Résumé
À rebours des lectures traditionnellement centrées sur Alidor et Dorante, l’article étudie la physionomie et le rôle des personnages féminins dans les trois comédies de Corneille inscrites au programme. Les différentes figures qu’il est possible d’y repérer témoignent de l’étroitesse des liens qui les unissent à leurs partenaires masculins, mais aussi de l’influence que les menteuses et autres extravagantes exercent sur eux. Les amoureuses en particulier participent de façon décisive à la progression dramatique, ce que reflète leur inscription dans un espace réel ou symbolique dont la dame est la souveraine attitrée ainsi que la variété des registres dans lesquels elles s’illustrent. La voix des femmes se fait dès lors entendre avec une vigueur qui trace une ligne continue entre les comédies et les tragédies de l’auteur.
Abstract
Contrarily to readings traditionally centered on Alidor and Dorante, this article studies the physiognomy and the role of female characters in the three comedies of Corneille included in the program. The various figures that can be identified in it testify to the close ties between them and their male partners, but also to the influence that liars and other extravagant women exert on them. Women in love more particularly play a decisive part in the dramatic progression, which reflects their inscription in a real or symbolic space whose queen is the designated sovereign as well as the variety of registers in which they distinguish themselves. The voice of women is heard with a vigor that draws a continuous line between the author’s comedies and his tragedies.
Si les trois comédies agrégatives sont dominées par deux personnages masculins que leur singularité rend particulièrement remarquables, comme le soulignent les titres choisis par l’auteur (La Place royale ou l’Amoureux extravagant et Le Menteur), les figures féminines n’en jouent pas moins un rôle crucial, qu’elles se situent au premier ou au second plan et que leurs attitudes ou leurs paroles contribuent à la progression dramatique ou à l’élaboration d’une esthétique spécifique. À la lumière des récentes et stimulantes analyses de Jennifer Tamas au sujet de certaines des héroïnes majeures de la littérature classique et du regard presque exclusivement masculin trop longtemps porté sur elles1, il semble en effet pertinent à partir de ces exemples de faire une lecture sinon féministe du moins féminine2 de la comédie cornélienne en adoptant le point de vue des personnages correspondants. De nombreux traits conduisent à interpréter les jeunes femmes décrites comme des êtres volontaires et indépendants, capables de concurrencer voire de supplanter leurs interlocuteurs. Angélique ainsi décide de se faire religieuse, tandis que Mélisse bâtit un monde idéal nourri par un puissant imaginaire romanesque. Quant à Clarice et Lucrèce, elles ne s’en laissent pas toujours conter et n’hésitent pas à imposer leurs vues à des partenaires peu soucieux de leur individualité.
À côté de ces véritables héroïnes, aux antipodes du cliché misogyne qui ferait d’elles de simples faire-valoir de leurs doubles masculins, se tiennent d’autres femmes encore, amies ou confidentes, pourvues de qualités analogues. Phylis (PR) défend avec force sa conception de l’amour fondée sur la libre disposition de soi et l’obtention d’un bonheur immédiat. Ce sont ensuite les astucieuses domestiques, Isabelle (M), Sabine (M) et Lyse (SM), qui inventent des stratagèmes visant à contrer les projets des amants de leurs maîtresses ou promptes à concevoir des mensonges qui se révèlent efficaces. À l’ensemble de ce personnel dramatique il convient enfin de joindre les invisibles Clarine (PR), Orphise (M) et Climène (SM), convoquées en diverses circonstances par Alidor et Dorante — confirmation de l’importance du féminin dans leur univers mental. Il est vrai que le genre de la comédie galante3, auquel se rattachent La Place royale et, à un moindre degré, les deux Menteurs, sonde le cœur des amoureux en explorant les relations complexes entre les sexes et que son réalisme relatif4 va jusqu’à montrer une constellation familiale dans laquelle les jeunes filles sont soumises à l’autorité d’un père, d’un frère ou d’un futur mari — ce qui ne les empêche pourtant pas d’affirmer leurs aspirations propres voire de s’affranchir de tout pouvoir extérieur. Corneille non seulement accorde donc aux femmes une place prépondérante dans l’économie générale de chacune de ses pièces, mais il leur confère aussi un ethos qui fait d’elles d’authentiques actrices et motrices du drame tel qu’il se déploie sur et hors de la scène.
Pour en faire la preuve, il convient d’abord de dresser une typologie des principales figures féminines dépeintes par Corneille, avant d’examiner la nature et les modalités de leurs actions, notamment vis-à-vis de la puissance incarnée par les hommes, afin de préciser la fonction symbolique qui leur est dévolue dans la dramaturgie que construisent de front les trois comédies5.
