« Tu es le sans-patrie furtif
qui n’a pas retrouvé sa place dans le monde,
trop grand, trop lourd, rebelle à tout usage.
Tu hurles en la tempête. Tu es comme une harpe
sur laquelle se brise quiconque en veut jouer. »
Rainer Maria Rilke1
Depuis la perspective de la philosophe sociale contemporaine, nous pouvons délimiter un problème irrésolu : celui de l’exclusion absolue. En effet, si nous comprenons l’espace social du point de vue structural comme une répartition du sensible, l’identification de l’exclu est elle-même soumise aux rapports de pouvoir ; là est le paradoxe de toute théorie critique de l’exclusion. Toute théorie de l’exclusion est déjà médiatisée par le pouvoir au moment de définir ou de caractériser la catégorie d’exclu. De fait, il y a des exclus qu’on ne peut pas identifier par principe. Nous appelons ce phénomène « l’exclusion absolue ». Dans les termes de Rilke, « l’exclu absolu » serait comme « une harpe sur laquelle se brise » toute théorie qui essaie d’expliquer le problème de l’exclusion, l’exclu absolu étant celui sans place dans le monde, « le sans-patrie furtif » qui hurle en la tempête : d’où l’opacité de toute théorie de l’exclusion. La notion d’exclu absolu est alors à la fois une fiction théorique (que nous construisons à partir d’une critique immanente à la théorie sociale) et un outil qui nous permet d’identifier les limites de toute théorie de l’exclusion. Face à ce paradoxe, nous nous interrogerons sur les conditions de possibilité d’une phénoménologie de l’exclusion absolue qui resterait un phénomène indéterminé.
Notre hypothèse est la suivante. L’exclusion absolue est indéterminée du point de vue linguistique, mais elle peut être traitée dans une théorie sociale fondée sur le point de vue pré-prédicatif, d’où l’importance de la méthode phénoménologique. Les fondements de cette théorie sociale sont à chercher, à notre avis, dans deux formulations phénoménologiques, lesquelles prennent comme point de départ le concept d’hospitalité. De cette manière, à partir d’un dialogue entre l’idée d’hospitalité déterminée selon Ricœur et l’idée d’hospitalité inconditionnelle selon Derrida, nous proposerons une nouvelle définition phénoménologique de l’hospitalité, qui serait alors comprise comme surabondance de l’accueil d’un point de vue universel. Dans ce point-ci, il sera nécessaire de faire une distinction entre l’exclu absolu et l’étranger, car ces deux approches phénoménologiques de l’hospitalité ont été formulées à l’égard du thème de l’étranger et de l’exclu absolu. L’exclu absolu est une fiction théorique ou une catégorie eidétique qui nous permet d’utiliser les outils de la phénoménologie de l’hospitalité pour réviser les fondements théoriques de la théorie sociale et politique. « L’étranger » est une catégorie factuelle avec laquelle nous réfléchissons aux personnes vivantes, en chair et en os. Également, il s’agit d’une notion définie par un cadre théorique déterminé, de manière que, si nous disons que l’étranger est un « exclu », il ne s’agirait pas d’un exclu « absolu », mais d’un exclu « relatif » aux théories sur l’étranger. Par principe, nous ne pouvons pas déterminer les exclus absolus, car ils échappent à tout cadre théorique, raison pour laquelle nous ne pouvons pas dire qu’ils sont les étrangers. Cependant, le traitement phénoménologique par Ricœur et par Derrida de la notion d’étranger nous permettra de nous situer dans un cadre plus abstrait et plus universel, celui qu’on met en question avec la fiction théorique de l’exclusion absolue. Nous sommes convaincue que la surabondance de l’accueil, fondé sur un champ pré-linguistique, répond aux exigences de ce problème irrésolu par la théorie sociale et politique.
L’exclu absolu
Dans Doctrine de la science, Fichte donne une définition métaphysique de l’exclusion absolue : « Du déterminé, ou du déterminable, l’un est la totalité absolue et l’autre n’est donc pas : il y a donc un exclu absolu, celui qui est exclu par la totalité. Si, par exemple, le déterminé est la totalité absolue, celui qui est exclu par là est l’exclu absolu2. » Si l’on applique cette définition à l’espace social, nous définissons l’exclu absolu comme celui qui n’est pas déterminable dans la totalité de la structure sociale. Ce qui est « déterminable » dans la structure sociale peut se comprendre à partir de la théorie des systèmes de Luhmann. Ainsi, d’une manière structurale, la notion d’exclusion a été définie comme corrélative à celle de l’inclusion, dans la formation d’une société. Pour Luhmann3, un système est toujours défini à partir d’un observateur comme une forme qui exclut, pour sa détermination, l’environnement. L’inclusion peut être délimitée à partir de la forme même du système comme la face interne d’une forme, dont la face externe est l’exclusion. Par conséquent, il n’y a d’inclusion que s’il y a exclusion. En d’autres termes, l’exclusion serait ce qui reste non spécifié, non dit, comme effet d’une opération d’auto-déclaration, contre laquelle l’inclusion, en tant qu’auto-déclaration elle-même, aurait une place préférentielle. Nous définissons l’exclu absolu comme celui qui reste en dehors de cette opération de différenciation, c’est-à-dire en dehors de la formation d’une société : ce qui est indéterminable dans la totalité de la structure sociale, le pôle d’opacité de toute théorie de la société. Ainsi, il s’agit de celui qui, par principe, ne peut pas être déterminé par la théorie politique et sociale. Nous nous situons donc, dans cet article, au cœur d’un paradoxe. Nous essayons de réfléchir sur ce qui échappe aux bornes de la théorie (l’indéterminable, l’irréel, le fictif pour notre pensée), tout en lui donnant le statut d’un fondement phénoménologique.
