Résumé
Cet article s’intéresse au traitement de l’enfance dans l’œuvre de deux auteurs appartenant à l’espace géographique et culturel caribéen : Patrick Chamoiseau (Fort-de-France, 1953) et Zoé Valdés (La Havane, 1959). La trilogie autobiographique Une enfance créole (1990-2005) et l’essai romancé La Habana, mon amour (2015) élaborent une représentation de l’espace caribéen à hauteur d’enfant, attentive aux déambulations et aux premières expériences des jeunes protagonistes. Le personnage de l’enfant permet en outre d’accéder par des voies détournées à certains aspects de l’identité caribéenne. Enfin, que ce soit en décrivant la naissance d’une vocation ou en la parodiant, ces deux auteurs accordent une place privilégiée à l’enfance dans le processus de création littéraire.
Introduction
Cette étude s’intéresse au récit d’enfance dans l’œuvre de deux auteurs contemporains appartenant à l’espace géographique et culturel caribéen. Romancier, essayiste, scénariste, conteur, Patrick Chamoiseau est né en 1953 à Fort-de-France. Originaire de La Havane, née en 1959, Zoé Valdés est quant à elle romancière, poétesse, scénariste, critique d’art et de cinéma. Si l’esthétique littéraire de ces deux auteurs présente peu de similitudes, leur démarche s’accorde en revanche sur un choix narratif : dans leurs productions romanesques, l’histoire individuelle des personnages est systématiquement articulée à la grande histoire collective – un premier point commun qui peut justifier selon nous leur comparaison. Dans Texaco, roman qui a obtenu le Prix Goncourt en 1992, Patrick Chamoiseau raconte en effet l’épopée du peuple martiniquais depuis l’abolition de l’esclavage et la lutte collective qui s’est engagée pour obtenir une place et une identité dans l’espace urbain de la ville de Saint-Pierre, puis de Fort-de-France. De son côté, dans La eternidad del instante (2004), Zoé Valdés met en fiction le voyage de son grand-père depuis sa Chine natale au début du XXe siècle jusqu’à Cuba. Plus généralement, on peut affirmer que tous les textes de Patrick Chamoiseau portent en eux la mémoire vive du passé antillais ; quant à Zoé Valdés, elle rappelle en permanence la coïncidence entre sa date de naissance, le 2 décembre 1959, et le début de la Révolution castriste – une gémellité avec l’Histoire dont héritent ses héroïnes romanesques pour leur plus grand malheur.
Nous retrouvons précisément cette grande attention portée à l’histoire et à l’espace caribéens dans la façon dont chaque auteur évoque l’enfance, ce qui fera l’objet de cet article. L’étude comparée de ce motif nécessite d’emblée quelques précisions. Premièrement, la situation des deux auteurs n’est pas la même : tandis que Patrick Chamoiseau, écrivain voyageur, ne s’est jamais coupé de son île natale, Zoé Valdés a été contrainte à l’exil ; elle vit à Paris depuis 1995 et n’est pas retournée à Cuba, une situation partagée par ses personnages, qui errent dans les rues d’un Marais hanté par les spectres et les souvenirs de ce qu’ils appellent « cette île-là » – « aquella isla1 ». Cette rupture avec Cuba implique un travail mémoriel différent. Deuxièmement, les deux auteurs n’ont pas de démarche autobiographique commune. En effet, Chamoiseau a publié Une enfance créole entre 1990 et 2005, une trilogie dans laquelle il se raconte à travers la figure enfantine du « négrillon », tandis que Zoé Valdés n’a fait paraître aucune véritable œuvre autobiographique. L’écriture personnelle est néanmoins très présente dans sa démarche littéraire, mais investie dans d’autres genres tels que le roman, à travers la figure de Yocandra dans La nada cotidiana (1995), Marcela dans Café nostalgia (1997), ou encore Alma Desemparada dans El pie de mi padre (2001). Zoé Valdés a également publié deux textes à la première personne, qu’elle nomme des « essais romancés » :La ficción Fidel (2008) et La Habana, mon amour (2015).
C’est ce dernier ouvrage qui retiendra principalement notre attention. Dans les dernières pages, la mention explicite d’Hiroshima mon amour confirme que le titre choisi par Zoé Valdés reprend consciemment celui du film écrit par Marguerite Duras – l’une de ses auteures de prédilection – et réalisé par Alain Resnais en 1959. Le bilinguisme du titre fait référence à une identité plurielle désormais assumée, comme l’illustre cette affirmation : « À La Havane j’étais très parisienne ; à Paris je suis très havanaise2. »
Formellement, La Habana, mon amour revêt effectivement l’apparence de l’essai. Il se compose de trente fragments, dont certains fournissent un certain savoir sur la capitale cubaine au moyen de sources citées et justifiées. Entre les fragments historiques s’intercalent des passages clairement autobiographiques, relevant du récit d’enfance ; une attention particulière est accordée à l’initiation urbaine, intellectuelle et sexuelle de la narratrice, au moyen d’anecdotes identifiables comme des biographèmes3. Cependant, la ville et le « je » ne s’appréhendent jamais comme des sujets dissociables. Bien au contraire, Zoé Valdés articule systématiquement son récit personnel à l’histoire collective de la ville, au point de les rendre interdépendants. Cela se traduit littérairement par le choix d’une écriture subjective, fondée sur l’expérience personnelle plutôt que sur la connaissance. Dès le premier fragment, le lecteur est ainsi averti :
La Habana que leerán aquí es la Habana de mis vivencias, la de mis andanzas, pero también la de mis lecturas, la de mis escritores predilectos, la de mis fantasmas elegidos por mi, o yo elegida por ellos. Es La Habana de mi madre, y a la falta de mi madre, La Habana se convirtió en mi madre, una madre lejana y siempre añorada. Es La Habana pendenciera y bambollera (aspaventosa) de mi padre. La Habana particularmente creyente y gozadora de mi abuela. La Habana de mi generación, nacida en un año fatídico, en 19594.
