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En 1695, dans ce même recueil d’Œuvres mêlées où paraissent ses deux premiers contes de fée, Mlle L’héritier publie une lettre, destinée à présenter le nouveau genre à la mode :

On voit de petites histoires répandues dans le monde, dont tout le dessein est de prouver agréablement la solidité des proverbes. Nos ancêtres, qui étaient ingénieux dans leur simplicité, s’apercevant que les maximes les plus sages s’impriment mal dans l’esprit, si on les lui présente toutes nues, les habillèrent, pour parler ainsi, et les firent paraître sous des ornements. Ils les exposèrent dans de petites histoires qu’ils inventèrent, ou dans le récit de quelques événements qu’ils embellirent ; et comme ces récits n’avaient pour but que l’instruction des jeunes gens, et qu’il n’y a que le merveilleux qui frappe bien vivement l’imagination, ils n’en furent pas avares ; les prodiges sont fréquents dans leurs fables. […] Des faits bizarres pour la plupart, des proverbes épurés aux rayons du bon sens, voilà pour vous d’amples sujets de réfléchir et de moraliser ! J’ai été charmée que la mode entrât si bien dans votre goût […]. Je me souviens parfaitement combien vous vous étonniez qu’on ne s’avisât point de faire des Nouvelles, ou des Contes, qui roulassent sur ces maximes antiques : on y est enfin venu […]1.

« Prouver agréablement la solidité des proverbes », tel serait donc le « dessein » des contes de fée ; et Mlle L’héritier d’en offrir une double illustration, puisque son conte intitulé « L’adroite princesse ou les aventures de Finette » « roule sur deux proverbes », à savoir « Défiance est mère de sûreté » et « Oisiveté est mère de tous vices », tandis que « Les Enchantements de l’éloquence » illustre la maxime selon laquelle « Beau parler n’écorche point langue ». Le conte apparaît alors comme une transposition littéraire du jeu des proverbes tel qu’on le trouve pratiqué à cette date dans les salons ; dans Les Récréations galantes, Charles Sorel mentionne ainsi, parmi les six variantes du jeu qu’il répertorie2, le « jeu des histoires ou fables racontées sur chaque proverbe » : « l'on peut faire choisir à chacun son proverbe, et là-dessus l'on vous obligera de conter quelque histoire ou quelque fable sur ce sujet, comme - si l'on a dit, qui trop embrasse mal étreint, l'on doit conter là-dessus l'histoire de quelque homme qui a eu plusieurs desseins, et qui n'en a pu faire réussir aucun3 ». Sans doute l’origine salonnière des contes éclaire-t-elle cette parenté entre le jeu des proverbes et le conte de fée à la manière de Mlle L’héritier, mais celle-ci rappelle aussi la manière d’autres conteurs : qu'on songe par exemple au Pentamerone de Basile dont chaque histoire se conclut sur un proverbe en vers.

 

Les contes de Perrault et de Mme d’Aulnoy roulent-ils, comme ceux de Mlle L’héritier, sur des proverbes ? Un dicton figure certes dans la seconde moralité de « La Belle au Bois dormant » :

La fable semble encor vouloir nous faire entendre,
Que souvent de l'hymen les agréables nœuds,
Pour être différés n’en sont pas moins heureux
Et qu'on ne perd rien pour attendre4.

Mais « cette morale » est aussitôt refusée par le conteur, qui explique : « le sexe avec tant d’ardeur/ aspire à la foi conjugale /que je n’ai pas la force ni le cœur/ de lui prêcher cette morale ». Il faut dire que les aventures de la Belle qui épouse, après l’avoir attendu cent ans, le fils d’une ogresse lequel s’empresse de l’abandonner avec ses deux jeunes enfants aux mains de sa mère, offrent du proverbe une illustration pour le moins problématique. L’on trouverait également dans « Le petit Poucet » un écho à la sagesse proverbiale lorsque l’ogre « s’étant éveillé sur le minuit eut regret d’avoir différé au lendemain ce qu’il pouvait exécuter la veille » (p. 301), mais il est difficile d’y voir la leçon sur laquelle roulerait le conte…

L’enquête n’est guère plus fructueuse du côté de Mme d’Aulnoy. Un proverbe figure toutefois dans « La Princesse Printanière », au cœur de la déclaration que l’héroïne adresse à son prince charmant : « honni soit qui mal y pense » (p. 142), déclare-t-elle avant de lui exposer son projet amoureux qui consiste à prendre la fuite ensemble. Si l’expression sert à blâmer celui qui verrait quelque chose d’ambigu ou de scabreux dans les actes ou les propos les plus honnêtes, ne fonctionne-t-elle pas ici, dans un conte qui joue constamment de l’équivoque licencieuse, à la manière d’une antiphrase qui nous invite à l’inverse à repérer les ambiguïtés des conduites et celles du récit ?

