Ante fores jaceat : « Crudelis janua ! » dicat.
Ovide1
Vor dem Gesetz steht ein Türhüter.
« Devant la loi se tient un gardien de la porte ». Je vous rassure, ce n’est pas une citation du roman de Prévost qui vous aurait échappé, vous aurez peut-être reconnu l’incipit de la parabole profane publiée par Kafka en 1915 sous le titre Vor dem Gesetz2, elle est racontée dans Le Procès3 par un prêtre exerçant comme Gefängniskaplan (aumônier des prisons), servant la justice oppressante des hommes plus que son dieu – mais c’est une autre affaire.
Kafka est ma première référence pour le fil de cet article, je dirais même pour la lecture de Prévost en général. Pour bien comprendre les fictions de cet écrivain, je suis persuadé qu’il faut relire Kafka. Les auteurs qui m’ont permis d’interpréter et de lire en profondeur les romans totalement atypiques de Prévost comme Cleveland, le Doyen de Killerine ou la Grecque moderne sont moins ceux du XVIIIe siècle que ceux de Dostoïevski, Conrad, Proust bien sûr (difficile de ne pas penser à Albertine la prisonnière quand on lit l’histoire de Théophé), Elsa Morante ou Kafka que je viens de citer. Quant à la critique prévostienne, hormis Robert Mauzi et son excellente préface de 1965, elle n’a véritablement renouvelé avec pertinence la lecture de la Grecque moderne qu’avec les contributions de Jean Goldzink (2005), Florence Lotterie (2013) et Audrey Faulot (2018)4.
Pourquoi retenir Kafka comme porte d’entrée à cette relecture de la Grecque moderne ? Pour plusieurs raisons : son art du mélange de situations tragiques et d’humour absurde, son sens du décalage, de l’onirisme, son utilisation du grotesque, très présent également chez Prévost, sa richesse symbolique et son écriture du fantasme.
Ma seconde référence sera peut-être tout aussi inattendue, c’est Ovide. Horace, Ovide, Virgile forment la base de la culture poétique latine de Prévost comme de la plupart de ses contemporains. Je retiens ici le poète des Héroïdes et de l’Ars amatoria, cet « art d’aimer » qui pourrait plus exactement se traduire en style familier par « l’art de la drague à Rome, manuel à l’usage des hommes et des femmes ». Cet ouvrage pratique ne semble pas figurer dans la bibliothèque de notre ambassadeur à Constantinople, c’est tant pis pour lui et pour Théophé. Ovide donne en effet de judicieux conseils aux dames romaines pour faire lanterner un amant importun, pour le laisser ou le mettre… à la porte, ante forem ou fores (foris, is, f., la porte). Théophé n’a certainement pas besoin d’Ovide pour laisser son ambassadeur d’amant à la porte, Nicole lui suffit, mais je gagerais qu’un souvenir de l’Ars amatoria ovidien a pu traverser l’esprit de Prévost en écrivant son roman.
« Le gardien de la Porte » : ce titre n’est pas seulement une citation de Kafka, il a un rapport avec la diégèse du roman et en premier lieu avec la fonction de l’ambassadeur. Je suis parti d’une situation que j’avais résumée en une phrase dans mon article de 1997 en cherchant, alors, à être spirituel5. Je me cite : « l’ambassadeur de France à la Sublime Porte est condamné dans ce roman à rester toujours devant celle de Théophé ». Sans m’en douter, j’avais mis le doigt sur un motif qui a une importance particulière, à la fois en tant que symptôme (au niveau du traitement critique du sujet amoureux) et en tant que trait spécifique de l’esthétique prévostienne, en particulier son traitement du comique et du grotesque. Ces deux éléments me sont apparus avec plus d’évidence lors de la préparation du cours d’agrégation : ce sont les deux fils de la pelote que je voudrais dévider dans cet article, en partant de ces questions de poétique et d’esthétique romanesques que je viens d’évoquer.
Je commencerai par présenter le matériau, en effectuant une lecture sérielle de la situation – récurrente – où l’ambassadeur reste ante forem, devant la porte. On verra que la répétition de cette situation n’est pas sans lien avec la dimension obsessionnelle de la narration : la porte de Théophé se voit chargée d’un investissement passionnel, voire d’une surdétermination qu’il faudra interroger. Ce scénario de l’amant rebuté à la porte participe de plusieurs choix esthétiques mais aussi idéologiques de Prévost dans le traitement d’un personnage de haut rang. Je dégagerai sa composante comique et grotesque (au sens classique6), puis j’évaluerai la dimension symbolique et fantasmatique du motif de la porte close dans la Grecque moderne.
Lecture sérielle de la station ante forem
Je considère ici l’ambassadeur à la porte, au sens physique, pas au sens diplomatique (porte sans majuscule) : c’est une situation qui se répète tout au long du roman. Je n’avais été sensible dans mon article antérieur qu’à quelques occurrences, mais en procédant à un balayage systématique, j’ai relevé pas moins de sept stations du héros narrateur ante forem.