La Havane que vous découvrirez au fil de ces pages est celle que j’ai connue, celle de mes aventures, mais aussi celle de mes lectures, de mes écrivains de prédilection et de mes fantômes – des fantômes que j’ai choisis ou de ceux qui m’ont choisie. C’est La Havane de ma mère, et en l’absence de ma mère, La Havane est devenue ma mère, une mère lointaine et à jamais regrettée. C’est La Havane bagarreuse et bambollera(tapageuse) de mon père. La Havane particulièrement fervente et joyeuse de ma grand-mère. La Havane de ma génération, née – année fatidique – en 1959.
Avec cette annonce programmatique, Zoé Valdés crée à sa façon un pacte de lecture.
Quant à la trilogie autobiographique de Patrick Chamoiseau, Une enfance créole, elle est écrite à la troisième personne : le sujet en est le « négrillon » dont on suit l’évolution, du giron maternel aux bancs de l’école, de ses combats épiques avec les insectes jusqu’à la découverte majeure de l’existence des petites filles. Dans sa démarche narrative, ce texte correspond bien à la définition traditionnelle du récit d’enfance :
C’est un texte écrit – à la différence des “récits de vie” qui sont collectés oralement avant d’être transcrits – dans lequel un écrivain adulte, par divers procédés littéraires, de narration ou d’écriture, raconte l’histoire d’un enfant – lui-même ou un autre –, ou une tranche de la vie d’un enfant : il s’agit d’un récit autobiographique réel – qui peut alors être une autobiographie – ou fictif5.
Cependant, cette trilogie affirme l’identité caribéenne de son sujet en marquant sa différence avec le canon autobiographique européen. À la suite de certains critiques comme Jean-Louis Cornille, on peut en effet voir dans la composition des deux premiers tomes un pastiche des Mots de Jean-Paul Sartre, qui constitue l’exemple canonique du genre. En effet, les deux premiers tomes de la trilogie, Antan d’enfance et Chemin d’école contiennent respectivement deux parties, « Sentir » / « Sortir » et « Envie » / « Survie », ce qui reprend avec humour la répartition « Lire » / « Ecrire » de Sartre et tend à opposer l’enfance « sauvage » de l’auteur martiniquais à celle, très intellectuelle, du philosophe français6. En outre, comme le mentionne Natalia Godzina, Chamoiseau repense le texte autobiographique pour en faire
une forme moderne, puisant à des sources génériques diverses – celle du conte créole notamment – toujours mises en relation avec la problématique créole sur le plan historique, culturel et littéraire, celle de la réappropriation d’un imaginaire et d’une identité singulière7.
En dépit de leurs différences, les deux auteurs se font singulièrement écho dans la manière dont ils dessinent les contours d’une enfance caribéenne, comme le montreront les étapes du parcours que nous proposons. L’analyse du motif de l’enfance dans l’œuvre de Zoé Valdés et de Patrick Chamoiseau suppose de nous intéresser tout d’abord à la représentation des lieux dans les textes que nous avons retenus. Cela nous conduira ensuite à étudier les aspects de l’identité caribéenne qui apparaissent de façon originale par le biais du récit d’enfance. Nous nous pencherons enfin sur les indices d’une vocation littéraire naissante qui, de façon sérieuse ou parodique, placent le personnage de l’enfant au cœur de l’entreprise de création.
Un espace caribéen à hauteur d’enfant
De forts rapprochements entre les deux auteurs apparaissent dès lors qu’on s’intéresse aux déambulations des jeunes protagonistes qu’ils campent dans leurs textes et qui permettent d’élaborer une représentation de l’espace caribéen à hauteur d’enfant. Tout d’abord, rappelons combien les lieux de l’enfance revêtent généralement une fonction symbolique. D’après la sociologue Anne Muxel, ils sont comme une « géographie rêveuse qui dit le territoire de chacun, qui fonde l’intimité du sujet et fixe son identité8. » Chez Zoé Valdés comme chez Patrick Chamoiseau, ces lieux sont scindés en deux : l’espace domestique et le dehors.
Dans Antan d’enfance, premier tome de la trilogie autobiographique, Patrick Chamoiseau décrit sa maison natale, située rue François Arago à Fort-de-France, comme un habitat précaire dans lequel les travaux nécessaires sont toujours remis à plus tard, un logement soumis en permanence à différentes menaces telles que l’arrivée d’un cyclone ou le déclenchement d’un incendie – il finira d’ailleurs par brûler. Cette maison fragile est un espace confiné où il faut trouver sa place, savoir se tenir tranquille. Or, le « négrillon » est décrit comme un individu encombrant, remuant, agaçant sa mère et ses frères et sœurs. Son génie du désordre et de la destruction tranche avec le peu d’espace dont il dispose :
[…] consommant l’art du caprice, il déchaînait des catastrophes en lui-même à la moindre remarque. […] De frénétiques périodes l’incitaient à tout escalader, comme ces ouistitis dont il avait la corpulence, à peu près le son de gorge et la même énergie corruptrice des patiences9.