D’une certaine manière, ces bornes de la théorie politique et sociale ont été mises en question par les critiques de la démocratie délibérative. Jürgen Habermas et John Rawls sont les représentants les plus importants de cette théorie démocratique de la philosophie politique. Celle-ci fonde le monde politique sur une structure procédurale neutre qui rendrait possible l’assurance de la justice politique4. Cependant, la philosophie politique qui défend des idéaux démocratiques modernes est attaquée notamment par les défenseurs de la démocratie agonistique ou radicale. Selon eux, l’expérience silencieuse du conflit, du désaccord et de la différence, demeure inaperçue à cause du rôle excessif, et médiatisé idéologiquement, de la rationalité ainsi que du souci excessif de la justice et du normatif qui reposent sur la confiance occidentale en une structure de justice aveugle ou un langage formel et sa capacité à parvenir à un consensus. Marchart regroupe ces philosophes du politique, comme Lefort, Laclau, Mouffe, Badiou, Rancière et Castoriadis, sous le titre de post-fondationnalisme5. Une politique post-fondationnelle renvoie moins à une absence de fondements qu’à l’idée d’un fondement indéterminé, paradoxal, irrésolu ou imaginaire de la politique. C’est sur la base de ce dernier courant que la critique de la démocratie représentative débouche sur l’idée de l’impossibilité d’un fondement universel du politique. L’avantage que présente l’approche philosophique du politique est qu’elle peut accorder une place privilégiée aux expériences qui sont inaccessibles à la philosophie (de la) politique, ce qui nous permettrait d’envisager une théorie de l’exclusion absolue. La philosophie du politique se préoccupe des expériences pré-rationnelles et pré-linguistiques de l’imaginaire social. L’inconvénient de ce type d’approche est qu’une critique consistante de la société demeure inachevée : les exigences normatives ou universelles du monde politique sont laissées de côté et elle court le risque de se limiter à une théorie partielle de la société. En ce sens, nous croyons que la phénoménologie, en se situant dans les structures les plus générales de l’expérience de la subjectivité, va plus loin. Mais voyons de plus près un exemple de la manière dont l’un des philosophes du politique peut nous amener à une théorie de l’exclusion absolue dans les termes définis ci-dessus.
C’est Rancière qui, à notre avis, a pensé les paradoxes d’une théorie structurale du politique et du social tout en s’approchant d’une théorie de l’exclusion absolue dans son livre La Mésentente. À partir de la distinction aristotélicienne entre phonè et logos, il identifie une répartition originelle qui légitime la voix exprimant la parole et la différencie du simple bruit. Il appelle cette répartition la police. Mais au sein de celle-ci, l’émergence d’une mésentente apparaît. Rancière la définit de la manière suivante : « Les cas de mésentente sont ceux où la dispute sur ce que parler veut dire constitue la rationalité même de la situation de parole. Les interlocuteurs y entendent et n’y entendent pas la même chose dans les mêmes mots6. » C’est-à-dire qu’il s’agit du conflit entre ceux qui disent « blanc » mais qui n’entendent pas la même chose sous l’expression de la blancheur. Dans l’espace social, il y aurait donc une mésentente entre ceux qui sont légitimés (logos) au sein de l’ordre policier (la totalité déterminée) et la part sans part (les exclus), dont la voix est celle de la simple phonè. Cette mésentente se manifeste par le désaccord de ces derniers avec la répartition qui ne les compte pas. La politique serait possible lorsque ces derniers font entendre une demande d’égalité, une révolte. La révolte n’est constituée que par les actes des subjectivités singulières ; il s’agit d’un événement non généralisable. Ainsi, la politique est présentée, par Rancière, comme l’institution du litige. La rencontre entre ces deux processus hétérogènes, l’un de répartition et l’autre de révolte, est ce que le philosophe désignera, dans Aux bords du politique, par le nom « [du] politique »7.