La première apparition de ce motif figure au moment des adieux de Théophé à l’espace du sérail. Elle sert pour la dernière fois d’esclave sexuelle au bacha Cheriber qui se retire avec elle, oh, pas pour bien longtemps :
Le reste de notre entretien devint plus tranquille. Il la combla de présents, et il voulut que j’aidasse à les choisir. Ensuite, m’ayant prié de trouver bon qu’il en usât familièrement, il passa avec elle dans un autre cabinet, où ils demeurèrent ensemble plus d’un quart d’heure ; et je ne doutai point que ce ne fût pour lui donner les dernières marques de sa tendresse. Mon cœur était bien libre, puisque je soutins cette idée sans la moindre émotion7.
Le narrateur relève cette absence d’émotion par rapport à la scène sexuelle dont il est un auditeur involontaire non impliqué – au reste, on ne sait s’il y a grand-chose à entendre : le vieux bacha a perdu tout goût pour ses femmes, il les exhibe uniquement par vanité (p. 64). Notre ambassadeur reste donc sagement à la porte du cabinet à attendre que le maître du sérail en ait terminé avec son esclave, dans une position subalterne quelque peu humiliante, qui conviendrait mieux à un serviteur ou à … un eunuque.
Cette situation topique de l’ambassadeur restant devant la porte d’une chambre où est supposée se dérouler une scène sexuelle8 se reproduit à la fin de la seconde partie, cette fois dans un tout autre contexte passionnel. L’auditeur est en effet intéressé et désireux de savoir qui est dans la chambre, sinon dans le lit de Théophé. Lors de l’escale à Livourne, on le voit passer toute une nuit à épier la chambre de sa protégée (qu’il a fait passer pour sa fille, p. 253) ; même jeu à Paris, où il est entraîné par une gouvernante « folle » (p. 278 et 279) qui lui soutient qu’il y a un amant dans l’appartement de la Grecque, dans lequel dort la suivante de Théophé (l’accusation paraît donc peu soutenable, p. 285-286). Dans les deux cas, à Livourne comme à Paris, l’ambassadeur entre dans la chambre pour la fouiller, il regarde dans un cabinet, sous le lit (p. 286), à Livourne il inspecte minutieusement l’état du lit de la Grecque, nous avons toutes et tous en tête cette scène d’une rare indécence. Je vais revenir sur ces deux épisodes choquants pour Théophé comme pour les lecteurs.
Ce n’est pas tout. Vous vous souvenez de cette « ombre » qui obsède l’ambassadeur dans ses jardins de la maison d’Oru, au tout début de la seconde partie (p. 171). Comme il ignore que Synèse n’est pas retourné chez son père, il pense tout de suite au Sélictar, et il en fait sur le champ l’amant de la Grecque, avec un affreux soupçon :
Il se flattait de s’introduire chez moi pendant la nuit. Mais était-ce de l’aveu de Théophé ? Ce doute qui s’éleva aussitôt dans mon esprit me jeta dans une mortelle amertume. (p. 172)
Notre diplomate décide alors, plutôt que de se confier la garde de sa maison à ses domestiques, de monter la garde lui-même. Et où se poste-t-il ? à « la porte… du jardin » ; de là il pourra surveiller l’appartement de Théophé. Cette idée lui est venue en suivant son « ombre » :
Je résolus, en quittant Théophé, de m’arrêter quelque temps à la porte du jardin, qui n’était pas éloignée de son appartement. Ma pensée était d’y surprendre moi-même le curieux qui nous avait suivis, lorsqu’il lui prendrait envie de se retirer. Cette porte était une grille de fer, par laquelle il fallait passer nécessairement. » (p. 172)
C’est là qu’il se poste effectivement toute la nuit :
Je renvoyai tous mes gens, sans en excepter mon valet de chambre, et retournant à la porte du jardin, je m’y cachai avec plus de soin que je n’avais fait la première fois, dans l’espérance d’y voir revenir le Sélictar avant la fin de la nuit. Mais j’eus encore le chagrin de m’être fatigué fort inutilement. (p. 173)
Il est même prêt à recommencer la nuit suivante, mais il est rappelé à Constantinople au moment de l’arrestation de l’aga des Janissaires et de ses complices (dont le bacha Cheriber) :
Quel contretemps, à l’entrée d’une nuit où j’étais résolu de recommencer ma garde à la porte de mon jardin, et où je me repaissais déjà de la confusion dont je voulais couvrir le Sélictar ! » (p. 173)
Tâche indigne de lui et totalement vaine, puisque, comme lui a dit le Vizir (qu’il n’a pas cru), le Sélictar ne va pas passer par le jardin pour entrer, il est déjà réfugié à l’intérieur de sa maison… C’est donc encore une « précaution inutile » (ce sous-titre du Barbier de Séville et de la nouvelle espagnole qui a inspiré L’École des femmes). On pourra penser que le diplomate se fatigue vraiment pour rien, il ferait mieux d’aller dormir tranquillement dans son lit.
L’ambassadeur à la Porte devient ainsi au sens propre le gardien de la porte de son propre jardin, de sa maison, et même le gardien du Sélictar ! C’est du reste ce que lui avait recommandé le Vizir :
Et puisqu’il a pris le parti de se retirer chez vous, gardez-le, ajouta-t-il (le Vizir) jusqu’à ce que je vous fasse avertir. La confiance du visir me parut une nouvelle faveur dont je le remerciai ; mais ignorant en effet que le Sélictar fût chez moi, je me crus intéressé à lui faire perdre l’opinion où il était… (p. 176, je souligne l’effet de syllepse sur garder : mettre en sûreté et le garder, comme en résidence surveillée, pour qu’il ne s’échappe pas.)
