Page de l’éditeur concernant ce livre
L’interprétation n’aurait-elle pas besoin des émotions ? Ce livre répond à cette question par une série d’études sur l’articulation entre l’expérience esthétique et l’activité herméneutique dans des œuvres des XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles. Si le corps et l’interprétation ont longtemps été placés dans un rapport d’exclusion, une partie de la pensée philosophique et critique a récemment proposé de repenser une continuité entre la réception sensible et l’élaboration du sens. La période qui s’étend de la Renaissance aux Lumières nous aide à le faire, parce qu’avant l’autonomisation de la sphère esthétique, une œuvre ou une pratique esthétique ne sont jamais pensées hors de leurs effets sur leurs destinataires. Les études réunies dans ce volume invitent à repenser en profondeur l’expérience esthétique, qui se reformule plus exactement en relation esthétique : l’objet à interpréter n’est pas tant l’œuvre que la réaction, l’affection, du corps face à l’œuvre, ou la relation que le lecteur/spectateur établit avec l’œuvre. C’est en fonction de cette interprétation seconde que l’on pourra décider du sens – ou de l’un des sens possibles – de l’œuvre. On voit ainsi apparaître des manières différentes d’engager l’expérience sensible dans l’interprétation, ce qui nous importe à la fois comme pédagogues, dans nos pratiques de transmissions, comme chercheurs, pour comprendre comment opère l’élaboration du sens, mais aussi comme spectateurs, dans l’appréhension des œuvres d’art qui nous entourent.
Avant-propos
Clotilde Thouret & Lise Wajeman: Pour une interprétation vraiment esthétique
Le corps interprète
François Lecercle: Image, corps et interprétation. A propos de deux anecdotes du Trattato sulla Pittura e la Scultura (1652) de G. D. Ottonelli et de P. da Cortona Marianne Closson: L’écritoire surnaturel, ou le corps du démoniaque Hélène Merlin-Kajman: Corps, émotion, lecture. Le « classicisme » pourrait ne pas être l’antithèse de la « modernité » Guiomar Hautcœur: De l’immersion médiatisée à l’immersion immédiate. La réécriture de l’épisode du Beau Ténébreux par Cervantès et Laclos
Le corps contre l’interprétation
Anne Teulade: Interprétation et fantasmes mélancoliques. Le corps imaginé chez Tomaso Garzoni et Jourdain Guibelet Jean-Vincent Blanchard: La Description des grandes cascades de la maison royale de Saint-Cloud. Architectures monumentales, phenomenology et rhétorique Mathieu Brunet: Quand le corps dit la liberté. Réflexions sur Marivaux et Rousseau
Faire corps: efficacité de l’œuvre et constitution d’un public
Guillaume Peureux: « L’on f… en ce livre partout » (Parnasse des poètes satyriques, 1622). Expériences érotiques et expériences de lecture dans les recueils de poésie satyrique Sylvaine Guyot: Troubles dans la réception. Pour une relecture des regards raciniens Sarah Nancy: Corps du chanteur et corps de l’auditeur en France au XVIIe siècle. « Car où l’esprit a si peu affaire, c’est une nécessité que les sens viennent à languir ». Sophie Marchand: Corps du public et « électricité du théâtre » : Pensées du parterre
Forme & difforme
Elisa de Halleux: De la métamorphose corporelle à la métamorphose amoureuse. Le corps androgyne, l’amour et le cosmos dans un tableau de Tintoret Paola Pacifici & Bérengère Voisin: Le corps et l’œuvre dans les portraits de nains de cour (XVIe et XVIIe siècles) Bruna Filippi: Le corps blason, ou l’émergence des secrets de l’âme Ralph Dekoninck: « Ce qui n’a point forme d’homme n’est pas image ». Le corps de l’image, de la devise à l’allégorie
Catharsis comique
Diane Robin: Le plaisir de la laideur. Catharsis comique et interprétation dans les traités français et italiens sur le rire au XVIe siècle Hugh Roberts: Catharsis comique et réception érotique chez Bruscambille Delphine Lesbros: Du désir au plaisir ? Quand la stimulation érotique incite à toucher une peinture au XVIe siècle Marion Lafouge: Mersenne et le plaisir paradoxal des chansons tristes