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Résumé

Cet article se propose d'analyser le recueil d'essais intitulé Parages que Jacques Derrida consacre à la production narrative de Maurice Blanchot. Il est divisé en trois parties dans lesquelles nous prenons en considération trois axes de réflexion spécifiques : le rôle de la voix narrative, la notion de temps disjoint et, enfin, le traitement de la dimension de l'image dans Thomas L'Obscur. Nous souhaitons ainsi montrer la convergence profonde et tenace des éléments et des thèmes qui unissent les deux auteurs dans une sorte de dialogue sans fin qu'ils entretiennent depuis des décennies.

Abstract

This text aims to analyze the collection of essays, entitled Parages, that Jacques Derrida dedicates to the narrative production of Maurice Blanchot. It is divided into three parts in which we take into consideration three specific axes of reflection: the role of the narrative voice, the notion of temps disjoint and, finally, the treatment of the image dimension in Thomas L’Obscur. In this way we aim to show the deep and tenacious convergence of elements and themes that unite the two authors in a sort of endless dialogue that they have had for decades.

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Mes parages sont similaires de la face d’un miroir…
(J-F Lyotard, Que peindre ?, citation du Zenki de Dôgen, 1987, Leuven University Press, 2012, p. 142)

Les deux voix aphones1

Paru en 1986, Parages est le premier recueil d’études que Derrida consacre à la figure et à la pensée de Maurice Blanchot2. Il s’agit d’un ensemble d’essais publié notamment à un moment où Derrida travaillait à une sorte de multiforme polyptyque d’ouvrages ayant pour noyau thématique la problématisation détaillée des nombreux points de contact entre littérature et philosophie3 comme, par exemple, Schibboleth : pour Paul Celan (1986), Joyce Grammophone (1987), Signéponge(1988) et l’essai sur Walter Benjamin Des Tours de Babel (1985).

Le texte s’organise autour des cinq sections qui, telles que des lignes de fuite aux trajectoires tortueuses et entrecroisées, traversent et interrogent sous plusieurs angles de vue les œuvres de fiction4 de l’auteur de Faux pas, à partir d’une sorte d’incontournable et presque indéfinissable épicentre spéculatif que Derrida tente de cerner préalablement à travers le terme choisi comme titre du recueil, Parages. Par rapport à tout cela, Derrida écrit au terme de l’Introduction ces lignes particulièrement instructives :

Parages : à ce seul mot confions ce qui situe, tout près ou de loin, le double mouvement d’approche et d’éloignement, souvent le même pas, singulièrement divisé, plus vieux et plus jeune que lui-même, autre toujours, au bord de l’événement, quand il arrive et n’arrive pas, infiniment distant à l’approche de l’autre rive. Car la rive, entendons l’autre, paraît en disparaissant à la vue. Une partie seulement de ce livre, sa note la plus basse, s’appelle Journal de bord, comme pour tenir le registre d’une navigation, mais tous les bords, d’un texte à l’autre, sont aussi des rivages, rivages inaccessibles ou rivages inhabitables. Paysage sans pays, ouvert sur l’absence de patrie, paysage marin, espace sans territoire, sans chemin réservé, sans lieu-dit5.

Dès ces premières pages le texte de Derrida met en place le questionnement d’un lieu insituable et sans nom, la recherche orientée vers la possibilité d’intercepter un espace de réflexion et d’interrogation au centre duquel l’écriture de Blanchot ou, mieux, la multiplicité de voix qui habitent et agitent son écriture, pourrait se présenter à nous sous le semblant de cet événement que Derrida désigne sous le nom de récit6.

Parages indique alors un mouvement qui tente de circonscrire ce lieu sans coordonnées que la parole de Blanchot occupe sans y prendre place, parole désignant les limites instables de ce « hors la langue de la pensée »7évoqué par Derrida au début du premier essai pour mettre en évidence un long travail d’approche visant à pénétrer dans les latitudes introuvables de ce que Blanchot lui-même avait appelé dans les années cinquante espace littéraire.

Parages n’est donc pas un titre. Derrida se sert de ce terme assez évasif pour déployer devant le regard du lecteur une dimension ouverte de déplacements et d’égarements interminables, c’est-à-dire pour provoquer l’apparition fragmentaire et vertigineuse d’un lieu engendré par le mouvement même qui tente de le décrire, suivant la dispersion de son étendue à la fois démesurée et punctiforme. Parages renvoie ainsi à une proximité véhiculée par des situations de parole8 qui prennent forme « dans une solitude faite de la suppression de tout espace »9.

Les cinq chapitres qui constituent les étapes provisoires et momentanées de ce cheminement critique, de ce glissement voué à une ramification sans fin, se profilent donc comme autant de perspectives ouvertes sur un paysage qui ne cesse de se modifier devant le regard qui cherche à le parcourir, afin d’y déceler une physionomie précise et des contours plus ou moins distincts. Parages énonce donc la loi de cette phoronomie de l’ingouvernable10 que Derrida évoque dans l’introduction, pour remarquer la puissance de prolifération que possède la vastitude non maîtrisable de pensée mise en jeu par cette écriture citationnelle ou récitative11 qui d’un bout à l’autre du recueil occupe le centre mouvant de la réflexion.

