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L’hospitalité a fait l’objet de bien des débats depuis son « renouveau théorique1 », initié depuis 2016 par de nombreux philosophes et sociologues2 dans le contexte de ladite « crise de l’accueil » de 2015. Dans ces débats, Derrida occupe une place de choix. Dès les années 1990, il s’est en effet emparé du sujet, dans le contexte de l’« affaire Deltombe », du nom d’une femme accusée de délit de solidarité pour avoir hébergé son compagnon sans-papier, et des luttes collectives de sans-papiers pour leur régularisation3. Depuis lors, presque tous les penseurs de l’hospitalité passent par Derrida. Ses écrits ont déjà été commentés et critiqués dans les détails, depuis plusieurs points de vue, que ce soit le caractère problématique de sa pensée de l’inconditionnalité de l’hospitalité pour penser les politiques migratoires4, son absence de considération pour un étranger qui n’aurait pas la capacité de transformer l’accueillant5, ou encore la trop grande rapidité avec laquelle elle évacue les questions pratiques de l’hospitalité6.

Cet article n’a pas pour projet de déceler un aspect nouveau de la pensée de l’hospitalité du philosophe français. Il est à concevoir comme une étape dans le développement en cours, dans ma thèse, d’une problématisation philosophique du rapport entre bénévoles, travailleurs sociaux et demandeurs d’asile, à partir d’une enquête de terrain menée en France et en Allemagne entre novembre 2017 et décembre 2019. Cette problématisation s’inspire largement des travaux du phénoménologue allemand Bernhard Waldenfels, qui explore l’idée de « voisinage » comme troisième voie dans le rapport possible à l’étranger, entre nationalisme et cosmopolitisme7. Conceptualiser le « voisinage », c’est explorer les modes d’attention pratique à l’étranger tel qu’il se présente, sans volonté de prescrire un comportement ou une « ouverture » particulière du sujet accueillant. Le voisinage nous indique d’ailleurs que le lieu est particulièrement important pour penser l’hospitalité, et qu’il compte autant qu’une volonté d’être hospitalier. Le lieu du voisinage n’est pas le lieu de l’État, ou en tous les cas pas seulement celui-ci ; au sein du voisinage, se crée du commun, par de l’attention réciproque qui ne pose pas seulement la question d’un séjour légal, d’un « accueil » étatique.

Dans ce texte, il s’agira donc de se demander en quoi l’hospitalité de Derrida, notamment le balancement qu’il met en lumière entre la Loi inconditionnelle de l’hospitalité et les lois pratiques de l’hospitalité, nous aide à comprendre les relations de « voisinage » entre les demandeurs d’asile et les professionnels et bénévoles engagés dans le champ de l’asile, qui se réclament eux-mêmes d’une démarche hospitalière.

Après un bref rappel des arguments de Derrida à propos de l’hospitalité, mon propos se structurera en trois temps. Premièrement, il s’agira de montrer que l’auteur, bien que se concevant une hospitalité unilatérale d’un sujet qui s’ouvre et donne sans rien espérer en retour, finit par en demander beaucoup à l’étranger, comme le montre Stavo-Debauge. Deuxièmement, je montrerai en quoi la phénoménologie de l’étranger de Waldenfels se distingue de celle de Derrida sur la manière de répondre à la survenue de l’étranger, dépassant ainsi les critiques de Stavo-Debauge. Pour terminer, j’esquisserai en quelques lignes une politique du voisinage à partir de Waldenfels et Derrida et de quelques exemples empiriques. Il s’agira de penser cette sorte d’hospitalité comme ce qui engage du commun, sans la contraindre à n’être qu’un palliatif au non-accueil des étrangers par l’État.

Quelques mots sur l’hospitalité de Derrida

« Le droit cosmopolitique doit se restreindre aux conditions de l’hospitalité universelle ». C’est de cette phrase de Kant que repart Derrida, pour pointer tout de suite la dimension étatique de l’hospitalité kantienne, « sorte de charte de l’ONU avant la lettre »8. Dit autrement, l’État garde le monopole du choix d’accueillir ou non l’étranger. L’hospitalité est ici conditionnelle,

loi du lieu […], loi de l’identité qui dé-limite le lieu même de l’hospitalité et garde l’autorité sur elle, garde la vérité de l’autorité, reste le lieu de la garde, c’est-à-dire de la vérité : donc limite le don offert et fait de cette limitation, à savoir l’être-soi chez soi, la condition du don et de l’hospitalité.9

C’est ce pouvoir de l’accueillant, la souveraineté de l’accueillant sur l’accueilli, qui pose problème à Derrida. Dans le droit à l’hospitalité kantien, l’étranger vient toujours après coup, après que sa possible arrivée a été encadrée par la loi, qui garantit le pouvoir du déjà là. Une fois qu’il est arrivé, il est soumis au bon vouloir de l’État pour prolonger sa visite. Derrida se propose dès lors de libérer l’hospitalité de cette « condition du don », pour la penser plutôt en termes d’ouverture inconditionnelle de soi, d’engagement total du sujet pour l’hospitalité. Libérée de cette conditionnalité, l’hospitalité peut ainsi faire événement au contact de l’étranger, dans sa toujours possible survenue, sans l’attendre par avance mais en s’offrant à lui.

L’hospitalité devrait ainsi se détacher de la possession d’un chez soi.