L’enquête semble tourner court. Pour autant, le jeu évoqué par Mlle L’héritier est-il absent des contes de Mme d’Aulnoy et de Perrault ? Rappelons qu’au 17e siècle, le terme de proverbe désigne aussi bien un dicton, une sentence familière, qu’une expression imagée, entrée dans la langue courante. Ainsi Perrault, dans le Parallèle des Anciens et des Modernes, appelle proverbe le dicton « à gens de village trompette de bois5 », mais aussi une expression comme « donner un soufflet à Ronsard6 ». Dictons et expressions figurées entrées dans la langue courante forment la langue proverbiale, que le terme de proverbe sert souvent à désigner. Et s’il convient d’étendre notre enquête à la langue proverbiale, c’est que Perrault lui-même a plusieurs fois attiré l’attention sur sa fécondité. Ainsi, dans l’éloge qu’il propose d’un auteur moderne dont il admire l’art de plaisanter en honnête homme, à savoir Vincent Voiture :

Il est entré dans les écrits de Voiture, soit en prose soit en vers, une certaine naïveté et une sorte de plaisanterie d’honnête homme qui n'avaient pas d'exemple et dont toute l’Antiquité la plus polie ne fournit point de modèle. Les moindres choses devenaient précieuses en passant par ses mains. Les proverbes même, qui en notre langue avilissent presque toujours le discours, donnaient au sien du prix et de l'agrément quand il avait l'occasion de les mettre en œuvre7.

On songe à la fameuse « Lettre de la carpe au brochet » dans laquelle Voiture s’adressant au futur prince de Condé décline au moins une dizaine d’expressions en lien avec l’eau et les poissons8. Voiture est pour toute une génération l’exemple d’une utilisation ingénieuse, galante, de la langue proverbiale. Perrault lui-même a largement puisé dans la langue proverbiale pour les deux ouvrages en style burlesque qu’il a écrits dans sa jeunesse avec ses frères et son ami Beaurain : L’Éneide burlesque et Les Murs de Troie. Dans ce dernier poème, Apollon nous est montré en train de forger la langue burlesque à partir de différents matériaux. Le proverbe est le premier cité :

Là Phoebus prit de bons morceaux
De proverbes, de mots nouveaux
De quolibets et de sornettes
Qu’il écrivit sur des tablettes9.

La langue proverbiale se prête ainsi à d’habiles mises en œuvre, burlesques ou galantes, burlesques et galantes : car, explique le Parallèle des Anciens et des Modernes, « il y a un Burlesque qui n’est point effronté, qui ne parle point le langage des halles, quoiqu’il se serve quelquefois d’expressions un peu populaires […] ; celui-là a toujours senti le galant homme, et a toujours eu l’air de la Cour et du beau monde10 ». Distinguant entre un méchant burlesque et un burlesque galant, Perrault revendique pour ce dernier la possibilité de recourir à des expressions « un peu populaires » : n’est-ce pas désigner une fois encore la langue proverbiale ?

Quelles ressources celle-ci a-t-elle offertes à Perrault et à Mme d’Aulnoy ? Comment est-elle mise en œuvre dans les contes ? C’est d’abord à repérer les formes prises par le jeu sur les énoncés proverbiaux que s’emploiera l’analyse : elle révélera dans la langue proverbiale un véritable chiffre donnant à lire deux histoires à la fois. Il conviendra alors de se demander comment ce jeu sur les proverbes s’inscrit dans la Querelle des Anciens et des Modernes, en quoi il constitue un argument en faveur des idées des Modernes.

Les formes du jeu

Perrault et Mme d’Aulnoy ne se contentent pas d’émailler leurs récits d’expressions proverbiales qui font entendre par endroits la voix familière de ma mère l’Oye - l’héroïne de « Riquet à la Houppe », en découvrant les préparatifs du festin des noces, « pensa tomber de son haut » (p. 280) - et qui introduisent de fréquentes dissonances burlesques - ainsi lorsqu’est prêté un langage bas à un personnage de rang élevé : « faire œuvre de ses dix doigts » dans la bouche de la duchesse Grognon (p. 68) ; « courir la prétentaine » dans celle de l’ambassadeur Fanfarinet (p. 150). La langue proverbiale fait encore l’objet d’un jeu ; et la première forme prise par ce jeu, dont Jacques Chupeau a montré l’importance à travers l’exemple du « Petit Chaperon rouge11 », est la littéralisation de l’expression proverbiale. En effet, non seulement ce conte met en récit les sens propre et figuré de l’expression « avoir vu le loup », qui signifie « avoir de l’expérience en amour, avoir eu des galanteries et des intrigues dans lesquelles l’honneur a reçu quelque échec12 », mais le titre même du conte doit se comprendre à l’aide de la langue proverbiale qui appelle « grand chaperon » l’une de ces « femmes d’âge qui accompagnent les jeunes filles dans les compagnies, par bienséance et comme pour répondre de leur conduite13 » : le « petit chaperon » de l’héroïne signale un manque, l’absence d’un grand chaperon, et c’est là ce qui va causer la perte de l’enfant, dévorée par un loup séducteur qu’elle n’aurait pas dû avoir à affronter seule.

