Une des premières chroniques des Amours jaunes parut le 1er novembre 1873, dans L’Art universel1 sous la plume mystérieuse d’un certain E. V., en qui certains ont cru voir les initiales d’Émile Verhaeren. Cette recension est très négative, malgré quelques compliments. On y lit notamment la phrase suivante : « La charogne de Baudelaire fait école. »
Même s’il n’en retient que le côté sombre, E. V. discerne l’influence des Fleurs du mal sur Les Amours jaunes, que la plupart des commentateurs de Tristan Corbière ont confirmée. « Une charogne » appartient au côté cynique et macabre des Fleurs du mal. E. V. oublie sûrement que ce poème, si choquant soit-il, tend aussi vers l’idéal, faisant ainsi s’unir les deux pôles de la quête baudelairienne. Le poète apostrophe sa Muse de façon cavalière en lui promettant un sort identique à celui de ce cadavre d’animal. Mais il affirme aussi : « […] dites à la vermine | Qui vous mangera de baisers, | Que j’ai gardé la forme et l’essence divine | De mes amours décomposés ! » Malgré la mort avilissante, la mémoire préserve l’idée pure et immatérielle de l’être qui fut aimé.
Que Les Amours jaunes incitent peu à l’optimisme va de soi. Mais il serait intéressant de se demander si le spleen qui torture aussi l’énonciateur de ce recueil lui autorise également un envol vers l’idéal. Nous verrons d’abord en quoi Corbière s’inspire de la structure des Fleurs du mal, les emprunts qu’il consent à Baudelaire, avant de nous demander ce que deviennent, sous la plume de Corbière, les thèmes importants du recueil de son aîné.
On l’a déjà dit, le titre des Amours jaunes comme celui des Fleurs du mal contient un terme négatif, ce qui est rarissime à l’époque dans la poésie lyrique. Le recueil de Corbière comprend, comme celui de Baudelaire, sept sections – si on veut bien considérer la « Dédicace » et « Au lecteur » comme une partie autonome. Dans chaque ouvrage il existe une section au titre éponyme du recueil. Leur contenu est proche. Celle de Baudelaire, qui ne comprend que neuf poèmes, évoque la femme comme une créature rivée à la débauche démoniaque et mortifère. « Une martyre » décrit une femme décapitée, tandis que les pendus d’« Un voyage à Cythère » expient la faute d’avoir vénéré le culte païen de Vénus. La section éponyme des Amours jaunes, plus hétérogène, comprend vingt-quatre pièces. Seules quatre n’ont pas pour sujet les relations avec la femme, toujours décriée, sauf dans « Steam-boat », « Duel aux camélias » et « Le poète contumace », qui ricane toutefois en se plaignant de l’absence de l’aimée. Si aucune partie n’est intitulée « Tableaux parisiens », Corbière nomme « Paris » une sous-section de « Ça » et nous offre ailleurs huit autres poèmes plus parisiens de contenu que la sous-section dont le titre renvoie à la capitale. Il faut leur ajouter le diptyque « Paris diurne » / « Paris nocturne », non publié par lui mais manuscrit sur son exemplaire personnel, diptyque qui fait écho aux deux « Crépuscules » des « Tableaux parisiens ». Tristan Corbière pastiche dans « Bonne fortune et fortune », « Duel aux camélias » et « La pipe au poète » trois poèmes des Fleurs du mal, « A une passante », « Duellum » et « La pipe ». Baudelaire est mentionné dans « Un jeune qui s’en va ». « L’albatros », « La muse malade », « L’homme et la mer », « Recueillement » et « Sed non satiata » nourrissent ponctuellement l’intertextualité tristanienne de références explicites ou d’allusions discrètes dans « Matelots », « Idylle coupée », « Le novice », « Le bossu Bitor », et « Libertà ». Un des « Rondels » s’intitule « Mâle-Fleurette », ce qui est transparent. Outre les relations conflictuelles avec la femme, d’autres thèmes baudelairiens parcourent peu ou prou Les Amours jaunes : religion, mort, maladie, ennui, temps, peur de la stérilité littéraire, prostitution, ville enfin, ainsi que la réflexion sur le travail poétique. Les Fleurs du mal se closent avec « La mort », dont les « Rondels pour après » sont l’écho corbiérien. Pas de sections intitulées « Révolte » ni « Le vin », chez lui, même si révolte il y a, par exemple dans « La pastorale de Conlie » et « Contre la femme qui se refuse », et s’il est parfois question d’absinthe chez Corbière. Baudelaire, par contre, ne cultive pas l’ancrage géographique et ethnographique que Tristan Corbière exploite dans « Armor » et « Gens de mer ». Son exotisme est plus corporel que géographique. Baudelaire évoque souvent la mer, mais pas ceux qui en vivent.
Précisons d’emblée que je distingue Corbière de Tristan : les poèmes des Amours jaunes ne sont pas forcément autobiographiques. On arrive tout de même à distinguer Baudelaire derrière l’énonciateur des Fleurs du mal. Jamais, comme Corbière, il ne se montre sous les traits d’un soldat (« Conlie »), d’un proxénète (« Zulma »), d’un marginal errant (« Paria »), d’un duelliste, d’un naufrageur mi-homme mi-bête, d’un vieux loup de mer, d’un sourd, d’un détenu, d’un crapaud... Il fait parler la pipe, la beauté et l’assassin aviné à la première personne, et ce sont là les seuls exemples où Baudelaire s’efface derrière un autre interlocuteur. On a parlé de « masques » pour Corbière, et on a cherché où était l’homme derrière ses masques. Mais ce qui nous intéresse, c’est moins l’homme réel que le personnage qu’il met en scène dans la fiction poétique. À la question « Mais est-ce du huron, du Gagne ou du Musset ? » que lui pose l’inquisiteur de « Ça », l’énonciateur répond : « Mais j’ai mis là mon humble nom d’auteur... » Or, le nom d’auteur partiel d’Édouard-Joachim Corbière, c’est Tristan. Tristan est pour moi la projection fantasmée de Corbière dans son œuvre, et appeler de ce prénom la voix qui s’y exprime résout les problèmes relatifs aux expériences vécues ou non par l’auteur.
Dans Les Fleurs du mal, affirme Christian Angelet, « la représentation de la femme donne lieu à des projections opposées, à une oscillation entre deux pôles qui vont du corps répugnant à l’ange et à l’idole, du vampire à la Madone. Or Les Amours jaunes ignorent totalement le versant spirituel et mystique de l’amour. Du binôme baudelairien « Spleen et idéal », notre poète n’a retenu que le premier terme, la misogynie2.