Le chez-soi comme don de l’hôte rappelle au chez-soi [...] donné par une hospitalité plus ancienne que l’habitant même. Comme si celui-là même qui invite ou reçoit, comme si l’habitant logeait toujours lui-même chez l’habitant, cet hôte auquel il croit donner l’hospitalité alors qu’en vérité il commence par la recevoir de lui. Comme s’il était en vérité reçu par celui qu’il croit recevoir.10

Par cette inversion du don, avec l’hôte invité qui se retrouve chez lui, à recevoir le recevant, Derrida fait entrer l’hospitalité dans les termes d’une expérience : l’arrivée de l’étranger n’est jamais programmée, elle est un événement qui se joue en nous. Un peu plus loin, il indique qu’une « certaine expérience de l’hospitalité » se manifeste dans un endekhomenon, qui signifie « prendre sur soi, en soi, chez soi, avec soi, recevoir, accueillir, accepter, admettre autre chose que soi, l’autre que soi11 ». L’hospitalité serait ainsi une expérience volontaire du sujet, qui doit admettre en lui autre chose que lui-même. Dans « Hostipitalité », Derrida poursuit dans la même veine en décrivant l’hospitalité comme « une expérience intentionnelle qui se porte, au-delà du savoir, vers l’autre comme étranger absolu, comme inconnu, là où je sais que je ne sais rien de lui12 ». Dit autrement, ce n’est pas seulement l’étranger qui vient et se fraye un passage, c’est le sujet hospitalier qui s’ouvre, qui va au-devant de l’étranger : « pour que quelque chose arrive, un événement, de l’histoire, de l’imprévisible à-venir », il faut « intervenir activement13 ». Voyant l’étranger arriver, je me porte à sa rencontre et m’ouvre, voici l’événement de l’hospitalité. Dans ce geste d’ouverture, il faut accepter de ne rien connaître de celui à qui on laisse place, on ne sait « rien de lui », même pas son nom, même pas sa provenance. Ce que Derrida redoute ici ce sont les pré-catégorisations : « si on détermine l’autre comme étranger, on introduit déjà des cercles de conditionnalité14 », écrit-il. C’est en partant de cette idée qu’il déploie l’idée de la Loi de l’hospitalité. Le raisonnement est le suivant : l’hospitalité entendue comme un droit universel repose sur des conditions, sur la considération de l’État comme une sorte de maison qui offre ou n’offre pas l’accès à son territoire. Or, « s’il y a une porte il n’y a plus d’hospitalité. Il n’y a pas de maison hospitalière15 ». Pour Derrida, l’idée même de laisser entrer l’étranger, que l’on a donc vu venir et dont on a pu préparer l’arrivée, dévoie le concept même d’hospitalité. De plus, qui dit porte dit clef, et « par conséquent [le possesseur des clefs] doit contrôler les conditions de l’hospitalité16 ». On revient sur cette problématique du pouvoir. La Loi de l’hospitalité est là pour sortir l’hospitalité de la prise de possession par celui qui la donne, et aller jusqu’à une pure hospitalité. Cette Loi « commande de rompre avec l’hospitalité de droit, avec la loi ou la justice comme droit. L’hospitalité juste rompt avec l’hospitalité de droit17 ». Pour penser l’hospitalité à tout étranger, on doit éloigner jusqu’à la dissoudre la conditionnalité de l’accueil, et arriver à une éthique qui demande « l’abandon de soi dans une ouverture totale à l’altérité18 ». C’est en cédant totalement le passage à l’étranger, au risque qu’il me pille et me vole, au risque qu’il brûle tout chez moi dira même Derrida, que l’événement de l’hospitalité a lieu.

On le voit, être hospitalier c’est faire l’expérience de l’hospitalité. On s’éloigne donc du pouvoir de l’accueillant sur l’accueilli, qui décide si oui ou non il peut rester sur le territoire. L’hospitalité passe par un traumatisme du sujet. Ce traumatisme constitutif de l’événement de l’hospitalité n’est pas sans rappeler la philosophie d’Emmanuel Levinas. Chez ce dernier, c’est le sujet éthique qui apparaît par l’« exposition à autrui19 », qui par l’affection qu’elle procure « fait impact, traumatiquement20 ». Autrement dit, le sujet apparaît par l’élection de l’Autre absolu. L’Autre surgissant est celui qui réveille le sujet d’un sommeil éthique, qui lui permet de se donner comme sujet. Autrement dit, l’« hyperbole du choc est hyperbole de sa productivité21 ». Chez Levinas, malgré toute l’importance accordée à l’Autre, on reste dans une pensée centrée sur le sujet, puisque le choc le réveille. Sa pensée « est en fait avant tout une pensée du sujet, ou centrée sur le sujet. [...] L’autre demeure quant à lui non seulement hors de toute caractérisation précise, mais n’étant lui-même envisagé que par rapport au sujet : le traumatisant ou l’inspirant, l’éveillant à la responsabilité ou l’identifiant par là même22. » C’est que l’Autre n’est pas n’importe quel autre, il doit amener le sujet à la responsabilité, il est figure messianique, qui rompt un processus, qui le modifie, il est « l’objet véritable de l’espoir »23. On retrouve le même motif de la visitation dans l’hospitalité inconditionnelle :

Dans la visitation il n’y a pas de porte. Arrive n’importe qui à n’importe quel moment et passe sans avoir besoin d’une clé de la porte. On contrôle plus les douanes pour la visitation24.

