Face à l’irréversibilité de la maladie neurodégénérative, comment l’écriture se rattache à des histoires, des traces et des identités qui s’effacent ? Quelles qualités d’écoute la littérature peut-elle déplier ? Une question de relation, de considération et de soin que nous poserons. Cette étude se fera à la lumière de deux œuvres d’écrivaines françaises contemporaines : Je ne suis pas sortie de ma nuit d’Annie Ernaux (1997) et Ce qui est nommé reste en vie de Claire Fercak (2020). La nuit monstre, dont parle Henri Michaux, cet événement qui fait rupture et ténèbres, Annie Ernaux et Claire Fercak l’ont mise en mots dans leurs textes respectifs en écrivant sur l’amnésie en rapport avec la maladie neurodégénérative ou le glioblastome. Malgré les différences formelles que prend le récit chez ces deux autrices – la première délivrant un texte-journal autobiographique à partir d’une pratique diaristique, et la seconde tissant une œuvre fictionnelle chorale inspirée de faits autobiographiques –, une nécessité et une urgence communes apparaissent : une attention soutenue à la mémoire blessée, aux corps empêchés, et ce que cela fait aux êtres. Nous nous intéresserons aux modalités narratives présentes dans ce textes afin d’appréhender la maladie mémorielle, ce qu’elle laisse dans les corps, les esprits des malades et des proches. Comment l’acte d’écrire se confronte à la mémoire trouée et abîmée, entre plasticité et vacillement ontologique ? Entre la vie et la mort, se déploie un tissus internarratif où la voix de chacun trouve l’espace pour se dire.