Baudelaire idéalise la femme dans des poèmes aussi célèbres que « La beauté », « L’idéal », « La géante », « Le masque », « Hymne à la beauté », « Parfum exotique », « La chevelure » ou « Le balcon » qui se suivent, et d’autres encore. Mais il la conspue dans les trois textes suivants en alignant des périphrases péjoratives souvent oxymoriques : « bête implacable et cruelle », « femme impure ! », « machine aveugle et sourde, en cruautés féconde ! », « buveur du sang du monde », « fangeuse grandeur », « sublime ignominie », « adorable sorcière », « amazone inhumaine », « charmant poignard », « aimable pestilence »… Il cultive ensuite l’ambiguïté dans « Sed non satiata », où la femme sensuelle et adorée est une « bizarre déité », « sorcière au flanc d’ébène ». Le cycle de Jeanne Duval se poursuit, avec une alternance de critiques acerbes et de compliments extatiques. Je ne suis pas sûr qu’attribuer à Jeanne « la grâce enfantine du singe » dans « Un fantôme » ne soit « ni ironique ni dégradant3 », comme le pense Jackson. Il y a une forme supérieure de goujaterie à dire : « Réponds, cadavre impur ! » à un corps de femme décapité et à évoquer son « tronc nu sans scrupule » (« Une martyre »). Baudelaire interpelle la femme sans ménagement : « Sois charmante et tais-toi! » (« Sonnet d’automne »), « sois muette, sois sombre » (« Le possédé »)... Il cultive l’imprécation : « – Maudite, maudite sois-tu ! » (« Le vampire ») et la menace : « – Et le ver rongera ta peau comme un remords. « (« Remords posthume »).
Corbière n’est pas en reste, et il conspue lui aussi la femme en des termes agressifs : « mannequin idéal », « éternel féminin de l’éternel Jocrisse ! », « femme trois fois fille », « pécore4 », « cocotte », « imbécile caillette », « lesbienne vierge », « vierge et lascive », « vieille belle impure5 »... L’insomnie personnifiée est une « lubrique pucelle ». L’énonciatrice de « Femme » et « Pauvre garçon » fait preuve d’une certaine sagacité en voyant dans le poète auquel elle s’est refusée un personnage non dénué d’intérêt. Mais l’épigraphe « Bête féroce », emprunté à Baudelaire6, précède comme par hasard son propos, qui s’en trouve dès lors péjoré. « Bonne fortune et fortune », parodie à mon sens plus qu’il ne pastiche « A une passante » : le poème sérieux et crispé où Baudelaire décrit une « non-rencontre amoureuse » se voir rabaissé dans une scène où Tristan, qui « fait (s)on trottoir », croit susciter l’intérêt amoureux d’une « passante », mais qui lui fait l’aumône... La vision extatique se transforme en scène de Guignol.
Corbière apostrophe aussi la femme sans ménagements: « Sois pire […] | Sois femelle de l’homme » (« A l’éternel madame »), « Qu’un âne te braie ! », « Tu ne me veux pas en rêve, | Tu m’auras en cauchemar ! » (« Elizir d’Amor »), « Et tu m’as aimé… Rosse tiens ! » (« A la douce amie »)…
Multiplier ce genre d’exemples serait fastidieux, tant ils abondent dans les deux recueils. Baudelaire comme Corbière considèrent la femme comme une créature incompréhensible et à laquelle ils attribuent donc tous les maux, projetant sur la gent féminine leur incapacité à la comprendre.
Aussi la violence est-elle un exutoire à leurs frustrations. On a souvent évoqué l’atmosphère sado-masochiste de certains poèmes des Fleurs du mal. Baudelaire dénonce ainsi « la griffe et la dent féroce de la femme » (« Causerie »). « Mais l’amour n’est pour moi qu’un matelas d’aiguilles | Fait pour donner à boire à ces cruelles filles ! » lance-t-il dans « La fontaine de sang ». La section éponyme du recueil est la plus généreuse, dans ce registre. Dans Les Amours jaunes, le sado-masochisme est plus rare. Il apparaît dans le diptyque formé par « A ma jument souris » et « A la douce amie », au titre antiphrastique. « Éperons », « cravache » et « étrivière » meublent un attirail destiné à dresser la femme comme on le ferait d’un cheval. Les deux poèmes ont les mêmes rimes, parfois les mêmes mots, ce qui les unit dans une sorte de binôme rageur. Le locuteur de « Bohême de chic » bat sa Muse. « Sonnet de nuit » assimile l’être absent à un bourreau capable des pires tortures. Le maître de Sir Bob souhaite échanger sa place avec son chien : « Je mordrai les roquets, elle me mordrait, elle ! ».
« Mords – chien – et nul ne te mordra […] | Et fais tête | aux fouets qu’on te montrera. » ordonne-t-il à son autre compagnon domestique, Pope. Étymologiquement cynique, le chien est un animal servile et soumis, mais qui a des crocs. Ce poème est situé à l’île de Batz : ce toponyme breton est convoqué pour son étymologie : « gourdin, bâton », qui nourrit sa thématique. Dans Les Amours jaunes, la femme est ailleurs hypocrite et frustrée (« Pudentiane »), nymphomane (« Tu peux faire au pompier le pur don de ton corps », dans « Féminin singulier »), timorée face au crapaud, menaçante (« Bonsoir »), imprévoyante (« Le poète et la cigale », « Zulma »), réduite par synecdoques à des vêtements ou des bribes de paroles dans « Idylle coupée ».
L’âge aggrave la misogynie : « Ces monstres disloqués furent jadis des femmes ! » s’exclame Baudelaire dans « Les petites vieilles », un des poèmes les plus cruels des Fleurs du mal. « – Femme : on dirait hélas – sa nippe | Lui pend, ficelée en jupon » reprend Corbière en écho en décrivant la rapsode. Les vieillards, cela dit, ainsi que les aveugles, sont logés à la même enseigne dans les « Tableaux parisiens ». Dans Les Amours jaunes, ils sont mieux traités : « Écoute rêver tes enfants, | Mousses de quatre-vingt-dix ans, | Épaves des belles années… » conseille Corbière à Roscoff personnifié. « Âme de mer en peine est le vieux matelot », écrit-il dans « Gens de mer ». Mais le statut de ces personnages est différent. Il n’y a guère d’ « amour jaune » dans les trois dernières parties du recueil, sauf si on considère comme relevant de cette notion la tragique histoire du Bitor. Chez Corbière, les « Gens de mer » ne peuvent être que positifs, même l’inquiétant renégat, ainsi que la truculente mère Galmiche ou le vieux marin du Mexique. La dimension affective gomme chez nos deux poètes misogynie et « misogérie ». Dans Les Fleurs du mal, « La servante au grand cœur… », nous élève autant que nous révulsent « Les petites vieilles », volontairement provocatrices. Et la rapsode subit une métamorphose qui l’apparente à la servante :
Si tu la rencontres, Poète,
Avec son vieux sac de soldat :
C’est notre sœur... donne – c’est fête –
Pour sa pipe, un peu de tabac !…Tu verras dans sa face creuse
Se creuser, comme dans du bois,
Un sourire ; et sa main galeuse
Te faire un vrai signe de croix.