La visitation, c’est ici ce qui s’oppose à l’invitation en supprimant la porte. En supprimant donc le pouvoir. Pour Derrida, on se prépare en l’invitant à recevoir l’invité ; par-là, on sort d’une pure hospitalité. Dans la visitation, l’autre m’envahit sans crier gare et l’hospitalité, ainsi, fait événement dans un choc productif. Je reviendrai dans un instant sur cette thématique du choc. En attendant, il est important de souligner que la Loi de l’hospitalité, inconditionnelle, ne se pense jamais sans les lois de l’hospitalité, conditionnelles. Sans elles, « la loi de l’hospitalité inconditionnelle risquerait de rester un désir pieux, irresponsable, sans forme et sans effectivité, voire de se pervertir à chaque instant25. » La Loi soutient les lois. Les lois soutiennent la Loi en la pervertissant sans cesse, en la faisant vivre ; la Loi pointe du doigt les manques des lois pour les améliorer, pour qu’elles ne restent pas vaines. Les lois, ce sont « les devoirs qui s’imposent aux hôtes et aux hôtesses, à ceux ou à celles qui donnent comme à ceux ou à celles qui reçoivent l’accueil26 ». Les devoirs se mettent sans cesse à jour par les risques pris dans le sens de la Loi, inconditionnelle.

On voit ainsi, retracé en quelques lignes, comment s’esquisse l’hospitalité derridienne. L’expérience de l’étranger est en son cœur. L’hospitalité inconditionnelle est événement qui arrive par l’étranger, au moment où il m’envahit. Pourtant, plusieurs limites sont à pointer si on veut se munir d’une conception de l’hospitalité qui, véritablement, fasse place à l’étranger, et qui dans le même temps ouvre un champ politique, un champ d’engagement commun du propre et de l’étranger.

L’unilatéralité de l’hospitalité derridienne

Revenons un instant sur la thématique de la visitation et du choc, à partir des textes du sociologue Joan Stavo-Debauge, dont je suis les hypothèses ici. L’hospitalité derridienne est paradoxale du point de vue du choc, comme l’est l’éthique lévinassienne. D’un côté, comme chez Levinas, c’est le sujet qui, finalement, importe. C’est lui qui doit s’ouvrir, c’est lui qui donne plus que ce qu’il a. L’hospitalité est un don inconditionnel du sujet s’offrant lui-même. De l’autre, comme le remarque Stavo-Debauge, l’étranger qui vient n’est pas n’importe qui. « Une exigeante attente est fichée au cœur de cette hospitalité qui se voulait inconditionnelle27 », écrit-il. L’étranger est ce qui, par l’événement de l’hospitalité, transforme le sujet, comme l’Autre réveillait le sujet chez Levinas. En ce sens, un certain échange a lieu, « mutualité de l’expérience d’une exposition à l’autre28 ». Le paradoxe est donc le suivant : le sujet s’ouvre inconditionnellement, mais il semble en même temps attendre quelque chose de l’étranger, une transformation.

Cette hospitalité n’est donc pas seulement une gracieuse remise de soi à l’autre. Simultanément, elle s’en remet aussi à l’autre, lequel doit donc être en mesure de se montrer à la hauteur de cette Hauteur où cette manière de penser l’hospitalité le place, l’appelle ou le voit « tomber »29.

En ce sens, l’ouverture même est échange avec l’étranger. Ici, l’hospitalité est certes une expérience de l’étranger, qu’elle laisse passer sans filtre, mais cet échange se doit d’être transformateur. Pour Derrida, il n’y a pas d’hospitalité dans le seul accueil de l’autre, mais dans l’événement que cet accueil produit. Avec cette figure messianique qui fait événement, on se rapproche d’un événement au sens heideggérien d’Ereignis, presque religieux, quasiment transcendant30. Or, l’hospitalité ne se produit-elle pas au cœur du quotidien, en recevant les requêtes de l’étranger, en y répondant ? Pas forcément besoin de prendre l’exemple du migrant, figure d’un étranger inconnu qui viendrait de loin me réveiller et me forcer à l’hospitalité. Il suffit de penser à la relation sexuelle31 qui, même avec un compagnon de longue date, « n’est pas pensable sans que quelqu’un pénètre dans un territoire étranger, qu’il y soit accueilli, qu’il soit rejeté ou simplement toléré32 ». On peut encore plus simplement penser aux invités que l’on reçoit chez soi, connus depuis longtemps, dont la présence ne change rien, n’amène rien d’extra-ordinaire, mais dont la réception nous met dans une situation d’hospitalité, en répondant à leur arrivée, en acceptant leur présence.

Cette vision derridienne de l’hospitalité pose un autre problème : du fait du caractère quasi sacré de l’hospitalité, elle s’arrête à l’événement de l’ouverture et à la précipitation qui en résulte : « on cède toujours à la précipitation dans le désir d’hospitalité33 ». De fait, de la manière dont est, par la suite, effectivement accueilli l’étranger, on ne saura rien. Des difficultés qui apparaîtront de manière nécessaire, à un moment donné, il n’est fait aucun cas. C’est que le « don de Derrida ne résiste pas à l’épreuve de l’hospitalité »34. Pourtant, les « épreuves se révèlent dans une durée et il faut pouvoir soutenir les transformations qu’implique le fait d’avoir à recevoir et à vivre avec les différences de l’étranger, en parvenant à faire communauté avec lui35 ». C’est voyant cette limite que Stavo-Debauge propose le concept d’encaissement. D’après lui, l’hospitalité n’est en effet possible que si celui qui la donne a assez de force pour « encaisser » le choc de l’étranger, pour y répondre et pour s’offrir. Si le choc est tel qu’il détruit tout sur son passage, ce que Derrida n’hésite pas à envisager (il faut accueillir l’étranger même s’il peut tout brûler chez nous), l’hospitalité est impossible. Stavo-Debauge replace ainsi l’hospitalité dans un espace plus sociologique, en s’éloignant quelque peu des « philosophies de l’expérience » qui selon lui donnent tellement de valeur à la productivité du choc qu’elles en oublient les conditions de sa réalisation. Chez Derrida, la figure de la visitation empêche un véritable échange postérieur. L’échange se fait dès le départ, réclamant un étranger capable de faire changer le propre : Derrida reste ici centré, en phénoménologue, sur une perspective de première personne, sans se pencher sur le sort de l’accueilli. De plus, le soi s’abandonne en donnant plus que ce qu’il n’a dans le geste d’hospitalité, ce qui rend compliqué un échange, d’autres gestes de dons, des reculs, des avances ; bref, ce qui fait l’effectivité de l’hospitalité en acte.