Un essai de typologie
Trois grandes catégories
Le personnel féminin tel que l’illustre le corpus se divise en trois grandes catégories : les partenaires désignées des deux protagonistes que sont Alidor et Dorante, sachant qu’il en est une seule (Angélique) pour le premier, rival de Cléandre avec qui le conflit se résout aisément grâce à un désir d’émancipation qui pousse le jeune homme à offrir son amante à celui que la liste initiale définit d’ailleurs comme son « ami » (PR, p. 82), et deux successivement pour le second (Clarice, « maîtresse d’Alcippe », M, p. 38, à qui se substitue Lucrèce à cause d’une confusion d’identité, et Mélisse, courtisée par Philiste) ; ensuite les amies des précédentes auxquelles elles s’opposent (la mouvante Phylis vs la fidèle Angélique) ou au contraire s’apparentent (les interchangeables Lucrèce et Clarice), Mélisse de son côté n’ayant aucune semblable ni concurrente ; enfin les suivantes, qu’incluent les deux Menteurs exclusivement et qui, dans le cas de Sabine et de Lyse, trouvent en Cliton un double masculin, au point de nourrir une intrigue secondaire parallèle à celle dont Dorante et Clarice puis Mélisse sont les principaux rouages.
La cartographie du féminin qui se dégage ainsi témoigne déjà de l’étroitesse des liens qui, conformément aux codes de la comédie galante et à son sens de la symétrie, unissent les deux sexes, que leurs rapports soient de l’ordre de l’amour ou de la parenté6 (Phylis et Doraste sont frère et sœur, de même que Mélisse et Cléandre, tandis que Géronte est père de Dorante) et qu’ils se déclinent sur le mode de l’accord ou du conflit. La présence des domestiques et de la trivialité qu’ils amènent dans les deuxième et troisième pièces s’explique quant à elle par les sources espagnoles auxquelles a puisé Corneille et le genre de la comédie d’intrigue dont elles relèvent en conséquence7. Mais l’existence de Cliton8 se justifie aussi et surtout par l’interprétation talentueuse que lui promettait l’acteur Jodelet, inventeur de la figure éponyme et cousine de celle que Corneille introduit à deux reprises à des fins de divertissement burlesque9. Même s’il est impossible de le prouver complètement faute d’informations suffisantes, le nombre et la physionomie des rôles en général trouvent sans doute pour partie leur origine dans la composition de la troupe à laquelle les comédies furent confiées10. Ils reflètent également l’équilibre que Corneille à l’évidence souhaite maintenir entre les différents archétypes qu’il s’emploie à réunir. À l’inconstance revendiquée par Phylis répond l’intransigeance d’une Angélique se vouant corps et âme à l’amour d’Alidor. Aussi les irrégularités du sentiment que symbolise la première mettent-elles en relief par antinomie l’unicité de la passion qu’exprime la seconde. La conversion à l’amour divin, à laquelle se résout une Angélique devenue insensible à l’amour humain, forme dès lors un contraste signifiant avec l’immanence d’une Phylis prête à épouser Cléandre que les événements ont mis entre ses bras.
Symétrie et dissymétrie
Quantitativement La Place royale repose sur un déséquilibre entre les sexes puisqu’aux quatre figures masculines (Alidor, Cléandre, Doraste et Lysis), auxquelles s’ajoutent les deux domestiques, Polymas et Lycante, correspondent seulement deux femmes, Angélique et Phylis, la dissymétrie étant aussi compréhensible en faveur de ces dernières, comme si elles seules suffisaient à représenter le pôle féminin face au masculin, qui pour faire valoir son existence nécessiterait un personnel plus abondant. Elles occupent de fait une position centrale, en particulier la première, courtisée à la fois par Alidor, Doraste et Cléandre, tandis que la seconde se définit tour à tour comme amie et confidente (d’Angélique), sœur (de Doraste) et amante potentielle (de Cléandre). Signe supplémentaire de l’importance qu’elles revêtent dans l’économie générale de la comédie : leur est attribuée la scène d’exposition (PR, I, 1), avant que Phylis ne s’entretienne avec Doraste (PR, I, 2). C’est encore Angélique qui ouvre le deuxième acte par une explosion de colère que prolonge la deuxième scène après la découverte de la lettre d’Alidor à Clarine ; et le long monologue qu’elle prononce alors (PR, II, 3, p. 106-108), suivi d’un nouveau dialogue avec Phylis (PR, II, 4, p. 108-110) prenant également part aux scènes 5 à 7 (PR, II, 5-7, p. 106-113), achève de montrer le rôle décisif qui leur est dévolu.
Dans Le Menteur, Corneille procède à un rééquilibrage au profit des femmes. Si la pièce comporte trois amants (Dorante, Alcippe et Philiste) pour deux maîtresses (Clarice et Lucrèce), et deux suivantes (Isabelle et Sabine) pour deux valets (Cliton et Lycas), ce dernier toutefois est très peu présent (M, II, 8), tandis que ses équivalents féminins le sont massivement à l’instar de Cliton11. Dans La Suite, enfin, le schéma est analogue à celui de La Place royale avec trois jeunes hommes (Dorante, Cléandre et Philiste) et une unique héroïne, Mélisse, cependant que Lyse et Cliton forment un couple équitable12.
S’il mérite d’être pris en considération, le critère numérique ne saurait pour autant être le seul à diriger l’analyse, car les personnages féminins possèdent une force axiologique, qui excède même les distinctions usuelles. Le corpus couvre un vaste spectre qui va de l’inconstance assumée à la dévotion amoureuse en passant par un relativisme lié à l’acceptation d’une réalité fluctuante. L’auteur dote néanmoins certaines de ces figures d’une notable originalité en adéquation avec ses deux héros, dont elles sont de possibles inspiratrices plutôt que l’inverse, contrairement à ce qu’une lecture superficielle le laisserait penser.