Réhumanisée par la sympathie que lui témoigne le « poète », la rapsode acquiert une dimension christique. On peut dès lors nuancer l’appréciation de Christian Angelet : la misogynie s’estompe, ici, quand la dimension affective agrandit un être disgracié par l’âge ou la condition sociale. Il en est de même pour la servante de Baudelaire. On serait en mal de trouver chez Corbière un équivalent de « La Beauté ». Seul « Steam-boat » considère la femme qui s’en est allée avec une tendresse nostalgique unique dans les poèmes des Amours jaunes qui concernent la femme. Mais les femmes sont également valorisées dans « Armor » et « Gens de mer » : la mère du mousse orphelin « pleure le dimanche » et travaille. Le matelot mort au Mexique « fait dire à maman qu’il a fait sa prière ». « – Ne mangez pas ce pain, mères et jeunes filles ! | L’ergot de mort est dans le blé. » conseille le poète, protégeant celles qu’il interpelle comme il protège la « jeune fille » inconsciente qui se hasarderait à s’approcher de trop près des mendiants du pardon. La compagne du novice, Mary-Jane, est une créature falote mais gentille, dont l’auteur restitue le langage naïf sans sarcasme, alors qu’il en accable la « demoiselle » incapable de tirer de son « râtelier osanore » autre chose que des « cauchemars de meunier ». Figure aussi inquiétante que le novice et sa compagne sont mièvres, le naufrageur a pour parents « un vieux saltin » et une « vieille morgate ». L’union improbable de ce couple fusionnel n’a rien de jaune. Tristan fait sienne la prière des pèlerins qui sollicitent pour la fille-mère la protection de Sainte Anne. Les « chaloupeuses » qu’il fait naviguer sur son cotre sont des compagnes de bordée érotiques et fantasmées, contrairement aux passagères de Bambine, victimes du mal de mer, que leur incompétence et leur arrogance ridiculisent.
Corbière idéalise aussi la femme, enjeu du fascinant « Duel aux camélias » en invoquant « Sa gorge » avec une majuscule de majesté. Il faut aussi noter que Les Amours jaunes est une sorte de roman d’apprentissage7. La sous-section « Paris » met en scène un provincial naïf dont la « Muse pucelle | Fit le trottoir en demoiselle. » Tristan évoque l’amour qu’il a quitté pour échouer on ne sait pourquoi à Paris :
— Mon amante
M’avait dit : « Je n’oublîrai pas... »
…J’avais une amante là-bas
Et son ombre pâle me hante
Parmi des senteurs de lilas...
Peut-être elle pleure...
Le mentor qui prend le provincial sous sa coupe va lui apprendre le cynisme, dont la tonalité alors triomphera si souvent dans les trois sections suivantes. La Muse désigne l’inspiration, allégorisée en femme, mais la présence furtive de cette « amante » lointaine (peut-être celle de « Steam-boat »?) semble témoigner du fait que la misogynie est issue d’un calcul qui vise entre autre à « pioche(r) la femme » et à « sor(tir) (s)on grand air de catin » (« Paris IV ») pour réussir à Paris. Les Amours jaunes raconteraient donc l’effort d’une âme généreuse qui doit, pour s’affirmer, renier les principes moraux qui étaient les siens au départ.
Mais on peut contester l’idéalisation de la femme, dans les deux recueils, et se demander si elle ne tient pas du cliché. « Je suis belle, ô mortels comme un rêve de pierre... » amorce un poème puissant et altier, qui brosse un portrait totalement élogieux de la femme. Toutefois, la mettre sur un piédestal fait toujours d’elle une femme-objet. On peut se demander si l’idéalisation n’est pas l’autre versant de la misogynie, surtout chez Baudelaire, qui idéalise la femme bien plus que Corbière. La principale concernée ne peut, évidemment, répondre. Quand le poète la fait parler, elle « fait du Corbière », écrit plaisamment Angelet8 – et sans comprendre vraiment le poète dont elle a croisé le chemin. Mais elle fait aussi du Baudelaire quand, dans « Bénédiction », le poète met en scène sa mère et sa femme. L’une maudit le ciel de lui avoir donné pareille engeance, l’autre signale qu’elle prendra plaisir à torturer celui qui l’adore. Portée aux nues ou vouée aux gémonies, la femme de Baudelaire et de Corbière n’est jamais une femme normale.
On peut se demander aussi si, pour nos poètes, une femme vieille est encore une femme. La servante réincarnée semble asexuée. Sans doute est-ce une des raisons pour lesquelles ce poème dégage une telle sérénité : elle ne peut engendrer ni désir, ni convoitise ni frustration sexuelles. Borgne, édentée, laide, la rapsode est « Femme – on dirait, hélas »… mais sa transfiguration finale l’emmène au-delà de son appartenance sexuelle. Quant aux femmes qui peuplent « Armor » et « Gens de mer », elles véhiculent les topoï de la littérature édifiante. La mère pleure son mari noyé et son fils mort à la guerre, dans une posture de veuve et de mère-courage digne des romans de Loti. Tristan exhorte à la prudence « mères et jeunes filles », mais pourquoi pas « pères et jeunes gens », tout aussi susceptibles d’être infectés par les miasmes de la fosse de Conlie ? On sent là un paternalisme traditionnel.
Notons par ailleurs que Corbière ne cultive pas la misogynie macabre de son aîné, bien qu’une vague nécrophilie émane d’« A une rose » et de « Grand opéra ». Pas de « Danse macabre » dans Les Amours jaunes, pas de « Vampire » ni de « Fantôme », de « Fontaine de sang », de « femme jetée au fond d’un puits », de « Sépulture » grouillant de « sorcières faméliques » ni de cadavre décomposé ou décapité, pour en revenir à E. V. Le ver est un personnage récurrent des Fleurs du mal. Le poète le promet à la femme : « – Et le ver rongera ta peau comme un remords ». Chez Corbière, le ver n’est que le sujet plaisant de calembours faciles : « Ils sont trop verts – tes vers. | C’est le ver solitaire. – On le purge » dit Tristan au « Juvénal de lait ».
On ne saurait enfin clore l’étude des relations avec la femme, dans nos recueils, sans parler bien entendu d’un de leurs thèmes les plus récurrents : la prostitution. Baudelaire et Corbière se rejoignent ici, pour confirmer E. V. , même si la prostitution est un des sujets les plus traités par l’art et la littérature de l’époque. Baudelaire la considère avec effroi, voire terreur. Elle surgit la nuit pour corrompre la ville :
La Prostitution s’allume dans les rues ;
Comme une fourmilière elle ouvre ses issues ;
Partout elle se fraye un occulte chemin,
Ainsi que l’ennemi qui tente un coup de main ;
Elle remue au sein de la cité de fange
Comme un ver qui dérobe à l’Homme ce qu’il mange.
(« Crépuscule du soir »)
On la retrouve le matin, avec « les femmes de plaisir, la paupière livide » et « les débauchés […] brisés par leurs travaux ». Le mot « putain », surgit crûment dans « Le jeu ». Il est question encore de « corps vendu », d’une « courtisane imparfaite » (« Remords posthume »), d’un « sordide bouge » (« Le poison »)… Les amours vénales sont, dans Les Fleurs du mal, marquées au sceau de la misère, de la maladie, de la honte, et ce dès le poème liminaire, qui nous présente « le sein martyrisé d’une antique catin ». Rien de tel dans Les Amours jaunes.