C’est pourquoi l’espace littéraire que dessinent et ouvrent les textes blanchotiens analysés par Derrida – surtout Thomas l’Obscur, Celui qui ne m’accompagnait pas, L’Arrêt de mort – correspond à l’espace déstructuré au moyen duquel nous entrons en contact avec une parole de solitude et une parole d’exil, une parole qui ne cesse de se multiplier en se repliant sur elle-même et d’où émergent les formes aberrantes d’une communication impersonnelle, ou impersonnifiée12, au centre de laquelle la trace lointaine du sujet brille sous l’aspect d’un spectre de clarté, ou plutôt d’un vide où tout se fait appel depuis une distance infinie : viens !13

Ce verbe solitaire et énigmatique, tiré d’un passage de L’Arrêt de mort, s’insinue dans l’écriture de Derrida pour nous installer au point d’intersection et d’interférence d’un immense réseau sémantique ouvrant dans la langue du texte la lenteur d’un temps projeté vers le passé indéfini qui organise la logique paradoxale des récits blanchotiens que Derrida lit et relit dans cette optique. C’est la raison pour laquelle la lenteur ici

n’est plus tout simplement un certain rapport du temps au mouvement, une moindre vitesse. Elle accomplit, accélère et retarde à la fois infiniment un étrange déplacement du temps, des temps, des pas continus et des mouvements enroulés autour d’un axe invisible et sans présence, passant l’un dans l’autre sans rupture, d’un temps dans l’autre, en gardant la distance infinie des moments. Ce déplacement se déplace lui-même, dans toute la complexité de son réseau, à travers L’attente l’oubli. Le récit récite toujours, d’abord, le déplacement de ces déplacements. Il les é-loigne d’eux-mêmes14.

Cette lenteur finit par engloutir dans sa mouvance opaque et souterraine la figure des locuteurs. Ceux-ci, dans la raréfaction progressive de leur identité assistent impuissants à une désagrégation inexorable et délicatement vorace de tout acte de parole, lequel les pousse de plus en plus dans les reflets errants d’un anonymat qui ne cesse de surgir du fond sans fond d’un passé indéfini, dans le vertige duquel les personnages se trouvent sans préavis au plus près d’une certaine expérience du corps : « corps sans vie, sensibilité insensible, pensée sans pensée »15.

Ainsi, Derrida nous conduit dans la circulation spéculaire de cette parole plurielle16 qui ne vise pas à exprimer la dimension originaire dont elle procède, mais plutôt tente de l’assimiler et de la mimer dans la dissémination d’un dialogue, à la fois ininterrompu et impossible, au sein duquel ce que Blanchot appelle la ruine du langage coïncide sans reste avec ce que Lannoy nomme la mise en absolu du langage lui-même17, transformé ainsi en un jeu lugubre de voix qui ont perdu tout repère, oscillant entre le dehors et le désert, tous deux enfermés dans une chambre illimitée et illocalisable où la persona loquens qui scande et régit le déroulement du récit est murée depuis toujours18. La lenteur se mue alors en « paralyse » et Derrida peut donc développer les considérations suivantes :

si une science ou une théorie de la lecture de ces récits devait se constituer et en venir à son nom, je l’appellerais la paralyse. Ce serait aussi la science et la pratique de son écriture, de ce qu’il fait en écrivant, lui. Il – la paralyse – écrit, décrit le désirable piège d’un viens. Dès lors que l’analyse de ce que veut dire la « venue » (venir, allure de l’aller-venir, etc.), analyse nécessairement descriptive ou, disons-le dans un autre code, par commodité constative, ne peut rendre compte de ce qui « se passe » avec viens, nous ne sommes pas très avancé pour dire ce qu’« est » ce récit19.

Nous voici dans une chambre atopique20, c’est-à-dire dans une chambre qui incarne et représente à travers sa polymorphie gluante et étouffante la folie d’une spatialisation devenue fissure et où l’extérieur se fait insensiblement intrusion, tandis que l’intérieur correspond à une région d’inexistence au cœur de laquelle les personnages des récits expérimentent une étrange puissance de désorientation sur place, qui gît au centre géométrique de toutes ces voix sans visages à partir desquelles s’inaugure la stagnante réticulation omni-directionnelle d’un mouvement d’approche et de rencontre culminant dans la négation de toute possibilité de contact.

Dans le temps disjoint du récit21

Les récits analysés dans Parages deviennent de plus en plus la terra incognita d’un dédoublement énonciatif au sein duquel le sujet s’efforce d’émerger sous la forme instable d’une disparition itérative et disséminée, laquelle tente d’engendrer la figure et donc la fonction du locuteur en instituant le simulacre de la subjectivité comme principe générateur de tout acte de parole.

Le /viens/ qui ouvre et traverse toute la réflexion de Derrida s’inscrit dans le texte blanchotien sous l’aspect équivoque d’un appel interminable adressé à un interlocuteur sans visage et sans identité. Il exprime la possibilité d’un événement qui, même s’il ne cesse de se produire, en effet n’a jamais eu lieu, renvoyé sine die vers un instant futur de réalisation qui n’appartient pas au temps présent de cet acte de parole que Derrida transforme en la scène originaire où nous voyons se définir une sorte d’écriture tautologique, c’est-à-dire une espèce d’écriture qui serait pure répétition de son propre événement vide ou, mieux, de son propre avènement disloqué et effacé.

De cette façon Derrida fait éclater le rôle du titulaire de l’énonciation en le représentant à travers un fourmillement hiéroglyphique de visages qui s’effacent dans ce qui les figure, en le projetant sur un espace de manifestation multiplement fêlé, ne laissant plus subsister que l’image de sa répétition enfouie dans l’anonymat polymorphe d’une persona loquens rendueméconnaissable parce qu’entraînée dans les méandres d’« une identification sans identité »22. C’est par rapport à tout cela que Derrida se réfère à la dimension contradictoire d’un « progrès immobile »23 au sein duquel l’écriture apparaît comme l’espacement intransitif d’une « a-sémie de l’arrive »24 que l’auteur de Parages nous présente de cette manière :

aller arriver : imminence retenue de l’avenir, pas d’arrivée. Il vient d’arriver : passé à peine retenu dans le pas présent. Texte intraduisible, certes, et rivé, chaque fois, à l’événement unique d’une seule langue, d’une seule normalité syntaxique et lexicale. Et pourtant cette intraductibilité est aussi accessoire qu’essentielle. Il y va d’un pas au-delà de la langue qui ne marche qu’avec une langue, sans doute, mais pour ouvrir à une transgression du linguistique sans métalangage […]. Viens sans aucun langage de surplomb, rien qui puisse à son tour le désigner depuis une troisième place, le nommer25.