L’extravagante et la menteuse
Angélique est à sa façon une extravagante13 dans la mesure où elle reste obstinément attachée à un homme qui à l’évidence n’a aucun avenir à lui offrir : « Vois-tu, j’aime Alidor, et cela c’est tout dire » (PR, I, 1, v. 35, p. 85), assène-t-elle avant de répondre à Phylis, chantre de l’inconstance, que celle-ci est incompatible avec le véritable amour, qui suppose un don inconditionnel de soi : « Simple, tu ne sais pas ce que c’est que tu blâmes, / Et ce qu’a de douceurs l’union de deux âmes » (PR, I, 1, v. 90-91, p. 87). À la vision romanesque que développe l’héroïne s’oppose donc le pragmatisme de la seconde, qui cherche avant tout son plaisir et fuit les désagréments de la tyrannie ou de la jalousie : « Ainsi tout contribue à ma bonne fortune, / Tout le monde me plaît, et rien ne m’importune » (PR, I, 1, v. 66-67, p. 86). Si la souplesse de Phylis14 heurte ce qu’a en soi de satisfaisant l’idéologie angélique, elle n’en souligne pas moins ce qu’a de déraisonnable le refus de l’héroïne d’épouser finalement Doraste, qui constitue un bon parti, au nom de l’exclusivité de son amour pour Alidor, fût-elle à jamais séparée de lui. Le rival malheureux et dépité ne manque d’ailleurs pas de signaler la similitude de leurs tempéraments lorsque la jeune fille repousse violemment Alidor, qui implore sa mansuétude après une nouvelle fourberie (PR, V, 7, v. 1506-1509, p. 174).
Mélisse mérite à son tour d’être qualifiée d’extravagante en raison de sa propension à vivre dans un monde imaginaire, qui emprunte à l’univers romanesque son lot de lettres, de secrets et de déguisements. Remis à Dorante, son portrait est le gage même d’un amour sans réserve, comme l’atteste encore la théorie qu’expose la jeune fille de liens déterminés par « les ordres du ciel » (SM, IV, 1, v. 1221, p. 239). En aliénant son cœur à un inconnu à travers l’envoi d’argent et de cadeaux, elle fait preuve d’une audace étonnante au regard des conventions sociales et des règles du jeu amoureux, qui confèrent à la dame le privilège de se laisser courtiser. À l’instar de Clarice vis-à-vis d’Alcippe (M, II, 2, p. 64-67), elle n’hésite pas à substituer à son courtisan attitré, Philiste, celui qui a désormais sa préférence, et le fait en des termes assez crus (« il n’est bon qu’à noyer », SM, II, 3, v. 554, p. 197), qui témoignent de sa force décisionnaire. Puis, en dissimulant son apparence pour mieux éprouver la sincérité de son nouvel amant, avant de se découvrir par surprise (SM, III, 3, p. 223-229), elle mêle habilement le vrai et le faux et devient ainsi la maîtresse du jeu théâtral, qui fait l’objet d’une remarquable mise en abyme.
Dorante ne saurait donc avoir l’apanage du mensonge et de ce qu’il a de fructueux pour la progression de l’intrigue autant que pour la production de situations propices à la théâtralité. Avant que Mélisse n’amplifie le phénomène selon les modalités précédemment décrites, Clarice et Lucrèce brouillent les cartes en se faisant passer l’une pour l’autre, ce qui donne lieu à une véritable petite comédie, dont le sel est accru par le savoir du spectateur et le jeu des apartés (M, III, 5, p. 95-103). À Orphise est également prêtée une aptitude à l’invention qui lui permet de trouver une issue à une cascade de hasards malencontreux. Aux gestes d’une incroyable rapidité qu’elle accomplit pour dissimuler à son père la présence embarrassante d’un amant dans sa chambre s’ajoute la « réponse adroite » (v. 629) par laquelle elle échappe au mariage qu’il souhaite lui imposer. La jeune fille est certes la créature de Dorante, qui la conçoit logiquement à son image au point de louer en elle l’« esprit » et l’« art » (v. 623, p. 78) dont lui-même est pourvu ; il n’en reste pas moins que ces qualités semblent être parfaitement compatibles avec la nature féminine telle que la saisit la comédie cornélienne.
Enfin les prénoms que le dramaturge attribue à ces figures reflètent leur particularisme, notamment ceux d’Angélique et de Mélisse, qui, sans être des cas uniques dans le répertoire des comédies galantes au xviie siècle, ne sont pas d’un usage aussi fréquent que Phylis par exemple15, tandis que les personnages masculins reçoivent des modes de désignation sinon identiques (les deux Cléandres de La Place royale et de La Suite) du moins comparables (Doraste et Dorante). Quant à Lucrèce, elle est directement dérivée de son modèle espagnol, la Lucrecia de La Vérité suspecte d’Alarcón, cependant que Jacinta devient Clarice en une appellation plus convenue, quasi semblable à celle de Clarine, la présumée rivale d’Angélique.
Une observation attentive des femmes qui peuplent nos pièces vient donc bousculer certains des stéréotypes attachés à des personnages trop souvent tenus pour être des victimes impuissantes, et invite à évaluer leur force de frappe ainsi que l’influence effective qu’elles exercent sur la conduite des intrigues.