Rappelons d’emblée que Tristan (et non Corbière, qui le dédie à « l’auteur du Négrier ») dédie son livre à Marcelle, pseudonyme courant des prostituées à l’époque 9, ce qui place d’emblée l’ouvrage sous le signe des amours vénales, par définition « jaunes ». Dans Les Fleurs du mal, la prostitution se limite à Paris. Dans Les Amours jaunes, elle anime aussi le corpus maritime. L’allusion est discrète dans « Gente dame », qui évoque une « frisette » que l’on aborde comme on le fait d’un navire. « Le Convoi du pauvre » ne semble pas émettre d’allusion à la prostitution, sauf peut-être dans le nom de « Notre-Dame-de-Lorette ». Lorette et frisette désignent en effet des filles faciles. « Après la pluie » est une scène de marivaudage, mais dont les personnages féminins sont des « cocottes » aux prénoms exotiques : « Zoé ! Nadjedja ! Jane ! », puis « Hermosa » et « Mina » à qui on laisse « un rond d’or sur l’édredon ». Le bordel est un lieu privilégié du décor maritime, nommé le Cap Horn dans « Matelots » et surtout dans « Le bossu Bitor ». Ce pauvre marin disgracié, qui convoite une certaine Mary-Saloppe, est en passe de se faire lyncher quand celle-ci, apitoyée, met un terme à la curée. Il lui offre alors les pauvres économies qu’il destinait à son plaisir annuel, avant de se noyer. Bien que féroce, la scène décrite est truculente. Ici, les noms des filles sont empruntés aux outils maritimes : on désignait ainsi des prostituées de basse classe. Elles surgissent encore dans « Aurora » et « Un Juvénal de lait », où elles offrent au poète en herbe un remède pour soigner ses maladresses. Un lexique propre à la prostitution irrigue « Paris », le provincial devant y sacrifier pour faire le poids. Seule « A la mémoire de Zulma » fait entendre une note sombre. Cette femme entretenue quitte son souteneur, le locuteur, pour vivre une vie libre mais qui s’avère un tourbillon sans fin. On la suit étape par étape jusqu’à sa déchéance, qui la mène à « la fosse commune | Nuit gratuite sans trou de lune. » Corbière donne ailleurs une vision fort euphorique d’une réalité pourtant sordide, ce qui le distingue de Baudelaire. Celui-ci, il est vrai, a contracté très tôt la syphilis, et ne pouvait voir en la prostitution qu’une métaphore de la Faucheuse… « La charogne de Baudelaire fait école », donc : Corbière fait écho à la misogynie des Fleurs du mal. Mais il n’idéalise que rarement les femmes, contrairement à son aîné, et donne de la prostitution une vision euphorisante, ce qui est aux antipodes des Fleurs du mal.
« Dans ce livre atroce, j’ai mis tout mon cœur, toute ma tendresse, toute ma religion (travestie), toute ma haine » écrit Baudelaire dans une lettre célèbre à Ancelle. Du poème liminaire à « La mort », la religion catholique, ses personnages, et aussi son ennemi, le Diable, peuplent Les Fleurs du mal. Mais la déférence dont fait preuve l’énonciateur des Fleurs du mal envers Dieu, par exemple à la fin des « Phares », est proportionnelle à l’adoration dont il témoigne pour Satan dans la section « Révolte ». À « Soyez béni, mon Dieu, qui donnez la souffrance » fait écho « O mon cher Belzébuth, je t’adore ! », même si le possédé n’est pas forcément ici l’incarnation du poète. Don Juan aux enfers continue de défier Dieu et ignore les gestes de celles et ceux qu’il a bafoués.
« Le châtiment » n’ouvre sur aucune perspective métaphysique : seul un nouveau néant accueille le disparu. Le blasphème irrigue Les Fleurs du mal, du « Vin de l’assassin » à l’« Hymne à la Beauté », où le poète place au même niveau Dieu et Satan. Je n’insisterai pas, car tout a été dit sur ce sujet. Péché, remords, culpabilité, peur et fascination de la mort et du châtiment divin, fascination pour Satan hantent le recueil.
Rien de tel dans Les Amours jaunes. Corbière ne semble pas la proie de tourments mystiques. Baudelaire sacralise le Diable, mais vénère Dieu. Corbière les loge à la même enseigne, mais pour leur faire faire les frais de ses sarcasmes : « – Le Christ avait au moins son éponge d’absinthe …» ricane l’amoureux excédé dans « Chapelet », où il transforme les différentes fêtes religieuses en étapes d’une séduction amoureuse qui vise à l’ « Ascension » de la femme qui se refuse à lui. « Et je te laisserai bien fraîche | Comme un petit Jésus en crèche » suggère malicieusement Tristan à la femme convoitée dans « Guitare » : « mettre Jésus dans la crèche » signifie « faire l’amour », dans la langue populaire de l’Ouest. Les lieux de culte sont moqués. Tristan interpelle dans un lieu saint la châsse d’une vierge embaumée. L’église côtoie le « lupanar10 ». « Un riche en Bretagne » fait rimer peu respectueusement « ciel » et « fiel ». Enfer et purgatoire deviennent dans « Portes et fenêtres » le théâtre d’une joute amoureuse où la répétition de « damner » ôte toute substance à l’idée que le mot énonce. Le personnel religieux est constamment conspué. « Le pasteur de Sainte-Anne est gras », nourri par les offrandes du pardon. « Vendetta » nous montre Tristan « Venimeux comme un jésuite » et « Jésuite comme un crapaud ». « Chanson en si » entraîne « gros Confesseur », « maigre Apôtre », « Frère-quêteur », « Madone riche » et « vieux bedeau » dans une farandole insolente. Dans « Saint Tupetu » Corbière se moque d’une superstition acceptée par le culte catholique, et le nom fantasque de ce saint imaginaire suscite sa verve. Les pratiques religieuses sont tournées aussi en dérision. Le pèlerinage « A Saint-Jacques de Compostelle » de « Grand opéra » consiste en attouchements douteux. Le pardon de Sainte-Anne est le lieu d’un rassemblement de mendiants hideux dont la présence conviendrait plus à un spectacle de monstres pour fête foraine qu’à une fête religieuse :
Sont-ils pas divins sur leurs claies,
Qu’auréole un nimbe vermeil,
Ces propriétaires de plaies,
Rubis vivants sous le soleil !…
Leur motivation est uniquement lucrative, et l’adjectif « divins » est rabaissé, par antiphrase, au sens de « jolis ». Ève est présente dans la « Pomme cuite en fleur de péché » que voudrait tant consommer la bigote de « Pudentiane ». L’énonciatrice de « Femme » se compare à Ève « qui n’aimait pas la pomme, | Je ne l’aime pas – et j’en veux – ! » Les figures essentielles du christianisme sont tournées en dérision. Dans « Le convoi du pauvre », le trajet du « peintre écrémé » du salon est comparé au Golgotha. Contrairement à Baudelaire, Corbière n’éprouve ni crainte ni adoration feinte pour le Diable, qui ne surgit que dans un contexte burlesque, excepté dans « Cris d’aveugle » : Bitor est « le diable bouilli », le Juif errant de « Laisser-courre » laisse « Au diable aussi sa queue ». « Prions… l’esprit du diable est prompt… | Ah ! Si j’étais sur lui, de quel bond | Je serai sur toi, la donzelle ! » s’exclame Tristan dans « Grand opéra », faisant de Satan l’auxiliaire virtuel de sa concupiscence.
Même Dieu, souvent nommé, surgit le plus souvent dans un contexte burlesque. Bitor va au bordel comme suite à « un commandement de Dieu ». Ce dernier « doit être content » de l’ivresse du pauvre, qui en fait un émule de Noé. Le « pendard » d’« Idylle coupée » est écrasé suite à une action divine. « La trompette de Dieu vienne te réveiller ! », tempête, excédé, l’amoureux frustré de « Grand opéra ». « Il est coté fort cher… Ce Dieu c’est quelque chose », affirme la locutrice de « Déclin », rabaissant la valeur divine à une valeur marchande.