Dans les spires de cette a-sémie les mouvements, symétriques et inverses, d’éloignement et d’approche entretiennent ainsi un étrange rapport d’attraction, de superposition, d’assimilation paradoxale et d’intrication cachée, de différenciation impossible et d’empiètement réciproque. C’est pourquoi la topographie nue des chambres qui peuplent et hantent tous les récits de Blanchot se manifeste comme le volume théâtral d’une proximité, laquelle n’admet ni contact explicite, ni relation directe, ni communication frontale entre les voix.

Au cœur de cette déroutante afocalité subjective26 Derrida installe la figure de la paralyse évoquée plus haut. Celle-ci devient un point déformant de convergences contradictoires vers lequel se dirige un vaste ensemble de thèmes que l’auteur de Parages nous montre à l’œuvre dans le sous-sol des textes blanchotiens, semblables à des lignes de tension qui permettent de faire apparaître en filigrane les nervures palpitantes et entrecroisées « d’une structure de récit en déconstruction »27.

Proximité et invisibilité deviennent par là les termes extrêmes « d’une phénoménologie sans phénomènes »28 au centre de laquelle ce que Merleau-Ponty aurait appelé dimensionnel de la parole finit par se disperser dans un lieu insituable, vers une sorte de seuil inassignable d’où il semble à la fois s’arracher et émerger. Derrida cherche à pénétrer dans ce dimensionnel expressif très raréfié, où la parole ne relève pas du langage et ne renvoie nullement aux données de la perception, dimensionnel abstrait de la parole-trou29, qui n’est la projection ou le précipité d’aucune subjectivité, erratique, sans passé, sans mort, sans naissance, ni présence, qui s’ouvre au sein du monde visible qu’elle porte à manifestation et à expression :

ce qu’il appelle alors des « paroles », ce ne sont ni des mots, ni des discours, ni une désignation figurée de qui tiendrait un discours, et prononcerait des mots dans la proximité de sa pensée ou de sa voix, ni rien de ce qu’on croit reconnaître sous ces mots : paroles, mots, discours, énoncé ou énonciation, etc. Ce ne sont pas non plus des choses que nous pourrions opposer aux paroles, ni des actes. Entendues depuis le viens qu’elles entendent et qu’elles émettent, elles appartiennent au sans-nom puisque c’est seulement « à partir » du viens qu’elles pourraient crier leur nom30.

Aux yeux de Derrida Blanchot met au point cette exorbitante « écriture hors langage »31 pour faire éclater tout idéalisme de la parole, pour dissoudre la réciprocité de toute communication ordinaire, pour démonter du dedans toute logique mécaniquement dialectique à travers le recours à une voix narrative32 face à laquelle l’homme est inlassablement interrogé et obsédé par quelque chose d’inhumain. Dans la clarté obstinée de ce système de signes interchangeables, Derrida trace le parcours liminaire33 et lacunaire de ce que Blanchot dans L’Entretien infini appelle « fuite panique »34, entendue comme l’engendrement d’un espace sans refuge, lequel finit par faire du langage lui-même une immensité privée de centre, désorientée, dispersion immobile d’un champ textuel où le lecteur entre en contact avec les figures électives de ce « réalisme initiatique » dont parle Bonnefoy et que Blanchot commente au début de son ouvrage de 196935.

En ce sens les récits de Blanchot permettent à Derrida de mettre à l’épreuve une série de principes méthodologiques dont l’origine et la définition remontent aux années de la Grammatologie. C’est le cas, par exemple, de la notion de neume36, employée par l’auteur de Parages pour désigner une forme de manifestation vocale inarticulée, presque informe, encore étroitement liée à un stade du langage où la parole se confond avec le souffle. Dans ce recueil de 1986 l’écriture semble alors tendre vers le neume : la voix de la persona loquens baigne dans cette sorte d’amnios a-logique du sein duquel la parole affleure sous les aspects inquiétants d’une présence hiéroglyphique.

C’est pour cette raison que Derrida dirige à plusieurs reprises son attention sur le noyau prédiscursif37 du langage, là où, au-delà de toute grammaire, apparaît le cri dans sa violence et sa force38, expression pure et immédiate d’un anonymat pré-humain qui ne cesse d’éclater au cœur de ce dimensionnel de la parole doublement décentré – presque déchiré – d’une part vers ce qui de la parole demeure encore obscur, relégué dans la nuit dont elle provient, et d’autre part vers ce qui, du monde visible, parvient à la phénoménalité, demeurant en quelque façon énigmatiquement à l’avant, à la fois s’affirmant et s’échappant, sans se laisser reconduire vers la transparence pleine de la clarté intuitive, mais plutôt orientée vers la lucidité froide et la consomption vide d’une fascination illimitée qui fissure et hante notre regard. À ce propos, il faut rappeler ce que Blanchot note au début de L’Espace littéraire :

voir suppose la distance, la décision séparatrice, le pouvoir de n’être pas en contact et d’éviter dans le contact la confusion. Voir signifie que cette séparation est devenue cependant rencontre. Mais qu’arrive-t-il quand ce qu’on voit, quoique à distance, semble vous toucher par un contact saisissant, quand la manière de voir est une sorte de touche, quand voir est un contact à distance ? Quand ce qui est vu s’impose au regard, comme si le regard était saisi, touché, mis en contact avec l’apparence ? Non pas un contact actif, ce qu’il y a encore d’initiative et d’action dans un toucher véritable, mais le regard est entraîné, absorbé dans un mouvement immobile et un fond sans profondeur. Ce qui nous est donné par un contact à distance est l’image, et la fascination est la passion de l’image39.