La démocratie, d’autre part, n’est pas définie comme un idéal philosophique, mais comme la condition de possibilité de la politique. La fin de la politique ne serait que la réalisation de la démocratie consensuelle ou la post-démocratie, qui ne serait pas une vraie démocratie. Si l’on considère que la politique est la perturbation des parties de la société provoquée par la demande des sans-part qui revendiquent l’égalité de leur groupe avec la communauté, alors la condition de possibilité de la politique réside dans les formes de subjectivation qui renouvellent l’identité supposée entre la communauté et le compte de ses parties, qui est ce qui la sépare d’elle-même. Par conséquent, la fin de la politique aurait lieu lorsque l’ensemble de la communauté est réduit à la somme de ses parties et que, par conséquent, cette séparation ne se produit plus : « La sommation de ses opinions est égale à la somme des parties qui le constituent. Le compte en est toujours pair et sans reste »8. Il s’agit du modus operandi, selon Rancière, du système de démocratie consensuelle ou de post-démocratie. Dans ce système consensuel, on ne tolère aucune partie qui fausse le compte de la communauté, la partie surnuméraire, la partie non participante. En d’autres termes, la démocratie consensuelle ou post-démocratie retire aux exclus la possibilité de se révolter.Tout ce qui existe dans l’espace social est déterminable, tout exclu qui peut être pensé est comptable, relatif. On exige des parties réelles, possédant à la fois leurs propriétés et la propriété commune de l’ensemble. Voici les axiomes sur lesquels repose ce système consensuel : le tout est tout, rien n’est rien. Dans cette optique, une relation d’identité du tout avec les parties est établie, ainsi que l’identité du principe du tout avec celui de chacune des parties : l’humanité est définie par les bénéficiaires du tout. Pour y parvenir, les entités parasites de la subjectivation politique sont supprimées et il devient impossible de penser à l’exclu absolu, à celui qu’on ne peut pas compter. Rancière rend explicite le fait que les théories démocratiques consensuelles ne peuvent pas penser l’exclu absolu, car elles sont déterminées par une manière de faire politique : la suppression de la possibilité de réaliser un événement politique, une révolte, un changement d’ordre. Il est ainsi urgent, pour cette époque, de penser à l’exclu absolu afin de dé-déterminer ou dé-policer la catégorie de l’exclu en général, afin de rendre possible la politique dans les termes de Rancière.
Selon Badiou, comme il l’explique dans son Abrégé de Métapolitique, face à ce problème structural, l’irruption ne peut s’effectuer qu’en première personne. C’est justement ici qu’il se met en dialogue avec la philosophie de Rancière. Badiou présente ce dialogue à partir d’une réflexion sur un poème. Cela nous fait comprendre autrement la phrase de Derrida qui introduit la réflexion d’Anne Dufourmantelle dans De l’hospitalité : « un acte d’hospitalité ne peut être que poétique ». Et ce serait précisément parce que, selon Badiou, le poème porte une vocation déclarative et axiomatique. Mais Badiou pense ici, dans son Abrégé de Métapolitique, à la justice : « “Justice’’ est le nom philosophique de l’inconsistance étatique et sociale de toute politique égalitaire9. » Selon Badiou, Paul Celan donne une image exacte de la justice dans ses vers
« Sur les inconsistances
s’appuyer :
chiquenaude
dans l’abîme, dans les
carnets de gribouillages
le monde se met à bruire, il n’en tient
qu’à toi10. »
Badiou extrait de ces vers l’idée que, lorsqu’on parle de justice, il faut toujours s’appuyer sur l’inconsistance, celle-ci étant vraie. De plus, il souligne qu’il s’agit d’une vérité à la première personne, comme l’une des interprétations du dernier vers du poème nous permet de le comprendre. Badiou est convaincu de cet aspect de la justice, ce qui le rapproche de Rancière :
Car c’est toujours en subjectivité, plutôt qu’en communauté, que se prononce l’arrêt égalitaire qui interrompt, renverse, le cours ordinaire des politiques conservatrices. Point où s’impose de discuter l’ œuvre métapolitique de Jacques Rancière. (Ibid., p. 119)
Badiou commence par faire un commentaire de la pensée de Rancière des années quatre-vingts, dont l’œuvre majeure serait Le Maître ignorant. Dans ce commentaire, ce qui nous interroge est l’opposition établie par Badiou entre Rancière et Husserl. En effet, selon Badiou, la méthode critique de Rancière ne consisterait pas en une réactivation des sédiments ni en une découverte du sens. Il est bien vrai que nous pouvons identifier une proximité entre les deux penseurs, dans le fait que « Rancière s’exerce longuement à déceler, sous les discours établis, des strates dénoncées abolies ou détournées. Il se propose d’en faire à nouveau circuler l’énergie signifiante. » (Ibid., p. 122.) Cependant, selon Badiou, Rancière ne découvre pas « un sol primordial du sens, une vie antéprédicative, un site fondateur. » (Ibid.) Tout au contraire, il découvre « un discours tracé et tenu dans l’après-coup d’un événement, une sorte d’éclair social, une invention locale et brève, à la fois antérieure et coextensive à la domination et à ses pesanteurs. » (Ibid.) Ensuite, Badiou réfléchit sur la pensée de Rancière des années quatre-vingt dix telle qu’elle est synthétisée dans La Mésentente. Badiou résume la pensée de Rancière de cette époque de la manière suivante : « une antiphilosophie démocratique, pointant l’axiome de l’égalité, fondée sur une ontologie négative du collectif que relève l’historicité contingente des nominations ». (Ibid., p. 130.) Badiou avoue se reconnaître dans quelques parties importantes. Deux points irréconciliables sont mis en lumière : la résistance de Rancière pour parler d’État ; sa résistance à la figure du militant. Cependant, selon Badiou, leur accord est ontologique :