Notre ambassadeur devient un cumulard à cet endroit de ses mémoires, puisqu’il exerce simultanément plusieurs fonctions : diplomate le jour à Constantinople, gardien de nuit de sa maison et du Sélictar , il donne aussi des cours de langue française à Théophé (on se demande bien quand il en a le temps, et quand il dort). Tous ces titres, il les revendique, au moment où il retourne précipitamment à Oru, imaginant déjà le Sélictar reçu à bras ouverts dans le lit de Théophé :
Si l’on ne trouve point que je méritasse la qualité de son amant, qu’on me regarde comme son gardien ou comme son censeur ; mais le moindre de ces titres suffisait pour m’inspirer une vive alarme. » (p. 164-165, je souligne.)
Cette citation m’a fait retenir ce titre kafkaïen de « gardien de la porte », principalement la porte de Théophé mais pas seulement, qui correspond à son rôle de jaloux aux aguets, rôle peu efficace comme on a vu.
Vue la récurrence du procédé, je suis persuadé que Prévost a dû beaucoup s’amuser à multiplier les stations de son personnage devant les portes. Deux autres exemples pour compléter la liste.
Lors de la partie de St-Cloud, l’ambassadeur s’interpose pour éviter que les deux galants empressés auprès de Théophé ne franchissent la porte… du parc. Il bloque en quelque sorte la porte :
Lorsque M. de R., offrant le bras à la gouvernante, s’engagea avec elle dans une allée couverte qui ne conduisait à rien moins qu’à la porte du parc. Le Comte prit de même Théophé, et m’imaginant qu’il allait marcher sur les traces de son ami, mon dessein n’était que de le suivre de l’œil. Mais je leur vis prendre une autre route. Le mal me parut pressant. (p. 275-276)
Le danger pressant est que les galants quittent le parc, embarquent Théophé et décampent pour un lieu inconnu où ils seront seuls avec leur proie. L’ambassadeur, averti par son espion marseillais, l’amant éconduit M. de S…, ne veut pas les perdre de vue, ils se postent alors tous deux au niveau de la porte du parc.
Second exemple, plus significatif. On se souvient qu’à Livourne, l’ambassadeur surprend le comte aux pieds de Théophé dans sa chambre (p. 250). C’est dans cette page qu’on trouve l’image du serpent qui est associée au dérangement du Ferriol historique dans le récit des Voyages de La Motraye (p. 326) :
Entrant subitement dans la chambre de Théophé, je surpris le Comte à ses genoux. La vue d’un serpent qui m’aurait soufflé son poison n’eût pas répandu plus de trouble et de consternation dans tous mes sens. Je me retirai assez heureusement pour m’assurer que je n’avais point été aperçu. Mais retenu malgré moi-même à la porte par mes craintes, par mes soupçons, par mes noirs transports, je cherchai à redoubler le désespoir qui me rongeait le cœur en observant tout ce qui pouvait me faire trouver Théophé plus coupable. (p. 250, je souligne.)
On mesure l’évolution psychologique du personnage depuis l’époque où il restait le cœur tranquille à la porte du cabinet dans le sérail, à attendre que le vieux Cheriber en ait fini avec son esclave sexuelle. Je vais revenir sur cette page étonnante par sa richesse fantasmatique.
L’esthétique prévostienne définie par le motif de la station à la porte
Vous avez peut-être en mémoire cet épisode du début de Manon Lescaut où des Grieux découvre la présence d’un rival dans l’appartement de la rue Vivienne qu’il occupe avec Manon. En rentrant chez lui un après-midi, il reste un moment lui aussi à la porte, attendant que leur servante vienne lui ouvrir. Il lui demande pourquoi elle a tardé, elle s’embrouille et finit par avouer que « Madame [Manon] lui avait défendu d’ouvrir la porte jusqu’à ce que M. de B… fût sorti par l’autre escalier, qui répondait au cabinet9 », comprenez l’escalier de service. M. de B… est un riche financier qui voit Manon en cachette et lui donne en retour de l’argent. Des Grieux est consterné, mais il préfère rester dans le déni de la prostitution de Manon, il imagine alors tout un roman sur la générosité désintéressée de M. de B… (déni également de la réalité du travail de Manon, la seule à travailler dans le couple, lui des Grieux se contente de dépenser l’argent gagné). Je retiens ici la théâtralité du système des portes, l’une est fermée pour l’amant en titre, tandis que l’autre s’ouvre pour l’amant secret qui se dérobe : une telle disposition spatiale se retrouve exactement dans l’épisode de Livourne, du moins dans l’esprit troublé de notre ambassadeur…