Dans son approche de l’espace de parole, Blanchot cherche souvent à dire et à penser une lumière qui précède la lumière, une clarté qui n’est pas encore ou n’est plus la clarté du jour, ce qu’il appelle aussi, en une formulation ambiguë, « l’oubli de la lumière dans la lumière »40. Cette clarté sans clarté, inhérente à l’espacement de la parole errante, demeure en deçà du dévoilement perceptif, enkystée et cachée dans le dimensionnel du regard et antérieure à tout acte de vision : espace fulgurant d’une phénoménalité visant à rompre avec toute vision, au centre de laquelle Blanchot reconnaît les puissances obliques de la fascination. Lisons à ce propos un autre extrait tiré de L’Espace littéraire :

ce qui nous fascine, nous enlève notre pouvoir de donner un sens, abandonne sa nature sensible, abandonne le monde, se retire en deçà du monde et nous y attire, ne se révèle plus à nous et cependant s’affirme dans une présence étrangère au présent du temps et à la présence dans l’espace. La scission, de possibilité de voir qu’elle était, se fige, au sein même du regard, en impossibilité. Le regard trouve ainsi, dans ce qui le rend possible, la puissance qui le neutralise, qui ne le suspend ni ne l’arrête, mais au contraire l’empêche d’en jamais finir, le coupe de tout commencement, fait de lui une lueur neutre égarée qui ne s’éteint pas, qui n’éclaire pas, le cercle, refermé sur soi, du regard […]. La fascination est le regard de la solitude, de l’incessant et de l’interminable, en qui l’aveuglement est vision encore, vision qui n’est plus possibilité de voir, mais impossibilité de ne pas voir, l’impossibilité qui se fait voir, qui persévère – toujours et toujours – dans une vision qui n’en finit pas : regard mort, regard devenu le fantôme d’une vision éternelle41.

Il s’agit là d’une vision qui précède tout acte énonciatif, qui traverse et met en crise le dimensionnel de la parole, vision qui s’exprime à travers une image errante – laquelle donc semble être symétrique et inverse de la parole errante que nous avons évoquée tout à l’heure à propos de L’Entretien infini – une vision qui cependant prend corps dans l’acte d’écrire, dans cette écriture hors langage au sein de laquelle la chose redevient image, où l’image, d’allusion à une figure, devient allusion à ce qui est sans figure et, de forme dessinée sur l’absence, devient l’informe présence de cette absence, l’ouverture opaque et vide sur ce qui est quand il n’y a plus de monde, il n’y a pas encore de monde.

Derrida nous expose par là aux rayonnements de ce qu’on pourrait appeler un dimensionnel du regard. Dans la subsistance « d’une langue qui se parle toute seule »42 brille aussi le reflet d’une image où hallucination et phénoménalité du monde semblent se conjoindre en un noyau plus dense. Voilà donc une image qui permet d’entrer dans un mouvement de manifestation – Blanchot utilise aussi le terme de monstration dans L’Écriture du désastre43 – inverse de celui de la présence, image dévorante fluctuant dans une sorte de conscience sans sujet, devenue l’ouverture encore larvaire d’une phénoménologisation44 du monde tout à fait inanticipable, par rapport à laquelle le regard et la vision ont perdu tout pouvoir de liaison et de correspondance mutuelle. L’image se profile toujours en excès sur l’être sensible

excès qui, absolu dérangement, n’admet plus de régime, région, règle, direction, érection, insur-rection, ni non plus leur simple contraire, de sorte qu’elle détruit ce qu’elle indique, brûlant la pensée qui la pense et l’exigeant dans cette consumation où transcendance, immanence ne sont plus que des figures flamboyantes éteintes : des repères d’écriture que l’écriture a toujours par avance perdus, celle-ci aussi bien excluant le processus sans limite que semblant inclure une fragmentation sans apparence qui suppose cependant encore une surface continue sur laquelle elle s’inscrirait, comme elle suppose l’expérience avec laquelle elle rompt – ainsi se continuant par la discontinuité, leurre du silence qui, dans l’absence même, nous à déjà livré au désastre du retour45.

L’image chez Blanchot est le point de fulgurance d’une épiphanie négative, l’anacrouse46 réitérée de toute initiation au monde, la zone d’inchoativité d’une semblance47 érosive de toute prégnance figurative, c’est-à-dire qui s’abolit dans ce qui la figure, jusqu’à donner lieu à cette zone irradiante au cœur de laquelle les êtres apparaissent au moment même de leur interminable disparition. L’écriture de Blanchot est le théâtre d’ombres d’une dislocation spiralaire sur le proscenium duquel l’image échappe désormais à toute tentative de conceptualisation, pour devenir cette pure intensité de désastre qui finit par volatiliser en incandescence les architectures du langage. À cet égard Blanchot écrit encore dans L’Espace littéraire :

quand les êtres manquent l’être apparaît comme la profondeur de la dissimulation dans laquelle il se fait manque. Quand la dissimulation apparaît, la dissimulation, devenue apparence, fait tout disparaître, mais de ce tout a disparu fait encore une apparence, fait que l’apparence a désormais son point de départ dans tout a disparu. Tout a disparu apparaît. Ce qu’on appelle apparition est cela même : est le tout a disparu devenu à son tour apparence48.

Si donc l’acte de parole permet de quitter – en l’interrompant – le mouvement spontané du regard par lequel s’ouvre et se constitue l’espace même que le sujet traverse et explore, le retour vers une nouvelle centralité ramifiée et pré-subjective du regard, loin donc de l’assurance réfléchie de toute saisie perceptive, nous permettra d’accéder dans l’inextricable réseau d’un épanchement visuel qui fait du moi le point vide où l’impersonnel s’affirme selon l’immobilité éparse d’une errance dépourvue d’horizon.

