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Le roman-poème se présente comme un appel adressé au discours littéraire, et ni la poésie ni le roman, à eux seuls, ne peuvent y satisfaire. Il désigne une place vide qui suppose la création de moyens propres, sans forcément combler toutes les attentes implicites qui président à sa naissance. C’est pourquoi le roman-poème vaut aussi comme une tentative problématique de légitimation de la parole littéraire, qui accompagne l’effritement d’un certain nombre de discours et de leurs codes. Interroger le roman-poème ne peut alors se faire qu’en se demandant si le « comment parler ? », dont il est la question, n’est pas aussi le signe souterrain et dérangeant d’une inquiétude moderne : « de quoi parler ? » Il s’agirait ainsi de mesurer la prétention d’une parole à s’inventer, à sortir d’elle-même en s’arrogeant des prérogatives qu’une tradition lui dénie, pour fonder sa propre pertinence et sa vérité.