Ce motif de la porte close est synonyme d’obstacle pour l’amant « rebuté » (comme se désigne l’ambassadeur dès le préambule, p. 55), mais permet à l’amant favorisé, qu’on appelle aussi le greluchon à l’époque, d’accéder à la chambre et au lit de la belle. Le système des portes est donc une manière d’organiser l’espace et l’action, sur un mode comique, avec une belle anticipation des comédies de Feydeau10. Comique d’absurde, on l’a vu avec les nuits que passe l’ambassadeur à la porte de son propre jardin : il fait le planton pour surprendre le Sélictar qui dort tranquillement chez lui ! Comique de situation, avec l’épisode du Sélictar caché dans un cabinet de sa demeure sans que le maître en sache rien. Après la rixe avec Synèse, Théophé apprend à l’ambassadeur que le Sélictar s’est réfugié dans la chambre où l’avait caché Bema : « il suffisait de voir si la porte était fermée » (p. 181). Commentaire vengeur du narrateur :
Ne pouvant douter qu’il n’y fût à cette marque [la porte close], la seule vengeance que je pensai à tirer de lui, fut de l’y laisser jusqu’à ce que la faim le pressât d’en sortir, et de mettre mon valet de chambre en garde à la porte pour le recevoir au moment qu’il serait forcé de se montrer. Bema, que je laissai dans sa prison, ne pouvait troubler la satisfaction que je me promis de cette scène. (p. 181-182)
L’ambassadeur organise alors une mise en scène de la sortie du Sélictar, bien forcé de quitter sa cachette et de se livrer aux railleries de son hôte :
Pour lui, je n’eus pas le plaisir que j’avais espéré de le voir céder à la soif ou à la faim. Dès la même nuit, comprenant par le long délai de sa confidente [Bema] qu’elle était retenue malgré elle, et qu’il allait se trouver dans un cruel embarras sans son secours, il prit le parti de ne pas attendre le jour pour sortir de sa retraite, et connaissant ma maison, il se flatta de s’échapper facilement à la faveur des ténèbres. Il tomba dans les bras de mon valet de chambre, qui occupait déjà son poste. J’exposais ce fidèle garçon à périr peut-être d’un coup de poignard ; mais s’en étant défié lui-même, il eut soin de prendre un ton assez doux pour faire entendre tout d’un coup au Sélictar qu’il n’avait à craindre aucune violence, et que je ne lui préparais que des caresses et des services. Il se laissa conduire avec quelques marques de défiance. J’étais au lit. Je me levai avec empressement, et feignant beaucoup de surprise : Quoi ? c’est le Sélictar, m’écriai-je ; eh ! par quel hasard... Il m’interrompit d’un air confus. Épargnez-moi, me dit-il, des railleries que je mérite. Vos reproches mêmes seront justes si vous ne les faites tomber que sur la visite nocturne que j’ai voulu rendre à Théophé. (p. 183)
Évidente satisfaction sadique de l’ambassadeur ravi de pouvoir humilier son rival : dans la Grecque comme dans la Recherche de Proust se donnent à lire les destins libidinaux, en particulier les phénomènes de compensations des pulsions sexuelles inhibées dans leur but.
Le jeu de scène des portes ouvertes et fermées se complique à Livourne, durant la nuit où l’ambassadeur fait le guet toute la nuit (pour rien une fois de plus, il entend juste un mouvement qu’il n’arrive pas à identifier) devant la porte de sa « fille », puisque c’est ainsi qu’il a présenté sa protégée. Son réveil est plutôt agité, après une nuit blanche statique qu’il estime pourtant bien employée (j’y verrai un indice de l’humour de Prévost) :
Il semblera que je devais [ = que j’aurais dû] être satisfait de l’emploi que j’avais fait de la nuit, et qu’après une épreuve de cette nature il ne me restait qu’à m’aller livrer au sommeil, dont je me sentais un extrême besoin. Cependant mon cœur n’était qu’à demi soulagé. Le mouvement que j’avais entendu dans la chambre me laissait encore des doutes. La clef était restée à la porte. (p. 253-254)
Détail rassurant a priori : cette clé à la porte laisse supposer que l’amant n’a pas pu passer par là. Mais quand il fouille la chambre, notre héros découvre (catastrophe !) qu’il y a… une autre porte. La narration mime alors l’investigation fébrile de notre héros :
J’y entrai, dans l’espérance de trouver quelque vestige de ce qui m’avait alarmé. C’était peut-être une chaise ou un rideau que Théophé avait elle-même remué. Mais en portant un œil curieux dans toutes les parties de la chambre, j’aperçus une petite porte qui donnait sur un escalier dérobé, et que je n’avais point encore eu l’occasion de remarquer. Toutes mes agitations se renouvelèrent à cette vue. Voilà le chemin du Comte, m’écriai-je douloureusement. Voilà la source de ma honte ; et celle de ton crime, misérable Théophé ! Je ne pourrais donner qu’une faible idée de l’ardeur avec laquelle j’examinai tous les passages pour m’assurer où l’escalier pouvait conduire. Il conduisait dans une cour écartée, et la porte qui était au pied paraissait fermée soigneusement. Mais ne pouvait-elle pas avoir été ouverte pendant la nuit ? Il me vint à l’esprit que si j’avais des lumières certaines à espérer, c’était au lit même de Théophé, qui était encore en désordre. (p. 253-254)
On sait ce qui arrive après cette malheureuse et vaine inspection du lit.
