Le rapport de Diderot au temps est profondément original : à bien des égards il déconcerte une approche classique de son œuvre ; à bien d’autres, il nous fait entrer d’emblée dans la profonde modernité de sa pensée et de ses pratiques d’écriture.
C’est d’abord parce que le temps diderotien n’est ni seulement, ni même proprement narratologique. Diderot réfléchit au temps long, se confronte à l’atemporalité pure de l’éternité théologique, s’engage dans le débat sur la postérité, médite sur les ruines, imagine la création et l’évolution des espèces. Il aime à s’installer dans la pluralité des temporalités : celle de l’ennui et celle du songe, celle de la conversation et celle de l’expérience, celle de l’imagination et celle de la poésie, celle de la peinture et celle du spectacle.
Rarement chez Diderot le temps est donné de l’extérieur. Il est plutôt saisi dans le jeu entre action et réaction, et se mesure, s’appréhende alors, non sans interférences, en termes de passion, de caractère, de physiologie, de chimie, mais aussi de hiéroglyphe poétique. Dans le temps de la réaction, un report se fait : report de pensée, report d’altérité, par quoi l’œuvre se dialogise et se défait comme œuvre même pour devenir coopération des temporalités.
Ce temps défait et projeté, fragmentaire et multiple, définit et oriente une pratique poétique qui est une herméneutique, une expérience esthétique qui est une expérience de la philosophie. C’est cette pratique et cette expérience que le présent ouvrage entend interroger.
Directeur(s) / Directrice(s) de l'ouvrage :
Stéphane Lojkine et Adrien Paschoud
Nbre ou N° pages :
p. 63-72
Editeur :
Presses Universitaires d’Aix-Marseille
Année :
2016
Revue, Collection, Ouvrage collectif :
Diderot et le temps
Type de production :
Article dans les actes d'un colloque
n° ISBN (ou ISSN) :
9791032000526