D’une différence entre Waldenfels et Derrida

Suivons toujours le cheminement de Stavo-Debauge, qui fait le même constat chez Waldenfels :

À l’instar de Jacques Derrida, écrit-il, ce phénoménologue confère une productivité à ces « chocs » et invite à « partir de l’inquiétude provoquée par l’étranger », en tant qu’il « fait partie de ces choses qui nous arrivent », décrites dans une sémantique de l’impact, allant jusqu’à la « blessure » : « ce qui nous frappe et nous arrive n’est saisissable dans ses effets, et même dans ses blessures, qu’après coup » (Topographie de l’étranger, p. 64).

Si le choc de la rencontre est une épreuve qui peut s’avérer positive, il faut néanmoins la surmonter, échapper à ses contrecoups les plus néfastes. Il est des événements de rencontre dont on ne se remet pas : loin d’amorcer le développement d’une « expérience », ils peuvent en effondrer la possibilité. Ce problème ne se pose pas qu’à Jacques Derrida, il est également aigu chez Bernhard Waldenfels. S’il écrit que « faire des expériences signifie subir » (Ibid., p. 28), ce « subir » semble toujours pouvoir donner lieu à un « répondre », ce « mouvement propre qui part de l’autre » (Ibid, p. 216) : « ce que nous appelons l’étranger s’annonce sous la forme d’exigences, de provocation, de stimulation ou encore de requête. […] Ce n’est tout d’abord pas quelque chose, mais ce à quoi nous répondons » (Ibid, p. 191)36.

Effectivement, les pensées des deux auteurs ne sont pas sans lien ; et c’est d’ailleurs sur proposition de Waldenfels que Derrida reçoit le grand prix Adorno de la ville de Francfort en 2001. Nous n’avons pourtant pas affaire exactement à la même façon de concevoir le résultat de ces chocs. Comme le souligne Stavo-Debauge, l’expérience de l’étranger part d’un « subir », d’un pathos. Mais contrairement à ce qu’indique le sociologue, « le processus de transformation [du choc de l’étranger] peut s’enliser ou échouer37 » chez Waldenfels. C’est le cas si le répertoire responsif de l’hôte n’est pas assez solide pour encaisser le choc de l’étranger. Auquel cas le soi se trouve dans l’incapacité de répondre au choc de l’étranger.

Une hospitalité véritable se fait alors en multipliant les « trafics » entre le propre et l’étranger, en se répondant mutuellement, à chaque fois en déplaçant la requête, en s’adaptant, en anticipant : en somme, en répondant maladroitement à la requête, à l’appel de l’étranger. Une véritable hospitalité serait ainsi une hospitalité qui dans chaque réponse, dans chaque choc mutuel, essaye de créer un monde commun à partir de la requête de l’autre. Pour cela, nul besoin de donner plus que ce que l’on a, ou de s’abandonner, mais de répondre à l’étranger sans vouloir le transformer en propre, de lui répondre en gardant à l’esprit cette « mal-adresse38 » du répondre, qui éloigne le soi d’une maîtrise totale, et d’une position dominatrice. Ce n’est pas forcément un choc transformateur du soi comme chez Derrida ; bien plutôt, on arrive à un « devenir-étranger de l’expérience elle-même », C’est-à-dire que l’étranger vient se vivre en nous, nous interrompt – cette écharde dans le soi est la manifestation du devenir-étranger de l’expérience, qui oblige à répondre. Mais si le soi ne peut pas encaisser, la réponse est bloquée ou déviée, si l’étranger est quasiment immédiatement remis sur les rails d’une compréhension habituelle, par un phénomène de normalisation, le soi ne sort pas nécessairement transformé du choc, il y répond de manière habituelle. L’expérience a des seuils : plus l’étranger est radical, plus la réponse déplacera la requête. Un étranger qui ne change rien, malgré tout, reste un léger choc au moment de l’arrivée : le simple fait de le voir arriver en est un. Ces seuils de l’expérience permettent ainsi à la phénoménologie de Waldenfels de mieux prendre en compte que Derrida la capacité du sujet à encaisser les requêtes de l’étranger et de dépasser ainsi la critique de Stavo-Debauge.

