Depuis ses débuts en 1999, Laurent Mauvignier questionne, dans son œuvre comme dans les entretiens qu’il accorde, les lieux communs qui régissent le langage, les codes établis auxquels se plie la société ou l’art. De ce refus du dogmatisme témoigne son désir de renouveler constamment son style, pour éviter la redite et le confort – sclérosant à terme – d’une écriture savamment maîtrisée. Aussi sa démarche apparaît-elle doublement marquée du sceau de la transgression : celle que traduit, d’une part, son souci de capter la profondeur des êtres et du monde que leur dénient les filtres des a priori et des préjugés ; celle, d’autre part, dont témoigne son exploitation de multiples modes d’expression artistique, parmi lesquels le roman et le théâtre. Ses premiers écrits, dont le récit est le plus souvent polyphonique et recourt à la première personne du singulier, entrent certes en résonance avec l’œuvre des romanciers anglo-saxons et américains initiateurs du Stream of consciousness, mais l’importance accordée au monologue intérieur facilite leur passage à la scène. La décennie qui vient de s’achever confirme cette « tentation du théâtre » : le plateau scénique est peu à peu devenu pour Laurent Mauvignier le creuset d’une œuvre dramatique propre, qui dialogue avec sa pratique romanesque et interroge, à des degrés divers, l’art consommé du récit qui caractérise son écriture.