Résumé
Cet article porte un regard croisé sur les récits d’écrivains indo-caribéens retraçant la traversée transocéanique des Indiens engagés (kala pani) et leur arrivée dans la Caraïbe francophone et anglophone. Dressant un parallèle entre la Guadeloupe et la Guyane britannique (l’actuel Guyana) à travers les romans d’Ernest Moutoussamy et de David Dabydeen, cette étude vise dans un premier temps à cerner les contours de cette catégorie littéraire en en identifiant les tropes et isotopies. Dans un second temps, il s’agira de dégager les aspects théoriques qui sous-tendent ces œuvres ; ainsi, nous soutiendrons l’hypothèse que l’Indianité de Moutoussamy se superpose en partie à la notion de Indianness de son confrère anglophone. Enfin, nous verrons que les contrastes entre ces deux œuvres trouvent leur origine dans des situations démographique et politique différant sensiblement d’une aire à l’autre.
Introduction
L’engagisme concerne la période historique s’étalant de 1838 à 1917 pour la Caraïbe anglophone et de 1853 à 1889 pour les îles françaises. Après l’abolition de l’esclavage, la plantocratie, inquiète à l’idée de voir péricliter son économie sucrière, décide d’importer massivement de la main d’œuvre bon marché et réputée docile. Si les travailleurs engagés sont au départ d’origines très diverses (on trouve des engagés chinois, annamites, madériens et africains), c’est l’Inde qui fournira le plus grand nombre de travailleurs sous contrat. En théorie, ces travailleurs, à l’issue des cinq années que durait le contrat, avaient droit à être rapatriés dans le pays natal. Dans les faits, seulement une infime partie regagna l’Inde car les termes du contrat étaient le plus souvent violés : il était dans l’intérêt du capitalisme colonial de retenir ces paysans de qui dépendait la survie de l’industrie sucrière. C’est ainsi que les bras d’Inde remplacèrent le bois d’ébène dans les champs de canne à sucre de la Jamaïque à la Martinique, de la Guadeloupe à Trinidad en passant par la Guyane britannique (British Guiana) et Sainte-Lucie. La Guadeloupe devient donc la troisième région indo-caribéenne (bien après le Guyana et Trinidad) au regard de l’importance numérique de sa population indienne1.
Aujourd’hui, la population d’origine indienne en Guadeloupe avoisine les 15% (contre 3% en Martinique)2. Malgré la forte présence indienne et son empreinte indéniable dans les coutumes et paysage guadeloupéens, cet aspect reste bien souvent ignoré dans la recherche sur la Caraïbe francophone. L’auteur indo-guadeloupéen Jean Samuel Sahaï dans son ouvrage Adagio pour la Da, Les Indiens des Antilles de Henry Sidambarom à Aimé Césaire, Un aspect négligé des études post-coloniales3 dénonce, avec ce sous-titre éloquent, l’effacement de la question indienne dans les travaux portant sur les Antilles françaises. On peut en outre regretter un manque flagrant d’études comparatistes entre les différentes régions indo-caribéennes. La barrière de la langue impose un découpage peu remis en question par les spécialistes de la Caraïbe et ceux de la diaspora indienne. Ainsi, les pays anglophones du Guyana et Trinidad sont très souvent mis en regard quand il s’agit d’aborder l’identité indo-caribéenne. De la même façon, on a comparé l’héritage indien de régions géographiquement éloignées (mais ayant en partage la langue française) comme c’est le cas de l’île Maurice ou de la Réunion et des Antilles françaises (l’ouvrage intitulé Indianités francophones de la revue « L’Esprit Créateur » publié en 2010 en est un bon exemple4)5.
Les topoï d’un genre littéraire
Ernest Moutoussamy naît dans la commune de Saint-François en 1941. A l’instar de nombreux descendants d’engagés, ses ancêtres arrivèrent des provinces indiennes de Pondichéry et du Tamil Nadu. Moutoussamy fut député et maire de Saint-François de 1989 à 2008. Son engagement au sein du parti communiste influença grandement son œuvre littéraire qui consiste principalement en un corpus de poésie. Ses trois romans — Il pleure dans mon pays (1979)6, Aurore (1987)7 et Chacha et Sosso (1994)8 — composent un triptyque qui retrace l’épopée des travailleurs engagés indiens en Guadeloupe. Bien que sa date de parution le place en deuxième position, Aurore est le roman qui initie la trilogie avec le récit migratoire de l’Inde natale aux plantations de la Grande-Terre.
David Dabydeen est né au Guyana en 1955. Il quitte son pays dès 1969 pour l’Angleterre où il poursuit ses études à l’université de Cambridge : ce parcours lui procure un sens accru de l’expérience diasporique. Poète, romancier, mais aussi critique littéraire et représentant du Guyana à l’Unesco, Dabydeen est avec V.S. Naipaul le seul écrivain des Antilles anglophones à avoir reçu le prix prestigieux de « fellow of the Royal Society of Literature ». Il publie The Counting House9 en 1996, roman qui sera traduit en français sous le titre Terres Maudites10.
Les kala pani — littéralement « eaux noires » — font référence à la traversée entreprise par ces femmes et hommes indiens pour rejoindre les terres lointaines des Caraïbes où ils deviendront des coolies, une main d’œuvre corvéable à merci. Sahaï rappelle la lourde implication de ce (non)-choix dans la croyance hindou :
Quitter l’Inde, chevaucher l’écumante Kala Pani, c’était s’exposer à croiser des ‘hoogli’, des monstres. Franchir le flot noir, l’eau maudite, c’était briser le lien familial et social avec Bharat, l’Inde Mère. Un tel exil, en éloignant l’Hindou de la Ganga (le Gange) sacrée ou des côtes du Tamil-Nadou et du Coromandel, perturbait, il [l’Indien] le croyait, le cycle cosmique des réincarnations11.
Dans un livre intitulé Diasporic dis(locations): Indo-Caribbean women writers negotiate the « Kala Pani », Brinda Mehta insiste, quant à elle, sur l’hindouité originelle compromise par les kala pani. Elle explique que ces derniers ont concerné en premier lieu le rebut de la société indienne tels que les condamnés, les classes inférieures et autres éléments indésirables12.Cependant, il convient de rappeler que tous les travailleurs engagés n’étaient pas issus des castes inférieures de la société indienne. La coolie trade brassa également des intellectuels, des détenteurs de savoir et des prêtres hindouistes. Dans le cas de la Guadeloupe, à l’hétérogénéité sociale des travailleurs indiens s’ajouta leur diversité culturelle. Mehta avait elle aussi souligné cette spécificité guadeloupéenne :
Tandis que la majorité des Indiens tamouls étaient envoyés en Martinique, la Guadeloupe de son côté – et cela est une exception à la tendance générale de l’immigration engagée aux Antilles françaises – reçut au début plus d’Indiens du Nord13.
Toutefois, l’arrivée massive d’Indiens tamouls dans les dernières années de l’engagisme inversa la tendance et c’est ce qui explique les pratiques culturelles indiennes très hybrides dans la Guadeloupe contemporaine. Loin d’être anecdotique, cette réalité anthropologique est à l’origine, selon Mehta, de l’effacement de la question indienne dans les études diasporiques de la Caraïbe francophone. Elle explique :
La division nord-sud a contribué à empêcher l’émergence d’une réflexion francophone autour de l’Indianité en créant de graves lacunes et des omissions fondamentales dans la théorisation de la diaspora. Les lectures partielles de la diaspora ont étouffé les aspects littéraires multilingues et transnationaux du kala pani en favorisant une certaine hégémonie diasporique en termes de géographie, de langue, d’ethnie et de volume de migration de l’Inde du Nord14.