Cette course du personnage dans un appartement mal connu, où une porte peut en cacher une autre, constitue un des grands moments de théâtralisation de son chagrin amoureux : cri de désespoir contre l’ingrate et le greluchon favorisé, sous forme de trois coups de gong, presque trois isocolons, avec un effet d’hyperbate : « Voilà la source de ma honte ; et celle de ton crime, misérable Théophé ! ». Le malheureux gardien de la porte de Théophé réalise qu’il ne peut garder qu’une seule porte à la fois (comme le gardien de la loi dans la parabole de Kafka), alors qu’il faudrait au moins trois gardiens, mais il n’a pas le don d’ubiquité…
Cette agitation de porte en porte ne fait qu’accentuer le comportement grotesque de l’ambassadeur, au double sens, classique (est grotesque ce qui est « ridicule, bizarre ou extravagant ») et moderne : je pense non au grotesque hugolien mais au grotesque kafkaïen qui se manifeste dans le mouvement incontrôlé, la théâtralité expressive ou caricaturale11, sous la forme de gestes expressifs ou caricaturaux, le plus souvent insolites. Des personnages graves, des dignitaires, des militaires, se comportent alors de manière folle, infantile, ou carrément déréglée, comme le père de Georg Bendemann, le héros du Verdict (Das Urteil) qui relève sa chemise pour mimer la fiancée qui retrousse ses jupes (image saisissante du père grotesque et même obscène)12. Dans la Colonie pénitentiaire, l’officier menace du poing la roue dentée qui grince13, ce qui fait qu’il doit hurler les explications à l’oreille du visiteur14. Ces effets de grotesques sont liés à une rupture de l’éthos du personnage, c’est bien ce qu’on observe dans la Grecque moderne : à plusieurs reprises, l’ambassadeur a un comportement déviant par rapport aux valeurs de civilisation et de politesse qu’il revendique par ailleurs.
On le constate dans la dernière grande scène grotesque (au sens classique comme au sens kafkaïen) devant la porte de Théophé, dans sa maison parisienne. L’ambassadeur n’est plus seul : le grotesque est partagé, renforcé même, par la présence de la vieille délatrice coquette, qui vient lui dire « à l’oreille que je pouvais surprendre Théophé avec son amant » (p. 285). Notre ambassadeur, qui n’est plus bien vaillant, se remet aussitôt en campagne pour aller épier, une fois de plus, la porte de la Grecque. Il met un peu de temps à se préparer pour se lever, pour suivre l’ex-gouvernante : le moins qu’on puisse dire c’est que ce n’est nullement une personne digne de confiance (elle agit par haine et par « vengeance », p. 284), mais le narrateur a prévenu son lecteur : ses infirmités l’ont rendu « crédule » (p. 279). Autre scène théâtralisée, avec des péripéties, des obstacles (la bougie s’éteint), mais au moins une certitude, il n’y a pas de porte dérobée :
Je me trouvai néanmoins disposé à gagner l’appartement de Théophé. Nous n’étions éclairés que par une bougie, et Madame de... la portait elle-même. Elle s’éteignit à deux pas de la porte. Il fallut encore quelques moments pour la rallumer. Qu’il est à craindre, me dit mon guide en me rejoignant, que le galant n’ait profité de ce moment pour s’évader ! Cependant, ajouta-t-elle, la porte ne se serait pas ouverte et fermée sans bruit. Nous y frappâmes. J’étais tremblant, et ma liberté d’esprit n’allait pas jusqu’à me faire distinguer les circonstances. Après nous avoir fait attendre quelques moments, la suivante de Théophé ouvrit, et marqua beaucoup d’étonnement de me voir si tard à la porte de sa maîtresse. Est-elle seule ? Est-elle au lit ? Je lui fis plusieurs questions de cette nature avec une vive agitation. L’accusatrice voulait entrer brusquement. Je la retins. Il est impossible, lui dis-je, qu’on s’échappe à présent sans être aperçu. Cette porte est unique. Et je serais au désespoir de l’outrage que nous ferions à Théophé si elle n’était pas coupable. La suivante m’assurait pendant ce temps-là que sa maîtresse était au lit, et qu’elle dormait déjà tranquillement. Mais le seul bruit que nous faisions suffisait pour la réveiller ; nous entendîmes quelques mouvements qui parurent augmenter l’impatience de son ennemie. Il fallut la suivre et traverser l’antichambre. Théophé, après avoir appelé inutilement sa femme de chambre, qui couchait dans un cabinet voisin, avait suivi apparemment le mouvement de sa crainte, au bruit qu’elle entendait à sa porte. Elle s’était levée, et dans le fond je fus étrangement surpris de la trouver elle-même, qui se présenta pour nous ouvrir. » (p. 285-286)
Il a alors un comportement étrangement brutal : il entre et fouille sous le lit, repart sans lui avoir dit un mot – pour quelqu’un qui ne voulait pas faire « d’outrage » à Théophé, il repassera… Le personnage est obsédé par l’amant caché tout autant que par l’obstacle de la porte. La répétition du mot porte (5 occurrences en moins de 30 lignes), sa thématisation comme objet de discours, illustrent stylistiquement la dimension obsessionnelle de l’écriture mémorielle dans la Grecque moderne.
La seconde partie du roman voit l’accumulation de scènes à dominante grotesque : les importunités du Sélictar , la visite chez le caloger (p. 217-218), la jalousie pesante du Marseillais M. de S…, et enfin cette coquette gouvernante surannée courtisée par les deux amants de Théophé qui se servent d’elle comme un paravent pour séduire Théophé (p. 273). Prévost se souvient sans doute de Lesage et de son Diable boiteux ou du Gil Blas. Ces personnages caricaturaux sont aussi une manière de suggérer le délabrement psychique et physique de l’ambassadeur.