Il y aurait bien d’autres exemples. Baudelaire et Corbière semblent donc s’accorder sur le point du blasphème, même si l’auteur des Amours jaunes ne craint ni Dieu ni Diable. N’y aurait-il donc chez lui aucune trace de mysticisme ? Rappelons qu’une tradition critique qui va de Sonnenfeld à Évelyne Voldeng fait de Corbière un « poète chrétien ». Cette dernière écrivait ainsi « Nous croyons que derrière la pose ironiste […] se cache un appel désespéré à la transcendance. L’écriture parodique des Amours jaunes, tout en blasphèmes, n’a de sens que si elle sous-entend la foi en quelque idéal, en quelque absolu11. » Mais pourquoi le blasphème serait-il une forme implicite de mysticisme ? Ce raisonnement me semble très orienté, et non argumenté. Et il est cruellement infirmé par les « Rondels pour après », apothéose des Amours jaunes. Chacune de ces six berceuses macabres à un enfant mort qui subit l’ironie de ses parents mentionne un élément religieux : « encensoir, caveau, cierge, pleureuses, cercueil, trépassés ». Le contexte en fait des auxiliaires de la cruauté qui accable l’enfant mort.
Néanmoins, comme on a vu que la misogynie des Amours jaunes ne peut définir totalement la façon dont Corbière voit la femme, sa mécréance apparente s’atténue parfois. C’est surtout visible parmi les pèlerins de la « Rapsode foraine », dont la foi viscérale interpelle Sainte-Anne avec une sincérité, une confiance et une simplicité désarmantes :
Fais venir et conserve en joie
Ceux à naître et ceux qui sont nés.
Et verse, sans que Dieu te voie,
L’eau de tes yeux sur les damnés !
Corbière ne condamne pas ces pèlerins dont il véhicule les propos, inventés par lui au demeurant, avec une sympathie visible. On a dit que les mendiants, rassemblés ici pour apitoyer les pèlerins en exhibant des plaies entretenues, ne semblaient pas avoir d’autre but. Mais l’auteur rectifie :
– Nous, taisons-nous !… Ils sont sacrés.
C’est la faute d’Adam punie,
Le doigt d’En-haut les a marqués:
– La droite d’En-haut soit bénie !Du grand troupeau, boucs émissaires
Chargés des forfaits d’ici-bas,
Sur eux Dieu purge ses colères !...
Les éclopés expient nos péchés et leurs plaies sont en somme un écho de celles du Christ en croix. C’est encore plus vrai pour le supplicié de « Cris d’aveugle », dont le sort est bien plus terrible que celui des mendiants. Ce poème est le plus énigmatique des Amours jaunes. Il met en scène un personnage qui est visiblement soumis à des tortures d’autant plus atroces qu’on ignore ce qui les motive : « L’œil tué n’est pas mort | Un coin le fend encor | Encloué je suis sans cercueil | On m’a planté le clou dans l’œil… » L’énonciateur invoque constamment des éléments propres à la religion, mais sans trace visible d’ironie ou de blasphème :
Le marteau bat ma tête en bois
Le marteau qui ferra la croix
[…]
Mon Golgotha n’est pas fini
Lamma lamma sabacthani
[…]
Dans la moelle se tord
Une larme qui dort
Je vois dedans le paradis
Miserere De profundis
Même les figures essentielles du christianisme apparaissent dans un propos qui ressemble à une prière réelle :
Bienheureux le bon mort
Le mort sauvé qui dort
Heureux les martyrs les élus
Avec la Vierge et son Jésus
[…]
O bienheureux le mort
Le mort jugé qui dort
La couleur des « landes jaunes d’Armor » revêt ici une de ses seules occurrences positives dans le recueil (avec la « cire-vierge jaune » offerte à Sainte Anne). La supplication, humble, évoque le diable, qui retrouve ses traits inquiétants et n’a rien du burlesque qui caractérise ses autres apparitions :
Pardon de prier fort
Seigneur si c’est le sort
Mes yeux deux bénitiers ardents
Le diable a mis ses doigts dedans
Mais on ignore si c’est ici l’auteur qui s’exprime en son nom, ou l’énonciateur projeté dans la fiction, à qui l’auteur fait connaître des expériences diverses et contradictoires. Corbière serait donc anticlérical et anticatholique, mais ne serait pas antichrétien. Il cultive ici un mysticisme brut, primitif. En témoignent encore « la NOTRE-DAME DES BRISANS » du « Naufrageur » qui fait échouer un bateau pour nourrir ses ouailles, sans pitié pour les noyés, ainsi que la « tombe – et rien dedans – » que la mère du mousse orphelin a offerte à son mari.
Baudelaire et Corbière semblent donc s’opposer dans leur façon d’appréhender la religion. Mais le mysticisme de l’un trouve un écho chez l’autre. Le satanisme de Baudelaire n’a par contre pas d’équivalent chez un Corbière qui, le plus souvent, tourne en dérision Dieu et Diable, sauf donc dans « Cris d’aveugle » et « La rapsode foraine ».
D’autres éléments nourrissent le spleen baudelairien : la maladie, l’ennui, la solitude, le temps, la peur de la stérilité artistique, la nostalgie. Corbière cite Baudelaire dans « Un jeune qui s’en va », en l’associant au mot « hôpital ». Cela paraît curieux : l’auteur des Fleurs du mal aspire à la santé que dispense le soleil, « ennemi des chloroses » (« Le soleil ») et « laisse à Gavarni, poète des chloroses, | Son troupeau gazouillant de beautés d’hôpital ». Peut-être Corbière sait-il comment Baudelaire est mort, peut-être aussi pense-t-il que son aîné lui-même a associé Rembrandt à un « triste hôpital tout rempli de murmures » (« Les Phares »). La maladie est certes bien présente dans Les Fleurs du mal, notamment sous les traits du spleen, qui donne leur titre à quatre poèmes dont le célèbre « Quand le ciel bas et lourd… » Baudelaire, on le sait, craint le froid et l’hiver. Corbière date et situe à Paris, en janvier « La pipe au poète », parodie burlesque de « La pipe » de Baudelaire, Serait-ce une allusion à « Pluviôse, irrité contre la ville entière… » ? Zulma, quant à elle, meurt en novembre. Le « poète » mis en scène par Corbière ne l’est plus, car son hébétude, provoquée par une pipe qui soulage ses tortures mentales, lui interdit toute écriture. La pipe de Baudelaire, quant à elle, lui offrait un repos bienfaiteur.
Dans Les Amours jaunes, le spleen revêt aussi les traits de l’insomnie, qui condamne sa victime à une activité fiévreuse et stérile. L’écriture serait une pathologie, un prurit littéraire… On le soigne : « Ces Dames | Sont le remède », conseille Tristan au « Juvénal de lait ». On ne sait de quelle fièvre meurt le « jeune qui s’en va », ou s’il feint la maladie pour se moquer de ceux qui ont fait de leur « phtisie » un art poétique complaisant. Le « cancer au sein » dont souffre l’Etna est peut-être un écho du poème précédent, où Corbière accable de sa rage un Lamartine coupable d’avoir monnayé ses deuils. On ne sait pas non plus de quoi est mort le destinataire des « Rondels », mais les propos cyniques de ses parents prolongent ses souffrances. Enfin, l’acharnement avec lequel Baudelaire comme Corbière accablent si souvent les femmes de leurs sarcasmes semble participer d’une maladie névrotique qui, à la longue, peut susciter notre lassitude.