L’Indianité de Moutoussamy entreprend de valoriser la diversité socio-économique mais aussi culturelle et religieuse des Indiens engagés. Le mouvement de la Coolitude de l’indo-mauricien Khal Torabully, quant à lui, renvoie exclusivement aux travailleurs issus de l’Inde populaire et villageoise. Inspirée de la Négritude, la Coolitude se réapproprie l’insulte « coolie » pour la transformer en une célébration d’une culture longtemps méprisée. Cependant, l’Indianité en refusant de s’enfermer dans un biodéterminisme qui réinscrirait la figure de la victime « coolie », se présente avant tout comme un concept tourné contre l’essentialisation.
Les récits des kala pani se caractérisent par la place centrale qu’y occupe l’histoire avec l’objectif de reconstruire une historiographie pour les descendants des Indiens dont l’histoire fut doublement marginalisée (d’abord par l’élite d’origine européenne puis par le discours afrocentrique). Bien que le thème de l’histoire soit un des piliers de la littérature de la région (indifféremment de l’origine ethnique des écrivains), pour l’écrivain indo-caribéen ce thème est encore plus prégnant et se transforme en un acte militant ainsi que l’a formulé l’écrivain indo-guyanais Moses Nagamootoo :
My rationale for blending fictional and documentary styles is based on my conviction that ‘history’ needs to be recovered not only by scholarship but also by the acts of imagination, especially when ‘history’ has barely been chronicled in terms of conventional history texts […] The imagination embodies history, helping to remember a disremembered past15.
Ce qui me pousse à mélanger textes fictionnels et documentaires est basé sur ma conviction que l’histoire doit être récupérée non seulement par la recherche, mais aussi par les actes de l’imagination ; surtout quand l’histoire est à peine racontée dans les manuels d’histoire conventionnels […] L’imagination incarne l’histoire, aidant à se souvenir d’un passé oublié.
Le prologue de The Counting House retranscrit des citations de personnages réels, tels que M. Gladstone qui fut le premier planteur à recevoir la main d’œuvre indienne en 183816. Ce dernier déclare : « Aucun récit de l’expérience des Coolies ne sera jamais complet, puisqu’ils n’ont jamais été que les débris de l’histoire17. » Par cette phrase lapidaire, Dabydeen interpelle le lecteur et souligne l’urgence de sauver de l’oubli une histoire pratiquement effacée. L’auteur nous fait entrevoir des lieux de mémoire devant servir de base à cette récupération historique avec l’évocation de « trois petits paquets demeur[ant] pour témoigner de la présence des Indiens au XIXe siècle18 » retrouvés sur la plantation Albion.
Dans les deux romans, la reconstruction via l’imagination historique permet de faire sortir de l’anonymat ces destins individuels et, par conséquent, de rendre sa part d’humanité aux Indiens engagés et à leurs descendants qui pâtissent encore aujourd’hui de cette histoire passée sous silence. Torabully rappelle que pour les descendants d’Indiens, il n’y a pas eu de véritable texte fondateur rendant compte de l’engagisme, et que leur présence sur les îles a été gangrenée par un malaise culturel confinant à la frustration. Exprimer leur présence dans la société caribéenne demeure un désir intense pour eux, en vue de prendre pleinement part à ces cultures antillaises19.
Avec environ un tiers de leurs intrigues respectives se déroulant en Inde, The Counting House et Aurore témoignent du désir de généalogie des Indo-Caribéens dont l’histoire (ou plutôt les histoires) ne se sont pas réduites uniquement à celle de la superstructure de la plantation. Les deux récits présentent une trame similaire mettant en scène un jeune couple (Râma et Sarah chez Moutoussamy, Vidia et Rohini chez Dabydeen) parti en quête d’une vie meilleure dans les Caraïbes. Les romans s’ouvrent avec le recrutement de ces jeunes gens par les agents coloniaux aidés des mestrys, ces Indiens travaillant pour les agences de migration. Le processus de recrutement est scrupuleusement relaté pour insister sur la violence et la duplicité inhérentes à l’histoire de l’engagisme. Le recruteur se rend dans le village de Vidia et Rohini où il débite son discours devant une audience attentive. Râma et Sarah, venus grossir la masse miséreuse de Pondichéry, entendent les mêmes promesses : « C’est un paradis, on ramasse de l’or dans les rivières, on dort à la belle étoile, le lait et le miel coulent à flots… pas besoin de travailler pour vivre, pas de serpents ni de bêtes sauvages, pas de maladie… hurlait l’Européen20. »
Chaque roman décrit les voix qui s’élèvent contre ce recrutement abusif. Dans les deux cas, il s’agit des sages qui, voyant avec peine l’Inde se vider de ses forces vives, menacent les recruteurs :
If you set foot in this spot again, the village-elder threatened, it is dog and mad bull I set on you, you hear ? Last time you came you bring gun and now you fire up people head with foolish word. Go before you get arrest for trespass and making distress 21 !’
Tu remets le pied ici, menaça l’ancien, et c’est chiens et taureau fou furieux que tu as derrière toi, tu entends ? La fois dernière tu amènes un pistolet et maintenant tu flammes la tête du monde avec tes bêtises. Va-t’en tu es foutu en prison pour pénétration de propriété et désordre à l’ordre public !
Et dans Aurore on peut lire :
Partout dans la ville s’élevaient des voix pour dénoncer ce trafic d’hommes, de femmes et d’enfants. Dans les temples, les swamis identifiaient les Blancs au démon et parlaient de leur ruban bleu, blanc, rouge comme étant une corde de pendu, une chaine d’esclavage22.
L’Inde dépeinte par ces écrivains, n’est pas la mère patrie rêvée, mythifiée et idéalisée. Pour les personnages il s’agit davantage de « l’Inde douloureuse » qui leur fait penser qu’« on pouvait être heureux ailleurs et d’une autre façon 23». Dans les deux cas, c’est la femme qui incite au départ du couple. En effet, les femmes étaient souvent celles qui avaient tout à gagner en quittant ce pays pétri de traditions patriarcales (régi par le sati system24).
Pour Rohini, leur village ainsi que le reste des alentours de Calcutta est perçu comme « une poignée de cases de terre battue posées sur une terre desséchée ou gorgée d’eau25. »Pour celle que le narrateur décrit comme « une fille comme ça, de basse caste, brune de peau, allant pieds nus 26 », les perspectives étaient très limitées et avoir été prise pour femme par Vidia « clair de peau 27 » représentait une chance inouïe. Dans les deux romans, une histoire d’amour défendue explique en grande partie le départ. En outre, Vidia n’arrive pas à trouver sa place d’homme dans l’univers clos de ce village rural indien et cela se cristallise à travers la question de la sexualité. L’impossibilité d’avoir des rapports sexuels avec sa femme en raison du manque d’intimité de la demeure paternelle remet en cause une certaine image virile qu’il souhaite avoir de lui-même (le substantif « boy » et l’adverbe « boyishly » sont récurrents pour décrire ce personnage). Ainsi, Rohini et Vidia s’embarquent pour le Guyana en 1857 et arrivent sur la plantation Albion, propriété de M. Gladstone.
Dans le roman de Moutoussamy, le déséquilibre de caste est encore plus accentué avec Râma issu de la caste des Brahmanes qui tombe amoureux de Sarah, une intouchable. Alors qu’il avait été promis en mariage à Aurore, une jeune femme de sa caste, il échafaude « l’insurrection contre les traditions de sa caste et les préjugés vieux de plusieurs millénaires28 » et décide de s’engager avec Sarah à bord de l’Aurélie en partance pour Guadeloupe en 1885. Tout comme Vidia, Râma doit faire face à sa mère, qui incarne l’intransigeance et la rigidité de ce système extrêmement conservateur.
Par ailleurs, pour ces écrivains de la diaspora, la démythification de l’Inde ancestrale passe par le rappel que l’Inde du XIXe siècle n’était pas une nation souveraine et indépendante. Ainsi, « la grande Inde 29 » n’était rien d’autre qu’une colonie, contribuant — avec tant d’autres — au rayonnement des empires européens. Dans le roman de Moutoussamy le narrateur déplore l’impunité des colons et l’impuissance des Indiens dépossédés de leur culture. Dans les deux œuvres, une foule de détails évoque la réalité coloniale du pays, notamment les détails architecturaux. La demeure familiale des Madévi dans les alentours de Pondichéry est décrite par « sa toiture coloniale30 ». Dans The Counting House, le recruteur décrit Calcutta aux villageois :
British people them come and clear away all we mud and bamboo huts and put up things like this’, he said proudly, showing them a drowing of the Governor’s residence—a massive building surrounded by colonnades, its arches enriched with white marble and coloured stones31.