Prévost va plus loin, avec ce mélange de théâtralité grotesque et d’obsessions érotiques qui caractérisent certaines fictions de Dostoïevski comme L’Éternel mari ou les Karamozov. Prévost tire cette forme de grotesque du côté de l’inquiétant, Das Unheimliche, par la récurrence de ces épisodes typiquement obsessionnels. La répétition est un trait de l’inquiétant en littérature, qui selon Freud15, ouvre sur l’espace du fantasme : l’expérience du non-familier, de l’étrange, renvoie à des motions pulsionnelles enfouies, refoulées, impensées, ou à des désirs impossibles.
Dimension symbolique et fantasmatique du motif de la porte close
Ce motif de la porte fermée et de son corollaire, l’amant laissé à la porte, a une surdétermination sexuelle et pulsionnelle. Tout se passe comme si les émotions déniées au début du roman (on se souvient que devant la porte du cabinet de Cheriber, le narrateur déclare : « Mon cœur était bien libre », p. 66) ressurgissaient à l’occasion des obstacles qui entravent sa passion pour la belle Grecque.
Ces obstacles prennent la forme de fantasmes sexuels imaginés par le diplomate inquiet, qui tournent toujours autour de la représentation de l’amant favorisé ou même comblé par Théophé, en conséquence reçu dans son lit, dans une chambre dont la porte lui est évidemment fermée, l’ambassadeur restant en position de tiers exclu : tel est le scénario fantasmatiquement associé au motif de la porte.
Cette porte peut être soit métaphorique : ce sont les encouragements que lit le diplomate dans « l’air de satisfaction » qui suit le délai que demande Théophé au Sélictar (127), ce qui déclenche aussitôt un violent accès de jalousie contre son rival qu’il imagine aussitôt préféré à lui (alors qu’il n’en est rien, Théophé veut simplement s’en débarrasser).
La porte peut être aussi bien réelle et participer à la mise en scène des épisodes passionnels. C’est tout à fait net lors de l’escale à Livourne. Je reviens sur la scène de prostration qui paralyse l’ambassadeur à la porte de la chambre de Théophé lorsqu’il découvre le comte à ses pieds :
Mais retenu malgré moi-même à la porte par mes craintes, par mes soupçons, par mes noirs transports, je cherchai à redoubler le désespoir qui me rongeait le cœur en observant tout ce qui pouvait me faire trouver Théophé plus coupable. (p. 250, je souligne)
Cette situation de voyeur jaloux l’amène à forger un scénario sexuel : il interprète la « retenue » du Comte aux genoux de Théophé comme « le repos d’un amant satisfait » qui aurait obtenu toutes les faveurs qu’il souhaitait (p. 251). En clair ils viennent de faire l’amour (dans le lit, cette terre non promise au diplomate) et le comte exprime sa reconnaissance : telle est la scène sexuelle rétrospective, totalement fantasmée, dont se berce le diplomate frustré. Fantasme compensatoire (par projection en direction du greluchon) qui s’accompagne d’une dégradation imaginaire de la vertueuse Théophé – alors qu’elle n’a rien accordé au comte : elle avouera seulement avoir été sensible à son amour (p. 258).
Le thème de l’amant « rebuté » (p. 55) laissé ante fores, « à la porte », comme l’écrit Ovide, se nourrit alors de toute une fantasmatique de la possession de la fille de sérail sur le mode de la délégation du rôle sexuel à un amant imaginaire. C’est ce fantasme érotique qui fait basculer le personnage dans un monde d’illusions inquiétantes. On le voyait à Oru se bercer de l’idée qu’elle céderait à ses instances, ou qu’elle l’épouserait (voir le ballet matrimonial autour de la Grecque durant la première moitié de la seconde partie). En Europe, ses rêveries ont pris un tour hallucinatoire beaucoup plus sombre. Qu’on en juge par la nuit qu’il passe dans sa demeure de Livourne à naviguer de porte en porte sur les traces de l’amant supposé de sa Grecque :
Le soir arriva. Je l’attendais avec impatience pour éclaircir des soupçons beaucoup plus terribles. La chambre de Théophé était voisine de la mienne. Je me levai aussitôt que mon valet de chambre m’eut mis au lit, et je cherchai quelque endroit d’où je pusse découvrir tout ce qui s’approcherait de notre appartement. (p. 253)
Commence alors… la nuit du chasseur : c’est un rôdeur à l’affût qui est décrit dans cette scène nocturne, comme dans la scène où il monte la garde dans le jardin d’Oru. Prévost va très loin dans le traitement clinique de son héros, il nous le montre plus loin en train de rechercher au petit matin des taches de sperme dans les draps de Théophé. Mais déjà dans la scène nocturne il adopte un comportement excessif, voire déviant :
Cependant je sentais un remords cruel de l’outrage que je faisais à l’aimable Théophé ; et dans l’agitation de mille sentiments qui combattaient en sa faveur, je me demandais si mes noires défiances étaient assez bien fondées pour autoriser des observations si injurieuses. La nuit se passa toute entière sans qu’il se présentât rien qui pût blesser mes yeux. Je m’approchai même plusieurs fois de la porte. J’y prêtai curieusement l’oreille. Le moindre bruit réveillait mes soupçons, et je fus tenté sur un léger mouvement que je crus entendre de frapper brusquement pour me faire ouvrir. Enfin, j’allais me retirer au lever du soleil, lorsque la porte de Théophé s’ouvrit. Un frisson mortel me glaça le sang tout d’un coup ; c’était elle-même qui sortait avec sa suivante. Cette diligence à se lever me causa d’abord un autre trouble, mais je me souvins qu’elle m’avait averti plusieurs fois que dans la chaleur excessive ou nous étions elle allait prendre l’air au jardin, qui donnait sur la mer. Je la suivis des yeux, et je ne fus rassuré qu’après lui avoir vu prendre ce chemin. (p. 253, je souligne)
J’ai signalé cette scansion obsédante du mot « porte », point de fixation d’un personnage qui oscille entre rares moments de lucidité (il reconnaît qu’il fait outrage à sa protégée) et délire obsessionnel.