Des héroïnes actives
De fait, les héroïnes cornéliennes produisent des actions qui déterminent le cours des événements, ce qui atteste leur capacité à se soustraire au pouvoir dont se réclament volontiers les hommes. Angélique et Phylis sont certes prises au piège que leur tendent Alidor et Cléandre après que la première des deux, passés le courroux et la tristesse provoqués par la révélation de la prétendue trahison de son amant, se fut laissée convaincre par un enlèvement prélude — croit-elle — à un mariage honorable. Mais, comme on le sait, la situation se transforme, de sorte que le silence auquel est réduite Phylis (« Cléandre enlève Phylis, et lui met d’abord la main sur la bouche », PR, IV, 4, p. 148) devient paradoxalement une arme contre la brutalité masculine en privant les ravisseurs d’une claire conscience de leurs actes. Angélique se trouve dès lors physiquement et affectivement libérée des entraves de l’amour et capable de choisir son destin — une évolution qui conduit à réinterpréter le dénouement. Se tourner vers Dieu n’est pas tant une réaction de dépit qu’une décision mûrement réfléchie, par laquelle la jeune fille dame le pion à un partenaire prisonnier d’un idéal de liberté qui est en fait un asservissement à l’amour-propre. Les deux brefs discours par lesquels la future religieuse s’explique (PR, V, 7, v. 1510-1519, p. 175 et v. 1545-1553, p. 176-177) se caractérisent par une force de conviction qui va même croissante puisqu’elle réfute les arguments de Phylis en faveur d’une réconciliation qui serait à ses yeux une compromission. La succession des phrases déclaratives, assorties du futur de l’indicatif et du pronom de première personne sujet de verbes d’action ou de volonté, marque stylistiquement l’affirmation de soi et la conquête d’une nouvelle liberté, contradictoire dans les termes, car elle se réalise au sein d’un « cloître » (PR, V, 7, v. 1516 et 1548, p. 175-176) qui dit l’enfermement.
Dans Le Menteur et La Suite, les personnages féminins constituent également un moteur décisif de l’action dramatique. Si les mensonges de Dorante lui confèrent un rôle éminemment actif, ils n’en sont pas moins dictés par sa mythomanie, mais aussi par son amour pour celle qu’il croit s’appeler Lucrèce et qui est en vérité Clarice. Cette erreur dessert d’autant plus les intérêts du jeune homme que les deux amies, sur les conseils de la malicieuse Isabelle (M, II, 2, v. 450-458, p. 66), intervertissent leurs places pour s’adresser à lui, l’obscurité de la nuit aidant. Tout juste arrivé à Paris, le héros apparaît soucieux de plaire à la gent féminine et enclin à se prêter au jeu de la galanterie, que traduit entre autres un art consommé du compliment, comme l’illustre après la savante leçon de Cliton (M, I, 1, v. 86-96, p. 42-43) la scène 2 du premier acte, au cours de laquelle Dorante s’efforce de séduire la fausse Lucrèce (M, I, 2, p. 44-45). Mais, malgré les avertissements de son valet, qui juge à raison Clarice « la plus belle des deux » (M, I, 4, v. 206, p. 49), le protagoniste s’entête à affirmer le contraire et devient donc la victime de ses illusions. Si Clarice est d’abord dupe de ses « menteries » (M, I, 3, p. 46-48), elle se montre ensuite sceptique, avant de comprendre que ces récits sont le fruit de son imagination (M, III, 3, p. 90-94) ; et sa domestique l’y aide en démêlant l’écheveau de fils noués par l’ingénieux pour attirer la jeune fille (M, III, 3, v. 858-876, p. 91-92). En différenciant mal ses deux interlocutrices, il signale la fragilité de son appréciation et subit les conséquences de mensonges involontaires, au point de consentir finalement au mariage avec Lucrèce, qu’il n’a pourtant jamais aimée. Clarice, quant à elle, fait preuve de circonspection lorsqu’elle explique vouloir « connaître dans l’âme » (M, II, 2, v. 423, p. 65) celui qui lui est destiné, afin de s’assurer un mariage harmonieux et sans savoir encore qu’il s’agit de son amant — le tout au mépris de son engagement envers Alcippe, qu’elle conserve néanmoins en cas de défaillance du précédent (M, II, 2, v. 443-449, p. 66). Elle semble donc avoir les cartes en main et s’affranchir sans peine de l’autorité masculine, même si au dénouement elle se déclare prête à obéir à son père (M, V, 7, v. 1783, p. 157).
Mélisse agit encore d’une autre façon sur le cours des événements. Par l’envoi de missives accompagnées de « pistoles » (SM, I, 2, lettre en prose, p. 170) et de « douceurs » (SM, II, 6, v. 701, p. 205) — des fruits secs (II, 6, v. 703, p. 205) et des « confitures » (SM, II, 3, v. 588, p. 199), auxquels s’ajoute une miniature « enrichie » de « quatre diamants » (SM, II, 6, v. 731, p. 207) — elle fait naître chez Dorante un amour inattendu et l’espoir d’une libération qu’il finit par obtenir (SM, IV, 4, p. 248-251). Elle ne saurait pour autant jouir d’une parfaite autonomie, non seulement parce que la passion née aussi en son cœur est le résultat des manœuvres d’un Cléandre désireux à travers sa sœur de marquer sa reconnaissance à celui qui purge à sa place une peine de prison, mais aussi parce que la décision de la rupture ne lui appartient pas (SM, V, 3, p. 269-274), avant que la jeune fille ne reçoive l’assentiment général pour son union avec Dorante (SM, V, 5, p. 276-277).
