Cette émission a été animée, mardi 30 janvier 2018, par Stéphane Lojkine, professeur de littérature française, CIELAM
Avec :
- Delphine Mercier, sociologue et chercheuse au LEST
- Mustapha El Miri, sociologue, enseignant-chercheur au LEST
- Thémis Apostolidis, professeur de psychologie sociale, directeur du LPS
- Nicolas Robert, psychologue clinicien, doctorant au LPCPP et au CIELAM
La France serait entrée en guerre contre le terrorisme : une guerre sans visage, sans lieu, dont les combattants, nos adversaires, se recrutent au moyen d’un sortilège mystérieux, nommé radicalisation.
Mais au fait, qu’est-ce que la radicalisation ? Quelles en sont les racines ? Qui frappe-t-elle ? Comment séduit-elle ? Comment notre société y répond-elle ? Que fait-on d’un individu qu’on décrète « radicalisé » ? Comment traite-t-on, devrait-on traiter ses droits, son intimité, sa parole ? Comment se protège-t-on, devrait-on se protéger de lui ? Comment répondre au phénomène, sur le plan thérapeutique ? judiciaire ? et surtout sur le plan politique ?
Le vocabulaire de la radicalité, comme celui de la terreur, a des racines profondes dans notre culture, des racines religieuses et des racines politiques. Guerres de religion, recours à un gouvernement de la Terreur, résistance à l’oppression par la terreur : nous avons connu tout cela ; notre histoire, notre identité, notre état de droit se sont construits à partir de ces expériences. Est-il possible de les convoquer pour comprendre aujourd’hui la radicalisation, ou bien le phénomène auquel nous sommes confrontés, ne serait-ce que par sa dimension planétaire, renverse-t-il complètement nos perspectives et nos recours ?
Il s’agira de cerner l’étrange et terrible singularité que constitue pour notre monde aujourd’hui, pour notre culture, le radicalisé islamiste, comme un symptôme d’une mutation profonde de civilisation. Notre histoire a connu de grandes figures d’irréductibles, le mystique chrétien, le montagnard, le résistant, le communiste. Mais avons-nous ici affaire seulement à une figure, à un « visage de l’autre homme » ? Peut-on sans figure, et doit-on sans faiblesse accueillir socialement la radicalisation, dans le sens de la liberté plutôt que du contrôle, du respect plutôt que de la peur et du mépris ? Ou faut-il comprendre que l’injonction d’en finir avec la radicalisation, de déclarer la guerre aux conjurés, marque la fin définitive de l’espérance humaniste ?