En ce qui concerne la politique comme occurrence ou singularité, et jamais comme structure ou programme, Rancière finit par dire que la politique est un mode de subjectivation. Je ne peux alors que rappeler les thèses, examinées au début de ce livre, déployées depuis longtemps par Sylvain Lazarus : la politique est de l’ordre du subjectif, et elle se pense comme existence séquentielle et rare. La catégorie de « mode historique », elle, est une pensée irréductiblement singulière. On admettra cette fois que notre accord porte sur la doctrine des singularités. (Ibid., p. 131)
À notre avis, cette réflexion ne touche pas seulement ce que nous appelons « l’exclusion absolue » : elle ouvre la possibilité d’inclure cette catégorie dans la formulation des théories sociales et politiques à travers une radicalisation de la phénoménologie husserlienne. Cette radicalisation est exercée, nous en sommes convaincue, par Jacques Derrida et par Paul Ricœur d’une manière telle qu’au lieu d’une opposition de ces méthodes, nous sommes témoins d’un dépassement d’une telle dichotomie. C’est justement parce que nous réactivons des expériences sédimentées, parce que nous nous dirigeons vers une découverte de sens propre à une vie antéprédicative, que nous découvrons l’après-coup d’un événement, l’éclaircissement des fondements de la domination. C’est ainsi qu’on peut décrire cette phénoménologie dans les termes dans lesquels Badiou décrit la méthode de Rancière : « cette invention circule horizontalement, plutôt que verticalement car elle est venue en surface par la force latente des dominés et vaut démonstration de ce que cette force est le ressort, généralement détourné, de la machination des dominants » (Ibid., p. 122-123). Plusieurs conclusions peuvent être extraites de cette première partie consacrée à la notion de l’exclu absolu.
a) L’exclu absolu est l’indéterminable dans une théorie structurale de la société.
b) De cette indétermination dépend la possibilité de toute politique ou démocratie en sens propre du terme.
c) L’événement politique est de l’ordre du subjectif.
d) Il y a une possibilité d’éclaircir les fondements de la domination à partir d’une méthode de description du social qui considère le caractère subjectif de l’événement politique.
Phénoménologie de l’hospitalité
Dans cette partie, nous nous proposons de mettre en dialogue les réflexions sur l’hospitalité de Ricœur et de Derrida. Chez ces deux penseurs, nous identifions une approche phénoménologique du thème de l’hospitalité. Nous sommes convaincue que la méthode phénoménologique peut dépasser les réflexions dichotomiques des philosophies politiques et sociales, de manière que, tout en s’installant dans la structure de la société, elle donne une place fondatrice à l’expérience de la subjectivité. Éclairons tout d’abord le sens de la phénoménologie.
Ricœur définit la phénoménologie comme un mouvement qui se comprend par l’exercice de la méthode et dont Husserl est le nœud11. La méthode n’est que la recherche d’un retour « aux choses elles-mêmes ». Un tel retour consisterait en la reconsidération d’une expérience transcendantale de la subjectivité qui rendrait compte de son caractère constituant et irréductible aux faits. La méthode est mise en pratique, dans un premier temps, par l’exercice d’une épochè transcendantale et de réductions vers le caractère constituant de la subjectivité. Selon Derrida, nous trouvons la structure germinale de toute la pensée husserlienne dans les Recherches logiques : « à chaque page se laisse lire la nécessité – ou la pratique implicite – des réductions eidétiques et phénoménologiques, la présence repérable de tout ce à quoi elles donneront accès12. » La méthode s’exprime comme une suspension (époché) préalable à un changement d’attitude, au passage d’une expérience mondaine à une expérience transcendantale (réduction), vécue à la première personne. Husserl considère la fondation corrélative de l’expérience transcendantale comme Fundierung, c’est-à-dire, comme la mise en lumière de l’évidence à partir de l’expérience intuitive. Cependant, aussi bien Ricœur que Derrida radicalisent le point de vue de Husserl dans le développement de leurs propres phénoménologies. D’un côté, Ricœur affirme :
Ce que Husserl a aperçu, sans en tirer toutes les conséquences, c’est la coïncidence de l’intuition et de l’explicitation. Toute la phénoménologie est une explicitation dans l’évidence et une évidence de l’explicitation. Une évidence qui s’explicite, une explicitation qui déploie une évidence, telle est l’expérience phénoménologique. C’est en ce sens que la phénoménologie ne peut s’effectuer que comme herméneutique13.