Les Anglais, ils nettoient et ils défrichent tout, et ils démolissent les cases en terre et bambou, et ils mettent ça à la place », dit-il fièrement en leur exhibant une image de la résidence du gouverneur, une demeure massive entourée de colonnades, aux arches de marbre blanc et de pierres colorées.
Par ailleurs, la date d’arrivée de Vidia et Rohini en Guyane, l’année 1857, n’est pas un marqueur temporel fortuit dans le roman de Dabydeen. En effet, cette année vit l’une des plus grandes révoltes indiennes du XIXe siècle contre l’occupant anglais32. Ainsi, ce type d’indice renvoie à l’obsession de Dabydeen d’inscrire l’engagisme au sein d’une histoire globale du colonialisme.
Entre indianisation et créolisation : l’espoir d’une libération ?
Moutoussamy et Dabydeen anticipent le thème de la créolisation en interrogeant une supposée pureté ou authenticité de la mère patrie récupérée par certains groupes nationalistes de la diaspora. Les écrivains suggèrent que l’Inde était en réalité déjà entrée dans un processus d’hybridation né « de la rencontre de l’Occident et de l’Orient33 ». Aurore dans le roman de Moutoussamy incarne ce sujet hybride étant celle qui « rentre d’Angleterre où elle a poursuivi des études de chimie34. » Plus loin, le narrateur la désigne comme une « Indienne européanisée35. »
En altérant la vision idéalisée de Mother India, ces auteurs indo-caribéens témoignent d’un fort attachement à leur antillanité. Clem Seecharan dans son ouvrage India in the Shaping of Indo-guyanese Imagination a conclu que pour les Indo-guyanais du XIXème siècle, l’identification exclusive à « Mother India » avait compromis leur intégration à la société guyanaise et perpétué leur statut d’étranger notamment en empêchant l’interaction avec les descendants d’Africains36. Conscients du danger d’un repli communautaire, ces écrivains mobilisent l’histoire non pour ressusciter le passé avec une volonté de revanche, mais pour que l’Indien, réconcilié avec lui-même, puisse prendre une part active à l’édification de sa nation (en l’occurrence ici de la Guadeloupe et du Guyana).
L’indianité est inséparable du processus de créolisation qui est le fruit de l’histoire des peuples antillais. Tout en assumant cette histoire, ces écrivains refusent de se voir imposer les oppositions binaires qui ont caractérisé (et caractérisent encore) les sociétés de la Caraïbe. Ainsi, Moutoussamy déclare que « L’indien qui n’est ni un blanc, ni un nègre, deviendra ce qu’il est vraiment, non pas un Indien de l’Inde, mais un Guadeloupéen originaire de l’Inde. Son présent et son avenir se bâtissent ici37. » Quant à Dabydeen, il se forge une identité mouvante comme une sorte de troisième voie/voix agissant comme un rempart contre les tentatives d’essentialisation. Il explique que
C’est un autre aspect de la créolisation. Je ne veux pas être « authentique » en ce qui concerne l’expérience africaine, tout comme je ne veux pas être authentique en ce qui concerne l’expérience indienne, parce que je ne suis ni l’un ni l’autre38.
Le trope du second Passage du Milieu est récurrent dans les récits des kala pani. Sarah, qui avait découvert sa grossesse pendant le voyage, ne résiste pas à la rudesse de la traversée transocéanique. Son cadavre est jeté par-dessus bord, image qui n’est pas sans rappeler le sort réservé à des milliers d’esclaves africains durant la traversée du Passage du Milieu.
Certains critiques littéraires n’hésitent pas utiliser le terme de « néo-esclavage39 » pour qualifier l’expérience des travailleurs engagés. Dabydeen lui-même évoque « le nouveau système d’esclavage40» qu’a constitué la traite coolie. Chez les historiens, deux écoles s’opposent avec d’un côté ceux qui considèrent que l’émigration des Indiens aux Caraïbes permit d’améliorer considérablement leurs existences (en particulier pour les femmes), et de l’autre côté, les historiens qui défendent l’idée que cette émigration est un nouvel esclavage. L’historienne jamaïcaine Verene Shepherd, tout en discréditant les tenants de la première perspective, souligne les problèmes que soulève la comparaison de l’engagisme avec l’esclavage. Elle soutient l’idée qu’assimiler l’engagisme à l’esclavage dans un discours scientifique pose des problèmes de taille : d’une part parce que les expériences des femmes indiennes, si terribles fussent-elles, n’ont jamais approché les conditions brutales endurées par les femmes africaines, mais aussi parce que ceux qui défendent cette perspective ont échoué à fournir une analyse comparative soutenue et systématique étayant leur thèse41. S’agissant des écrivains indo-descendants francophones, Véronique Bragard et Valérie Magdelaine-Andrianjafitrimo se sont demandé si « ces auteurs influencés par des textes sur l’esclavage n’emprunt[ai]ent pas des images de la traite négrière telle l’isotopie du navire, les corps pétrifiés jetés par-dessus bord pour réhabiliter ce passage symbolique et dénoncer l’engagisme42. » Il est clair que Moutoussamy recourt à la puissance évocatrice de la traite négrière. Toutefois, loin de fomenter une compétition victimaire, l’écrivain rapproche les deux expériences pour pointer ce qui unit aujourd’hui afro-descendants et indo-descendants : une histoire traumatique de déracinement et d’exploitation.
Ainsi, suppléant l’historien qui n’a pu satisfaire à cette tâche, les écrivains entreprennent de combler une lacune des archives par leur plume créatrice. Une description minutieuse de la traversée occupe plusieurs pages dans le roman de Moutoussamy. Le narrateur énumère les objets et produits que les travailleurs engagés apportèrent avec eux aux Antilles. Il importe pour notre propos de reproduire l’intégralité de ce passage qui témoigne magistralement de la façon dont l’écrivain documente un passé négligé :
Dans la soi-disant cabine ou trente émigrants se trouvaient parqués, la lumière du jour pénétrait par deux écoutilles fixes, et trois manches en tôle assuraient l’aération. Le mestri de bord, monsieur Kysva, ancien cipaye parlant français, anglais et plusieurs idiomes de l’Inde, donna des directives d’installation et livra un complément de lingerie dont deux pagnes. Les passagers prirent place selon les consignes et finalement un magma de religions, d’âges, de langues, de coutumes et de mentalités s’édifia dans chaque cage. […] Débarrassés de leur ombre, ils logèrent sans aucun mal dans la pièce obscure la fortune qu’ils emportaient avec eux. C’était les plus souvent un choman de leur père, un bout de sari de leur mère, un mouchoir de madras, un peu de curry, des graines de vêpêlé, de paroka, des tubercules de curcuma, parfois une bague en or, un livre de prières tamoules, un recueil de védas, un peu de benjoin, une statuette de Kali ou de Mariémin43…
Bien qu’occupant une place plus modeste dans l’économie du roman de Dabydeen, le narrateur ne fait pas l’impasse sur l’épisode essentiel de la traversée. Tout comme Moutoussamy, il fait l’inventaire des éléments culturels indiens importés aux Amériques par les travailleurs engagés qui contribuèrent à ensemencer la culture locale :
She had avoided them from the time they were shepherded on to the ship in Calcutta, each man squeezing against the next at the narrow hatchways, trying to get below quickly to find the best berth. They had with them all their belongings—lenghts of cloth, knives, glass mirrors, brass pots, crude bracelets and coins secreted in the hem of their dhotis, in the lining of their blankets, in their stomachs. She fancied she could tell who had swallowed their wealth for safety—in calm weather they sat on deck with a pleasing look, as if listening to the jewellery jingling in their bellies ; when the sea was distressed they clenched their mouths, swallowing and re-swallowing whilst all around other coolies abandoned their stomachs, colouring the deck with massala, tumeric and dhall44.