Cette idée de la réponse permet aussi de se refermer en cas de danger. Être hospitalier à la requête de l’étranger radical, ainsi que nous le recommande la phénoménologie de Waldenfels, ce n’est pas forcément « admettre le risque qu’autrui vienne et détruise votre lieu, initiant une révolution, volant tout, ou tuant tout le monde39 ». Il faut plutôt prendre acte que l’étranger arrive en nous frappant, que nous subissons sa requête, et qu’il nous forcera à y répondre. L’hospitalité se déroulera alors dans une réponse précautionneuse, maladroite, qui prend garde à ne pas orienter les requêtes de l’étranger, qui respecte la fragilité de l’adressage de la requête. Dit autrement, l’hospitalité est affaire de relations, et non de choix du sujet, d’un engagement de celui-ci. Ce n’est pas parce qu’on est « responsif », ou hospitalier, qu’un soi, qu’une communauté responsive40, se doivent de continuer à observer une attitude pratique ouverte lorsqu’il ou elle devient victime de ces violences. On peut penser au cas de la colonisation. Dans cette situation, le colonisateur est celui qui veut détruire l’étranger ou, le plus souvent, se l’approprier.

La tradition du colonialisme européen peut être mieux comprise à travers la clef du maître et possesseur de l’étranger. En un mot, l’héritage européen montre d’une manière extraordinaire que l’étranger peut être transformé en une ressource, à partir de laquelle nous pouvons nous approprier et assimiler tout ce qui est utile. Comme l’est le traitement de la nature par Descartes, nous pourrions dire que la relation traditionnelle avec l’étranger se produit dans les limites de la gestion et de la propriété. Une telle relation envers l’étranger est similaire au commerce, dans lequel pour un investissement minimal et pour le coût le plus bas, j’essaie d’obtenir un profit maximal. L’étranger est là pour m’encourager, me rendre plus fort, être à ma disposition, développer mes capacités et augmenter mes ressources41.

Ici, le colonisé voit son caractère propre purement et simplement nié. En ce qui concerne le colonisateur, il nie l’existence même des requêtes venant des étrangers pour les assimiler et en faire un usage qui lui profite. Le trafic transfrontalier entre les requêtes de l’étranger et le propre est le plus possible aboli42. Dans ce cas, il est largement justifié pour celui dont le caractère propre – mais aussi par là l’étrangeté qu’il procure à l’autre – est nié, de se défendre. La requête arrive irrémédiablement, mais pour pouvoir conserver son répertoire responsif, qui détermine l’identité, il lui faut se protéger et accueillir le moins possible l’étranger, lui répondre par l’opposition. Mais cette défense ne se fait pas uniquement à partir du propre lui-même. Les requêtes venant de l’étranger, quoiqu’elles puissent également être niées par celui qui se défend à raison en vue de préserver ses institutions, son État, et simplement son existence, jouent sur la réponse. Citons longuement Vanni, qui explicite le jeu de requêtes / réponses autour de l’objet « empire colonial » :

Le geste « Empire colonial », par exemple, signifiant tout à la fois l’expression de la rivalité et de la rapine des États du XIXè siècle, mais reprenant également en charge le projet universaliste spécifique de la révolution française, à travers des formules telles que « la mission civilisatrice de la France ». On sait trop bien quelles bassesses peut recouvrir ce genre de formules, mais il n’en demeure pas moins qu’elle pourra tout aussi bien être retournée à l’expéditeur par ses victimes mêmes, qui sauront prendre au sérieux la revendication d’égalité républicaine pour en faire le vecteur essentiel de leur émancipation. Ainsi, par exemple, les débuts de l’indépendance algérienne seront portés par cette reprise de l’idée républicaine contre les colons eux-mêmes, par un effet de levier renforcé par la revendication et la conscience nées de la participation à la lutte commune lors des deux guerres mondiales. On voit là encore que le geste ou la réponse « Empire colonial » entraîne avec lui son lot d’étrangeté, qui déporte toujours l’identité hors d’elle-même : il y a du « français » hors de France et la France elle-même voit son « propre » déplacé en retour par cette intrication43.

La différence entre la requête de l’étranger au sens de Waldenfels et l’étranger empirique nous semble par là s’expliciter. La requête est tout ce qui m’arrive contre, sous la forme d’un intrus qui vient se vivre en moi ; elle est colportée, entre autres, par l’étranger empirique, mais pas seulement, comme on le voit ici. Et je ne peux pas ne pas y répondre. L’étranger empirique, quant à lui, peut être celui qui m’attaque autant que celui qui a besoin d’aide. Penser l’hospitalité à l’étranger, c’est ainsi avant tout penser l’acceptation d’un soi divisé, qui accueille les requêtes de l’étranger. L’hospitalité ne part pas du sujet, elle est réponse à l’appel de l’étranger, et surtout réponses plurielles aux requêtes plurielles : en demandant mon aide, l’étranger demande à la fois plus et moins que cela (du travail, à manger, de la dignité, une citoyenneté, des papiers…), cela se reflète dans mes réponses. C’est pour cette raison qu’il me semble risqué de penser l’hospitalité uniquement à partir de la figure du migrant, qui permet de réunir l’accueil de l’autre dans une grande sphère propre de l’humanité. En pensant le problème de cette manière, on perd de vue la multiplicité à l’œuvre dans l’hospitalité, et la temporalité parfois longue des requêtes et des réponses incessantes.

À la requête de l’étranger, on ne peut donc pas ne pas répondre pour Waldenfels. Ce n’est pas que le choc soit nécessairement productif : comme on l’a vu le processus de transformation du choc en sens peut échouer. Mais l’impossibilité d’encaisser le choc, qui se traduit par un renfermement sur soi, une blessure, une impossibilité de donner une réponse, est déjà pour Waldenfels une réponse corporelle, par exemple par le mouvement de recul que j’esquisse lorsque l’étranger vient me heurter.