L’autorité que les hommes, pères, frères ou fiancés, exercent sur les femmes des trois pièces est par conséquent très relative (SM, p. 192-193), et le pouvoir qu’elles acquièrent perceptible jusque dans la configuration de l’espace scénique.
Une fonction symbolique constitutive de la dramaturgie des pièces
Lieux et personnages
Le pilier que constitue le personnage d’Angélique dans l’architecture de La Place royale et la marche de son intrigue se marque à la physionomie des lieux décrits par l’auteur. La maison qu’habite l’héroïne, et qui se situe sur la place même, est clairement visible, de l’extérieur lorsque Doraste (PR, III, 2, v. 630, p. 122) puis Alidor (PR, III, 6, v. 906, p. 137) en sortent, de l’intérieur au moment où la jeune fille se réfugie dans « son cabinet » (PR, III, 5, v. 893, p. 136) pour y éclater en sanglots après une nouvelle altercation avec son amant. Le titre par lequel la pièce est désignée témoigne déjà du caractère crucial de l’espace dans la progression dramatique et les relations entre les protagonistes, comme le souligne du reste la spatialisation du lien amoureux chère au langage de la galanterie et présente sous la plume de Corneille16, de sorte qu’existe un rapport métonymique entre la dame aimée et l’endroit qu’elle occupe. Aussi, en référence au topos de la servitude amoureuse, Alidor qualifie-t-il de « douce prison » (PR, I, 4, v. 188, p. 92) Phylis que courtise Cléandre et, par capillarité, son logis même « dans la place Royale » (v. 186), dont elle semble être la souveraine. Car, comme on le sait, l’objectif réel de Cléandre est de se rapprocher d’Angélique, l’amie et voisine de la précédente (PR, I, 3, v. 164-169, p. 91). En apparaissant de nouveau chez elle (PR, III, 6, v. 778, p. 130), Alidor, de son côté, espère reprendre possession de sa maîtresse, qui s’est éloignée de lui à la suite d’une apparente et coupable proximité avec une rivale ; et la stratégie s’avère être payante puisque l’héroïne accepte un rapt selon elle de bon augure. L’entreprise conduite par Alidor, qui consiste à céder littéralement Angélique à Cléandre, achève d’illustrer l’identification du lieu à celle qui y réside. Enfin la décision de la jeune fille d’entrer au couvent, à l’abri des amères déceptions que lui aura values son expérience cruelle auprès d’un perfide amant, substitue à la « place royale », sur laquelle l’angélique était destinée à régner, le « cloître », qui matérialise son renoncement au monde en ravivant le sens originel du prénom qu’elle porte. De fait, la place Royale non seulement indique la localisation d’Angélique en offrant à la comédie éponyme une dimension référentielle17 ; mais elle renvoie aussi métaphoriquement au cœur de la dame, que chacun de ses soupirants souhaite atteindre18. Son remplacement par un espace clos constitue donc une rupture franche, qu’entérine l’« Adieu » (PR, V, 7, v. 1553, p. 177) adressé à tous les autres personnages réunis : à l’amour humain succède l’amour divin et à la terre le ciel. Il est néanmoins possible de déceler dans ce processus une forme de continuité, car la passion initiale d’Angélique est de l’ordre du sacrifice et n’admet au fond d’autre alternative que la vie contemplative.
Le Menteur accorde lui aussi aux lieux une importance capitale et noue un lien étroit entre eux et celles auxquelles ils sont identifiés, notamment grâce à l’emploi de fenêtres qui assurent le passage du dedans vers le dehors, comme le montre la scène 5 de l’acte III(M, p. 95-103), au cours de laquelle Dorante parle à Lucrèce en croyant s’adresser à Clarice. À l’échelle de la pièce, le dispositif est également compliqué par la succession de deux décors distincts, le jardin des Tuileries (M, I), une aire de promenade prisée du Paris élégant de l’époque, là même où se trouve le palais conçu pour Catherine de Médicis face au Louvre, et de nouveau sur la place Royale (M, II-V).
Enfin la prison qui retient captif le Dorante de La Suite, et dont il finit par sortir, repose sur une syllepse de sens, par laquelle sont désignés à la fois l’espace concret de la geôle et, de manière topique et métaphorique, l’asservissement à l’amour19 vis-à-vis d’une charmante étrangère dont il reçoit lettres et attentions. Mélisse, qui tient son nom du grec mέλισσα, « abeille » — la plante éponyme étant réputée pour son agréable parfum de citron et ses vertus médicinales — parvient donc à adoucir au propre comme au figuré un séjour d’autant plus pénible au condamné qu’il n’est pas coupable. La place Bellecour à Lyon, sur le chemin de l’Italie, un pays auquel est associée une vaste littérature pastorale20, résonne à son tour de connotations galantes (belle cour) en suggérant l’attitude noble du héros à l’égard de la dame qu’il courtise. Tel est d’ailleurs le comportement de Philiste envers Mélisse malgré les réserves que formule cette dernière (SM, II, 1, v. 447-462, p. 192-193) ainsi que celui de son rival (SM, V, 3, v. 1692-1730, p. 271-272) en dépit de sa défection au profit de celui qui l’a généreusement accueilli.