À travers le déplacement du dimensionnel de la parole au dimensionnel du regard, Derrida illustre ce glissement insensible et tumultueux que nous tenterons de mieux comprendre dans le paragraphe suivant, à partir d’une sous-lecture49de certains passages de Thomas l’Obscur expliqués à la lumière des thèses développées dans Parages.

Greffe de l’œil et image à perte de vue50

Derrida arrive à déceler dans les récits de Blanchot le dévoilement abrupt d’une latitude sans orientation et perpétuellement en voie d’éclatement vers les structures pré-expressives « d’une visibilité qui ne se voit pas, même si elle donne à voir »51, retenue et enlisée dans la sombre fixité catatonique d’apparitions aporétiques aspirées vers un champ fragmentaire de transitivité et de phénoménologisation où parler et voir s’avèrent en fin de compte parallèles et inintégrables52.

Au sein de l’écriture hors langage – c’est-à-dire là où Derrida nous avait montré la posture paradoxale d’un locuteur qui se trouve inclus dans une scène dont sa parole l’exclut – on voit surgir la notion contradictoire d’une « figure sans figure »53. C’est donc en introduisant ce thème de la vision et de la visibilité que l’auteur de Parages parvient à modifier en partie l’axe de son discours, dirigé maintenant sur un versant de réflexion qui trouve dans le questionnement de l’image son point focal.

On a là donc un diagramme de réversibilités croisées entre le dimensionnel du regard et celui de la parole, de sorte que d’un côté Blanchot met en relief les infrastructures para-phénoménologiques d’un envahissement du visible par l’acte de parole, tandis que de l’autre côté il remarque la possibilité d’une imprégnation de la parole par le visible.

Voilà donc deux plans de monstration interchangeables sans continuité directe entre eux : la parole et le regard, le langage et la vision traversent l’un le champ d’articulation de l’autre54. Le dimensionnel de l’énonciation pénètre et bouleverse l’ensemble des lignes de forces qui soutiennent et innervent les structures de déploiement de la spatialisation perceptive. Le dimensionnel de la vision s’infiltre dans l’espacement centrifuge et transversal55 d’une écriture devenue la région désœuvrée56 où assister à l’évanouissement radical de tout repère dans l’effondrement de la ressemblance :

en dehors de [Thomas] se trouvait quelque chose de semblable à sa propre pensée que son regard ou sa main pourrait toucher […]. Bientôt la nuit lui parut plus sombre, plus terrible que n’importe quelle nuit, comme si elle était réellement sortie d’une blessure de la pensée qui ne se pensait plus, de la pensée prise ironiquement comme objet par autre chose que la pensée. C’était la nuit même. Des images qui faisaient son obscurité l’inondaient57.

L’image engendre maintenant un hyperbolique labyrinthe invertébré dans les méandres duquel s’égare et se décompose toute visibilité conçue, par exemple à la fin de Thomas l’Obscur, sous l’aspect d’un naufrage pétrifié du regard, mué désormais en une sorte d’inhabitable planète solitaire à la surface de laquelle la vision s’agite et agonise comme un somnambulique clapotement de décombres figuraux. Ces derniers ne cessent de se renvoyer les reflets déformés les uns des autres, dans un interminable ressac d’écumes hallucinatoires projetées sur l’écran de ce qui reste du sujet, c’est-à-dire d’un bouillonnant protoplasme psychique58 sillonné par une reptation d’images à la dérive qui composent la ventriloquie de l’infigurable59.

Le regard de Thomas se déplie sur le plan d’une spatialisation perceptive livrée sans reste à sa propre oblitération. La vision elle-même est devenue plaie multiple, mobile, métamorphique d’une tentaculaire transvertébration d’images qui s’effacent dans ce qui les figure, kénophanie omnivoyante poussant l’acte de voir vers l’indétermination du On60, vers le sous-sol d’une subjectivité qui ne s’est pas encore refermée sur son identité, qui demeure prise – avec une sombre douceur d’algue – dans les spires diastoliques d’une naissance au monde infiniment retardée.

L’image est le vecteur paléonymique61 d’un retour vers un état de la pensée antérieur au moment de la scission, de la dissociation des deux dimensionnels. Chez Blanchot donc l’image fonctionne comme la mise en figure d’objets, de paysages, de formes, de noms et d’identités en déshérence sur la sensibilité qui normalement semble véhiculer pour nous les significations primordiales du monde.

L’image affleure et s’affirme hors de tout pouvoir mimétique. À ce que Merleau-Ponty aurait appelé la folie du voir, Derrida fait correspondre le dédoublement paranoïde mis en place par une écriture romanesque et une voix narrative où l’image dessine l’espace laissé vide par le circuit des liens défaits qui organisaient et scandaient le système des rapports de ressemblance entre les objets réels et les situations représentées. Lisons encore un petit extrait de Thomas l’Obscur :

il ne voyait rien et, loin d’être accablé, il faisait de cette absence de vision le point culminant de son regard. Son œil, inutile pour voir, prenait des proportions extraordinaires, se développait d’une manière démesurée et, s’étendant sur l’horizon, laissait la nuit pénétrer en son centre pour en recevoir le vide. Par ce vide, c’était donc le regard et l’objet du regard qui se mêlaient. Non seulement cet œil qui ne voyait rien appréhendait quelque chose, mais il appréhendait la cause de sa vision. Il voyait comme objet ce qui faisait qu’il ne voyait pas62.