Le mot « spleen » n’apparaît pas dans Les Amours jaunes, et l’ennui n’y a de majuscule que dans « Le poète contumace », dont il est l’un des compagnons. « Il s’amusa de son ennui | Jusqu’à s’en réveiller la nuit » écrit Tristan dans son « Épitaphe », et c’est fort logiquement qu’on retrouve ce mot dans « Insomnie » et « Litanie du sommeil ». L’amoureux de « Steam-boat » évoque le « doux ennui » de sa bien-aimée. Le « riche en Bretagne » « se chante vêpre en berçant son ennui », qui ne dure jamais longtemps. « L’ennui contemplatif divisé par lui-même » touchera le douanier retraité sans l’accabler du poids dont souffre Baudelaire « (d)urant les noirs ennuis des neigeuses soirées » (« La Muse vénale »). L’ennui au sens baudelairien du terme ne semble guère que le lot du poète hébété protégé par sa pipe des affres de l’inspiration, du « contumace » qui ne prend jamais toutefois son sort très au sérieux, et surtout du « paria », dont la solitude radicale est baignée de désespérance : « Ma pensée est un souffle aride : / C’est l’air. L’air est à moi partout. / Et ma parole est l’écho vide / Qui ne dit rien – et c’est tout. »
« Paria » est sans doute le seul poème des Amours jaunes qui exprime une telle déréliction. Il est comparable aux poèmes où Baudelaire exprime un état d’âme proche : « Le goût du néant », « La cloche fêlée », « Chant d’automne », « Remords posthume », entre autres. Mais l’auto-dérision dont Corbière est si prodigue l’empêche de sombrer dans la noirceur qu’illustre si souvent la veine spleenétique des Fleurs du mal. « Laisser-courre », « Bohême de chic » et « Libertà », qui peignent aussi la figure d’un marginal errant, tout comme « Le poète contumace », n’ont pas la tonalité lugubre de « Paria ».
Le temps dévorateur, « Noir assassin de la Vie et de l’Art » (« Le portrait ») est lié au spleen baudelairien, on le sait. « Et le Temps m’engloutit minute par minute » (« Le goût du néant »), « O douleur ! Ô douleur ! Le Temps mange la vie ! » se lamente Baudelaire. Il choisit de conclure la principale section de son livre par « L’horloge », qui personnifie le temps et matérialise ses atteintes. Celles-ci entravent aussi la puissance créatrice de l’artiste, comme le montre bien « L’ennemi », poème douloureux qui a pour sujet la peur de la stérilité littéraire, où le poète constate « qu’il reste en (s)on jardin bien peu de fruits vermeils ».
Mais c’est plutôt la peur apparente de la création, on l’a vu, qui accable Tristan, dans « La pipe au poète » et « Insomnie ». L’incapacité qu’il manifeste pour définir son œuvre dans « Çà » tourne à un jeu de pistes plutôt jubilatoire dont le terme final : « L’Art ne me connaît pas. Je ne connais pas l’Art » signifie que le poète refuse les procédés de l’art officiel, tout en utilisant sa forme pour le dire. Mais, tout comme la « muse vénale » de Baudelaire qui « pour gagner (s)on pain de chaque soir » doit « Chanter des Te Deum auxquels (elle) ne croit guère », la « pauvre Muse pucelle » du provincial débarqué à Paris, elle aussi, a dû prostituer son inspiration pour réussir. J’ai d’ailleurs relevé seize fois le mot « muse » dans Les Amours jaunes, souvent avec une majuscule, contre quatre occurrences seulement dans Les Fleurs du mal : mais deux poèmes importants le font figurer dans le titre. La Muse de Corbière est souvent maltraitée. « La muse malade s’étire… » dans « Idylle coupée », victime du désœuvrement général.
De fait, on ne peut guère relever que cinq poèmes de Baudelaire, pourtant qualifié de « Boileau hystérique » par Alcide Dusolier, qui traitent des conditions de la création et de la figure du créateur : « L’albatros », « La Muse malade », « La Muse vénale », « L’ennemi », mais aussi « Une charogne ». Ils sont plus nombreux chez Corbière, qui exprime des Arts poétiques par antiphrase dans « Ça », « Épitaphe », « I sonnet », « Un jeune qui s’en va », « La pipe au poète », « A une demoiselle », « A un Juvénal de lait » et « Décourageux ». Pour ce dernier, « la Muse est stérile ! Elle est fille | D’amour, d’oisiveté, de prostitution », ce qui nous renvoie au mentor de « Paris », dont l’enseignement est ici rejeté. De fait, le vrai Corbière n’a sûrement pas prostitué son talent pour écrire un ouvrage aussi peu conforme aux canons poétiques…
Corbière n’allégorise jamais le mot « temps », contrairement à Baudelaire, qui le fait souvent. L’obsession du temps spleenétique et dévorateur n’irrigue donc pas Les Amours jaunes, même si le temps du « paria » est un temps cruellement suspendu, celui d’une vie dénuée d’action et vouée à la solitude. Celui du « contumace » s’étire interminablement, mais la lettre à l’aimée absente ouvre une perspective, brisée quand Tristan déchire son message. Le temps du poète hébété de « La pipe au poète » s’étire lui aussi, mais il n’en a pas conscience, pas plus que le destinataire mort des « Rondels ».
Le recours à la thématique maritime est chez Baudelaire un antidote à l’angoisse du temps. De « L’albatros » à « La mort », la mer est souvent évoquée, notamment dans « Le serpent qui danse », « Le beau navire », « La musique », « La chevelure », « Parfum exotique ». Mais elle l’est presque toujours par métaphore : « O Mort, vieux capitaine, il est temps ! levons l’ancre ! ». Elle offre aussi un vivier d’images pour célébrer la femme : « Tu contiens, mer d’ébène, un éblouissant rêve | De voiles, de rameurs, de flammes et de mâts » dit Baudelaire de la chevelure célébrée. Le vocabulaire qu’il exploite reste très général et conceptuel : « vaisseau », « frégate », « navire », « houle », « voiles »… Il est étonnant que Corbière, si virulent pour dénoncer l’incompétence lexicale de Victor Hugo, des passagères de Bambine ou des marins d’opérette, n’ait pas épinglé Baudelaire sur ce point : peut-être est-ce là un signe de sympathie...
On a dit que « Gens de mer » était la partie la moins originale des Amours jaunes. J’adhère assez à cette appréciation, sauf pour ce qui est du visionnaire « Naufrageur » et d’« Au vieux Roscoff », version en vers d’un texte en prose, qui témoigne d’un travail de réécriture très élaboré12. Corbière s’y montre redevable aux romans de son père et aux chansons du Gaillard d’avant de La Landelle, qu’il pastiche dans « Le novice » et « Le mousse ». Il fait revivre les habitants des côtes et des mers de façon très réaliste et complice : la mer n’a pas le statut que Baudelaire lui donne dans Les Fleurs du mal.