N’ayant rien découvert qui pût alimenter sa jalousie morbide, quelle solution va adopter notre amant frustré ? S’identifier à l’objet de son fantasme : ne pouvant partager le lit de Théophé, il se fait alors passer pour son amant, et se laisse découvrir dans son lit par le comte. C’est le meilleur moyen d’écarter un rival aimé. Ce calcul n’est évidemment pas conscient ni formulé comme tel par le narrateur, mais il correspond à la logique pulsionnelle du fantasme érotique, que je glose ainsi : ne pouvant être l’amant favorisé puisque je suis resté à la porte, je vais jouer ce personnage d’amant favorisé de manière à écarter le véritable amant favorisé (qui lui non plus n’a pas accès au lit de Théophé). Désolé pour ces répétitions, elles sont là pour marquer la cohérence de la fantasmatique érotique dans ce roman. La sûreté de Prévost dans l’écriture du fantasme n’a d’égale que celle de Marivaux.
On connaît le résultat : notre héros (bien peu héroïque en vérité) s’endort avec le fantôme de la belle Grecque, après une scène d’amour fantasmée indécente, à la limite de l’obscène. Il en résulte un quiproquo sexuel quand le comte découvre l’ambassadeur dans le lit de Théophé (p. 257). Ce dernier essaye de donner une couleur honnête à sa présence, ce qui est tout simplement impossible, vues les circonstances. Le comte français qui l’a vu dans le lit de sa belle le prend naturellement pour l’amant nocturne de la Grecque qu’il courtisait, il s’excuse de son « indiscrétion » (mot à connotation sexuelle), et finit par… prendre la porte. Solution qui correspond exactement au vœu secret de l’ambassadeur : écarter son rival, devenir l’amant au sens sexuel de la belle Grecque, passer enfin de la porte… au lit : tel est le trajet du fantasme. Comme toujours, l’épreuve de la réalité est cruelle : la réalisation de cette rêverie érotique est traitée de manière grotesque, l’ambassadeur s’en tire par une défaite, et Théophé est désespérée de ce quiproquo qui met fin à cet épisode touchant de découverte du sentiment chez la Grecque.
La dimension symbolique de ces échecs de l’ambassadeur condamné à rester à la porte se dégage plus nettement à présent, à la lumière des scénarios érotiques projetés sur les amants supposés.
Le langage médical classique use souvent jusqu’au début du XXe siècle, de formules latines (Freud cite volontiers avec humour ce latin médical : « semper pater incertus est, tandis que la mère est certissima », écrit-il dans « Le roman familial des névrosés », 1909). On trouve parfois l’expression « défaillance ante portas » pour désigner pudiquement une panne sexuelle de l’homme qui reste alors à la porte du plaisir, sans pouvoir la franchir. Ce symbolisme sexuel de la porte est évidemment présent depuis longtemps, en latin dans le texte, dans les poèmes érotiques d’Ovide comme dans son Ars amatoria.
On ne saurait ignorer un tel symbolisme sexuel dans le contexte des rêveries, des obsessions érotiques, qui prennent pour objet à la fois Théophé, cette fille de sérail impossible à posséder, et les objets métonymiques associés à son corps érotisé (son lit, ses draps, la porte de sa chambre). Le motif de la porte fixe ainsi un imaginaire érotique obsessionnel, récurrent, mais aussi angoissant voire paralysant.
Dans une perspective freudienne, on pourra relever le caractère régressif de ce comportement de l’ambassadeur épiant les signes d’une scène sexuelle. Le lecteur de Freud songera à une « scène primitive » de l’enfant cherchant à découvrir la nature des bruits qui proviennent de la chambre parentale… On en a un bref aperçu dans l’attitude de des Grieux se mettant à la porte du vieux G… M… enfermé avec Manon :
Manon ne put lui refuser quelques baisers ; c’était autant de droits qu’elle acquérait, sur l’argent qu’il lui mettait entre les mains. J’étais à la porte, où je prêtais l’oreille, en attendant que Lescaut m’avertît d’entrer. (éd. cit., p. 146-147)
On pourra s’interroger également sur la part d’angoisse que manifeste la paralysie du sujet à la porte (une porte castratrice ?), dont la scène de Livourne (l’image de l’amant-serpent) donne une si saisissante image.