Cet irreprésentable63 tentaculaire et visqueux est la substance même dont les personnages, les lieux, les gestes voire les dialogues de Thomas l’Obscur sont le précipité anamorphique obtenu après un délitement progressif, une scarification acharnée de la réalité sensible réduite maintenant à un paysage lunaire de scories palpitantes. C’est pour cela que Blanchot peut conclure ce passage en écrivant : « en lui, son propre regard entrait sous la forme d’une image, au moment où ce regard était considéré comme la morte de toute image64. »

Aux yeux de Derrida ces figures infigurables ne sont que ce qui reste d’un visible carié par une lumière cadavérique65, paradoxale, qui n’éclaire rien, mais plutôt déploie la topologie déviante et cryptique66 d’une image transpercée par la blessure criante d’une ressemblance acéphale, où prend corps la scénographie non représentative d’une vision qui n’est vue par aucun œil, ou mieux, au centre de laquelle l’œil lui-même est la cécité gluante d’une visibilité où sans cesse le regard s’enlise comme une épave fossile ramenée du fond de mondes disparus : « la perspective dans laquelle je m’évanouis à mes yeux, me restaure, image complète pour l’œil irréel auquel j’interdis toute image. Image complète par rapport à un monde sans image qui me figure dans l’absence de toute figure imaginable67. »

Si nous tentons de reconstruire le graphe du régime scopique de la représentation mise en scène par Blanchot dans ce passage sans doute emblématique, on constatera avant tout que le point d’organisation et de condensation de cette scène intégralement hallucinée se concentre autour de la présence flottante du regard du narrateur anonyme, en même temps acteur et spectateur des événements conduits à leur point zéro. On assiste par là à la résorption du sujet dans le débordement imaginaire de sa parole, exilée hors du langage et repérable dans le procès graduel d’effacement de tout ancrage perceptif, lequel s’élide en se réfléchissant dans un dispositif d’engendrement figural de la scène qui se déroule en se défigurant.

Pour Derrida la chaotique syntaxe perceptive de cette scène délirante définit les perverses architectures visuelles d’un entrecroisement spéculaire provoquant l’étrange distorsion de toute logique figurative, laquelle ne cesse de se contracter autour du point nodal d’une prolifération exponentielle d’un œil omniprésent, exorbité et aveuglant, au centre duquel Thomas expérimente inlassablement les puissances d’amplification, de volatilisation et d’érosion visuelle de toute image.

En précession sur l’ouverture sensible de la spatialisation perceptive, l’image chez Blanchot est la fissure nomade qui secrète une incontournable toile d’araignée dans laquelle emprisonner sans possibilité de fuite le dimensionnel de la vision. L’image devient alors la germination concentrique et éparse d’une ressemblance apocryphe, qui ne cesse de se perpétuer en mettant en scène dans son étoilement insituable l’infini pouvoir de captation, d’absorption et d’abolition de tout ce qui soutient et raccorde les nervures du visible.

sans couleur, inscrit dans nulle forme pensable, n’étant non plus le produit d’un puissant cerveau, je suis la seule image nécessaire. Sur la rétine de l’œil absolu, je suis la petite image renversée de toute chose. Je lui donne, sous mon format, la vision personnelle non seulement de la mer, mais l’écho de la colline qui retentit encore du cri du premier homme. Là, tout est distinct, tout est confondu. Une unité parfaite au prisme que je suis, restitue la dissipation infinie qui permet de tout voir sans rien voir68.

Ces nervures accueillent maintenant les phénomènes du monde sans qu’ils aient une forme, transformés donc en une éclosion tourbillonnaire de proximités inabordables et inaccessibles à la pensée et face auxquels Blanchot expérimente « la gratuité irruptive du sensible instructuré69 ». L’image véhiculant cette ressemblance apocryphe expose ainsi notre regard à « la radiance apparitionnelle d’une phénoménalité anti-objective70 », au sein de laquelle l’élémentaire règne en absence de figure, image iconoclaste donc, ou plutôt, image énantiomorphe d’une ressemblance qui se replie sur elle-même au moment même où toute idée de similarité se révèle impraticable.

Placé sur la ligne de vacillement entre une image interminable – à partir de laquelle se déploie la cristallisation elliptique d’une vision convulsive qui n’appartient plus à personne – et l’œil d’un sujet enseveli dans la crypte71 amorphe de son regard démembré, Derrida nous montre comment ce récit se dissout dans la fission disséminante72 d’une désagrégation chronologique qui finit par annuler le temps en multipliant l’événement de cette double invagination croisée73 de circuits scopiques74. C’est pour cette raison que le présent illimité de la narration se convertit sans préavis en une chute fragile75 dans l’oubli absolu et transparent d’une « temporalité délinéarisée »76, par rapport à laquelle toute logique narrative

est déjouée par l’imprésentable temps du récit. Dans le medium illimité, élémentaire, d’un présent flottant sans autorité, essoufflé après le tout autre passé qui n’a même plus la forme d’un présent passé, d’un passé qui lui ressemblerait encore, d’un passé présentable ou représentable gardant quelque commune mesure avec le quasi-maintenant du récit, l’événement en dérive enlève son passé simple […] sur un fond indéfini de répétition ou d’habitus77.

Le dimensionnel du regard équivaut chez Blanchot à une sorte de tératologie eidétique blanche qui s’insinue dans toute la logique mimétique. Dans Thomas l’Obscur ce dimensionnel se transforme en une sphère fêlée d’intentionnalités vides et aberrantes, qui nous destituent du monde, semblables aux émanations d’espaces aperceptifs qui ne cessent de faire retour au sans-limite vers lequel conspire tout ce qu’il ouvre en s’abolissant de plus en plus.

Plongé au fond médusant de cet immense vertige visuel, où l’image ne capte le regard que pour l’exposer à l’épiphanie sauvage et irréversible de sa propre oblitération, ce dispositif de visionnement78 mis en relief par Derrida se disloque en s’amplifiant autour d’une cécité dédaléenne et enveloppante. Ici l’œil de Thomas représente en dernière instance le vestige polymorphe d’une dérive hypertopique79 où le sujet de la vision est « le je sans je de la voix narrative, le je dépouillé de lui-même, celui qui n’a pas lieu80 ».