Le statut de Paris est très différent aussi d’un recueil à l’autre. Baudelaire décrit peu sa ville : on y voit le Carrousel, le Louvre, la Seine, et un restaurant, le Véfour. Excepté le début de « Paysage », quelques vers du « Soleil » et des « Crépuscules », Baudelaire décrit des états d’âmes, extrapole à partir du théâtre que lui offre la cité – où l’on voit étonnamment surgir Andromaque et ses proches. Le pittoresque est rare, à peine voit-on les « feux du gaz », le « vieux faubourg » et « l’atelier qui chante et qui bavarde ». La prostitution est l’activité la plus décrite, comme chez Corbière, qui ajoute la scène du peintre refusé et des boursicoteurs. Il décrit peu les lieux lui aussi, surtout les activités humaines. Mais les toponymes sont nombreux, sauf dans la sous-section « Paris » : Seine (« Gente dame »), Batignolle, Odéon (« Après la pluie »), bois de Boulogne (« Idylle coupée »), Notre-Dame-de-Lorette », Élysée (« Le convoi du pauvre »). Dans Les Amours jaunes, les noms de lieux, souvent imaginaires, sont souvent programmatiques: l’amoureux déçu de « Bonne fortune et fortune » évolue « Rue des martyrs ». Zulma commence sa carrière à Bougival, quartier populaire, et l’achève à Saint-Cloud, quartier riche où elle bat le pavé « Aux vingt sols, et plus aux vingt francs... »
Baudelaire habite Paris, qu’il n’éprouve peut-être pas le besoin de décrire, alors que Corbière l’a découvert en touriste : aussi aime-t-il à évoquer les lieux qu’il a parcourus. Il cite aussi les titres de la presse parisienne : « TEMPS, SIECLE et REVUE DES DEUX MONDES ! » dans « Litanie du sommeil », mentionne l’Opéra-Comique dans « Matelots » et « Vésuves et Cie ».
Mais Corbière s’approprie surtout avec une jubilation communicative le parler parisien du ruisseau, que Baudelaire ignore totalement. Sans doute parler de « brandezingue » ou de « mannezingue », de « dos-bleu » ou de « Polyte » (« Idylle coupée ») ne serait-il pas sérieux à ses yeux. Peut-être aussi ne connaît-il pas ce langage, que Corbière a découvert et fait sien comme il l’a fait du langage de la mer et certains mots et calques bretons. De fait, l’humour (sinon involontaire13) est absent des Fleurs du mal, alors que Les Amours jaunes regorgent de jeux de mots, de calembours, et de situations burlesques. Pour Baudelaire l’art est une ascèse qui ne tolère pas le comique, même s’il ricane souvent en fustigeant ses cibles.
La vision de la mort que colportent Les Fleurs du mal aurait-elle « fait école » dans Les Amours jaunes ? La mort est omniprésente chez Baudelaire. Elle désigne la section finale du recueil. Souvent aussi, elle est montrée de manière très réaliste, voire macabre : « Une charogne », « Le vampire », « Le mort joyeux », « Les deux bonnes sœurs », « Le squelette laboureur », « Danse macabre », « La fontaine de sang » colportent des images dignes des romans gothiques. Le ver est, on l’a vu, un personnage familier des Fleurs du mal. Ces « Vieux squelettes gelés travaillés par le ver » de « La servante… » trahissent chez Baudelaire une angoisse de la décomposition. Il lie aussi étroitement Éros et Thanatos : « La débauche et la mort sont deux aimables filles... » (« Les deux bonnes sœurs »).
Dans Les Amours jaunes, la présence de la mort est moins obsessionnelle. Corbière la traite de manière souvent désinvolte. Dans « Un jeune qui s’en va », le poète qui agonise ne paraît pas prendre son sort au sérieux, et apostrophe ses collègues suicidés avec un ton fort cavalier. Dans « Grand opéra », la sainte qui repose dans sa châsse est l’objet d’une convoitise nécrophile. « Tu mourus à seize ans !… C’est bien tôt pour nourrir ! » persifle Tristan face aux mânes de Graziella. « Et, d’un vol joyeux, la corneille | Fait le tour du toit où l’on veille | Le défunt qui s’en va demain » énonce Tristan dans « Nature morte », cette « joyeuse prosodie funèbre », selon Jean-Marie Gleize14. Le « pendard » écrasé d’ « Idylle coupée » connaît un sort enviable, d’après Tristan. Le suicide du Bitor, si tragique soit-il, suscite une oraison funèbre bien légère : « Le pauvre diable avait connu l’amour ! » Dans « Gens de mer », la mort est chose naturelle au matelot : « – Un trou dans l’eau, quoi !… pas de fioriture. » Rien ne se perd, les cadavres des marins revivent dans la mer qui les a pris : « L’âme d’un matelot, | Au lieu de suinter dans vos pommes de terre, | Respire à chaque flot ! » C’est le sort que se souhaite Tristan : « Mon lit d’amour fut un hamac ; | et, pour tantôt, j’espère un sac | Lesté d’un bon caillou qui coule. » (« Point n’ai fait un tas d’océan… »). L’équipage d’ « Aurora » est promis à la mort, quoi de plus banal ? « Lettre du Mexique » et « Le mousse » évoquent le jeune soldat et le père disparus avec résignation. Même les pèlerins de la rapsode la considèrent comme allant de soi, et se contentent de demander à Sainte-Anne d’emporter les mourants, jeunes ou vieux, avec affection :
Reprends dans leur chemise blanche
Les petits qui sont en langueur...
Rappelle à l’éternel Dimanche
Les vieux qui traînent en longueur.
Seuls dix poèmes nous semblent considérer la mort avec sérieux. Les six « Rondels » en donnent une vision macabre d’autant plus douloureuse qu’ils ont pour sujet la mort d’un enfant dont on se moque : « Les fleurs de tombeau qu’on nomme Amourettes | Foisonneront plein ton rire terreux… » (« Petit mort pour rire »). Trois poèmes annoncent une mort prochaine. On ne voit pas comment le personnage de « Cris d’aveugle » pourrait lui échapper, lui qui entend « l’hallali des trépassés ». « Mon os ira bien là tout seul… » affirme le « paria », dont l’errance sans espoir ne peut avoir que la mort pour issue. La mort offre à Zulma une « Nuit gratuite sans trou de lune », d’autant plus terrible que Tristan la constate avec une neutralité froide. La mort ne suscite la révolte que dans « La pastorale de Conlie ». Tristan se figure soldat parmi ses compatriotes, pris dans un piège fatal voulu par ceux « du Quatre Septembre ». La mort du sonneur enterré « avec sa cornemuse » est d’autant plus pathétique qu’elle suscite l’indignation du narrateur : « Pourquoi ? ». Contrairement au sort des marins disparus, ces morts n’ont pas de légitimité. Les noyés nourrissent la mer, alors que le sang des sacrifiés de Conlie empoisonne la terre « – Ne mangez pas ce pain, mères et jeunes filles ! | L’ergot de mort est dans le blé. »
Pour Jackson, c’est une certaine « couleur15 » qui caractérise le vers baudelairien. Il reprend là la préférence qu’exprimait le poète pour « le dessin du coloriste » aux dépens de « celui du dessinateur ». Et c’est justement comme « Coloriste enragé – mais blême » que se définit Tristan dans « Épitaphe ». Nos poètes auraient-ils la même « couleur » ? Pour Jackson, celle de Baudelaire se remarque aux nombreuses assonances que pratique le poète. Corbière en réalise aussi, notamment grâce à ses innombrables jeux sur les répétitions, polyptotes, dérivations et calembours. Mais quel poète ne joue-t-il pas sur les sonorités ? Jackson relève aussi dans Les Fleurs du mal les « audaces lexicales allant aussi bien dans le sens de l’innovation que dans celui des archaïsmes16 ».
