Cette émission a été animée, mardi 20 février 2018, par Stéphane Lojkine, professeur de littérature française, CIELAM
Avec :
- Flora Bajard, sociologue et chercheuse au LEST, CNRS - Aix-Marseille Université
- Katell Berthelot, historienne du judaïsme à l'époque hellénistique et romaine, directrice de recherche au Centre Paul-Albert Février, CNRS - Aix-Marseille Université
- Léo Joubert, doctorant en sociologie au LEST, CNRS - Aix-Marseille Université
Au commencement de La Politique, Aristote constate que « toute cité est une communauté, et que toute communauté est constituée pour le bien ». Il y aurait donc une double superposition, ou concordance, de la polis, c’est-à-dire du politique, et de l’idée de communauté, puis de la constitution d’une communauté et de la recherche du bien. La communauté se penserait essentiellement politiquement, elle serait le point d’articulation entre l’organisation politique et l’exigence éthique, un vivre ensemble placé entre administration des lieux et souci du bien : un dispositif donc ou, mieux, le principe d’une « gouvernementalité » (Michel Foucault). Platon procédait autrement dans Le Politique, par division : de l’homme et de l’animal, du pasteur et de son troupeau, du monarque et de la communauté qu’il conduit, en vertu d’un savoir proprement politique. La communauté se définit alors (mais depuis un extérieur qui la manipule) comme partage de traits communs, comme catégorie de laquelle exclure d’autres catégories : un nous qui n’est pas tout, une construction paradoxalement éminemment subjective, une structure de la subjectivité (Tristan Garcia). Peut-on, doit-on penser encore politiquement la communauté aujourd’hui ? et n’a-t-elle pas toujours déjà constitué plutôt un refuge face à la déshérence de toute espérance politique, à la manière des bergeries de Virgile et de L’Astrée, de la Bétique de Fénelon et des Troglodytes de Montesquieu ? Communauté désœuvrée donc (JL Nancy) : ce retrait cependant pourrait bien être le geste même d’une refondation, lorsque la communauté institue un lieu d’échange et de solidarité, un projet de vie, qu’elle offre l’espérance d’un destin commun et d’un « apprendre à vivre enfin » (Derrida). Une, des communautés se réapproprient les lieux de la cité, par la culture, par le partage d’une expérience esthétique, par l’hospitalité offerte aux vies et aux expériences des autres mondes. La fête serait le nouveau visage de la communauté (Rousseau). Il y a cependant un autre visage de la communauté, tout de révolte et de fureur. Bien souvent c’est avec ce visage menaçant que la communauté s’invite dans le débat public, comme rappel à l’institution politique des communautés oubliées, bafouées, exclues. On reproche alors à la communauté le repli identitaire, le communautarisme ; la communauté menace la communauté. Résistant à la globalisation, elle entrave la machine politique, classe contre peuple, peuple contre nation, nation contre continent. Y a-t-il une bonne et une mauvaise communauté ? Un bon et un mauvais usage de la communauté ? Ou le mauvais usage est-il le symptôme salutaire d’un retour du politique ?