De cette façon, la phénoménologie herméneutique de Ricœur n’est qu’une radicalisation de la phénoménologie husserlienne. Ricœur prend comme point de départ l’évidence d’une expérience vécue en première personne, mais il assume la tâche d’explicitation de cette expérience. Sans assumer une telle tâche, selon Ricœur, la phénoménologie resterait aux bornes d’un idéalisme. Nous comprenons donc la pensée de Ricœur comme phénoménologique en tant que, d’une part, elle défend un aspect critique-réflexif sur elle-même, tout en étant, d’autre part, l’explicitation d’une évidence qui repose sur l’expérience des individus.
D’un autre côté, Derrida radicalise, comme Ricœur, l’aspect critique de la phénoménologie sur elle-même, sans perdre le statut fondamental de « la chose elle-même » donnée à l’expérience, même si c’est de manière opaque et par traces. Raisons pour lesquelles nous considérons sa perspective comme phénoménologique. Ainsi, Derrida met en question la présupposition métaphysique de la phénoménologie husserlienne, dans son projet critique et dans la valeur institutrice de ses propres prémisses : « précisément dans ce qu’elle reconnaîtra bientôt comme la source et le garant de toute valeur, le “principe des principes”, à savoir l’évidence donatrice originaire, le présent ou la présence du sens à une intuition pleine et originaire14. » Ce fondement métaphysique serait la pierre de touche de toute phénoménologie de la perception qui aurait les conceptions de signe et de donation liées à la métaphysique de la présence. Tout au contraire, Derrida met, devant la notion de perception, la notion de la voix : « il reste alors à parler, à faire résonner la voix dans les couloirs pour suppléer l’éclat de la présence15. » L’évidence de l’expérience ne serait pas alors quelque chose qui se donne, mais quelque chose qui s’occulte en laissant la trace de cette occultation. C’est l’évidence de cette occultation qui nous fait comprendre la phénoménologie de Derrida : « Et contrairement à ce que la phénoménologie – qui est toujours phénoménologie de la perception – a tenté de nous faire croire, contrairement à ce que notre désir ne peut pas être tenté de croire, la chose même se dérobe toujours16. »
À notre avis, ces aspects phénoménologiques de la pensée de Ricœur et de Derrida rendent possibles leurs réflexions sur l’hospitalité. Et précisément, en soulignant les aspects phénoménologiques de leurs réflexions, nous pouvons répondre au problème de l’exclusion absolue décrit dans la première partie de cet article. Mais afin de penser à la possibilité d’une phénoménologie de l’hospitalité, nous devons répondre à la question sur le rapport entre l’étranger et l’exclu absolu, car Ricœur et Derrida ont réfléchi sur l’hospitalité comme rapportée à la question de l’étranger. Comme nous l’avons dit, la différence fondamentale est le fait que l’exclu absolu est une fiction théorique. L’étranger est toujours « quelqu’un » ; il s’agit d’une personne en chair et en os. La phénoménologie nous permet de mettre entre parenthèses l’existence de celui à qui s’adresse l’hospitalité. Ricœur et Derrida effectuent progressivement, dans leurs réflexions sur l’étranger, cette mise entre parenthèses en brouillant la corrélation entre hospitalité et étranger. Celà nous permet d’établir une corrélation entre l’hospitalité et l’exclu absolu, de telle sorte que nous comprenons l’étranger, à l’intérieur des phénoménologies de Ricœur et Derrida, comme l’un des noms de l’exclu absolu, pris comme catégorie phénoménologique.