Il est un ultime argument qui plaide en faveur d’une féminisation de l’espace et de l’action construits par les trois comédies de Corneille : la chaîne des amours (non—)réciproques, dont les héroïnes forment un maillon essentiel, se déploie sur un axe syntagmatique et symbolique sujet à des évolutions qui équivalent à des déplacements, comme le montrent les schémas suivants.
PR : Doraste/Cléandre → Angélique ↔ Alidor / Cléandre ↔ Phylis + Angélique / Alidor
M : Alcippe → Clarice → Dorante / Alcippe ↔ Clarice + Dorante ↔ Lucrèce
SM : Philiste → Mélisse ↔ Dorante / Mélisse ↔ Dorante + Philiste
C’est enfin au moyen de la parole, comme nous l’avons déjà en partie relevé, que les personnages féminins existent dans le champ dramatique, soulignant ainsi le caractère essentiellement logocentrique du théâtre classique.
La voix des femmes
Les types de discours qui leur sont confiés ne diffèrent foncièrement pas de ceux des hommes (la rhétorique judiciaire est commune aux deux sexes21, de même que la déploration causée par un amour insatisfait22) ; ce sont plutôt les arguments formulés et parfois même les registres employés qui creusent une identité spécifique permettant aux intéressées de faire fi d’une manière ou d’une autre de la domination masculine. Avant que Lucrèce, Clarice et Mélisse ne leur emboîtent le pas, Phylis et Angélique — la seconde selon des modalités plus complexes — tâchent en effet d’ignorer les contraintes que fait peser sur les femmes une société patriarcale transposée sur la scène suivant le principe de la mimèsis qui préside à la comédie galante telle que la conçoit Corneille23. Phylis argue de la liberté de son cœur pour refuser un amour unique, et la profession de foi qu’elle fait entendre se fonde soit sur un vers sentencieux par lequel elle invite Angélique à suivre son exemple (« Au lieu d’un serviteur c’est accepter un maître », PR, I, 1, v. 51, p. 86) soit sur une phrase déclarative renvoyant clairement à sa personne (« Mon cœur n’est à pas un en se donnant à tous, / Pas un d’eux ne me traite avecque tyrannie », PR, I, 1, v. 69-70, p. 86). Phylis paraît même plus libre qu’Alidor dans la mesure où elle ne s’interdit pas le bonheur promis par le mariage ; et, après avoir fait taire les inquiétudes de son frère (PR, V, 5, v. 1430-1442, p. 170-171), elle obtient aussitôt l’assentiment parental (PR, V, 7, v. 1478-1479, p. 173), sans même d’ailleurs qu’il soit nécessaire de rendre visibles ceux qui l’expriment. La servitude volontaire à laquelle elle consent de bonne grâce l’apparente à Angélique, qui en décidant de devenir religieuse choisit l’objet de son amour, tandis que la victoire finale célébrée par Alidor (PR, V, 8, p. 177-178) est un mirage qui accentue la soumission à soi et à une idéologie aliénante.
Sur le modèle de Phylis, Corneille place dans la bouche de Clarice des formules généralisantes à l’image de celle par laquelle elle éconduit un Dorante jugé trop intrusif (« Un cœur qui veut aimer, et qui sait comme on aime, / N’en demande jamais licence qu’à soi-même », M, I, 3, v. 194-195, p. 48) ou encore celle à travers laquelle elle résume la stratégie de son interlocuteur (« Un menteur est toujours prodigue de serments », M, III, 5, v. 972, p. 97), montrant ainsi qu’elle ne saurait être dupe de ses fausses promesses. Le caractère d’universalité de ces propos permet aux héroïnes de considérer avec une distance lucide et ironique la logique des faits dont Dorante croit à tort être le maître.
Le rôle du langage dans Le Menteur est d’autant plus crucial que l’intrigue est presque tout entière déterminée par les prises de parole successives du protagoniste. Celles qu’il courtise et trompe à la fois usent donc également des armes que leur fournissent les mots pour réagir aux narrations qu’élabore le jeune homme et qu’elles ont auparavant réussi à démêler. Elles le font avec une remarquable franchise, notamment lorsqu’elles mettent leur interlocuteur devant ses propres contradictions en soulignant l’écart entre le dire et le faire : « Un homme qui se dit un grand foudre de guerre, / Et n’en a vu qu’à coups d’écritoire ou de verre » (M, III, 5, v. 985-986, p. 98). Dorante s’apparente alors à un soldat fanfaron contraint de travestir une pâle vérité — celle d’un étudiant de province en mal d’aventures — afin de séduire les dames qu’il rencontre dans les endroits les plus appréciés de la capitale. Mélisse enfin n’hésite pas à écarter d’un revers de la main Philiste, comme l’avait fait Clarice face à Alcippe, pour privilégier Dorante, et le jugement sévère qu’elle prononce est la marque de la puissance qu’elle s’est acquise : « S’il craint, c’est que l’amour trop avant ne l’engage. / Il voit souvent mon frère, et ne parle de rien » (SM, II, 1, v. 464-465, p. 193). Plus encore, c’est elle qui définit l’issue de la pièce d’abord en signifiant à Philiste que son union avec Dorante est approuvée de Cléandre (SM, V, 5, v. 1813-1838, p. 276-277), puis en suscitant entre les trois hommes une ultime passe d’armes qui se résout dans la concorde et la reconnaissance mutuelle (SM, V, 5, v. 1839-1895, p. 277-279). Sa dernière réplique, « Vous m’avez fait trembler pour croître mon honneur » (SM, V, 5, v. 1896, p. 279), vient couronner une paix collective que le mariage annoncé achèvera de rendre heureuse.
