On ne connaît pas Claudel. On connaît une légende, une rumeur, mais on ne connaît pas Claudel. De sa conversion, on ne connaît que la parabole façonnée par lui et par d’autres ; de ses relations avec sa soeur Camille, guère plus que les romans ou les scénarios construits à partir des rares archives ; de son activité artistique, surtout les grands drames typiques d’un « théâtre de texte » : or ce prosateur de génie est devenu après Le Soulier de satin un homme de spectacles, pour qui réécrire voulait dire dés-écrire.
Quant à la diplomatie et à la politique, qui est averti de son activité de tête de réseau d’espionnage à Copenhague en 1920 ? de ses interventions auprès de Roosevelt en faveur de Blum en 1936, puis en faveur de la paix jusqu’en 1939 ? Qui sait que le poème à Pétain est l’oeuvre d’un homme espionné jusque chez lui par la police de Vichy ? De Gaulle lui a dépêché deux émissaires en 1942 : qui en a entendu parler ?
Et quel autre écrivain en 1941 osait condamner les persécutions antisémites comme cet anti-nazi véhément, devenu sioniste, l’a fait dans sa lettre au Grand Rabbin ou dans L’Apocalypse de saint Jean ? « Le Fils de l’Homme sur la croix avait quelqu’un au ciel pour répondre à son : Lamma sabachtani ? Mais Israël souffre sans consolateur. »
Cette biographie appuyée sur des archives inédites offre un portrait renouvelé, paradoxal, inattendu, d’un soi-disant « gorille » qui se définissait en 1929 comme un « vieux lapin épouvanté ».
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Lire la recension de Serge Martin (revue Europe, mai 2022) : Défantomiser Claudel avec Claude Perez