Ce passage est tout à fait emblématique des premiers portraits de l’enfant – souvent comparé à un animal ou à un insecte dans Antan d’enfance –, de ses agitations à la fois extérieures et intérieures.
En dépit de sa précarité, la maison natale de Patrick Chamoiseau demeure un véritable foyer, empreint des douceurs de l’enfance. Cela s’oppose au nomadisme de Zoé Valdés, qui a passé ses premières années à aller de logement en logement dans les quartiers historiques de La Havane. La précarité des habitations qu’elle décrit est indissociable de sa critique du régime castriste, qu’elle rend responsable de la pauvreté générale des Cubains des années 1960. On peut citer l’exemple du logement de la rue Muralla, où l’enfant partage avec sa mère, sa grand-mère, sa tante, son cousin et une amie de sa mère « deux pièces assez exiguës10 ». Ce logement finit par s’effondrer ; s’ensuivent des solutions temporaires plus misérables les unes que les autres, au point que l’enfant doit se réfugier pendant quelque temps dans un cinéma avec sa grand-mère. Par conséquent, le dehors revêt une grande importance dans l’enfance de Zoé Valdés. Très jeune, elle possède une véritable culture urbaine, faite de flânerie, de découvertes hétéroclites, de rencontres de personnages aussi merveilleux que marginaux – les prostituées China, Juana la Loca et Osiris, déjà mentionnées dans Los misterios de La Habana (2004) ; Farolito, l’allumeur de réverbères en mal d’amour ; ou encore le Caballero de Paris, poète dont l’isolement et la fin malheureuse symbolisent le sort réservé à la création artistique par la Révolution. La rue semble ainsi bien plus familière et chaleureuse que le foyer familial. Parmi les endroits extérieurs les plus importants, on peut également citer la mer et le Malecón – la jetée – qui sont de véritables lieux d’initiation pour l’adolescente11.
Le goût du dehors est aussi très présent chez Patrick Chamoiseau. Si l’enfant est d’abord décrit comme timoré, la deuxième partie d’Antan d’enfance, intitulée « Sortir », raconte la façon dont il s’approprie petit à petit l’espace de l’En-ville, suivant d’abord sa mère de loin, s’aventurant ensuite tout seul dans une rue, découvrant enfin les joies du vagabondage solitaire ou en bande. L’expérience urbaine de Fort-de-France en fait le véritable lieu de construction de l’individu. Cette idée est présente tout au long de la trilogie autobiographique, qui peut se lire comme l’éveil à la ville et aux différents quartiers du négrillon qui croyait que le monde était tout entier contenu dans la très commerçante rue des Syriens, qu’il pouvait observer depuis sa maison12.
Notons enfin que dans La Habana mon amour comme dans Une enfance créole, c’est l’approche sensorielle qui domine : l’écriture semble déclenchée par la mémoire – tantôt volontaire, tantôt involontaire – des odeurs, de la musique et des couleurs de la ville ou de la maison. Anne Muxel rappelle le rôle essentiel de cette mémoire ainsi que son caractère unique pour chaque individu :
La mémoire sensorielle est une sorte de mémoire des correspondances à résonance intérieure. Une même odeur ne s’inscrit pas de la même façon dans la mémoire de deux individus. […] Le parcours de chaque remontée, pourtant vers un même lieu originel, est unique. C’est une même nage à rebours, mais un foisonnement d’anecdotes, de rencontres, de circonstances, qui suggèrent autant de multiples voies au rappel de la mémoire dont les sens ouvrent le chemin13.
Ainsi, sous la plume de Zoé Valdés, le souvenir d’enfance de La Havane se traduit par une odeur de nourriture, celle d’« un pain tout chaud. La ville se résumait à l’odeur de ce pain croustillant, et aux bras du boulanger14 […] ».
Raconter les histoires et les identités de la Caraïbe par des voies détournées
De même qu’ils permettent de rendre visible certains aspects de l’espace domestique et du monde extérieur en cherchant à reproduire leur perception d’enfant, les récits d’enfance des deux auteurs permettent d’aborder de façon singulière certains aspects de l’identité caribéenne, à commencer par la représentation de la famille, cellule de base de la société. Tous deux mettent en avant sa dimension matrifocale et la diversité physique de ses membres, qui en font un miroir de la société caribéenne. Chez Patrick Chamoiseau, ce sont les cheveux des membres de la famille qui symbolisent cette diversité :
Les cheveux étaient différents. Paul et Marielle les avaient bleu-noir et moins crépus, un peu comme les personnes koulies. Anastasie portait d’épais cheveux de câpresse : ils lui couvraient les omoplates et nul ne savait qu’en faire. Jojo et le négrillon les érigeaient en petits zéros plus zéro et zéro. Le Papa déployait un ramage de mulâtre, dense et gonflant. Man Ninotte, elle, son cheveu de négresse qu’elle disciplinait sous un mouchoir de madras15.