Accumulation épileptoïde d’une vacuité ubiquitaire, l’image dans ce récit de Blanchot est la chrysalide d’une sensibilité en absence d’objet, la mouvance abstraite d’une objectité à l’état nu capable de désorganiser profondément toute la machine ontologique81, à la surface de laquelle la vision et le visible, en érosion mutuelle, font surgir sans arrêt un perçu pré-humain en quête d’impossible ressemblance avec quelque chose qui détraque toute puissance mimétique.

Pour Derrida l’image blanchotienne est la dérive solitaire d’une limite qui par son désarroi nomade expose la pensée à la fascination d’un dehors, lequel désoriente tout absolu et qui s’exprime à travers une écriture précédant tout phénomène, toute manifestation ou monstration, transcription d’une « trans-descendance82 » qui s’offre à nous à travers le semblant spectral d’un simulacre d’unité.

 

(Le titre de l’article, « Comme un vide saturé de vide », est une citation de Maurice Blanchot, Une voix venue d’ailleurs, Gallimard, Paris, 2002, p. 73.)

Notes

1

DERRIDA, Jacques, Parages, Galilée, Paris 1986, p. 213. Désormais cité P.

2

En effet les quatre sections de Parages correspondent à quatre textes de conférences auxquelles Derrida a participé entre 1976 et 1979.

3

Dans un passage de Pas, première étude du recueil en question, Derrida souligne que les champs disciplinaires en jeu dans ces ouvrages ne se limitent pas au couple littérature/philosophie. À cet égard il remarque que ses réflexions se développent en tissant un réseau serré entre « la littérature, la philosophie, la psychanalyse, la pensée et la pratique politiques », P, p. 55.

4

Ibid., p. 10.

5

Ibid. p. 15.

6

Ibid., p. 10-14.

7

Ibid., p. 26.

8

Ibid., p. 12.

9

Ibid., p. 41.

10

Ibid., p. 17.

11

Ibid., p. 23-25.

12

Pour ce terme cf. BLANCHOT, Maurice, L’espace littéraire, Gallimard, Paris 1955, p. 293-294 et BLANCHOT, Maurice, Le livre à venir, Paris, Gallimard 1959, p. 306-312.

13

P, en particulier p. 21-31.

14

Ibid., p. 30.

15

Ibid., p. 45. Il s’agit d’un passage de Thomas l’Obscur.

16

Selon la très belle formule de Blanchot lui-même, cf. BLANCHOT, Maurice, L’entretien infini, Gallimard, Paris 1969, p. 113-118 et p. 319-322.

17

LANNOY, Jean-Luc, Langage, perception, mouvement. Blanchot et Merleau-Ponty, Millon, Grenoble 2009, p. 159.

18

Sur la figure tout à fait fondamentale de la chambre, cf. P, surtout p. 28, p. 35, p. 57-58, p. 75, p. 108, p. 121, p. 166, p. 199-206.

19

Ibid., p. 74.

20

Cf. CRIVELLA Giuseppe, Autour de cette pierre le temps bouillonne. La questione del tempo in Maurice Blanchot, in LOGOI. Rivista di Filosofia, num. monographique Tempora, Anno V, n. 14, 2019, p. 403-420.

21

P, p. 31.

22

Ibid., p. 94.

23

Ibid., p. 50.

24

Ibid., p. 56.

25

Ibid., p. 56-57.

26

Cf. BLANCHOT, Maurice, L’Entretien infini..., p. 566.

27

P, p. 146.

28

Expression tirée de BLANCHOT, Maurice, L’Entretien infini..., p. 475.

29

P, p. 109. En effet Derrida parle d’un « mot-trou ».

30

Ibid., p. 80-81.

31

BLANCHOT, Maurice, L’Entretien infini..., p. 351 et 389-393. En outre P, p. 34-35.

32

Derrida consacre beaucoup de réflexions à l’opposition voix narrative/voix narratrice, cf. P, surtout p. 149-156. À cet égard cf. BLANCHOT, Maurice, L’entretien infini..., p. 386-387 et p. 556.

33

Sur cette notion cf. DERRIDA, Jacques, La dissémination, Seuil, Paris 1972, p. 287-290.

34

BLANCHOT, Maurice, L’Entretien infini..., p. 29.

35

Ivi, pp. 52.

36

DERRIDA, Jacques, De la grammatologie, Minuit, Paris 1967, p. 350-354.

37

P, p. 51.

38

Ivi, p. 59-60.

39

BLANCHOT, Maurice, L’Espace littéraire..., p. 29.

40

BLANCHOT, Maurice, L’Attente, l’oubli, Gallimard, Paris 1962, p. 86.

41

BLANCHOT, Maurice, L’Espace littéraire..., p. 29.

42

BLANCHOT, Maurice, La Part du feu, Gallimard, Paris 1949, p. 42.

43

BLANCHOT, Maurice, L’Écriture du désastre, Gallimard, Paris 1980, p. 66.

44

Terme de Lyotard, cf. LYOTARD, Jean-François, Que peindre?. Adami, Arakawa, Buren, Hermann, Paris 2008, p. 97.

45

BLANCHOT, Maurice, L’Écriture du désastre..., p. 93.

46

Cf. BLANCHOT, Maurice, Une voix venue d’ailleurs..., p. 42.

47

Pour ce terme cf. ROPARS-WUILLEUMIER, Marie-Claire, Le Temps d’une pensée. Du montage à l’esthétique plurielle, textes réunis et présentés par S. Charlin, PUV, Paris 2009, p. 299.

48

BLANCHOT, Maurice, L’Espace littéraire..., p. 340.

49

Terme de Derrida, cf. DERRIDA, Jacques, De la grammatologie, op. cit., p. 285.