Une palette de registres variés
Le rire est aussi l’instrument par lequel les héroïnes s’efforcent de vaincre des partenaires qui ne sont pas prêts à perdre du terrain. Tel est en particulier le cas de Phylis exhortant son frère déçu par l’amour à ne pas sombrer dans la tristesse et affichant une bonne humeur qu’elle espère communicative (PR, I, 2, p. 89-90). Ironiser sur l’attitude usuelle de l’amant désespéré par une passion unilatérale conduit plus largement à bousculer les codes de la galanterie. Or ce travail incombe surtout aux suivantes, qui en raison de leur statut social jouissent d’une plus grande liberté de ton que leurs maîtresses, soumises quant à elles aux règles de civilité inhérentes au genre de la comédie sentimentale. Sur le mode trivial, Lyse tient la dragée haute à Cliton et le ridiculise à coup de répliques construites à rebours des flatteries traditionnellement inspirées par l’amour. Si le valet use de paroles flatteuses, son interlocutrice se hâte de le dépeindre sous les traits d’un « perroquet » « tout vert et rouge » faisant entendre son « caquet » depuis sa « cage » (SM, I, 2, v. 209-210, p. 174) — en une version burlesque de la prison métaphorique dans laquelle se tient un protagoniste captif d’une passion sublime. La parodie que la domestique de Mélisse offre ensuite du discours enflammé entendu de la bouche des amants (SM, I, 2, v. 224-226, p. 176) rend la critique plus franche encore, avant que la « belle railleuse » (SM, I, 2, v. 249, p. 178) ne réponde vertement aux sollicitations d’un Cliton qui ne saurait se satisfaire du « cœur » et de « l’âme » (SM, V, 1, v. 1622, p. 266).
À l’autre extrémité du spectre, la colère et la combativité d’Angélique (PR, II, 3, p. 106-108) hissent la comédie au niveau de la tragédie avec ce qu’elle implique de grandeur et de courage. Les discours successifs que prononce l’héroïne en réaction aux douleurs infligées par les traîtrises d’Alidor (PR, II, 2-4, p. 102-110 ; III, 5-6, p. 129-137 ; IV, 8, p. 158-159 ; V, 7, p. 173-177) sont empreints d’un pathétique qui contribue à faire d’elle un personnage puissant ; mais ils sont également marqués du sceau des vertus chères à Corneille que sont l’« honneur » (PR, III, 3, v. 683 et 686, p. 124 ; III, 6, v. 869, p. 134, etc.) et la gloire, en particulier lorsque la jeune femme se convertit à l’amour céleste. Elle le fait avec une sobriété et une autorité qui laissent préfigurer les déclarations tout aussi dignes de Théodore « vierge et martyre » : « Dieu de la pureté, que vos lois sont bien autres24 ! », s’exclame-t-elle en écho aux paroles d’Angélique, qui invoque elle-même un pouvoir incommensurable (« L’âme ne goûte point ailleurs de vrais plaisirs », PR, V, 7, v. 1549, p. 177). Phylis emploie un vocabulaire militaire afin de la convaincre de répondre à la trahison (prétendue) d’Alidor (PR, II, 4, v. 484, p. 110). Dans la guerre des sexes que constitue l’amour, les femmes mènent volontiers le jeu, comme le montre par exemple la franchise mêlée d’insolence et de désinvolture de Phylis à l’égard de ses deux amants réunis (PR, II, 7, p. 114-119). C’est ensuite au tour de Clarice de faire valoir le pouvoir qu’elle s’octroie en rétorquant à Dorante qui, à mots couverts, s’est permis de solliciter quelques privautés : « Un cœur qui veut aimer, et qui sait comme on aime, / N’en demande jamais licence qu’à soi-même » (M, I, 3, v. 193-194, p. 48). Loin des douceurs de l’amour courtois, il arrive donc que les rapports des femmes aux hommes se durcissent jusqu’au point de non-retour que constitue dans certains cas une séparation ferme et douloureuse ; et là encore les premières prennent souvent l’initiative en soumettant les seconds à leurs désirs.
