Résumé :
Dans la relation manuscrite du long séjour italien du libertin J.-J. Bouchard (1631-1641), partagé entre Rome et une incursion à Naples, le récit romain est finalement réduit à quelques pages, qui décrivent le carnaval de l’année 1632. Pourquoi la matière romaine se limite-t-elle au récit de ces festivités ? Si la description des divertissements d’un peuple est un attendu ethnographique de la relation de voyage, la focalisation de la relation romaine sur un seul épisode interroge. À un premier niveau, Bouchard paraît fasciné par le caractère transgressif du carnaval, pendant lequel le peuple renverse tous les ordres. À un second niveau, c’est toutefois plus aux coulisses qu’il semble s’intéresser, alors qu’il observe les institutions – religieuses et politiques – qui en sous-main organisent l’apparent renversement utopique carnavalesque, moins subversif que permettant le renforcement des autorités. À un dernier niveau, ce sera finalement à la relation, fondamentalement ironique, d’opérer un renversement salvateur, en épinglant les vices des religieux, venus aux fêtes pour admirer les jeunes hommes, et en célébrant les vertus de l’arte sottile. Ce faisant, évacue tous les lieux communs du discours pèlerin sur Rome.