Résumé :
Le juste milieu d’Horace consone suffisamment avec celui d’Aristote pour que le poète de Vénouse trouve naturellement sa place, aux côtés du Stagirite, dans la formation morale des hommes de la Renaissance. On songe bien entendu à l’aurea mediocritas de l’ode à Licinius , ou encore à la définition de l’épître à Lollius: « Virtus est medium vitiorum et utrimque reductum ». Mais c’est surtout pour deux vers célèbres des Satires: « Est modus in rebus, sunt certi denique fines » (1, 1, 105) et « Dum vitant stulti vitia, in contraria currunt » (1, 2, 24) qu’Horace est cité dans les commentaires de l’Éthique à Nicomaque, qui constituent l’aboutissement académique de cette formation, ou dans les textes comparables s’adressant à de plus petites classes. Il s’agira moins ici d’étudier la postérité de ces formules que de réfléchir à la présence du poète, considéré comme poète de la mesure, dans la littérature pédagogique de la Renaissance. Quelle est l’utilité et la signification de cette présence dans le système qu’elle a pour but de promouvoir? Mon hypothèse est que l’éthique aristotélicienne, telle qu’on l’expose dans les écoles et dans les universités, a besoin de la mesure horatienne pour perdurer: elle trouve en elle un appui qui lui est indispensable. Or, j’aimerais montrer qu’il en résulte une moralisation d’Horace, un aplanissement de ses irrégularités, dont se ressentent, par ricochet, certains des commentaires que sa propre œuvre poétique reçoit au 16e siècle.