En employant des termes décrivant le mélange des sangs et des races, l’auteur fait, par l’intermédiaire de sa famille, un tableau du métissage de son île. Le fait qu’une seule famille détienne à elle seule autant de cas de figure a également pour effet de mettre à mal, de façon humoristique, la hiérarchie sociale liée aux origines, ainsi que le souci de « blanchir » sa lignée qui a animé tant de généalogies après l’abolition de l’esclavage.
Zoé Valdés représente elle aussi sa famille sous le signe de la diversité, évoquant ses origines à la fois chinoises et irlandaises, ce qui donne lieu à des questionnements d’enfant :
J’avais quatre ans environ quand je me suis demandé pourquoi, dans le quartier, on appelait ma mère la Chinoise. Ce n’était pas son nom et je n’avais pas la moindre idée de ce que c’était qu’un Chinois et, encore moins, d’où se trouvait la Chine16.
Elle raconte ensuite comment on la surnomme la « Petite Chinoise blonde » parce qu’elle seule avait « les cheveux châtain clair et les yeux verts, ce qui ne [l]’empêchait pas d’avoir aussi les yeux bridés, le nez aplati et les cheveux lisses, trop raides17. » Là encore, la famille de l’auteure est tout à fait représentative du métissage de la société cubaine, un mélange qui, d’après Zoé Valdés, n’intéresse guère les Cubains :
Pour moi c’est impardonnable, mais à Cuba, nous sommes tous métis, et les gens ici se fichent pas mal de savoir d’où viennent leurs ancêtres, mis à part ceux qui fouillent du côté espagnol de leur arbre généalogique avec le secret espoir de se dégoter une nationalité espagnole, ce qui leur confère bien des libertés, à commencer par celle de s’échapper de l’île. Mais qui s’occupe de rechercher ses origines chinoises ? Très peu de monde18.
Ces familles métissées sont essentiellement matrifocales, caractérisées par un père absent, lointain chez Chamoiseau – appartenant plus au dehors qu’à la sphère familiale – et inexistant chez Zoé Valdés – parti peu après sa naissance. Inversement, les femmes constituent les piliers de l’organisation familiale. L’auteur martiniquais présente sa mère, Man Ninotte, comme une « négresse guerrière, en gourmade continuelle avec la vie19 », soit une incarnation de la « femme à graine », ou « femme poto-mitan20 » caractéristique de la culture antillaise. En outre, la force de cette dernière se révèle surtout au moment des épreuves :
Elle n’était jamais plus à l’aise que dans l’apocalypse. S’il n’y avait plus d’eau, elle ramenait de l’eau. S’il n’y avait plus de poisson, elle brassait du poisson. […] Pour cette adversaire des déveines, le désastre était un vieil ennemi. Elle s’y démenait à peine plus que d’habitude, et nous en extrayait le meilleur. […] soulevant chaque malheur, elle dénichait chaque chance21.
De son côté, Zoé Valdés décrit un univers exclusivement féminin, revenant notamment sur le rôle éducatif et protecteur joué par sa grand-mère, qui s’est beaucoup substituée à sa mère – prise par son travail et ses déboires personnels. C’est cette aïeule qui a notamment occasionné les premières traversées de La Havane :
Puedo verme muy pequeña, en breves caminatas, por la Alameda de Paula (1882), de la mano de mi abuela, cuando salíamos a tomar el fresco, en las noches calurosas, insoportables, después de estar horas encerradas en el solar22.
Je me revois toute petite, tenant la main de ma grand-mère lors de courtes promenades sur l’Alameda de Paula (construite en 1777) quand, par les nuits insupportables de grande chaleur, nous sortions prendre l’air, après avoir passé des heures enfermées à la maison.
Empruntant des voies détournées, le récit d’enfance de nos deux auteurs permet également de livrer un témoignage historique de la situation de leur pays. L’histoire personnelle de Zoé Valdés s’inscrit dès sa naissance dans celle de l’arrivée au pouvoir de Fidel Castro. Plusieurs travaux critiques s’y sont intéressés sous l’angle de l’écriture de la résistance féminine23 – une résistance qui s’est exercée d’abord à La Havane, et qui continue dans l’exil, puisque même depuis Paris, l’auteure affirme : « [j’ai] lu tout ce qui a pu être écrit, à l’intérieur comme à l’extérieur, et surtout, à travers ma famille et mes amis qui sont restés là-bas, j’ai vécu la réalité du Cubain ordinaire24. » Sa critique du régime castriste est particulièrement marquante lorsqu’elle évoque son impact sur le quotidien des enfants et adolescents, décrivant par exemple l’école aux champs obligatoire, la répression policière à tout âge ou l’absence de perspective universitaire pour les étudiants.