Elle les avait évités depuis le moment où ils avaient été conduits jusqu’au bateau, à Calcutta, comme un troupeau de moutons. Ils se pressaient tous les uns contre les autres aux écoutilles étroites, et chacun essayait d’arriver plus vite dans la cale pour s’approprier la meilleure couchette. Ils avaient emporté tous leurs biens : des lés de tissu, des couteaux, des miroirs, des pots de cuivre, des bracelets et des pièces de monnaie cachées dans l’ourlet de leurs dhotis, dans la doublure de leurs couvertures et même dans leur estomac. Elle pouvait deviner qui étaient ceux qui avaient avalé leurs richesses : lorsque le temps était calme, ils s’asseyaient sur le pont avec un regard satisfait, comme s’ils écoutaient les bijoux chanter dans leur ventre ; mais, lorsque la mer se démontait, ils serraient les dents, ils avalaient encore et encore, alors qu’autour d’eux les autres Coolies rendaient le contenu de leur estomac et éclaboussaient le pont avec les couleurs vives du curcuma, du massala et du dhall.
À la vue des côtes du continent africain, Râma sent son cœur se nouer :
[…] l’Afrique — continent orphelin de millions d’hommes qui pendant des siècles avait livré ses fils aux négriers et au colonialisme dans des cales encore plus sinistres.
Ces corps d’ébène qui dans le nouveau monde avaient enrichi l’Europe, fécondé la terre stérile, créé des siècles de printemps pour des fortunes insolentes, gravé leur souffrance sur les rives des fleuves et au flanc des montagnes, parlèrent subitement aux quelques brahmanes de l’Aurélie45.
Toutefois, l’auteur ne fait pas appel à ces images déchirantes dans le but de susciter un pleur nostalgique (pour reprendre l’expression de Glissant46) pour ceux qui subirent cette histoire. À l’inverse, il met en regard ces expériences pour fomenter la solidarité entre les individus anciennement asservis, et par conséquent pour se projeter avec encore plus de force dans leur avenir commun :
les eaux bariolées de rivières de larmes, l’écho des voix déchirant les flancs de l’océan, ébranlèrent les évadés de l’Inde, qui se rendirent compte qu’ils refaisaient la route de la traite en obéissant aux mêmes puissances qui déportèrent jadis tant de millions d’hommes noirs sur l’autre rive de l’Atlantique. Avec la même croix, ils moisissaient de la même façon dans les cales, en errant dans les sillages de sang de ceux qui ne revirent jamais leur terre natale47.
Moutoussamy inscrit l’Indien dans une continuité historique qui — au même titre que l’Africain — le place dans la classe des infortunés. En effet, l’Indianité de Moutoussamy est avant tout un concept intégrationniste (et non une célébration de la différence) qui encourage les indo-descendants à s’engager pleinement dans la vie sociale, politique et culturelle de leur pays, la Guadeloupe. L’année de publication d’Aurore paraît un essai intitulé La Guadeloupe et son indianitédans lequel l’écrivain et homme politique développe son concept d’indianité :
L’indianité, à côté de l’africanité est un autre paramètre de la culture guadeloupéenne. Elle ne doit pas mourir. […] C’est d’ailleurs une nécessité historique, un devoir national que de chercher et de valoriser tous les éléments de notre culture48.
Dabydeen et Moutoussamy s’attachent tous deux à valoriser ce qui rapproche les deux ethnies en vue de (re)créer la chronique de la servitude coolie. En retraçant ces histoires parallèles, ils désignent une convergence historique de ces peuples, ce que Glissant nomme la transversalité. Il explique que les histoires des divers peuples de la Caraïbe se révèlent les unes aux autres et produisent une « convergence souterraine49 » qui est au cœur de la transversalité. Il s’agit pour Glissant de porter aux nues le principe de solidarité grâce au dévoilement de ces histoires ignorées en ce que : « L’irruption à elle-même de l’histoire antillaise […] nous débarrasse de la vision linéaire et hiérarchisée d’une Histoire qui courrait un seul fil50. »
En conséquence, le travail agricole est un autre thème essentiel des récits des kala pani. La place indéniable accordée à la ruralité dans ces écrits a pu induire une lecture erronée de certains critiques, associant notamment ruralité et conservatisme. C’est par exemple le cas de Karyn H. Anderson qui dans un article intitulé « Ernest Moutoussamy’s Auroreand the Construction of a Split-level home », affirme que le portrait essentialiste que dresse le romancier de la population indienne contribue à valoriser une structure sociale paysanne, patriarcale, enfermant ainsi la communauté dans un traditionalisme homogénéisant, ce qui laisserait peu de place à la diversité de valeurs ou à la possibilité de changement social et économique51.
À l’opposé de cette interprétation négative, une lecture rigoureuse d’Aurore suggère que la conscience de classe des travailleurs des cannaies est le seul espoir de révolution par le biais d’une alliance interethnique. La canne à sucre plonge les travailleurs indiens dans son enfer, tout comme elle l’avait fait avec les Africains durant l’esclavage. Il y a une insistance sur la machine implacable de la plantation dans laquelle l’Indien se retrouve broyé :
The soil was manured, the cane was planted, the fields were weeded, the cane was harvested, and then the cycle of nurturing and killing began again. The factory’s machinery was never idle, crushing, boiling, fermenting, distilling, making rum and sugar, molasses and bagasse. Boat-loads of new coolies arrived to clear new fields or to replace those who succumbed to diseases. Many of them died rapidly of the same epidemics, but there was no shortage of ships from India to replenish the work gangs52.
Ensuite, on répandait le fumier, on plantait les jeunes pousses de canne, on désherbait les champs, on récoltait la canne, et le cycle recommençait. Cultiver et tuer. Les rouages de l’usine ne s’arrêtaient jamais. Ils broyaient, bouillaient, fermentaient, distillaient, fabriquaient le sucre et le rhum, la mélasse et la bagasse. De nouveaux Coolies arrivaient par bateaux entiers pour défricher de nouveaux champs et remplacer ceux qui succombaient aux maladies. Beaucoup d’entre eux mouraient bientôt des mêmes épidémies, mais il arrivait toujours d’autres bateaux d’Inde pour remplacer les morts.
Cet univers concentrationnaire constitue également la toile de fond du roman de Moutoussamy :
Ils étaient près de trois cents sur l’habitation de Guyot qui s’étendait sur huit cents hectares plantés en canne. […] Toujours dressés dès l’aube, encore debout après le coucher du soleil, ils s’acharnaient simplement à remplir le coffre-fort des maîtres tout en buvant jusqu’à la lie le vin de la sagesse et de la résignation. Souvent ombres entre les ombres, ils formaient leur cortège chaque matin et en bon ordre, poitrine au vent, se rendaient aux champs de souffrances53.
La dénonciation virulente du système capitaliste et colonial se traduit par des textes saturés de références à l’argent, à l’accumulation de richesses et à l’exploitation des travailleurs indiens et noirs. Vidia entrepose dans une jarre qu’il a enterrée ses maigres économies et quand celles-ci lui sont volées, il décide de repartir en Inde et meurt finalement lors de ce voyage de retour. Cette fin tragique fonctionne comme métaphore du destin tragique du coolie qui doit choisir entre l’exploitation ou la mort. Dans le roman de Moutoussamy, Les Antilles représentent « l’autel du capital54 » ; une rhétorique marxiste est disséminée tout au long de l’épopée de Râma. Ce dernier apparaît en héros libérateur, source d’espoir pour l’avenir. Il est celui qui fait renaître les traditions indiennes sur l’habitation, bravant l’interdiction du maître. L’amitié qu’il noue avec Vitalien, jeune homme éduqué et charismatique qui n’est autre que l’alter ego de Râma dans la communauté noire, fomente l’espoir d’une alliance entre Noirs et Indiens pouvant mener à la libération. A l’inverse, dans l’œuvre de Dabydeen, la révolte ne se concrétise jamais. Elle reste à l’état de songe, une hallucination de Rohini :
Coolie and nigger will run through the estate with torch to burn down the factory and house (Rohini could see it), massacring the horses and mules and Gladstone, and famine will follow, but they too gleeful to mind, once Gladstone lie bleeding over his possessions. Freedom is a word, freedom is a belly-wind, yet is freedom they will starve for55.