Pour sa part, dans La Condition d’étranger, Ricœur commence sa réflexion d’un point de vue structural à partir de la distinction entre « étrangers » et « membres », qu’il pose comme la distinction « de base ». Cette distinction nous fait penser à la corrélation luhmannienne entre inclusion et exclusion. Selon Ricœur, il y a une fragmentation dans l’humanité, produite par l’histoire, à partir de laquelle l’humanité n’existe pas comme un seul corps politique : « <l’humanité> se présente au regard partagé entre des communautés multiples, constituées de telle façon que certains humains leur appartiennent en tant que membres, tous les autres étant des étrangers17. » Derrida commence De l’hospitalité aussi par une réflexion structurale quoique linguistique : « Avant d’être une question à traiter, avant de désigner un concept, un thème, un problème, un programme, la question de l’étranger est une question de l’étranger, une question venue de l’étranger, et une question à l’étranger, adressée à l’étranger18. » Cette question s’adresse à l’étranger tout d’abord comme s’il était celui qui pose la question ou celui à qui on pose la question, comme s’il était en question, « la question même de l’être-en-question, l’être-question ou l’être-en-question de la question » (Ibid.). Dans les caractérisations des deux philosophes, l’étranger est celui qui reste à l’extérieur, celui qui est mis en question par la détermination d’une communauté en tant que telle. Cette définition structurale s’aligne avec la sociologie des systèmes de Luhmann pour penser l’inclusion et l’exclusion.
Cependant, Ricœur et Derrida vont plus loin. Ils soulignent l’opacité ou l’indéterminabilité propre à la catégorie de l’étranger, qui renevoie à une expérience qui nous échappe par principe. Cette indéterminabilité nous autorise à penser dans les termes de l’exclusion absolue. Ensuite, ils proposent la notion d’hospitalité comme s’exerçant en première personne et en dépit de cette opacité, comme Rancière et Badiou pensent la possibilité de réaliser la politique. Ricœur analyse cette opacité ou indéterminabilité à partir du cadre juridique. En effet, la nationalité est, selon Ricœur, quelque chose qui nous est donné par l’État et l’État a le droit de refuser l’admission à celui qui lui est « étranger » : « Le caractère discrétionnaire de l’admission à la nationalité, l’absence de limites à la souveraineté de l’acte politique d’accueil ne font que souligner avec la plus extrême rigueur l’absence de symétrie à l’intérieur du couple membre/étranger19. » Cependant, selon Ricœur, dans cette analyse juridique nous ne prenons pas en compte la nature d’une compréhension : « la compréhension que nous avons de nous-mêmes en tant que membres appartenant à telle communauté nationale20. » Nous devons nous interroger sur notre appartenance pour pouvoir ainsi donner contenu à la notion d’étranger, affirme le philosophe. Dans une première approche, Derrida situe aussi la question de l’étranger dans l’ordre juridique :
Qu’est-ce qu’un étranger ? Qui serait une étrangère ? Ce n’est pas seulement celui ou celle qui se tient à l’étranger, à l’extérieur de la société, de la famille, de la cité. Ce n’est pas l’autre, le tout autre qu’on relègue dans un dehors absolu et sauvage, barbare, préculturel et préjuridique, en dehors et en deça de la famille, de la communauté de la cité, de la nation ou de l’État. Le rapport à l’étranger est réglé par le droit, par le devenir-droit de la justice21.
C’est dans ce plan juridique que nous ne comprenons pas ce que « être inclus » veut dire. Selon Ricœur, nous n’avons pas une raison claire et transparente pour comprendre notre appartenance à un pays. Tout ce que nous avons à cet égard est une compréhension partagée, historique et culturelle « manifestée par des façons de vivre, de travailler et d’aimer, et soutenue par des récits fondateurs qui instaurent notre identité22. » Notre appartenance se manifesterait de manière plus claire plutôt dans l’usage du langage ordinaire que dans le champ juridique. Dans le champ juridique nous sommes témoins d’une série de paradoxes. Derrida exprime ces paradoxes d’une manière très efficace :
Tout se passe comme si l’hospitalité était l’impossible : comme si la loi de l’hospitalité définissait cette impossibilité même, comme si on ne pouvait que la transgresser, comme si la loi de l’hospitalité absolue, inconditionnelle, hyperbolique, comme si l’impératif catégorique de l’hospitalité commandait de transgresser toutes les lois de l’hospitalité, à savoir les conditions, les normes, les droits et les devoirs qui s’imposent aux hôtes et aux hôtesses à ceux ou à celles qui donnent comme à ceux ou à celles qui reçoivent l’accueil. Réciproquement, tout se passe comme si les lois de l’hospitalité consistaient, en marquant des limites, des pouvoirs, des droits et les devoirs, à défier et à transgresser la loi de l’hospitalité, celle qui commanderait d’offrir à l’arrivant un accueil sans condition23.