Le récit d’enfance de Patrick Chamoiseau offre quant à lui un témoignage privilégié de l’influence française coloniale et postcoloniale. Nous proposons d’en prendre un exemple avec les souvenirs d’école, car le système scolaire est décrit par l’auteur comme une sorte de reproduction de l’esclavage. Le point de départ, dès la première phrase du deuxième tome autobiographique, est assez comique: « le négrillon commit l’erreur de réclamer l’école25 » – ce qu’il ne manquera pas de regretter amèrement par la suite. Certes, quelques mérites sont reconnus à l’école, lieu d’apprentissage de la lecture. Mais Chamoiseau dénonce l’aliénation qui y règne, affirmant par exemple : « On allait à l’école pour perdre de mauvaises mœurs : mœurs à l’énergumène, mœurs nègres ou mœurs créoles – c’étaient les mêmes26. » Parmi ces défauts à corriger, se situe au premier plan le parler créole, qui est pourtant la langue que l’enfant emploie et entend chez lui la plupart du temps tandis que les « chiquetailles » de français ne sont utilisées par sa mère qu’à l’heure des réprimandes et des punitions. L’auteur critique également le contenu de l’enseignement, en particulier l’Histoire, qui est essentiellement celle des Européens et de leur conquête messianique :
Le monde, proie initiale des ténèbres, commençait avec eux. Nos îles avaient été là, dans un brouillard d’inexistence, traversée par de vagues fantômes caraïbes ou arawaks, eux-mêmes pris dans l’obscurité d’une non-histoire cannibale. Et, avec l’arrivée des colons, la lumière fut27.
Avec cette parodie de genèse, le récit d’enfance devient le support d’une critique du déni des origines antillaises et de l’aliénation précoce que subissent les enfants.
Si Chamoiseau choisit ici le ton de l’humour, la critique s’avère bien plus virulente dans d’autres textes, comme dans l’essai Écrire en pays dominé où elle prend la forme d’une question existentielle : « Comment écrire alors que ton imaginaire s’abreuve, du matin jusqu’aux rêves, à des images, des pensées, des valeurs qui ne sont pas les tiennes28 ? »
Prenons, pour terminer, un exemple commun aux deux auteurs : celui du cinéma. Fabrique de rêve et d’illusions, le septième art est fréquemment associé à l’enfance dans la fiction romanesque du XXe siècle ; le jeune personnage est souvent dépeint comme un spectateur émerveillé. Mais sous la plume de Zoé Valdés et de Patrick Chamoiseau, le cinéma est loin d’être seulement un lieu d’émerveillement : il est surtout un outil particulièrement efficace d’aliénation. Le témoignage de l’auteure cubaine – qui a même vécu, comme nous l’avons mentionné précédemment, dans un cinéma – est édifiant quant aux choix culturels du castrisme, imprégnés d’art soviétique :
Entrar en un cine habanero tenía algo de aventura colosal. Las salidas al cine casi siempre eran dominicales y la programación ya no era aquella que habían disfrutado nuestros padres antes del año 1959. La mayoría de las películas eran unos bodrios soviéticos o norcoreanos, o alguno que otro respiro con una producción francesa o italiana, y las películas copiadas o pirateadas –en blanco y negro siempre– de algunas producciones norteamericanas también eran programadas, con Julio Iglesias, Rocío Dúrcal, y Carmen Sevilla como protagonistas. Así y todo, pese a la maltrecha programación, la aventura era insólita29.
Entrer dans un cinéma havanais était toute une aventure. On y allait en général le dimanche, et la programmation n’avait plus rien à voir avec celle qu’avaient connue nos parents, avant 1959. La plupart des films étaient des navets soviétiques ou nord-coréens, même s’il soufflait de temps en temps un peu d’air frais avec une production française ou italienne, et avec certains films nord-américains qui avaient été copiés, ou piratés, toujours en noir et blanc. On passait aussi quelques films espagnols ou latino-américains, avec Julio Iglesias, Rocío Dúrcal et Carmen Sevilla. La programmation avait beau être calamiteuse, l’aventure n’en était pas moins insolite.
Zoé Valdés développe plus loin cette dimension, expliquant que le cinéma est un lieu de rendez-vous où les spectateurs sont occupés à tout sauf à regarder le film, ce qui en fait un espace hybride, mêlant l’aliénation et la transgression. Ici, c’est le regard critique de l’auteure adulte qui domine : il demeure difficile de savoir quels étaient les sentiments de l’enfant face à ce spectacle. Ailleurs dans son essai, Zoé Valdés crée à nouveau un décalage entre les autres spectateurs insouciants et sa propre expérience, se présentant ainsi comme une exception à l’unanime aliénation30. Au contraire, Patrick Chamoiseau décrit la joie du jeune enfant parfaitement aliéné face aux films d’aventure qu’il va voir le dimanche. Ces productions reposent pourtant sur les stéréotypes les plus élémentaires :
Les films étaient des affaires d’épée, de grands spectacles romains, des westerns-django, des enquêtes de détective. C’étaient Hercule, Maciste, Robin des bois, Tarzan. Les traîtres se repéraient à leurs barbiches noires, leur regard oblique capté en gros plan et à leur teint méditerranéen. Dans les westerns, les Indiens apparaissaient justifiables de tous les massacres. Les Chinois laveurs de linge nasillaient des politesses mécaniques. Les nègres y surgissaient à moitié imbéciles, avec de gros yeux mobiles, un effroi permanent. Ils peuplaient le décor de serviteurs zélés, de barmen béats, de statues de jazz, de sauvages irrémédiablement grimaçants et dentelés. Leur apparition provoquait un éclat de rire généralisé de la salle qui devenait nerveuse. Le négrillon lui-même ne percevait entre lui et cette représentation aucune commune engeance. Indigène voulait dire nègres, sauvage aussi, méchant souvent. Nous étions Tarzan et jamais les demi-singes qu’il terrassait. Le processus des films fonctionnait à plein. Nous nous identifiions aux plus forts, toujours blancs, souvent blonds, avec des yeux sans cesse tombés du ciel, nous enfonçant sans le savoir dans une ruine intérieure31.