50

Il s’agit d’une paraphrase d’un extrait derridien : cf. DERRIDA, Jacques, La Dissémination, op. cit., p. 251 :« greffe de l’œil et texte à perte de vue ».

51

P, p. 89.

52

LANNOY, Jean-Luc, op. cit., p. 19-42.

53

P, p. 175.

54

À cet égard il faut rappeler ce passage de Parages : « ce qu’il appelle alors des « paroles », ce ne sont ni des mots, ni des discours, ni une désignation figurée de qui tiendrait un discours, et prononcerait des mots dans la proximité de sa pensée ou de sa voix, ni rien de ce qu’on croit reconnaître sous ces mots : paroles, mots, discours, énoncé ou énonciation, etc. Ce ne sont pas non plus des choses que nous pourrions opposer aux paroles, ni des actes », Ibid., p. 80-81.

55

En ce sens cf. DERRIDA, Jacques, La Dissémination, op. cit., p. 257 : « espacement comme rien, comme blanc : blanc comme un page encore pas écrite ».

56

Sur cette notion cf. encore ROPARS-WUILLEUMIER, Marie-Claire, op. cit., p. 295-310. En particulier ce passage : « ce pas en-deça de la parole, où l’image fantôme précipiterait le devenir fantomal du langage, pourrait être précisé en termes syntaxiques : facteur de disjonction interne co-extensive à l’exercice su signe, l’image serait partie prenante d’un double pas de la syntaxe qui, en déployant dans l’ordre de la phrase le mouvement contraire d’un dire sans cesse détourné de soi, inviterait à considérer, sur le plan de la verticalité, cette ombre portée par où le langage lui-même s’altérerait sans pour autant devenir un autre du langage. Fissure imperceptible, attrait de l’autre nuit dans la nuit, l’image serait alors à la fois la condition et l’érosion du langage [...]. Il ne s’agit donc pas, avec Blanchot, de penser l’image pour elle-même, mais bien de faire entrer la pensée de l’image dans la mise en désœuvrement du langage ».

57

BLANCHOT, Maurice, Thomas l’Obscur, Gallimard, Paris 1950, p. 16.

58

Ibid., p. 112.

59

P, p. 197 et p. 265.

60

BLANCHOT, Maurice, L’Entretien infini, op. cit., p. 102, où l’auteur parle expressis verbis d’« un je sans moi ».

61

P, p. 82 et p. 91. cf. aussi DERRIDA, Jacques, La Dissémination, p. 9-15.

62

BLANCHOT, Maurice, Thomas l’Obscur, op. cit., p. 16-17.

63

Sur la genèse et la richesse théorique de cette notion cf. DERRIDA, Jacques, De la grammatologie, op. cit., p.  300, 311 et 382.

64

P, p. 17.

65

LILTI Ayelet, « L’image du mort-vivant chez Blanchot et Kafka », dans Europe. Revue littéraire mensuelle, n° 940-941, Maurice Blanchot, Août-Septembre 2007, p. 154-166.

66

P, p. 199.

67

BLANCHOT, Maurice, Thomas l’Obscur..., p. 126.

68

Ibid.

69

MALDINEY, Henri, Ouvrir le rien. L’art nu, Encre marine, La Versanne 2000, p. 429.

70

Ibid., p. 172.

71

P, p. 99.

72

Sur cette formule cf. ROPARS-WUILLEUMIER, Marie-Claire, op. cit., p. 335 et p. 344.

73

P, p. 143-147.

74

ROPARS-WUILLEUMIER, Marie-Claire, op. cit., p. 308 : « une double expropriation vient ainsi se nouer par la double insertion contraire de l’image, qui appartient à la fois au regard et à la représentation : perceptive, l’image divise le sujet, mais en l’exilant de soi et sans le refigurer en abyme ; mimétique, l’image dessaisit l’objet, mais en le maintenant comme corps d’une représentation, qui se trouve simplement coupée de toute référence au modèle. La double appartenance de l’image, que Blanchot ne cesse de rappeler obliquement, remet donc en question l’appréhension et du sujet et de l’objet […] : l’image n’est pas devant le regard, mais en lui, où elle provoque l’effondrement de la vision dans la vue ».

75

À cet égard cf. LANNOY, Jean-Luc, op. cit., p. 344 : « interne à la sensation, la chute se creuse comme à rebours de ce mouvement par lequel [on est] au monde, en prise sur celui-ci et comme porté par son émergence […], chute qui s’ouvre – tel le passage d’un seuil – aux profondeurs inconnues de la sensorialité, chute qui paraît tantôt en suspension et en dilatation, tantôt en rétrécissement et qui s’éprouve comme sans sol. Chute fragile et multiple dans la mesure aussi où elle est animée de mouvements qui semblent divergents. Elle est à la fois précipitation vers un passé absolu et se produisant selon une certaine lenteur, en resserrement et en expansion. Comme si la chute n’était pas seulement une chute immobile – qui immobiliserait le soi au fond de lui-même – mais aussi la découverte et la création d’un espace intérieur et antérieur où le soi, pour une part s’efface, en s’effaçant en même temps qu’il se préserve, comme malgré lui, dans la lenteur de cette chute se confondant avec l’indéfini de l’attente ».

76

DERRIDA, Jacques, De la grammatologie, op. cit., p. 130.

77

P, p. 103. Cf. aussi BLANCHOT, Maurice, L’Entretien infini, op. cit., p. 63-64.

78

Cf. encore ROPARS-WUILLEUMIER, Marie-Claire, op. cit., p. 244.

79

Sur ce concept cf. BLANCHOT, Maurice, L’Entretien infini, op. cit., p. 564-567 et P, p. 150-151, 181 et 206.

80

Ibid., p. 281.

81

DERRIDA, Jacques, La Dissémination, op. cit., p. 288.

82

M. Blanchot, L’Écriture du désastre, op. cit., p. 37.

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