Les Coolies et les Nègres vont courir à travers la propriété avec des torches enflammées et vont mettre le feu à l’usine et à la maison (Rohini peut les voir), ils vont massacrer les chevaux et les mulets et Gladstone, et après il y aura la famine, mais, ayant vu Gladstone saignant sur ses biens, ils se ficheront de la faim. La liberté n’est qu’un mot, la liberté n’est que du vent, et pourtant les gens meurent de faim au nom de la liberté.
Le destin messianique de Râma s’accomplit sur cette terre de Guadeloupe :
Pour briser maille après maille la chaîne du servage de ses congénères, Râma proposa un système de troc à Vitalien […] Ce nouveau type de relation modifia profondément les comportements. L’habitation secouée par un vent d’indépendance vit naître dans cette ravine de la fraternité une autre espèce d’homme. […] Unissez-vous prolétaires56 !
En conséquence, Vidia apparaît comme l’antithèse de Râma. Ce dernier, par son esprit révolutionnaire et son insoumission, se rapprocherait davantage du personnage de Kampta dans The Counting House. Kampta, fils d’engagés indiens, est né sur la plantation Albion. Toutefois, son alcoolisme et sa peau très noire du fait de ses origines de l’Inde du Sud l’ostracisent auprès du reste des travailleurs indiens. Leur position d’outsider leur confère une singularité charismatique (positive pour Râma, négative pour Kampta) ainsi qu’une perception accrue des injustices du système. Tous deux ambitionnent de détruire le maître blanc. On lit :
Râma entreprit de détruire l’image de fausse bonté des Pauvert qui ne devaient leur prospérité qu’à l’exploitation éhontée des travailleurs. Leur grandeur n’avait d’égal que la laideur de leur fortune, car ils avaient dompté les hommes et les femmes et même leur destin. Ils allaient à la rencontre de chaque lever de soleil pour cueillir leur richesse aux mains de leurs sujets, brisaient les reins et arrosaient les femmes en savourant leur immensité de jouissance. Le velours et la verdure des champs de canne tapissait leur chambre57.
Kampta, quant à lui, méprise autant les maîtres blancs que les naïfs coolies :
They rule by money, paying each coolie a wage, making him believe that more would be forthcoming with time. And they set up the old school, to give the coolie English words, to link education with reward, so that the coolie believed that his illiteracy and ignorance were the cause of his backwardness58.
Ils se servaient de l’argent, et payaient un gage à chaque Coolie en lui faisant croire qu’il en gagnerait toujours davantage. Ils ouvraient une école par-ci, une école par-là pour apprendre au Coolie des mots anglais, pour associer l’éducation à la récompense, de sorte que le Coolie finissait par penser que c’étaient l’analphabétisme et l’ignorance qui faisaient de lui un être arriéré.
Kampta qui s’était donné pour mission de tuer Gladstone échoue faute de témoins pour considérer son geste et entre dans une réflexion sur la fatalité de l’histoire. Kampta, tout comme Vidia, est un anti-héros. Son intimité sexuelle avec Miriam, la servante noire de Gladstone, ne traduit pas une possibilité de rapprochement entre les deux groupes. Dans ce monde de dégradation morale qu’est la plantation, l’amour ne peut pas exister — de surcroît l’amour entre un Indien et une Noire — Miriam sait que Kampta « ne l’aimait que parce qu’elle appartenant à Gladstone59. » Par conséquent, la critique de l’impérialisme s’accompagne de la problématisation des rapports entre Noirs et Indiens. Les préjugés raciaux de part et d’autre exacerbent une rivalité économique :
Even if [Vidia] he wanted to work extra two hours he would have to do it illegally, in the nearby village where the niggers would pay him in corn, or strips of sheepskin, to help clear pond and canal. But what would happen if Gladstone found out, the niggers being so lazy and yet so envious they could easily tell on him60?
Même s’il voulait travailler pendant ces deux heures, il ne pourrait le faire qu’illégalement, au village voisin où les Noirs le paieraient en maïs ou en peaux de mouton pour qu’il les aide à nettoyer l’étang et le canal. Mais qu’arriverait-il si Gladstone le découvrait? Les Noirs étaient tellement paresseux et jaloux qu’ils n’hésiteraient pas à le dénoncer.
La sociologue martiniquaise Juliette Sméralda, qui a consacré la plupart de ses travaux à la communauté d’ascendance indienne aux Antilles françaises en général et en Martinique en particulier, revient sur l’inconfortable situation de l’immigré indien qui subissait de front la vindicte de l’ancien esclave et l’oppression du maître blanc. Elle explique que les sentiments négatifs qui accablèrent l’Indien trouvent leur racine dans la période post-esclavagiste où ce dernier fut catalogué comme un traître social. Ainsi, l’Indien devint une victime expiatoire, propre à endosser la responsabilité du malaise social des anciens esclavisés qui ne parvenaient pas à altérer la suprématie du Blanc. Sméralda insiste sur la pérennité de ces préjugés négatifs dans les sociétés caribéennes contemporaines car le rôle défaiseur de destins créoles « prêté à tort — l’Indien étant loin de connaître les enjeux de sa présence — ne lui sera pas pardonné61. »
Une pensée de Vidia reflète précisément l’ignorance de certains Coolies :
No, he was not afraid of them, as his fellow coolies were. They would not harm him, because he came from a land that bore no malice to niggers. Before coming to Guiana he had never known that they were people like niggers. In Plantation Albion he bore no responsibility for the mound of earth in the deep backdam that marked their mass burial62.
Il n’avait pas peur d’eux comme les autres Coolies. Ils ne lui feraient pas de mal, parce qu’il venait d’un pays qui n’avait jamais fait de mal aux Nègres. Avant de venir en Guyane, il ne savait même pas que des gens comme eux existaient. A la Plantation Albion, il n’avait joué aucun rôle dans le massacre des Noirs, ceux qui gisaient à présent sous la butte dans les profondeurs de la brousse, derrière la digue.
En plus de la séparation physique entre Indiens et Noirs savamment orchestrée par le planteur, ce dernier martèle le travailleur engagé de déclarations nourries de préjugés racistes sur les descendants d’esclaves. Le narrateur d’Aurore explique que « beaucoup d’Indiens cédèrent à ce genre de discours et le paysage couvert de légendes n’engendra pour eux que vengeance et mépris63. » Dans The Counting House, on voit comment l’Indien a intériorisé le racisme du Blanc envers le Noir en répétant fidèlement ce qu’il a entendu de son maître.
Cet antagonisme se manifeste également dans la rivalité sexuelle entre Miriam et Rohini qui cherchent toutes deux à s’attirer les faveurs de Gladstone. Miriam, voyant Gladstone succomber au charme de la nouvelle venue et craignant de perdre son influence dans l’habitation, la défie de prendre sa place. Miriam suggère que si l’Indien (Rohini) prétend à une quelconque légitimité dans ce pays, alors il doit passer par les souffrances du Noir : « Mais je reste tranquille, parce que c’est moi-même qui l’encourage à partager le fardeau, à partager Gladstone. Coolies peut pas venir comme ça et hériter notre royaume. Il faut qu’ils sont punis comme nous zotte punis64 […] » Kampta dénonçant la naïveté coupable de l’Indien explique :
…it is time for coolie learn what nigger gone through. Coolie come her thinking the bush clear itself and nobody plant the fields and miracle dig the canals, but miracle is nigger, and all the canal-water pool together is one drop compared to all nigger sweat. When English kill a few, then coolie will know the truth that each penny Gladstone pay them make from the same metal as the bullet that bore into nigger backside long-time65.