On note l’apparition de la première personne du pluriel pour décrire ce phénomène. Ce « nous » qui émerge est peut-être une manière de montrer que le narrateur adulte doit assumer l’aliénation initiale de l’enfant pour ensuite pouvoir s’en défaire, c’est-à-dire, comme le dit Chamoiseau, « opérer la formidable révolution de se considérer nègre, et apprendre obstinément à l’être32 ».
L’enfant, figure essentielle de la création littéraire
Pour terminer cette étude, nous allons nous intéresser aux rapports qu’entretiennent l’enfance et la création littéraire dans les textes de Patrick Chamoiseau et de Zoé Valdés, afin de voir s’ils reprennent à leur compte le topos de la « naissance » de l’écrivain, cher à la littérature occidentale, ou s’ils cherchent au contraire à le déjouer. Traditionnellement, on attend en effet du récit d’enfance d’un écrivain qu’il nous délivre des informations sur l’origine de sa vocation. On assiste par exemple aux premières lectures, voire quelquefois au récit de la conception du premier texte, dont la réception s’avère plus ou moins heureuse33. Les auteurs peuvent répondre à cette attente, tout comme ils peuvent opter pour le décalage, jouer avec les codes, parodier la naissance de l’inspiration. Sur ce sujet, la démarche de Zoé Valdés apparaît beaucoup plus topique que celle de son contemporain martiniquais. Ses textes personnels tracent en effet son itinéraire artistique, en donnant des informations précises sur ses œuvres de jeunesse, et en l’inscrivant simultanément dans un réseau de filiations littéraires.
La Habana, mon amour contient bon nombre de preuves de ce souci d’affiliation. À la fin du cinquième fragment, consacré au Caballero de Paris, Zoé Valdés insère un poème qu’elle a écrit sur lui en 1979 – elle a donc vingt ans au moment de l’écriture. Ensuite, au quinzième fragment, où elle raconte le service civique qu’elle effectue dans un musée à l’âge de dix-neuf ans, elle décrit comme étant déjà nécessaires les objets qui se trouvent devant elle : « une machine à écrire, une lampe de travail et un bureau34 ». Plus loin, elle superpose encore deux souvenirs : son autoportrait, à dix-sept ans, écrivant ses premiers poèmes, et la silhouette de José Lezama Lima, qu’elle observe sans savoir qui il est :
En el verano de 1976 yo escribía unos versos terribles y él moría. En ese mismo verano me fui a explorar la soledad cósmica de la ciudad, el laberinto de los muertos, el viejo cementerio de Colon, sin saber que dentro de unas pocas horas allí estaría él también, dialogando con los espectros y humedeciendo el caos con su aliento desmesurado35.
Au cours de l’été 1976, j’écrivais de terribles vers tandis qu’il mourait. Ce même été, j’ai exploré la solitude cosmique de la ville, le labyrinthe des morts, le vieux cimetière Colomb ; je ne savais pas que, quelques heures plus tard, il reposerait là, lui aussi, et dialoguerait avec les spectres, en éclaboussant le chaos de son souffle démesuré.
D’autres noms d’intellectuels cubains se succèdent dans le livre : José Martí, Lydia Cabrera, Alejo Carpentier, Reinaldo Arenas... Ces présences nous montrent bien que les fragments d’enfance servent pour Zoé Valdés à marquer les étapes d’un cheminement littéraire. En considérant son statut d’exilée politique, on peut également voir dans ce geste une volonté de revendiquer sa place dans une famille d’artistes cubains engagés – certains même dissidents et opposés au régime.
Si l’intention de Zoé Valdés est explicite, l’entreprise de Patrick Chamoiseau s’avère en partie parodique lorsqu’il décrit la naissance de sa vocation littéraire, comme nous l’évoquions au début de cet article en comparant sa démarche à celle de Sartre. Cela ne l’empêche pas de rendre hommage à l’enfance comme à une période décisive dans le processus de création : il affirme ainsi dans Antan d’enfance qu’« on ne quitte pas l’enfance, on la serre au fond de soi36. » Dans sa trilogie, et même dans un texte plus récent comme La matière de l’absence (2016), l’auteur ne cesse d’exprimer sa reconnaissance à l’égard des personnes de son entourage qui lui ont permis de vivre pleinement cette enfance – notamment sa sœur aînée, Anastasie, surnommée « la Baronne », qui a sacrifié la sienne pour s’occuper de sa fratrie37.
