Le premier dossier de ce numéro, intitulé « Transnationalité et transculturalité. Le phénomène migratoire », est consacré aux Actes d’un colloque intitulé European Literatures on the move : Transnationality and Transculturality in a Historical Perspective. Dans le cadre du groupe de recherche « Transpositions » du CIELAM, six chercheurs préparent un ouvrage sur Trans-Culture, Migration and Literature in Contemporary Europe qui sera publié sous l’égide de l’Association Internationale de Littérature Comparée aux éditions John Benjamins à Amsterdam. Cinq d’entre eux ont participé au colloque organisé par le Centre de l’Art et des Sciences Humaines à l’Université de Salzbourg le 1er et le 2 juin 2012. On trouvera ici le texte de leur contribution. La « transnationalité » se situe entre le local et le mondial, le national et l’international. À partir des histoires littéraires nationales se construit un concept plus large de la littérature et du développement culturels comme la diaspora, l’exil, la migration ou le post-colonialisme en tant qu’instances d’une transcendance des frontières nationales. Le passage vers le transnational comme compréhension de la production littéraire et de la représentation a été regardé en général comme un reflet du processus multiforme de mondialisation et de migration caractéristiques du XXe siècle. Les cinq articles réunis ici traitent du phénomène migratoire et de son impact sur l’écriture de fictions produites dans la seconde moitié du XXe siècle. Ils sont publiés sous la responsabilité scientifique du Centre de l’Art et des Sciences Humaines de l’Université de Salzbourg (responsables : Fridrun Rinner, Anja Tippner).
Les deux dossiers suivants sont consacrés à deux journées d’étude jeunes chercheurs, l’une organisée par le CIELAM et l’autre par l’AJEI, qui s’intéressent à la manipulation de la norme et abordent divers questionnements autour du texte à travers des études littéraires et/ou anthropologiques. Ce projet n’aurait pas pu être réalisé sans les multiples partenaires et collaborations qui ont porté sa mise en place. Nous tenons donc à remercier vivement nos partenaires : le CIELAM (Centre interdisciplinaire d’études des littératures d’Aix-Marseille) pour la journée Master-Doctorants Exil, erreurs, errances : l’expérience de l’ailleurs, l’ AJEI (Association des Jeunes Etudes Indiennes de Paris) qui était à l’origine de la journée d’étude Normes, textes et pratiques en Asie du Sud et le soutien du laboratoire CPAF-TDMAM (Centre Paul Albert Février-Textes et documents de la Méditerranée antique et médiévale). Notre reconnaissance se tourne particulièrement vers les professeurs qui ont bien voulu nous encourager de leur présence : tout d’abord Monsieur Stéphane Lojkine qui est directeur du CIELAM, Monsieur Sylvain Brocquet, Madame Anne Castaing, Monsieur Noël Dutrait, Madame Geneviève Goubier, Madame Huguette Krief, Monsieur Daniel Martin, Madame Elisabeth Naudou, Monsieur François-Xavier de Peretti, Madame Sylvie Requemora-Gros, Monsieur Pierre Ronzeaud et Madame Catherine Servan-Schreiber, ainsi que l’ensemble des participants venus de diverses régions de la France. Nous exprimons également toute notre gratitude à l’Université d’Aix-Marseille et à la Maison de la recherche pour leur appui logistique.
Ces deux dernières années, la question de l’errance s’est ardemment posée en littérature du XVIIe siècle, comme en témoignent cette journée d’étude Master-Doctorant dont les études s’étendent du Moyen Âge au XXe siècle, ou encore le colloque international Errances, égarements, erreurs, hérésies au XVIIe siècle, organisé par la North-American Society for Seventeenth-Century French Literature (NASSCFL) en juin 2015 à Québec. En outre, la tenue du séminaire hebdomadaire Erreurs et errances, organisé par le CIELAM à l’Université d’Aix-Marseille, montre l’intérêt encore très actuel sur ces questionnements. Les participants se sont interrogés sur l’écriture du voyage mise en place par l’errance qui, en tant que cheminement non prédéfini, conduit à l’erreur. Mais l’errance, qu’elle soit viatique ou philosophique, s’est attachée tout particulièrement à interroger le rapport à l’Autre dans ce qu’il fait réfléchir sur soi et l’instrumentalisation de la norme pour en montrer les déviances. De Chrétien de Troyes à Marcel Pagnol, en passant par Kepler, Friedrich Hölderlin et bien d’autres, la figure de l’homo viator est donc soumise à l’erreur dans sa diversité : erreur de parcours, erreur d’interprétation au sein d’utopies, de récits de voyage ou de romans. Errant sans orientation définie, le voyageur réel ou fictif se trouve mêlé à un ailleurs vraisemblable ou merveilleux, fiable ou ironique qui l’amènent à observer voire à illustrer l’inconnu.
La journée d’étude « Normes, textes et pratiques en Asie du Sud » a tenté d’étudier ce qui relie la norme à la pratique sociale ou littéraire à travers le texte. Les participants ont cherché à montrer l’enjeu induit par la norme au sein d’une société indienne en pleine mutation et sa réappropriation par le biais de l’écriture. Ainsi, la norme se trouve être remise en question, remaniée, recréée en vue d’être dépassée voire dénoncée. En effet, d’un côté la dimension artistique permet de Jouer la norme pour la changer par la pratique théâtrale (Clément Poutot), c’est-à-dire que, par le biais d’échanges avec le public, il devient possible de transgresser les normes sociales. Ces dernières se retrouvent alors mises en scène grâce au Jana Sanskriti, une forme métissée de pratique théâtrale dans laquelle les spectateurs se voient investis du pouvoir de les dépasser par la mise en jeu qui leur est proposée. Poésie au féminin (Cyrille Lechopier), étudie en quoi le langage poétique devient un moyen de dénonciation de la norme concernant le statut des femmes en Inde et d’émancipation pour ces dernières. Il s’agit de s’intéresser aux diverses approches des deux poétesses Anâmikâ et Rajanî Anurâgî représentant ici la littérature poétique hindie questionnant l’identité. Basées sur des poèmes, les interprétations de danse Odissi cherchent à s’approcher au plus près des textes. Il s’agit alors à l’apprenant de corriger ses erreurs en assimilant l’enseignement de son maître, transmis principalement à l’oral. Barbara Curda tente, dans cette étude, de dresser le portrait de cette « quête de la véritable interprétation des textes ». En outre, la relation du maître et de son disciple est également abordée par Loïc Reder qui s’appuie sur un réformateur des méthodes d’apprentissage pour démontrer de quelle manière la norme peut être remodelée. Ainsi, en tant que successeur du fondateur du Brahmo Samaj, Vidyasagar développe ce mouvement de réforme socio-culturel et tente de l’appliquer au Sanskrit College. Enfin, la pratique culturelle obéit également à un système de normes qui se trouve être manipulé et réinventé. C’est ce que cherche à nous démontrer Laurence Lecuyer par son étude sur le port du voile et plus particulièrement le ghungat. Née au Rajasthan, cette pratique est elle-même issue d’une « hybridation culturelle ». Il sera ici question de tenter de démêler cette mise en abyme de normes tout en étudiant les diverses expressions corporelles des pratiquantes de cette coutume.