Giono : le texte en devenir
Patrimoine culturel gionien, archives, traduction, recréation
Première édition des « Rencontres du Patrimoine littéraire de la région PACA »
10-12 septembre 2015
Cette manifestation scientifique, et le projet de recherche sur le patrimoine littéraire en région PACA dans lequel elle s’inscrit, vient à la suite de l’exposition Giono, archives de la création, organisée à Digne-les-Bains en 2007 par les Archives départementales des Alpes de Haute-Provence et l’Association des amis de Jean Giono, sous le haut patronage de l’Institut des textes et manuscrits modernes (ITEM, CNRS).
Présentation générale du projet
Giono a toujours affirmé que le monde qu’il évoquait dans ses livres était un « sud inventé » qu’il a comparé au Mississipi tout aussi inventé de Faulkner (Jean Giono, le Sud imaginaire, Jean-François Durand dir., Edisud, 2003). Mais pour avoir opposé avec force cette évidence aux tenants un peu naïfs d’un Giono « régionaliste », la critique universitaire ne s’est pas vraiment donné la peine d’examiner le processus de transmutation qui fait passer de la réalité géographique aux reconstructions du monde romanesque.
L’atelier d’écriture de Giono
L’une des premières dimensions du patrimoine culturel gionien réside en effet dans cette transmutation qui constitue un texte. Naissance de l’Odyssée se donne comme une réécriture d’Homère sous l’influence des tragiques grecs et le dossier manuscrit du roman[1] enregistre le long effort de Giono pour écrire et achever ce premier roman. Le jeu textuel y entre en tension avec l’expérience vécue : lectures en cours d’assimilation, brouillons successifs (cahiers, feuilles volantes, dactylographies), lettres de et à Lucien Jacques[2]. Bien loin de l’écrivain fulgurant qui écrira presque d’un trait Un Roi sans divertissement, le Giono de Naissance de l’Odyssée se manifeste dans un dialogue avec lui-même et avec son ami qui lui offre ses conseils comme on effectue des retours sur le travail produit en atelier d’écriture et de création littéraire. Grâce à la numérisation du dossier manuscrit par l‘Association des amis de Giono avec l’accord de Sylvie Giono, il sera possible de mener ce travail sur l’atelier d’écriture de Giono. Cette volonté d’étude du patrimoine manuscrit et épistolaire rejoint la démarche de recherche en création littéraire et atelier d’écriture de notre université depuis la fin des années 1960 et son prolongement récent avec le Marathon de l’écriture (avril 2014) et l’Atelier de recherche en création littéraire (février 2015).
Giono provençal ?
L’attribution du texte à un écrivain génial dont la création serait spontanée est une fiction au moins aussi forte que l’identification du texte produit à une terre, une identité provençales : l’une comme l’autre constituent, après coup et à certains égards, une déformation qu’il s’agira d’évaluer et d’interroger.
Il y a ainsi une histoire des textes, conservés dans les archives de la Région (Archives privées de la famille Giono, Centre Jean Giono de Manosque, Association des Amis de Jean Giono, Archives Départementales des Alpes-de-Haute-Provence à Digne), qui mérite l’attention philologique d’une génétique textuelle. A côté des manuscrits des romans, la correspondance contribue à tisser, à mettre en évidence le lien discret qui unit la terre, le travail de l’écrivain et la fiction.
Giono à l’ère de la mondialisation : style, traduction, universalisation
Mais très vite Giono acquiert un statut patrimonial. Il ne s’agit plus alors de ce qui nourrit son œuvre, mais de ce que son œuvre contribue à définir comme identité à la fois régionale et universelle, de ce qu’un peu partout dans le monde les lecteurs reconnaissent, identifient comme archive où puiser, à laquelle se référer, mesurer sa, ses particularités. Il pourra être intéressant à ce titre de confronter le texte gionien à ses traducteurs et à ses traductions, à ses réceptions. Ce texte pose, de façon plus aiguë peut-être qu’un autre, la question, par la traduction, de l’universalisation du régional et de l’identitaire déjà en jeu dans l’œuvre même, une question au cœur de la réflexion théorique des traductologues. Par ailleurs, la publication d’une nouvelle traduction d’une œuvre peut amener les linguistes, stylisticiens et spécialistes de traductologie à interroger les motivations qui conduisent un traducteur à proposer une réécriture et une nouvelle adaptation de l’œuvre originale vers une langue cible.
Destins post-textuels du texte gionien : adaptations, recréations
Enfin, et sans doute à tort d’ailleurs, Giono semble facile. Et cette apparente facilité est séductrice. Là où une certaine littérature savante peut rebuter, les univers gioniens se communiquent, s’adaptent, prêtent aux textes de l’auteur un destin post-textuel : Giono lui-même a anticipé ce mouvement, s’intéressant, à côté du roman, au théâtre et à l’adaptation cinématographique de ses œuvres. On mettra, à l’occasion de ces journées, Giono à l’épreuve de la recréation, et de la recréation textuelle : comment peut-on écrire aujourd’hui avec Giono ?
Appel à communications
Les communications porteront sur l’un des axes de travail suivants :
1. Le matériau géographique et historique de la fiction gionienne
2. Les manuscrits de Giono : génétique des textes et exploration de l’atelier d’écriture du/des premiers romans gioniens (Naissance de l’Odyssée, Colline) ; intertextualité et assimilation des lectures de jeunesse ; genèse stylistique de la phrase gionienne.
3. Traduction et réception du texte gionien : leurre et paradoxes régionalistes
4. Recréer Giono : adaptation, transposition, écriture créative et traduction créatrice
Comité d’organisation
Propositions de communication (300 mots + un court CV) à envoyer aux membres du comité d’organisation avant le 15 mars 2015
André Not, andrenot31@gmail.com
Annick Jauer, annick.jauer@univ-amu.fr
Jean-Marc Quaranta, jean-marc.quaranta@univ-amu.fr
Grégoire Lacaze, gregoire.lacaze@univ-amu.fr
Marie-Laure Schultze, marie-laure.schultze@univ-amu.fr
Comité scientifique
André Not, université d’Aix-Marseille
Jacques Mény, Association des amis de Giono
Véronique Magri, université de Nice
Elena Zamagni, université d’Aix-Marseille
[1] L’édition de P. Citron et de R. Ricatte, Gallimard, Pléiade, 1971, en donne un aperçu.
[2] Correspondance éditée par Pierre Citron, Gallimard, « Cahiers Giono », 1981.