Au départ, le turbulent enfant ne semble guère avoir de prédispositions pour les activités littéraires. S’il s’intéresse à la lecture et à l’écriture, c’est d’abord uniquement par mimétisme – parce qu’il est jaloux de ne pas savoir faire la même chose que ses aînés. Les détails qui pourraient suggérer l’apparition de la vocation littéraire sont détournés avec humour : par exemple, les premiers signes que l’enfant trace sur son ardoise puis sur les murs du couloir sont décrits comme « une prolifération de saletés qu’il était le seul à trouver formidables38 » ; vient ensuite le temps des premières découvertes calligraphiques, notamment celle du A majuscule – et immédiatement, commente le narrateur, « ce nouvel homo sapiens imprima sa science à la maison39. » Néanmoins, la découverte de la lecture et celle de l’objet-livre finissent par ouvrir les portes d’un monde nouveau ; et si l’enfant en jouit pleinement, c’est parce qu’il possède déjà des prédispositions pour l’oubli de la réalité :
Sa tête s’emplit du monde des images. Son esprit, puissant au rêve, expert en la dérive, amplificateur au moindre brin de réalité, se mit à battre cet univers qui devenait la réalité. Il dessinait avec. Rêvait avec. Pensait avec. Mentait avec. Imaginait avec. S’effrayait avec ? Son corps, lui, allait en dérive dans son monde créole éloché inutile. Son corps s’était mis en retrait (navré comme une battue hors la marée) dans un réel qui ne nourrissait plus les ivresses de sa tête40.
La lecture marque donc le début d’une nouvelle donne : les caractéristiques de l’enfant, jusque-là objets d’une ironie tendre – « petit, malingre, l’œil sans grande lumière41 » –s’avèrent compatibles avec l’univers qu’il découvre ; sa fascination pour les livres, avant même de pouvoir les déchiffrer, le pousse ensuite à imiter les gestes des lecteurs42 puis à se lancer lui-même dans l’invention d’histoires à partir des images qu’il contemple :
Le négrillon recomposait des livres à partir des images. Il imaginait des histoires et s’efforçait de les retrouver dans les textes imprimés toujours indéchiffrables. Bientôt, il n’eut pièce besoin de questionner quiconque. Il construisait ses propres récits, les diffusait dans les lettres incompréhensibles et les suivait obscurément de phrase en phrase comme cela, jusqu’à la fin. Il apprit à amplifier un événement pour qu’il corresponde au nombre de lignes d’une page. Il sut s’élancer d’une image jusqu’à atteindre une autre en s’y adaptant bien. On eut l’impression qu’il faisait mine de lire ; en fait, il lisait vraiment ce que sa délirante imagination y projetait à chaque fois. Le petit jeu du départ (macaquerie destinée à le grandir aux yeux des autres) devint une nécessité plaisante qui nourrissait les aventures de son esprit43.
Avant même de pouvoir lire, l’enfant devient donc conteur.
Le parcours croisé de ces deux enfances cubaine et martiniquaise nous a donc permis de mettre en lumière certaines caractéristiques communes qui opèrent un rapprochement fécond entre les œuvres pourtant très différentes de Zoé Valdés et Patrick Chamoiseau. L’enfance fonctionne ici comme un miroir permettant de révéler une réalité singulière de la culture caribéenne, de son espace et de son histoire, telle qu’elle a été vécue puis mise à distance par chacun. La comparaison de la façon dont ces deux écrivains caribéens élaborent leur récit d’enfance a enfin été l’occasion de mesurer la part d’adhésion à une tradition littéraire occidentale et la part de différenciation contenues dans leur démarche
Nous proposons enfin de terminer cette étude par un extrait de la « déclaration des poètes » que livre Patrick Chamoiseau à la fin de Frères migrants (2017). Cette affirmation se lit comme un engagement fort en faveur de l’enfance, devenue ici la métaphore utopique d’une zone de droit universelle – image particulièrement significative sous la plume d’un écrivain caribéen :
Les poètes déclarent que, quelles que soient les circonstances, un enfant ne saurait naître en dehors de l’enfance ; que l’enfance est le sel de la terre, le sol de notre sol, le sang de tous les sangs, que l’enfance est donc partout chez elle, comme la respiration du vent, le salubre de l’orage, le fécond de la foudre, prioritaire en tout, plénière d’emblée et citoyenne d’office44.
Notes
Plusieurs personnages de Zoé Valdés emploient cette expression pour éviter de nommer Cuba. Voir notamment Café nostalgia (1997) et El todo cotidiano(2011).
Zoé Valdés, La Havane, mon amour, trad. Aymeric Rollet, Paris, Éditions Arthaud, 2016, p. 17 / La Habana, mon amour, Barcelona, Editorial Stella Maris, 2015, p. 14: “En La Habana era muy parisina, en Paris soy muy habanera.” Notons que cette phrase reprend au mot près ce que Zoé Valdés faisait dire à Attys, l’héroïne de son premier roman, Sangre Azul (1993).
La notion de biographème apparaît dans plusieurs textes de Roland Barthes, notamment dans La chambre claire où il écrit : « j’aime certains traits biographiques qui, dans la vie d’un écrivain, m'enchantent à l’égal de certaines photographies ; j’ai appelé ces traits des “biographèmes”. » Voir La chambre claire. Note sur la photographie, Paris, Éditions de l’Étoile, Gallimard, le Seuil, 1980, p. 53.
Denise Escarpit, « Le récit d’enfance, Un classique de la littérature de jeunesse » in Denis Escarpit et Bernadette Poulou (dir.), Le récit d’enfance. Enfance et écriture, Paris, Editions du Sorbier, 1993, p. 24.
Nous renvoyons sur ce sujet à Jean-Louis Cornille, Chamoiseau…fils, Paris, Editions Hermann, 2014. Voir notamment le chapitre II : “Le babil des petites classes” (p. 29-47).
