Ce livre rassemble, écrites entre 1957 et 1996 et classées chronologiquement, près de 160 chansons. 120 environ ont été écrites par Barbara, d’autres ont été écrites pour elle, souvent avec sa collaboration, et appartiennent à son répertoire.
Outre les chansons, le livre rassemble quelques textes rares, figurant pour certains dans des programmes, un texte sur Gérard Depardieu, des brouillons annotés de sa main et reproduits en fac-simile, des photos rares ou inédites.
Le livre est complété d’une brève chronologie et d’une discographie CD complète.
Une édition entièrement mise à jour du livre paru en 2000 sous le titre Ma plus belle histoire d’amour : nouveau format, chansons reproduites sur deux colonnes pour faciliter la lecture, versions rares de certaines chansons, articles nouveaux sur l’art de Barbara.
Extrait :
C'est drôle de lire une anthologie des chansons de Barbara; drôle de regarder les textes de celle qui se proclamait dès 1964 «femme qui chante» sans entendre la voix qui les accompagne, qui les porte. Est-ce pour autant une hérésie ? Non, c'est drôle, tout simplement. Et cette bizarrerie devient, une fois consentie, un privilège extraordinaire, pour elle et pour nous.
D'abord parce que tout le monde n'aime pas écouter Barbara : avant 1964, qu'elle imite la gouaille parisienne ou qu'elle «grandiloquente» en râpant les gutturales, Barbara adopte un phrasé qui peut déplaire et pas seulement à la jeune génération. Après 1972, il y a un chuintement dans le grain de voix sur les consonnes sifflantes. Après 1981, une raucité, séquelle des crises d'asthme, ne fera, bon an mal an, que s'accentuer jusqu'au dernier récital de Tours en 1994. Et que ceux qui ne voudraient pas entendre Barbara puissent la lire, c'est une aubaine. Beaucoup d'écrivains terniraient leur réputation si nous devions les découvrir à travers leur seule récitation.
Ensuite parce que, en changeant de support, les mots changent de valeur, ils jouent imprévisiblement entre eux sans la musique qui les aspire et les teinte, sans la voix qui les accapare et les soude (le contraire est d'ailleurs tout aussi vrai, et les phrases d'un texte théâtral qu'on se contente de lire trouveraient un écho différent lors de la représentation à laquelle on assiste : ce qui compte, c'est donc le passage d'un statut de lecteur à celui d'auditeur ou inversement, et l'attention particulière que ce passage nécessite). Et que ceux qui ont tant de fois écouté et usé les paroles de Barbara puissent les redécouvrir, c'est une seconde chance.
Enfin parce que, si le papier les glace, ces mots prennent une nouvelle dimension, aux allures de revendication poétique. Notre regard de lecteur pourra les isoler, les ralentir, les épingler avec tout le poids dont les a lestés l'auteur. «Je veux ce mot-là, c'est ça et pas autre chose que je veux dire», déclare-t-elle en 1970. Nous pourrions l'illustrer avec un détail infime de la chanson Vienne au texte si raffiné, qui grâce à des inversions élégantes coule des phrases amples et des rimes difficiles dans des dixains très réguliers. Un soin particulier est accordé aux e muets afin qu'ils respectent leur valeur classique en poésie et se prononcent devant une consonne, ce qui relève d'un style étonnamment soutenu : ne s'agit-il pas d'ailleurs d'une correspondance entre amants distingués ? Le nom propre Vienne y rimera avec le verbe venir ou comprendrez la deuxième personne du présent du subjonctif, avec le verbe se promener, avec les adjectifs lointaine, autrichienne, les substantifs persienne, semaine, chaîne, le pronom mienne. Pourtant, au milieu de cet art consommé, le troisième couplet laisse passer une bizarrerie :
C'est beau, à travers les persiennes,
Je vois l'église Saint-Étienne
Et quand le soir se pose
C'est bleu, c'est gris, c'est mauve
Et la nuit par-dessus les toits