est ça qui m'avait décidé à écrire cette pièce, le cri des gardes. Par leur statut même, ces personnages mettent l'accent sur un phénomène qui s'observe dans l'ensemble de l'oeuvre de Koltès : la porosité qu'y revêt le lieu, dont les frontières ne sont posées que pour être remises en cause, de la maison où prennent place L'Héritage et Le Retour au désert à la prison et à l'appartement de la Gamine dans Roberto Zucco, en passant par le hangar où se sont réfugiés Charles et les siens dans Quai ouest. Si cette problématique a fait l'objet de nombreuses études, notamment à l'occasion des premières rencontres organisées en l'honneur de Koltès à Metz, sa ville natale, en 1999, aucune analyse n'a jusqu'ici été consacrée aux gardes de Combat de nègre et de chiens.