Natalia Godzina, « Intergénéricité dans Une enfance créole II. Chemin-d’école », La Tortue Verte, Revue en ligne des littératures francophones, Dossier n°5, novembre 2014, p. 91.
Ibid., p. 143-144 : « Le Malecón est l’un des endroits de La Havane où j’ai le plus aimé – ah, comme j’ai aimé ! Mes rencontres furtives et mon corps nu sont restés gravés sur l’ancienne Cortina de Valdés. » / Ibid., p. 109 : “El Malecón habanero es uno de los sitios en donde más he amado y mas amé. En la antigua cortina de Valdés (1843) mis encuentros furtivos han quedado grabados allí con mi propio cuerpo desnudo.”
« Une rue interminable : elle rejoignait la mer en montant d’un côté, et la place de la Croix-Mission en descendant de l’autre. C’était la plus passante, la plus achalandée, un axe central inévitable. Flanqué du marché aux légumes à hauteur de son centre, elle portait le marché aux poissons comme clochette d’un de ses bouts. L’abattoir n’était pas loin, ni les entrepôts békés où les épiceries de commune venaient aux provisions. Tout passait donc par là, et la ville était là. » Patrick Chamoiseau, Antan d’enfance, op. cit., p. 131-132.
Zoé Valdés, La Havane, mon amour, op. cit., p. 68 / La Habana, mon amour, op. cit., p. 51 : “un pan caliente. La ciudad era el olor de ese pan crujiente. Y los brazos del panadero […].”
Zoé Valdés, « Préface », La Chine à l’affiche : collection d’affiches de Claude Gorsky, Paris, Éditions Ramsay, 1997, p. I.
Dans la culture antillaise, ces deux expressions désignent la figure de femme forte, pilier de la famille et de la société. La première expression, souvent utilisée par Chamoiseau, fait référence aux attributs virils que s’approprie la femme ; dans la seconde, le « poto-mitan » est le pilier central du temple vaudou.
Voir notamment l’ouvrage Renée Clémentine Lucien, Résistance et cubanité. Trois écrivains nés avec la Révolution cubaine : Eliseo Alberto, Leonardo Padura et Zoé Valdés. Paris, L’Harmattan, 2006.
Zoé Valdés, La Havane, mon amour, op. cit., p. 230 / La Habana, mon amour, op. cit., p. 171 : “leyendo todo lo que se escribe adentro como afuera, y sorbe todo, viviendo a través de los familiares y amigos que han quedado allá la realidad del cubano de a pie.”
Ibid., p. 83 : « C’est au cinéma que je me suis forgé ma première idée du monde, depuis ma chambre-fauteuil d’orchestre. Il fallait voir les navets nord-coréens et soviétiques que l’on pouvait se farcir… C’était à vomir, ça vous donnait envie de pleurer jusqu’au lendemain. » / Ibid., p. 64-65 : “Mi primera noción del mundo fue a través del cine, desde una especie de cuarto-luneta. Allí nos disparábamos unos bodrios norcoreanos y soviéticos que daban ganas de ir al baño y de llorar hasta el otro día.”
Voir par exemple Enfance de Nathalie Sarraute, où le premier texte de l’enfant est rejeté catégoriquement par la mère de la narratrice à cause des fautes d’orthographe qu’il contient.
Zoé Valdés, La Havane, mon amour, op. cit., p. 120 / La Habana mon amour, op. cit., p. 91 : “una máquina de escribir, una lámpara lupa, un escritorio.”
« […] elle avait été très vite sacrifiée sur l’autel des devoirs, besognes et responsabilités. » Patrick hamoiseau, La matière de l’absence, Paris, Editions du seuil, 2016, p. 54.
« Avoir un livre en main, imiter les gestes du maître, le respect, la lenteur, les ouvrir au délicat, les soutenir avec ferveur, prendre la mine gourmée au-dessus de la première phrase, feuilleter avec l’air de chercher quelque chose d’essentiel, s’arrêter pour méditer on ne sait quoi. » Chemin d’école, op. cit., p. 198.
Table des matières
Sommaire
Circulations afrodiasporiques dans l’œuvre de Fabienne Kanor
Les récits des kala pani dans la littérature indo-caribéenne : une comparaison transnationale
L’Alléluia des femmes-jardin : Perspectives écoféministes dans les œuvres de Gisèle Pineau et Jamaica Kincaid
Voix féminines de la créolisation dans Fleur de Barbarie de Gisèle Pineau et Arrival of the Snake-Woman d’Olive Senior
À la recherche du « tan » perdu : les cas des écrivaines antillaises Simone Schwarz-Bart, Gisèle Pineau et Michèle Maillet
Enfances caribéennes : l’exemple de Zoé Valdés et de Patrick Chamoiseau
De l’archive à la fiction : écritures hybrides de l’H/histoire chez Évelyne Trouillot, Fabienne Kanor, Gisèle Pineau et SusanaCabrera
Le réalisme magique, esthétique structurante d’un possible champ littéraire caribéen au XXe siècle
Comment parler d’intertextualité dans la Caraïbe ? Le cas de Derek Walcott
Imaginaire caribéen, imaginaire américain : comment penser un élargissement des perspectives comparatistes ? Ébauche de pistes à partir d’Édouard Glissant.