L’opposition est constituée par une loi d’hospitalité inconditionnelle, d’un côté, et les déterminations ou conditions de l’effectuation de cette hospitalité, d’un autre côté. Autrement dit, le cadre de l’expérience, où la possibilité de l’hospitalité inconditionnelle se fonde, s’oppose au juridique : les lois de condition de l’hospitalité, les lois de détermination de l’étranger. Du point de vue de l’ordre des fondements, ce qui fonderait notre appartenance à une communauté serait notre vouloir vivre ensemble. Selon Ricœur, ce vouloir vivre ensemble appartient à la sphère du « non-dit » : « Il est même si enfoui, qu’il ne vient à la surface que lorsqu’il est contesté par la dépréciation de soi, menacé par la discorde civile, voire “défait” par la défaite militaire ou la révolution »24. C’est à ce niveau « clair-obscur » du soi-même que Ricœur place le problème de l’anonymat de l’étranger. En effet, nous nous comparons avec les autres pour construire notre identité collective : « La compréhension de nous-mêmes ne sort du non-dit et ne commence de s’expliciter qu’en se faisant comparative, différentielle, oppositive25. » L’imagination se met en œuvre ; elle nous permet de nous représenter notre patrie comme une autre en nous faisant l’étranger de l’étranger. Elle se met en œuvre d’une manière pratique dans le devoir d’hospitalité. Ricœur comprend ce devoir d’une manière déterminée à partir de trois situations bien cernées : « “l’étranger chez nous”, c’est d’abord le visiteur de plein gré ; c’est ensuite l’immigré, plus précisément le travailleur étranger qui réside chez nous, plus ou moins contre son gré ; c’est enfin le réfugié, demandeur d’asile, qui souhaite le plus souvent en vain d’être recueilli chez nous26. » Ces trois figures apparaissent dans un ordre tragique croissant, de manière que dans le demandeur d’asile, l’étranger assume la posture du suppliant. Sur ce point, Ricœur critique le fait que les États mettent en question le non-dit de notre vouloir vivre ensemble dans sa réticence à élargir le cercle du « chez nous ». Ricœur rappelle le sens kantien de l’hospitalité universelle telle qu’elle s’exprime dans la demande d’un nouveau projet de paix perpétuelle susceptible de dépasser notre satisfaction d’appartenir à une « communauté nationale ». Ricœur met alors en question la constitution du sens de l’étranger par rapport à « nous » et il met également en question le sens à donner dès lors à l’hospitalité. Il plaide pour un nouveau sens de l’hospitalité universelle, susceptible decourt-circuiter le sens de l’étranger tel qu’il est constitué par l’État. Derrida va plus loin à cet égard.
Dans Hostipitialité, Derrida se sert aussi de l’idée kantienne d’hospitalité universelle afin de porter la discussion vers la dichotomie « hospitalité conditionnée / hospitalité inconditionnelle » : « “Le droit cosmopolitique doit se restreindre aux conditions de l’hospitalité universelle”. Donc déjà se pose la question de la conditionnalité de l’hospitalité conditionnée ou inconditionnelle27. » De plus, dans De l’hospitalité, Derrida défend l’idée de l’hospitalité conditionnelle à partir de l’analyse du texte de Kant Sur un prétendu droit de mentir par humanité (1797). Dans ce texte, Kant souligne le caractère absolument inconditionel de l’impératif de véracité : « Il faudrait toujours dire la vérité, quelles qu’en soient les conséquences. Car si l’on admettait quelque droit de mentir, pour les meilleures raisons du monde, on menacerait le lien social lui-même, la possibilité universelle d’un contrat social ou d’une socialité générale28. » Pour Kant, il faut dire la vérité même lorsqu’elle contredit l’hospitalité, car « il vaut mieux rompre avec le devoir d’hospitalité plutôt que rompre avec le devoir absolu de véracité, fondement de l’humanité et de la socialité humaine en général29. » L’exemple pris par Derrida de Kant est celui dans lequel le sujet se demande s’il doit mentir à des meurtriers qui viendraient lui demander si celui qu’ils veulent assassiner est chez lui.
Derrida radicalise la position de Ricœur et propose de repenser l’étranger à partir d’un jugement indéterminé corrélatif à l’hospitalité inconditionnelle. L’exclu absolu se situe dès lors dans le jugement indéterminé l’étranger, ce qui nous permet de répondre aux problèmes de la théorie sociale et politique soulignés dans la première partie de cet article. Avec Derrida, nous restons dans un milieu paradoxal, aporétique, entre l’hospitalité et l’hostilité, qui s’aligne avec le rapport entre le vivre ensemble et l’élargissement du cercle dans les termes de Ricœur. C’est justement parce que l’hospitalité en elle-même ne sort pas de l’ipséité qu’il faut la translater :
[…] <I>l faudrait tenter une distinction difficile, subtile mais nécessaire entre l’autre et l’étranger ; et il faudrait s’aventurer dans ce qui est à la fois l’implication ou la conséquence de ce double bind, de cette impossibilité comme condition de possibilité, à savoir l’analogie troublante, dans l’origine commune, entre l’hostis comme hôte et l’hostis comme ennemi, entre l’hospitalité et l’hostilité30.