Une politique du voisinage

Par l’idée de réponse à l’étranger amenée par Waldenfels, s’ouvre ainsi ce qu’il appelle le « voisinage », qui est « un concept de lieu d’un genre particulier44 ». Il représente l’attention donnée à l’étranger, laquelle « engage un être-ensemble qui ne produit que du commun, mais rien de propre »45. Dans les limites de ce texte, je me contente d’un exemple. Une association de soutien aux demandeurs d’asile organise une après-midi où les demandeurs exposent leur histoire, et leur perception de l’hospitalité à Lille. Après avoir parlé, le demandeur m’explique les choses suivantes :

 

Moi j’ai écrit en quelque sorte cinq pages comme ça, et mon texte a été retenu comme le meilleur texte, et il m’a été demandé de le lire comme ça devant les gens, pour que les gens comprennent réellement l’expérience. Je suis dans des réseaux du coup, justement. Ça c’était vraiment génial, une expérience très très forte. Très forte. Beaucoup d’émotion. Et en plus, ça te recadre. [il s’arrête sur ce mot, je lui demande des précisions] C’est-à-dire que vraiment, j’ai dû passer du temps à écrire ça tu vois, repenser aux rencontres, repenser à toute la vie depuis l’arrivée ici en France. Je me suis rendu compte de la chance que j’avais de, voilà, d’avoir connu plein de monde comme ça, comme toi-même, je t’ai connu là-bas. Sans ça je t’aurais pas rencontré et… toutes les autres personnes non plus. Voilà, vraiment j’ai réfléchi à ça plusieurs temps, et maintenant j’ai la vidéo du souvenir. J. [une bénévole] me l’a envoyée sur WhatsApp. Les frères blacks et les Français, je les connaissais presque tous. D’ailleurs là maintenant elle vient d’envoyer un message : on est là jusque 17h30, venez nombreux. Tu vois c’est ça qui est bien, tu te retrouves, tu discutes, ça soulage énormément. Oui, vraiment ! (mai 2019)

L’hospitalité ne représente pas dans ce cas la pure ouverture d’un lieu ; elle a en revanche lieu dans une salle réservée par l’association, qui fait office de lieu de voisinage où l’accueillant et l’accueilli se retrouvent. Cette salle se doit d’être un lieu hospitalier, et cela est permis en particulier par la présence de nombreux visages connus par le demandeur en question. Il n’y a pas une ouverture qui serait l’événement de l’hospitalité, il y a toute une constellation de moments : la proposition d’écrire, les jours d’écriture, l’exposé devant la salle, la vidéo souvenir, les moments où l’on se retrouve après… Autrement dit, l’hospitalité s’inscrit dans la durée. Elle s’inscrit aussi dans la mal-adresse des réponses, dans les tâtonnements de l’attention qui se donne sans savoir ce que fera l’accueilli de ce moment d’attention ; rien n’est jamais définitif dans l’hospitalité. Mais cette attention crée un universel au pluriel, commun aux deux côtés de l’attention qui se donne. Cet universel n’est « à proprement parler rien […]. Mais ce vide ne sépare pas, il rassemble en empêchant toute cristallisation identitaire définitive des différents ordres et en les amenant sans cesse à se redéfinir46 ». L’universel au pluriel est ce monde commun chaque fois reconfiguré qui se crée dans l’attention portée à l’autre.

Il faut aussi signaler que ces modes d’attention engagent moins la capacité d’un sujet à encaisser la survenue de l’étranger, même si le voisinage signifie aussi que l’hôte doit accepter de voir son environnement familier modifié. Pour donner son attention, il faut certes qu’elle ait résisté à un choc trop brusque d’une arrivée surprenante de l’étranger ; pour continuer à offrir de l’attention et faire vivre l’hospitalité, il faut aussi une capacité à continuer à donner du temps, à répondre sans que le soi soit mis au centre du jeu. Mais avec l’hospitalité comme attention, il n’est pas question de s’ouvrir et d’être « envahi » par l’étranger comme chez Derrida.

L’attention permet aussi de ne pas penser l’hospitalité comme un mouvement qui irait principalement du propre vers l’étranger, et qui risquerait de manquer le désir de l’accueilli. Les multiples tâtonnements de l’attention permettent de comprendre, par esquisses successives, les volontés de l’accueilli, qui ne sont pas nécessairement les mêmes que celles de l’accueillant47 : tout l’enjeu est de réussir à créer du commun à partir de l’attention partagée.

Mais Derrida, à travers l’inconditionnalité de l’hospitalité, nous met tout de même sur le chemin pour penser cet échange d’attention : c’est que cette inconditionnalité amène l’extraordinaire au cœur de l’ordre lui-même. La requête de l’étranger est cet extra-ordinaire qui se trouve dans le monde, pas en dehors, qui vient de figures existantes et qui perturbe l’ordre établi lorsqu’il oblige, pour y répondre, à sortir du confort d’ornières de sens déjà tracées. Cette inconditionnalité de l’hospitalité montre que l’hôte, pour peu qu’il m’oblige à inventer une réponse et non à en reproduire une déjà donnée, sort de l’ordre ordinaire, et ne fait pas (encore) partie de la communauté. C’est le geste de l’hospitalité, dans une temporalité plus ou moins longue, qui a pour charge de créer le commun, et de permettre à l’étranger, s’il le souhaite, de devenir membre de la communauté. L’hospitalité n’exige ainsi pas une soumission à l’étranger, mais une écoute qui permet la réponse. Cette écoute n’est pas accessible naturellement, tout le monde ne peut pas la donner. Il y a aussi une habitude qui se prend à écouter et à donner de l’attention : c’est pour cette raison que les associations, les petites organisations, semblent pour les demandeurs les lieux les plus hospitaliers. Les accueillants ne font pas qu’accueillir unilatéralement, en échangeant entre eux et avec les demandeurs, ils forment leur attention et apprennent à la diriger. Pour que la qualité hospitalière ait lieu, il faut certes pouvoir s’ouvrir à la surprise de l’instant, à l’imprévisible de l’étranger, il ne faut pas attendre quelque chose de lui, mais il faut qu’étant suscitée, l’attention puisse être dirigée de telle sorte à créer un espace commun à partir duquel il sera possible d’échanger.

