C’est aux abords de la nuit que les hommes racontent des histoires. Des Guayaki de Pierre Clastres au chanvreur de George Sand et de Shéhérazade aux parents d’aujourd’hui, il existe un lien atavique entre l’usage du récit et la peur d’un univers livré aux puissances nocturnes. Ou plutôt : il existait. La domestication du monde a fini par dispenser l’imagination des hommes d’opérer la catharsis de l’effroi des lieux qu’ils habitent. Affranchie de son ancien rôle, la littérature ne célèbre plus que son propre office.
Mais voilà que le monde change. Voilà qu’un nouveau contexte – hostile, inhospitalier – fissure nos systèmes de climatisation. Les désordres climatiques nous remplissent de terreur, l’agonie de la vie sauvage nous accable de pitié. Nous pleurons pour la planète et tremblons pour le futur. Ce nouveau sentiment tragique invite la littérature à sortir de sa réserve et à reprendre du service. Court-circuiter le réel n’est plus une solution. Licencier l’imaginaire n’est plus une solution. La hantise du contexte travaille de nouveau sous le plaisir du texte. L’économie de la fiction se réouvre aux cycles longs d’une écologie du récit.
A lire :
- « Le Chien, le rat et le héron. Grand entretien avec Jean-Christophe Cavallin, en partenariat avec la libreria Stendhal de Rome », par Christine Marcandier, sur Diacritik.
- Christine Marcandier, « Régler ses contes », sur Diacritik.
- Jean-Louis Jeannelle, « De l'inventivité du vivant », dans Le Monde, 24/06/2021.
- Laurent Demanze, « Pour une écologie de l'imaginaire », Acta fabula, vol. 22, n° 10, Comptes rendus, décembre 2021.
A voir :
- « Écologie du récit, récit écologique », dialogue de Jean-Christophe Cavallin avec Anne Simon, Festival Agir pour le vivant #2, Arles, août 2021, session Vivants parmi les vivants (modération : Stéphane Durand).