Adopter le point de vue des personnages féminins permet de renouveler en profondeur le regard porté sur les trois comédies de Corneille voire de formuler l’hypothèse d’une dramaturgie sinon féministe du moins essentiellement féminine. Non seulement en effet les figures correspondantes contribuent de façon décisive, et souvent même plus que leurs partenaires masculins, à la progression des intrigues ; mais elles s’imposent aussi par leur force de caractère, qu’une première approche tend à éclipser. Il semble donc que l’auteur prenne résolument le parti des femmes en un temps où leurs défenseurs et leurs détracteurs se livrent une rude bataille par plumes interposées. Aussi, et malgré la fascination que lui inspire Dorante, Corneille s’excuse-t-il par avance de l’inconvenance du jeune homme à l’égard du beau sexe : « si les dames trouvent ici quelques discours qui les blessent, je les supplie de se souvenir que j’appelle extravagant celui dont ils partent, et que par d’autres Poèmes j’ai assez relevé leur gloire, et soutenu leur pouvoir » (PR, p. 80).
Notes
Au non des femmes : libérer nos classiques du regard masculin, Paris, Seuil, « La Couleur des idées », 2023.
Voir à ce sujet l’étude de Constant Venesoen, Corneille apprenti féministe. De Mélite au Cid, Paris, Minard, « Archives des lettres modernes », 1986.
Nous la caractérisons de la manière suivante : l’amour y est traité selon les codes de la galanterie, qui se combinent avec le schéma de la chaîne des amours non-réciproques, le décor urbain remplaçant le cadre champêtre lui-même associé à la tradition pastorale.
Corneille déclare rétrospectivement dans son « Examen » de Mélite (1660) : « La nouveauté de ce genre de Comédie, dont il n’y a point d’exemple en aucune Langue, et le style naïf [= simple, naturel], qui faisait une peinture de la conversation des honnêtes gens, furent sans doute cause de ce bonheur surprenant, qui fit alors tant de bruit » (Œuvres complètes, t. 1, éd. G. Couton, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1980, p. 5-6).
Nous formulons en effet l’hypothèse d’une poétique de la comédie cornélienne qu’il serait possible de dégager des trois pièces au programme.
Voir à ce sujet l’ouvrage de Liliane Picciola, Corneille et la dramaturgie espagnole, Tübingen, Narr, « Biblio 17 », 2002, p. 105-144.
Dans sa première comédie, Mélite, ou les fausses Lettres (1633), Corneille avait déjà introduit un personnage secondaire nommé Cliton.
Il est d’ailleurs fait explicitement référence à Jodelet par la voix de Cliton (SM, I, 3, v. 281, p. 180 ; III, 1, v. 826, p. 215).
Voir à ce sujet l’article de Marc Douguet « Chaîne amoureuse et réseau de personnages : pratique de l’intrigue comique chez Corneille » dans Pensée et pratique de l’intrigue comique. France-Italie, xvie-xviiie siècles, 2020 : https://www.fabula.org/colloques/documents6534.php.
Le mot extravagant est défini en ces termes dans le Dictionnaire universel de Furetière (1690) : « Fou, impertinent, qui dit et fait ce qu’il ne faudrait pas qu’il dît ni qu’il fît ».
Son prénom même, du grec philein, « aimer », souligne sa disposition à l’amour, qu’il soit ou non réciproque.
On trouve par exemple dans la comédie pastorale de Rayssiguier La Célidée sous le nom de Calirie ou de la générosité d’amour (1635) un personnage du nom de Mélissée.
On y trouve en effet des expressions telles que aimer ailleurs ou aimer en autre/même lieu, présentes chez Corneille (SM, IV, 2, v. 1339, p. 245 ; SM, IV, 4, v. 1420, p. 250).
Voir à ce sujet l’article de Gabriel Conesa « Corneille et la “mimèsis” comique », Littératures classiques, vol. XI, 1989, p. 151-169 : https://www.persee.fr/doc/licla_0992-5279_1989_num_11_1_1204.
Voir à ce sujet l’article de Patrick Dandrey « Une comédie ‛extravagante’. à propos de La Place royale de Pierre Corneille » : Agrégations 2025. Corneille, «La Place Royale” | Patrick Dandrey.
Dorante affirme ainsi à Philiste qu’il a reçu la visite d’une « lingère » dont il aurait fait la connaissance « allant en Italie » (SM, III, 4, v. 1097, p. 230). Il raconte d’ailleurs à Cliton dès le début de la pièce qu’il a préféré s’enfuir plutôt que d’épouser Lucrèce : « L’argent me fait résoudre à courir l’Italie » (SM, I, 1, v. 48, p. 163).
Angélique et Phylis exposent de façon argumentée leurs conceptions respectives de l’amour (PR, I, 1, p. 83-87), avant que Cléandre et Alidor ne fassent de même (PR, I, 4, p. 90-96).
La dimension pathétique est ainsi commune à Mélisse (SM, V, 3, p. 269-274) et à Alcippe (M, II, 4, p. 73).
Théodore vierge et martyre [1646], III, 1, v. 759, p. 303 dans Œuvres complètes, t. 2, éd. cit., 1984.
Table des matières
Le bestiaire d’amour de Richard de Fournival, un chant d’amour ironique?
Les personnages féminins dans les trois comédies de Corneille
« Rien de plus cher que la chanson grise... » : indécision et hésitation dans la syntaxe de De la littérature de Madame de Staël
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