…faut que les Coolies sachent ce que les Nègres vivent ici. Les Coolies arrivent ici et ils pensent la brousse se défriche toute seule, personne ne plante les cannes et les canaux apparaissent par miracle. Mais le miracle, c’est le Nègre, et toute l’eau-canal mise ensemble, c’est qu’une goutte comparée à la sueur nègre. Quand les Anglais tuent quelques Coolies, alors ils savent eux aussi que chaque cent que Gladstone leur paie est fait dans le même métal que les balles qui fouillent le dos des Nègres il y a longtemps.
L’image de l’Indien comme éternel étranger est dépeinte à travers la haine des Noirs dans le roman de Moutoussamy :
À la traversée de Marie-La-Gaillarde, la foule se rassembla pour conspuer le convoi. Les habitants lancèrent des quolibets à l’Indien engagé. Depuis trente ans dans le pays, il en était ainsi. Le coolie ne suscitait que mépris et haine. Objet de risée, victime expiatoire, il cachait souvent sa honte sous son abondante chevelure dans l’enclos des colons, car l’Africain, son frère, vêtu de la chemise blanche de Schœlcher, lui refusait le droit d’asile66.
Chez Dabydeen, Miriam symbolise la souffrance du peuple noir qui craint une seconde dépossession, réaffirmant son autorité, fruit de son ancienneté sur cette terre et de l’histoire de l’esclavage.
Brian Moore revient sur le rôle crucial que joua l’immigration indienne dans la survie de l’économie sucrière en permettant aux planteurs de surmonter les problèmes liés à l’émancipation des Noirs. Ces problèmes étaient dus d’une part au fait que les anciens esclaves exigeaient des salaires plus élevés et d’autre part au fait qu’ils s’efforçaient de réduire leur dépendance aux plantations en s’établissant en villages paysans indépendants67. Ainsi, le Noir ne peut voir en l’Indien qu’un rouage de la machine coloniale raciste servant l’ancien esclavagiste. La présence de Râma à une fête dans la communauté noire « suscita réprobation et murmures. Lui, l’allié des colons, ne pouvait pas être parmi les fils d’esclaves d’autrefois. Il était frappé à leurs yeux du sceau de l’ignominie68. »
Les termes racistes de « coolie » et de « nigger » /« nègre » sont omniprésents dans l’écriture de Dabydeen et Moutoussamy, rendant compte ainsi de l’hostilité rencontrée dans le nouvel environnement. Chez Moutoussamy, l’insulte créole « malaba » se substitue parfois à « coolie ». Au niveau stylistico-linguistique, l’usage du créole (du créole guyanais creolese et du créole guadeloupéen kréyol) est incontournable dans ces œuvres et cette importance se manifeste à un double niveau. Sur le plan diégétique, l’emploi du créole est sans doute l’indicateur le plus fort de la créolisation des personnages indo-caribéens et contribue à élaborer une Indianité qui tend à l’universalisme. Dans le roman de Dabydeen, contrevenant à la vraisemblance du récit, on note l’emploi du créole chez les personnages du village natal de Rohini et Vidia en Inde. Il s’agit là pour Dabydeen de (ré)affirmer la centralité du thème de la créolisation indissociable de la question de l’identité indo-caribéenne. Sur le plan extradiégétique, se manifeste la jouissance du narrateur-auteur à faire usage de sa langue maternelle en insufflant une juste dose d’opacité pour le lecteur non initié. C’est en particulier le cas dans The Counting House où le créole devient la langue d’écriture dans les vingt-cinq dernières pages consacrées au monologue de Miriam. En maniant avec virtuosité les langues de leurs pays respectifs, ces écrivains clament leur antillanité et souhaitent en finir avec l’accusation d’étrangeté dont souffrent encore les indo-caribéens. Moutoussamy rappelle notamment comment la langue tamoule a enrichi considérablement le créole guadeloupéen : ainsi en même temps que les Indiens se créolisaient, les afro-créoles s’indianisaient. L’Indianité vise entre autres à reconnaître cet héritage, encore trop méconnu. De la même manière, David Dabydeen — répondant à un commentaire de Kamau Brathwaite qui regrettait que les indo-caribéens n’aient pas plus apporté à la région, sur le plan culturel et artistique —s’enorgueillissait de pouvoir s’exprimer et écrire en créole alors que lui ne le pouvait pas69. Le créole est sans conteste un des piliers de la culture dont se réclament aujourd’hui ces auteurs indo-caribéens, beaucoup plus que le sang qui rattacherait de manière atavique à un ailleurs jamais connu :
Ancestry, you know, is a matter of culture; and having lived in Guyana for at least a hundred and fifty years, more than one hundred and fifty years now, people like me can’t say that we are ’Indian’ based purely on blood, even though we may have originated from India70.
Les origines, vous savez, c’est une question de culture ; et ayant vécu en Guyane pendant au moins cent cinquante ans, plus de cent cinquante ans maintenant, des gens comme moi ne peuvent pas dire que nous sommes des « Indiens » fondés uniquement sur le sang, même si nous venons peut-être de l’Inde.
La douloureuse adaptation du travailleur engagé se traduit également par l’aliénation de certains Indiens qui en viennent à vénérer l’oppresseur blanc et à haïr non seulement les Noirs mais aussi leur propre communauté. Illustrant ce point, deux personnages se font écho : Rohini et Maya, respectivement dans le roman de Dabydeen et dans celui de Moutoussamy.
Dans l’œuvre de Moutoussamy, Maya est « une Indienne de vingt ans, arrivée dans la colonie il y a sept ans71 » Le narrateur commente: « Elle était l’autre72. » A la fin de son deuil, Râma ambitionne de s’unir à Maya, mais
[…] celle-ci refusa net son amour car elle n’appréciait pas du tout son esprit d’indépendance et ne supportait pas ses critiques vis-à-vis des propriétaires. Elle ne concevait sa vie qu’à l’ombre de la villa des Bernus, convaincue que c’était uniquement la coloration de sa peau qui la séparait des maîtres73.
Rohini elle aussi développe une fascination pour le Blanc qu’elle conçoit comme un sauveur, à l’inverse les coolies sont pour elle des ingrats ne méritant pas la modernité qui leur est offerte :
Here in Guiana, they were put to work, but it was work which gave them a place in the progress of the world—the factory and the sugar it made for the future, not cow-milk and handspum cotton. But the coolies were ungrateful74 …
Ici, en Guyane, on les faisait travailler, mais c’était un travail qui leur donnerait une place dans le progrès du monde —l’usine et le sucre qu’elle fabriquait étaient l’avenir, et pas le lait de vache et le coton tissé à la main. Mais les Coolies étaient ingrats […]
Pour Rohini et Maya l’intimité sexuelle avec l’homme blanc devient un enjeu primordial. En tombant enceintes de celui-ci, elles porteraient en elles une part de blancheur. Rohini, qui méprise les efforts de Vidia pour économiser la moindre piécette, se détourne de la petitesse coolie et caresse d’autres rêves pour son futur : « Rohini portera le bébé de Gladstone, et elle sera contente même lorsqu’il lui fera mal, parce qu’il gonflera son corps et lui donnera la même rondeur que le globe terrestre dont il héritera un jour75. » Maya fait preuve elle aussi d’une obsession pour l’enfantement, elle est présente à chaque naissance sur la plantation « pour savoir si le bébé n’était pas le fruit de Bernus76. »
Malgré l’« opportunité » qui se présentait aux femmes indiennes, peu osèrent braver le kala pani pour rejoindre les Caraïbes. La disproportion considérable entre hommes et femmes qui en résulta fit de l’Indienne une « denrée » rare sur les plantations. En conséquence, les femmes étaient en mesure de choisir leurs partenaires relativement librement, sans être contraintes par les restrictions traditionnelles de caste qui avaient disparu dans le nouvel environnement. Renégociant les rapports entre les sexes, certaines femmes n’étaient pas disposées à rester avec un homme s’il ne les traitait pas correctement ou n’était pas capable de leur fournir tous les avantages matériels qu’elles demandaient77. Renonçant à l’union endogame, les ambitieuses Maya et Rohini profitent de cette nouvelle liberté pour s’élever socialement :
She knew there was a shortage of women on the plantation, that many fellow cane cutters would scheme with money to bribe her, or poison to kill him, if only she consented to it. But what would she gain by them, these uncouth coolies who would throw a few coppers her way and expect to devour her in return […]78?