Pour créer du commun, il faudrait accentuer les contacts entre la population locale et les demandeurs, et lutter contre des centres d’accueil de grande taille, qui refusent les croisements migrants / locaux48. Faire vivre cette Europe des voisinages voudrait dire accentuer le nombre d’intermédiaires de toute espèce qui aident à repersonnaliser la relation entre l’État et les migrants, à occuper leur attente et à créer un monde commun. Le voisinage permet d’accentuer des activités qui ne génèrent pas d’avenir par elle-même mais aident, par le monde commun qu’elles créent, à redonner un caractère intime au temps, à « rester soi-même » et à garder espoir. C’est le rôle, au-delà des travailleurs sociaux, des activités de rencontre, des activités sportives ou des sorties organisées par des associations de soutien ou d’habitants qui se contentent d’offrir de l’attention, du temps. Donner l’attention, cela veut dire n’avoir pas peur de la « mal-adresse inhérente aux réponses pratiques » qui « est le moteur du changement »49.

Ainsi se trouve esquissée une politique du voisinage, pensée entre les limites cernées par Stavo-Debauge de la pensée de Derrida et la phénoménologie de l’étranger de Waldenfels. L’hospitalité ne peut pas être seulement ouverture unilatérale, qui tout à la fois demande au propre de pouvoir encaisser la violence d’un choc en solitaire et demande beaucoup à l’étranger, qui doit être productif pour le propre. Mais l’hospitalité, comme l’a bien vu Derrida, reste, par l’échange mutuel, ce qui fait arriver l’extra-ordinaire au sein de l’ordre quotidien.

 

Ces quelques pages, comme je l’ai indiqué en préalable, sont un jalon. Les recherches sont à poursuivre en creusant plus en avant l’expérience commune des demandeurs et des bénévoles et travailleurs sociaux dans ce temps commun de l’hospitalité. Elle serait aussi à préciser en s’intéressant davantage à l’importance du lieu. Il a été question à la fin de ce texte de moments où les personnes viennent se retrouver dans un tiers-lieu. Mais relier ainsi hospitalité et attention est-il possible pour décrire la manière dont un lieu s’ouvre, ou ne s’ouvre pas, à la présence de l’étranger, que ce soit à propos du caractère hospitalier des villes ou de l’accueil chez soi, dans sa propre maison, de l’étranger ? La question reste ouverte.

Notes

1

Benjamin Boudou, Politique de l’hospitalité, éditions du CNRS, Paris, 2017, p. 18.

2

En plus d’un fourmillement d’articles, trois monographies importantes sont à citer : Benjamin Boudou, Politique de l’hospitalité, op. cit. ; Martin Deleixhe, Aux bords de la démocratie, contrôle des frontières et politiques de l’hospitalité, Paris, Classiques Garnier, 2016 ; Joan Stavo-Debauge, Qu’est-ce que l’hospitalité?, Montréal, Liber, 2017.

3

Pour des éléments sur le contexte dans lequel Derrida aborde l’hospitalité, voir Joan Stavo-Debauge, « L’oubli de ce dont c’est le cas : Critique, circonstances et limites de l’hospitalité selon Derrida », SociologieS [en ligne], Dossiers, HospitalitéS. L’urgence politique et l’appauvrissement des concepts.
URL : http://journals.openedition.org/sociologies/6796

4

Magali Bessone, « Le vocabulaire de l’hospitalité est-il républicain ? », Éthique publique [en ligne], vol. 17, n° 1 | 2015. URL :https://journals.openedition.org/ethiquepublique/1745

5

Joan Stavo-Debauge, « L’oubli de ce dont c’est le cas », art. cit. ; « Pourquoi le ‘‘don’’ de Derrida ne résiste pas à l’épreuve de l’hospitalité », Revue du MAUSS, vol. 53, no. 1, 2019, p. 217-234.

6

Benjamin Boudou, Politique de l’hospitalité, op. cit., chapitre V.

7

Voir ma présentation dans « Nationalisme et cosmopolitisme. La phénoménologie de l’étranger de Bernhard Waldenfels », Implications philosophiques, à paraître.

8

Jacques Derrida, « Hostipitalité », in Pera, Paras, Poros, Atelier interdisciplinaire avec et autour de Jacques Derrida, Istambul, YKY, 1999, p. 18.

9

Ibid, p. 20.

10

Jacques Derrida, Apories, Paris, Galilée, 1996, p. 28/29.

11

Ibid, p. 29.

12

Jacques Derida, « Hostipitalité », art. cit, p. 27.

13

Jacques Derrida et Elisabeth Roudinesco, De quoi Demain. Dialogue, Paris, Flammarion, 2003, p. 16.

14

Jacques Derida, « Hostipitalité », art. cit, p. 27.

15

Ibid, p. 39.