Baudelaire il est vrai nous inflige force « Népenthès, tympanon, helminthes, dictame, Minturnes, calenture, houka, oliban et obi », outre de nombreux noms empruntés à la mythologie. Corbière va encore plus loin car il crée des néologismes (« ruolzer », « grazieller », clyso-pompant »…) et exploite un lexique dont Ch. Angelet a montré la richesse17. Il utilise force noms mythologiques mais c’est toujours pour les tourner en dérision, contrairement à son aîné, qui convoque ainsi avec respect les personnages d’Andromaque dans « Le cygne ». Corbière surtout parsème son ouvrage de mots empruntés à quantité de langues plus ou moins correctement traitées : anglais, hébreu, italien, espagnol, breton…, sans compter les « langues » des marins, de la bohème parisienne, de la cynégétique, de l’héraldique… Il va en ce domaine beaucoup plus loin que Baudelaire. Jackson relève « l’exaspération » comme « autre composante de l’âme baudelairienne », et le mot convient fort bien à nos deux poètes, si souvent rageurs et railleurs18. Il signale aussi la « dislocation du moule prosodique traditionnel » du vers baudelairien, ses « violences prosodiques19 », et c’est peu dire que Corbière va plus loin, on a décrit bien souvent ses diérèses et synérèses, rejets et contre-rejets et décalages qui n’ont que l’apparence de l’anarchie. Jackson mentionne aussi « l’élection du site urbain comme (nouveau) site de la poésie20 », et Corbière ici encore suit les traces de son aîné en devenant, plus que lui à mon sens, un grand poète parisien. Jackson, enfin, relève chez Baudelaire une « dramaturgie ou une polyphonie de l’énonciation » sensible ainsi dans « L’horloge », mais aussi dès « Bénédiction ». Corbière multiplie aussi les voix bien plus que Baudelaire, on l’a vu : l’énonciateur des Amours jaunes prend quantité de visages différents. Le Milinaire qualifie justement de « dramaticules21 » les poèmes des Amours jaunes. « La suite des sections revêt (dans Les Fleurs du mal) l’allure d’une progression dans l’ordre de la gravité ainsi que celui du Mal22 », écrit encore Jackson. Cela nous semble moins vrai chez Corbière. « Gens de mer » est une partie globalement euphorique. Les « Rondels », malgré leur pessimisme, envisagent une consécration ultérieure du poète mort-né : « Ici reviendra la fleurette-blême… ». Le futur est prophétique.
Évoquant « Spleen et idéal », Jackson écrit encore : « Le mouvement que dessine cette première section est bien celui d’une chute, d’une chute de l’Idéal à un spleen sans concession23. » Baudelaire va du haut vers le bas (sauf, au moins, dans « Élévation »!). On a souvent dit que Corbière va du bas… vers le bas. MacFarlane décelait chez lui « une prédilection pour […] les personnages végétatifs si dépourvus de formation intellectuelle que la faculté qu’on nomme communément conscience n’existe chez eux qu’à l’état minimal24. » MacFarlane pensait aux « frère et sœur jumeaux », au douanier, à la rapsode. Mais on a vu que le finale du poème qui lui est consacré la transcende.
On peut donc dire que « la charogne de Baudelaire (a) fait école ». Corbière épouse la misogynie de son aîné et cultive les six traits de la « couleur » baudelairienne telle que la définit son exégète. Avec des différences, il exploite les thèmes élus par Baudelaire : religion, moins satanique et plus tournée en dérision chez Corbière. Celui-ci idéalise peu la femme, mais sa « Muse » a dû se plier au cynisme en vigueur pour réussir. Les femmes des marins et celles de la campagne ont un statut différent, et positif. La mort, présente dans nos deux recueils, est dans l’ensemble moins macabre dans Les Amours jaunes que dans Les Fleurs du mal, « Conlie », « Cris d’aveugle » et « Rondels » exceptés. Corbière traite la prostitution avec plus de légèreté que son aîné, sauf dans « Zulma ». L’auteur breton envisage la mer en ethnographe ; chez Baudelaire elle est métaphorique. Corbière semble plus soucieux de s’interroger sur l’acte de la création. Mais l’influence du premier sur le second ne se résume pas à trois pastiches et à quelques citations. Corbière s’est nourri de ses lectures des Fleurs du mal pour aller parfois plus loin que son aîné dans la création verbale et celle d’un univers poétique inédit. Corbière a cueilli chez Baudelaire des fleurs jaunes, dont il a fait des « male-fleurette(s), des « fleurs de bohême », des « myosotis », « un faix d’immortelles » qu’on n’oubliera pas.
Notes
Thierry Roger définit fort justement « Paris » comme « un micro-Bildungsroman » (La Muse au couteau, PURH, oct. 2019, p. 54-55).
Op. cit., p. 23. Dans « Fleur d’art », pour Angelet, mais aussi dans « Femme », « Pauvre garçon » et « Déclin ».
Évelyne Voldeng, Aspects de la religion dans l’œuvre de Tristan Corbière, thèse de 3ème cycle, Brest, Université de Bretagne occidentale, 1976, p. 158.
Cf. P. Rannou : « De l’album Louis Noir aux Amours jaunes. Réécritures tristaniennes du “Naufrageur” et d’“Au vieux Roscoff” », Cahiers Tristan Corbière, n° 2, Garnier, déc. 2019, p. 113-130.
Je pense au « Mort joyeux » : « O vers ! Noirs compagnons sans oreilles et sans yeux, | Voyez venir... ». Voir sans yeux est difficile, et imaginer des vers pourvus d’yeux et d’oreilles cultive un fantastique burlesque. Par ailleurs, j’ignore si une femme apprécierait vraiment les compliments que lui décerne Baudelaire dans « Le beau navire » : « Ta gorge triomphante est une belle armoire, | Dont les panneaux bombés et clairs | Comme des boucliers accrochent des éclairs ; || Boucliers provocants, armés de pointes roses ! »
Comme le rappelle Thierry Roger (op. cit., p. 182), Tristan Tzara parlait déjà d’« exaspération verbale » à propos de Corbière dans « Tristan Corbière ou les limites du cri », Europe, n° 60, 1950, p. 87-96 .
André Le Milinaire, Tristan Corbière, la paresse et le génie, Seyssel, Champ vallon, 1989, p. 118.
Table des matières
Agrégation 2020
Optimum et optimisme dans Zadig, Candide et L’Ingénu
La Bruyère pasticheur : parodie et hétéroglossie dans les Caractères
Les sentences dans Hippolyte et La Troade : creuses ou pieuses paroles ?
La Re-naissance du démiurge. Blaise Cendrars, L’Homme foudroyé
Fleurs du mal et Amours jaunes : « La charogne de Baudelaire fait école »