Elle savait qu’il manquait de femmes sur la plantation, que certains coupeurs de canne seraient prêts à lui offrir de l’argent ou à empoisonner Vidia, si seulement elle y consentait. Mais que pouvait-elle espérer de ces Coolies grossiers qui lui jetteraient quelques pièces de cuivre pour pouvoir la dévorer[…] ?
Si leur arrivisme et la haine de soi les rend antipathiques de prime abord, les narrateurs ne les condamnent pas pour autant. Elles apparaissent comme un ultime avatar de ce que le système de la plantation a produit. Tout comme les autres travailleurs engagés, elles sont des victimes de l’aliénation coloniale.
L’avortement que subit Rohini vers la fin du roman parachève l’anéantissement des existences déjà misérables. Miriam, jalouse de cette grossesse qui est le fruit de Gladstone, convainc Rohini d’avorter et prend en charge l’organisation. Après le vol de ses économies (dérobées par Miriam pour payer l’avortement), Vidia meurt lors de son voyage pour regagner l’Inde. Rohini succombe à la folie, Kampta disparaît dans une communauté amérindienne, et Miriam se retrouve seule. L’enfant avorté symbolise toute la décrépitude d’un monde sans espoir. Gail Low a très justement interprété cet épilogue comme étant une succession de négations et conclut que ce roman prive le lecteur d’une libération rédemptrice et cathartique ainsi que d’une morale claire et définitive79. L’épisode de l’avortement est d’autant plus cynique que, dans l’univers de la plantation, la mise au monde d’un enfant constituait une union sacrée qui abolissait les barrières de race. En effet, les premières relations proches entre descendants d’esclaves et Indiennes se nouèrent par l’accouchement, car c’était les matrones négresses qui aidaient les immigrantes indiennes à mettre leur enfant au monde80. L’absence de figures héroïques, d’actions altruistes ou de révoltes dans le roman de Dabydeen contraste fortement avec celui de Moutoussamy qui offre un épilogue sans équivoque. Aurore, fiancée à Râma avant la fuite de celui-ci avec Sarah, décide de le rejoindre sur la terre guadeloupéenne par amour pour ce dernier. Après plusieurs années d’errance, Râma et Aurore finissent par se retrouver et Râma épouse Aurore bien qu’elle soit mère d’une fillette — fruit de la lubricité de Pauvert. L’adoption de cette fillette métissée par ce fils de Brahmanes symbolise l’inévitable créolisation de l’Indien face au défi de l’adaptation. Cette conclusion, résolument tournée vers un avenir meilleur, fait écho au titre du livre Aurore qui lui aussi dénote le commencement d’un jour nouveau.
Conclusion
La positivité du roman de Moutoussamy, face à la négativité de celui de Dabydeen, doit s’interpréter à la lumière de la situation particulière des Indo-Guadeloupéens et Indo-Martiniquais, qui diffère de celles des Indo-Caribéens anglophones81. De manière générale, les Indo-Caribéens ont connu la marginalisation de leurs histoires et cultures face au discours afrocentriste dominant, et tentent aujourd’hui encore de valoriser leur passé enfoui. Néanmoins, cette réalité est aggravée dans le cas de la Guadeloupe et de la Martinique où la pensée assimilationniste républicaine n’a pas favorisé la possibilité d’expression de cette composante de la population. De plus, le Guyana et Trinidad deviennent des pays indépendants dans les années 1960, ce qui va leur permettre de renégocier les rapports de force qui prévalaient jusque-là. Il est en outre important de souligner qu’au Guyana et à Trinidad, l’équilibre numérique entre population d’origine africaine et population d’origine indienne n’a pas fait naître le même sentiment d’être une « minorité » qu’en Guadeloupe ou en Martinique. Dans ces pays, la population indienne entend sauvegarder sa culture par une résistance obstinée à la créolisation qui équivaudrait selon elle à une perte d’identité 82.
Pour Moutoussamy, l’urgence de créer un répertoire littéraire indo-guadeloupéen le pousse à proposer des œuvres visant à restituer la composante indienne de la société créole. Ainsi son œuvre littéraire s’attèle principalement à présenter des vignettes ethnotextuelles.
En revanche, Dabydeen, qui vient du Guyana, n’a que trop conscience du danger du communautarisme et il garde en mémoire les tensions raciales qui débouchèrent sur des massacres de dizaines d’individus d’origine indienne par des Afro-guyanais dans les années 1960. Ainsi, son roman se présente comme étant plus nuancé sur la façon d’aborder l’avenir et ne peut offrir la même résolution salutaire que nous constatons dans l’écriture de Moutoussamy.
Pour conclure, on retiendra que Moutoussamy et Dabydeen — contrairement à une certaine conception d’Indianness des pays de la Caraïbe anglophone — ne cherchent pas à promouvoir la séparation de la culture indienne comme moyen de la préserver de la culture dominante afro-créole. Leur point de vue dépolitise et désessentialise un mouvement identitaire qui a pu chercher à s’isoler de leurs sociétés respectives, en même temps qu’il a pu chercher à conquérir le pouvoir (comme ce fut le cas au Guyana). Les récits des kala pani de ces deux écrivains, en reconstruisant l’histoire des travailleurs engagés indiens, ne rêvent pas de l’Inde perdue mais, au contraire, ancrent ces derniers dans le nouvel environnement caribéen qui deviendra leur pays d’adoption. C’est cet ancrage qui contribuera à une culture antillaise toujours plus riche.
Notes
D’après les sources de Verene Shepherd 238 909 Indiens immigrèrent en Guyane britannique entre 1838 et 1917, 143 939 arrivèrent à Trinidad entre 1845 et 1917 et 42 595 furent envoyés vers la Guadeloupe entre 1854 et 1887. Voir Verene Shepherd, Maharani’s misery : narratives of a passage from India to Caribbean, Jamaica, University of the West Indies Press, 2002, p. 4.
Shanaaz Mohammed, « Disarticulating Indianité : Re-imagining the motherland in Ernest Moutoussamy’s Chacha et Sosso », Romance Notes, 2017, 57, no. 2, p. 221-232, p. 221.
Jean Samuel Sahaï, Adagio pour la Da : Les Indiens des Antilles de Henry Sidambarom à Aimé Césaire, un aspect négligé des études post-coloniales, Tampere (Finlande), Atramenta, 2013.
Brinda J. Mehta, « Indianités francophones: Kala Pani Narratives », L’Esprit Créateur, 2010, n°50, p. 1-11.
On mentionnera toutefois la rare initiative de Véronique Bragard qui — concernant l’indo-antillanité — a osé le comparatisme translingual à l’intérieur du bassin caribéen en proposant une analyse des romans de l’indo-trinidadienne Shani Mootoo, He Drown She in the Sea, et Le Kooli de morne Cabri de la martiniquaise Laure Moutoussamy. Voir Véronique Bragard, «L’Empreinte des kala pani dans la littérature caribéene et mauricienne: une comparaison transcoloniale», L’Esprit Créateur, 2010, n°50, p. 86-94.
Jean Samuel Sahaï, Adagio pour la Da : Les Indiens des Antilles de Henry Sidambarom à Aimé Césaire, un aspect négligé des études post-coloniales, Tampere (Finlande), Atramenta, 2013, p. 22.