16

Ibid, p. 40.

17

Jacques Derrida, De l’hospitalité, Paris, Calmann-Lévy, 1997, p. 27.

18

Martin Deleixhe, « L’hospitalité, égalitaire et politique ? », Revue Asylon(s), n°13, Trans concepts : lexique théorique du contemporain, URL : http://www.reseau-terra.eu/article1326.html

19

Emmanuel Levinas, Autrement qu’être ou au-delà de l’essence, Paris, Le Livre de Poche, 1974, p. 111.

20

Emmanuel Levinas, Noms propres, Paris, Fata morgana, 1976, p. 88. (Les deux dernières citations de Levinas sont citées par Stavo-Debauge.)

21

Joan Stavo-Debauge, « L’oubli de ce dont c’est le cas », SociologieS [en ligne], Dossiers, HospitalitéS. L’urgence politique et l’appauvrissement des concepts, mis en ligne le 13 mars 2018.
URL : http://journals.openedition.org/sociologies/6796

22

Michel Vanni, L’Impatience des réponses. L’éthique d’Emmanuel Levinas au risque de son inscription pratique, Paris, CNRS, 2004, p. 76.

23

Emmanuel Levinas, De l’existence à l’existant [1947], Paris, Vrin, 1990, p. 156.

24

Jacques Derrida, « Hostipitalité », art. cit., p. 40.

25

Jacques Derrida, Cosmopolites de tous les pays, encore un effort !, Paris, Galilée, 1997, p. 57.

26

Jacques Derrida, De l’hospitalité, op. cit., p. 71.

27

Joan Stavo-Debauge, « L’oubli de ce dont c’est le cas », art. cit.

28

Ibid.

29

Ibid.

30

Voir le paragraphe « (vi) Un double héritage » de l’article de Stavo-Debauge, dans lequel il montre les liens de Derrida avec Levinas et Heidegger.

31

Même sans « pénétration » au sens « classique » du terme, embrasser quelqu’un, le caresser, le regarder avec insistance, nécessite un accueil de l’autre.

32

Bernhard Waldenfels, Topographie de l’étranger [1997], Paris, Van Dieren, 2009, p. 232.

33

Jacques Derrida, De l’hospitalité, op. cit., p. 113.

34

Joan Stavo-Debauge, « Pourquoi le “don” de Derrida ne résiste pas à l’épreuve de l’hospitalité », Revue du M.A.U.S.S., 2019.

35

Joan Stavo-Debauge, « L’oubli de ce dont c’est le cas », art. cit.
J’ai évoqué ces difficultés à partir d’une expérience personnelle dans « Mineurs réfugiés : l’hospitalité contre l’Etat », Alternatives économiques, avril 2020 (écrit avec Florence Rebeschini).

36

Joan Stavo-Debauge, « L’oubli de ce dont c’est le cas », art. cit.

37

Bernhard Waldenfels, « Homo respondens », », Phainomena 92-93, 2015, p. 14 (ma traduction).

38

Voir la note 40.

39

R. Kearny et M. Dooley (dir.), « Hospitality, Justice and Responsability. A dialogue with Jacques Derrida », dans Questions Ethics, Contemporary debates in philosophy, Londres et New-York, Routledge, 1999, p. 71 (traduction de l’extrait : Elena Bovo).

40

L’usage responsif de la notion de communauté a été poursuivie d’après Waldenfels par Michel Vanni, dans son très beau livre L’Adresse du politique. Essai d’approche responsive, Paris, Cerf, 2009. La notion de mal-adresse vient de lui.

41

Dragan Prole, « Polemology and xenology: Waldenfels and the sting of the alien », Philosophy and society, vol. 29, no. 3, 2018, p. 379/380 (ma traduction, « maître et possesseur de l’étranger » est en français dans le texte).

42

On peut penser au cas de l’Algérie française, dans laquelle les indigènes musulmans ne pouvaient obtenir la citoyenneté française qu’en abandonnant « leur statut personnel » (et encore, seulement après une loi de 1919, presque un siècle après le début de la colonisation). Voir, pour plus de détails, Jacques Derrida et Anne Dufourmantelle, De l’hospitalité [1997], Paris, Calmann-Levy, 2018, p. 125 à 129.

43

Michel Vanni, LAdresse du politique, op. cit., p. 84/85.

44

44 Bernhard Waldenfels, « Europa unter dem Druck der Globalisierung », 2019, à paraître.

45

45 Emmanuel Alloa, « Par-delà la reconnaissance. L’attention comme paradigme pour une éthique asymétrique », in Alter, Revue de phénoménologie, 2010, n° 18, p. 139.

46

Sophie-Anne Bisiaux, Commun parce que divisé - Le monde à l’épreuve de l’étranger, Paris, Editions rue d’Ulm, 2016, p. 168.

47

Cela permet aussi de « ne pas confondre le transit et l’accueil. Sur l’omission du projet des migrants, voir la critique que Stavo-Debauge adresse à Michel Agier : « Hospitalité des citoyens versus inhospitalité des États ? », Métropolitiques, 23 mars 2020. URL : https://www.metropolitiques.eu/Hospitalite-des-citoyens-versus-inhospitalite-des-Etats.html

48

Je pense notamment aux centres ANKER en Allemagne. Plus largement, sur les problèmes liés à la vie dans ce type de centres de premier accueil, voir mon article « Vivre dans un Erstaufnahmstelle », à paraître aux Presses universitaires d’Agadir.

49

Michel Vanni, L’Adresse du politique, op. cit., p. 211.

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