Réaliser l’hospitalité signifie réaliser l’impossibilité de la loi à partir de ce qui l’excède : le processus de subjectivation, l’irruption ou la révolte dans les termes de Rancière et Badiou. Ce qui est en jeu, selon nous, est l’importance de l’expérience subjective, enigmatique, opaque, face à la loi. L’expérience est opaque, mystérieuse du point de vue phénoménologique. C’est dans cette expérience que Derrida fonde l’hospitalité corrélative à ce que nous avons appelé « exclu absolu » :
L’hospitalité, s’il y en a, est une expérience, au sens le plus énigmatique de ce terme qui non seulement, au-delà de la chose, de l’objet, de l’étant présent, en appelle à l’acte et à l’intention mais une expérience intentionnelle qui se porte, au-delà du savoir, vers l’autre comme étranger absolu, comme inconnu, là où je sais que je ne sais rien de lui31.
Derrida fait appel aussi au caractère absolu de cet étranger corrélatif à l’hospitalité inconditionnelle. Il s’agit de développer des théories sociales et politiques fondées sur une attitude d’ouverture de notre vivre ensemble à tout ce qui peut apparaître dans son indétermination. Seulement de cette manière nous pourrions rendre possible une politique réelle :
Disons, oui, à l’arrivant, avant toute détermination, avant toute anticipation, avant toute identification, qu’il s’agisse ou non d’un étranger, d’un immigré, d’un invité ou d’un visiteur inopiné, que l’arrivant soit ou non le citoyen d’un autre pays, un être humain, animal ou divin, un vivant ou un mort, masculin ou féminin »32.
L’héritage phénoménologique de Ricœur et de Derrida nous a permis de penser la notion d’hospitalité comme corrélative à la fiction conceptuelle de l’exclu absolu. Pour ce faire, nous nous sommes inspirée de leurs réflexions sur l’étranger. Ainsi, nous avons établi, de manière phénoménologique, que l’exclu absolu est l’indéterminable dans une théorie structurale de la société. L’importance politique de cette indétermination réside, comme nous l’avons montré dans la première partie de cet article, dans le fait que de cette indétermination dépend la possibilité de toute politique en sens propre du terme. L’importance des approches phénoménologiques de Ricœur et de Derrida pour cette idée de la politique défendue par Rancière et par Badiou consiste dans la conviction que l’événement politique est de l’ordre du subjectif. Finalement, en se fondant sur le caractère subjectif et indéterminé de toute expérience, ainsi que sur l’inconditionnalité de l’accueil, la phénoménologie de l’hospitalité serait une méthode capable d’éclaircir les fondements de la domination sociale.
Bibliographie
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RILKE, Rainer Maria, Le Livre de la Pauvreté et de la Mort, traduit de l’allemand par Jacques Legrand, Paris, Arfuyen, 2016.
Notes
Rainer Maria Rilke, Le Livre de la Pauvreté et de la Mort, traduit de l’allemand par Jacques Legrand, Paris, Arfuyen, 2016.
Johann Gottlieb Fichte, Doctrine de la science : Principes fondamentaux de la science de la connaissance, traduit de l’allemand par P. Grimblot, Paris, Librairie philosophique de Ladrange, 1843, p. 131.
Niklas Luhmann, «Inklusion und Exklusion», en Soziologische Aufklárung 6, Westdeutscher Verlag, Opladen, 1995, p. 237-264.
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Paul Ricœur, « Phénoménologie et herméneutique : en venant de Husserl… », Du texte à l’action. Essais d’herméneutique II, Paris, Seuil, 1986, p. 39-73, p. 72.
Jacques Derrida, De l’hospitalité (Anne Dufourmantelle invite Jacques Derrida à répondre), Paris, Calmann-Lévy, 1997, p. 11.
Jacques Derrida, « Hostipitalité », Pera Peras Poros : atelier interdisciplinaire avec et autour de Jacques Derrida, sous la direction de F. Keskin et Ö. Sözer, Istanbul, Cogito, 1999, p. 17.
Table des matières
Sommaire
Ricœur et Derrida : l’hospitalité comme réponse au problème de l’exclusion absolue
Derrida et Waldenfels. Sur l’hospitalité, quelques réflexions
The Silence of the World
Logics of Inexistence: ‘Aporetology or Aporetography’ in Derrida and Badiou
Comme un vide saturé de vide. Derrida et Blanchot
Sur le « nouvel esprit utopique » et la « déconstruction de la souveraineté ». Entre Miguel Abensour et Jacques Derrida
L’expérience littéraire de Kafka comme expérience de la justice
Approches HOTSPOT. Point d’accès
The Borders of Painting – Limiting the Unlimited
Prothèses de langue et langue de prothèse
Touch and Liminality: Between Derrida and Nancy
Life as Writing in Derrida’s La vie la mort
Un seul et même coup - Souveraineté, père virtuel et temps « out of joint »
Mutation et disjonction des frontières d’image. Pour une esthétique du débord dans le classicisme hollywoodien
Diderot avec Derrida : une esthétique sur la bordure
Ce qui s’écrit de part et d’autre du voile