Brinda J. Mehta, Diasporic dis(locations): Indo-Caribbean women writers negotiate the « Kala Pani », Jamaica, University of the West Indies Press, 2004,p. 5.
Brinda J. Mehta, «Indianités francophones: Kala Pani Narratives», L’Esprit Créateur, 2010, n°50, p. 1-11, p. 3.
Ma traduction : « While a majority of Tamilian Indians were sent to Martinique, Guadeloupe on the other hand, as an exception to the general trend of indentured migration in the French Caribbean, initially received more North Indians. ».
Ibid., Ma traduction : « The north-south divide has worked to the detriment of francophone negotiations of Indian-ness by creating serious gaps and foundational omissions in diasporic theorizing. The partial readings of diaspora have compromised multilingual and transnational literary framings of kala pani by favouring a certain diasporic hegemony in terms of geography, language, ethnicity, and the volume of migration from North India. », p. 3.
Fiona Darroch, Memory and myth postcolonial religion in contemporary Guyanese fiction and poetry, Amsterdam, Rodopi, 2009, p. 139. Ma traduction.
Verene Shepherd, Maharani’s misery : narratives of a passage from India to Caribbean, Jamaica, University of the West Indies Press, 2002, p. 4-5.
Ibid., p. 14, David Dabydeen, The Counting House, « three small parcels of materials as the only evidence of the nineteenth-century Indian presence ».
Khal Torabully et Marina Carter, Coolitude: An anthology of the Indian Labor Diaspora, London, Anthem, 2002, p. 168: « For the Indian descendants, there was no real founding text for their indentureship, and their presence on the islands was vitiated by a cultural uneasiness bordering on frustration. Expressing their presence in the Caribbean society remains an intense desire for them, in view of participating fully in it. ».
David Dabydeen, The Counting House, Leeds, Peepal Tree, 2005, p. 46. ; David Dabydeen, Ananda Devi, Terres maudites, Paris, Editions Dapper, 2000, p. 76
Le sati est une tradition hindoue ancestrale—désormais abolie—voulant que la veuve, la maîtresse ou la domestique qui contemple la crémation du corps de l’homme défunt s’immole par le feu en se jetant dans le bûcher.
David Dabydeen, Ananda Devi, Terres maudites, Paris, Editions Dapper, 2000, p. 18. David Dabydeen, The Counting House, Leeds, Peepal Tree, 2005, p. 13 : « a group of mudhuts set down in baked or waterlogged earth ».
David Dabydeen, Ananda Devi, Terres maudites, Paris, Editions Dapper, 2000, p. 44. David Dabydeen, The Counting House, Leeds, Peepal Tree, 2005, p. 28 : « a low-caste, dark-skinned, barefooted girl » .
David Dabydeen, The Counting House, Leeds, Peepal Tree, 2005, p. 46 ; David Dabydeen, Ananda Devi, Terres maudites, Paris, Editions Dapper, 2000, p. 75-76.
Mariam Pirbhai, Mythologies of Migration, Vocabularies of Indenture - Novels of the South Asian Diaspora in Africa, the Caribbean, and the Pacific, Toronto, University of Toronto Press, 2009, p. 6.
Clem Seecharan, India in the shaping of Indo-Guyanese Imagination, Leeds, University of Warwick et Peepal Tree books, 1993, p. 80.
Anjali Nerlekar, « Living Beadless in a Foreign Land : David Dabydeen’s Poetry of Disappearance », in Lynne Macedo (éd.) Talkings words : New essays on the Work of David Dabydeen, Kingston, Jamaica : University of the West Indies Press, 2011, p. 26. Ma traduction : « This is another aspect of creolization. I don’t want to be ‘authentic’ about the African experience, nor do I want to be authentic about the Indian experience, because I am neither. ».
Fiona Darroch, Memory and myth postcolonial religion in contemporary Guyanese fiction and poetry, Amsterdam, Rodopi, 2009, p. 137.
David Dabydeen, Brinsley Samaroo, Across the dark waters : ethnicity and Indian identity in the Caribbean, Basingstoke : Macmillian, 1996, p. 3.
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Véronique Bragard, « L’Empreinte des kala pani dans la littérature caribéene et mauricienne: une comparaison transcoloniale », L’Esprit Créateur, 2010, n°50, p. 86-94, p. 87.
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David Dabydeen, Ananda Devi, Terres maudites, Paris, Editions Dapper, 2000, p. 160 ; David Dabydeen, The Counting House, Leeds, Peepal Tree, 2005, p. 98 : « he loved her only because she belonged to Gladstone. ».
David Dabydeen, The Counting House, Leeds, Peepal Tree, 2005, p. 66; David Dabydeen, Ananda Devi, Terres maudites, Paris, Editions Dapper, 2000, p. 104.
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David Dabydeen, The Counting House, Leeds, Peepal Tree, 2005, p. 90; David Dabydeen, Ananda Devi, Terres maudites, Paris, Editions Dapper, 2000, p. 146.
David Dabydeen, Ananda Devi, Terres maudites, Paris, Editions Dapper, 2000, p. 228 ; David Dabydeen, The Counting House, Leeds, Peepal Tree, 2005, p. 140 : « But I stay quiet because it is me-self who encourage her to share my burden, share Gladstone. Coolie can’t just come and inherit we kingdom. They got to punish like we punish, […] ».
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David Dabydeen, Ananda Devi, Terres maudites, p. 219 ; David Dabydeen, The Counting House, Leeds, Peepal Tree, 2005, p. 133: « Rohini would bear Gladstone’s baby, revelling even as it burdened her with pain, swelling her body to the roundness of the globe which one day it would inherit. ».
Brian Moore, Cultural power, resistance and pluralism: colonial Guyana 1838-1900, Montreal, McGill-Queen’s University Press, 1995, p. 169.
David Dabydeen, The Counting House, Leeds, Peepal Tree, 2005, p. 66-67 ; David Dabydeen, Ananda Devi, Terres maudites, Paris, Editions Dapper, 2000, p. 105.
Gail Low « To make bountiful our minds in England starved of gold : reading The Counting House », No land, no mother : essays on the work of David Dabydeen, Leeds : Peepal Tree Press, 2007, p. 214.
Ernest Moutoussamy, Inde-Guadeloupe : hommage à la mémoire, Pointe-à-Pitre, Editions Jasor, 2016, p. 7.
La Positivité évoque la kyrielle de certitudes et d’espoirs émanant de ce récit. A l’inverse la négativité renvoie à la négation d’interprétation évidente, univoque, certaine ; ce qui génère un scepticisme dans le roman de Dabydeen.
Lionel Davidas, « Problématique de l’équilibre entre les communautés afro et indo-trinidadiennes de San Fernando », dans Roger Toumson, Les Indes antillaises: présence et situation des communautés indiennes en milieu caribéen, Paris, L’Harmattan, 1994, p. 137.
Table des matières
Sommaire
Circulations afrodiasporiques dans l’œuvre de Fabienne Kanor
Les récits des kala pani dans la littérature indo-caribéenne : une comparaison transnationale
L’Alléluia des femmes-jardin : Perspectives écoféministes dans les œuvres de Gisèle Pineau et Jamaica Kincaid
Voix féminines de la créolisation dans Fleur de Barbarie de Gisèle Pineau et Arrival of the Snake-Woman d’Olive Senior
À la recherche du « tan » perdu : les cas des écrivaines antillaises Simone Schwarz-Bart, Gisèle Pineau et Michèle Maillet
Enfances caribéennes : l’exemple de Zoé Valdés et de Patrick Chamoiseau
De l’archive à la fiction : écritures hybrides de l’H/histoire chez Évelyne Trouillot, Fabienne Kanor, Gisèle Pineau et SusanaCabrera
Le réalisme magique, esthétique structurante d’un possible champ littéraire caribéen au XXe siècle
Comment parler d’intertextualité dans la Caraïbe ? Le cas de Derek Walcott
Imaginaire caribéen, imaginaire américain : comment penser un élargissement des perspectives comparatistes ? Ébauche de pistes à partir d’Édouard Glissant.