Tout comme le sexe de Théophé, la porte de sa chambre reste infranchissable pour l’ambassadeur, sauf à la forcer (pour cela, il faudrait une adjuvante : Bema ou la gouvernante délatrice). Elle reste un objet de fixation, de la part d’un personnage qui finit par devenir, au sens propre, le « gardien de la porte », le gardien du sexe de Théophé : en Orient, dans un sérail, ça s’appelle un eunuque.
Il reste sûrement d’autres lectures possibles de ce motif : je ne veux nullement fermer la porte à d’autres interprétations.
Notes
« Laissez-le à la porte, qu’il s’écrie : Ah ! porte cruelle ! », Ars amatoria, III, v. 581, trad. D. Robert, in Ovide, Écrits érotiques, Arles, Actes Sud, coll. « Thésaurus », 2003, p. 282-283.
Cette parabole publiée par Kafka dans un hebdomadaire juif en 1915 est intégrée au recueil Ein Landarzt. Kleine Erzählung (Un Médecin de campagne) en 1920, puis insérée dans le chapitre “Im Dom” de son roman Der Prozess.
Franz Kafka, Le Procès, trad. Bernard Lortholary, Paris, Flammarion, coll. « GF » 1983, chap. « Dans la cathédrale », « Devant la porte de la Loi se tient un gardien », p. 256. « Devant la loi il y a un gardien », traduit sobrement Jean-Pierre Lefebvre dans la nouvelle édition de la Pléiade des récits de Kafka (Gallimard, 2018, p. 169) : visiblement, le traducteur est parti avec la porte… Traduttore, traditore !
Jean Goldzink, « Résistance féminine et logique des passions », Critique 703, 2005, repris dans La Plume et l’idée, Paris, Le Manuscrit, 2008 (p. 359-364 sur la Grecque) ; Florence Lotterie, Le Genre des Lumières. Femme et philosophie au XVIIIe siècle, Paris, Classiques Garnier, 2013, p. 200-209 ; Audrey Faulot, « La valeur de l’erreur dans l’Histoire d’une Grecque moderne », Études françaises 54-3, Frontières du témoignage aux XVIIe et XVIIIe siècles, dir. Frédéric Charbonneau 2018, p. 27-43. Lire aussi son Manon Lescaut ou le rivage désiré, Paris, Honoré Champion, coll. « Champion-commentaires », 2023.
« L’Orient vu par Prévost dans l’Histoire d’une Grecque moderne : l’ambassadeur et l’eunuque », Dix-huitième siècle 29, 1997, p. 449-464. Il vaut mieux lire d’abord les contributions citées dans la note précédente.
Antoine Prévost d’Exiles, Histoire d’une grecque moderne, éd. Alan J. Singerman, Paris, Flammarion, coll. « GF », 1990, p. 66, orthographe modernisée, la seule qui convienne à une collection de poche et à nos contributions critiques, il n’y a aucun intérêt à reproduire les leçons archaïques je ne sai ou sentimens.
Le motif de l’auditeur indiscret ou du voyeur est un classique des intrigues amoureuses : le vaniteux Nemours dans La Princesse de Clèves, Dupuis dans Les Illustres Françaises, Jacob dans Le Paysan parvenu, et même Saint-Preux dans La Nouvelle Héloïse (V, 9) ou encore Suzanne Simonin qui entend la confession de la mère supérieure du couvent d’Arpajon.
Antoine Prévost d’Exiles, Histoire du Chevalier des Grieux et de Manon Lescaut, éd. Audrey Faulot, Érik Leborgne et Jean Sgard, Paris, Flammarion, coll. « GF », 2022, p. 89.
Je signale l’excellente édition récente d’un choix de comédies de Feydeau par Violaine Heyraud (Théâtre, Pléiade, 2021).
Théâtralité que Marthe Robert rattache à l’influence du théâtre yiddish de Löwy sur Kafka (Seul, comme Franz Kafka, Paris, Calmann-Lévy, 1979, p. 77-82, ouvrage fondateur de la critique littéraire sur Kafka).
Le Verdict, in Franz Kafka, Dans la colonie pénitentiaire et autres nouvelles, trad. Bernard Lortholary, Paris, Flammarion, coll. « GF », 1991, p. 77.
Voir mon article « Machines à supplice et Galgenhumor chez Kafka et Beckett », in Sillage de Kafka (Colloque de Paris Nanterre, mars 2004), éd. Philippe Zard, Paris, Le Manuscrit, 2007, p. 231-248.
Freud, L’Inquiétant (Das Unheimliche, 1919), in Freud et la création littéraire, Paris, Presses Unioversitaires de France, coll. « Quadrige », 2010, p. 128-130 (anciennement traduit sous le titre L’Inquiétante Étrangeté, Gallimard, Folio Essais, 1985).
Table des matières
Mémoire(s) de Labé. Temps et expérience dans les Euvres de 1555
L’Astrée : une langue moderne pour un genre ancien
Le gardien de la Porte
Dire l’indicible : pour une esthétique de la réticence dans le théâtre de Nathalie Sarraute
La poétique réaliste magique de Gabriel García Márquez, Salman Rushdie et Yan Lianke
Comme tu me veux : le portrait congédié