Ce jeu se retrouve sous la plume de Mme d’Aulnoy. La littéralisation du proverbe s’effectuera par exemple à travers l’onomastique : le nom du personnage est alors un fragment du proverbe qu’il illustre. Ainsi la malheureuse Trognon que tous méprisent illustre-t-elle à ses dépens l’expression « j’en fais autant de cas que d’un trognon de chou14 ». Fanfarinet, quant à lui, fait entendre l’expression « gens de même farine15 » qui désigne des vauriens et, comme l’a relevé Tony Gheeraert16, l’expression « gueule enfarinée » : « on dit proverbialement qu'un homme est venu la gueule enfarinée pour dire avec bon appétit, avec grande ardeur, pour profiter de quelques conjonctures dans les affaires17 » : c’est bien le cas de l’ambassadeur qui s’empresse de profiter de l’innocence de la princesse et qui, une fois parvenu à l’île des Écureuils, fait montre d’un appétit d’autant plus effrayant que nul n’ignore ce que figure la menace de dévoration dans les contes.

Ailleurs, c’est une séquence du conte qui fait signe vers une allusion proverbiale. Il en va ainsi, dans « Gracieuse et Percinet », du portrait de Grognon : « de deux yeux qu’elle avait eus autrefois, il ne lui en restait qu’un chassieux […], elle était bossue devant et derrière, et boiteuse des deux côtés » (p. 49). Borgne, bossue et boiteuse, la marâtre de Gracieuse est dotée d’un physique grotesque, qui l’est plus encore d’être opposé à celui du personnage dont elle est le double parodique, à savoir Vénus. Mais l’amateur de proverbes y reconnaît en outre une allusion au proverbe suivant : « on dit qu’un homme est marqué au B pour dire qu’il est borgne, bossu ou boiteux, et on entend par là que c’est un homme malin18 ». Sans doute faut-il entendre que Grognon étant à la fois bossue, boiteuse et borgne, c’est-à-dire triplement marquée au B, sa méchanceté est véritablement hors norme : à travers l’allusion au proverbe, s’annonce plaisamment la cruauté dont elle va faire preuve envers sa belle-fille.

Le jeu peut être plus discret encore ; c’est alors un détail, sinon inutile du moins peu motivé, ou étrangement motivé, qui s’avère faire signe vers une expression proverbiale. On pourrait ainsi se demander pourquoi dans « Le Nain Jaune », Toute-Belle, le temps de cueillir quelques oranges, perd non seulement son gâteau comme sa mère quelque temps plus tôt, mais aussi son panier, perte que le récit se plait à souligner à travers la symétrie des deux séquences se déroulant au pied de l’oranger, laquelle met en relief les différences : ainsi, à propos de la mère de Toute-Belle, on lit qu’ « en se réveillant elle trouva seulement son panier, le gâteau n’y était plus » (p. 216), tandis qu’au sujet de Toute-Belle, « quand il fut question de retrouver sa corbeille et son gâteau, il n’y avait plus rien » (p. 219) ; et le constat de cette double perte est répété, puisque devant le nain la princesse se désole encore en ces termes : « Hélas ! qui ne pleurerait […], j’ai perdu mon panier et mon gâteau ». Le lecteur est ainsi invité à songer à la première partie d’un proverbe adieu paniers, et à le compléter : les vendanges sont faites. Ce proverbe signifie « que l’occasion est passée, qu’il n’y a plus rien à faire19 », en d’autres termes que désormais tout est joué ; et de fait, il n’est plus d’avenir heureux pour la princesse. Quant à la « petite bague » avec laquelle elle se réveille après avoir donné sa parole au nain, et qui « tenait si fort qu’elle se serait plutôt arraché la peau, qu’elle ne l’aurait ôté de son doigt », n’illustre-t-elle pas le dicton « ne mets en ton doigt anneau trop étroit », « qui signifie qu’il ne faut point faire d’alliance inégale20 » ? Quoi de plus inégal en effet que l’alliance qu’elle vient de contracter avec le Nain jaune, dont la reine a eu un aperçu de l’existence misérable en le découvrant en sabots et jaquette de bure devant sa chaumière cernée par les orties?

 

Au procédé de la littéralisation vient parfois s’ajouter celui de la variation autour d’un même terme ou d’un même thème. Ainsi le titre complet du conte « Cendrillon ou la petite pantoufle de verre21 » vient attirer l’attention sur les motifs du pied et de la chaussure que différentes séquences du conte vont exploiter en jouant sur des expressions proverbiales telles que pouvoir « aller en pantoufle » en un lieu - qui signifie avoir toute commodité pour s’y rendre (comme Cendrillon pour aller au bal, une fois qu’elle a été équipée et parée par sa marraine) - , « un pied chaussé, l’autre nu » - pour dire en grande hâte (comme Cendrillon s’échappant du bal) -, être « réduit au petit pied » - qui signifie être réduit à un « équipage fort mince » (comme Cendrillon après le douzième coup de minuit) - , « chaussure à tous pieds » - qui désigne une chose banale (ce que ne sont pas à l’évidence les pantoufles de l’héroïne que toutes les femmes du royaume essaient en vain) - , et bien sûr, celle que l’ensemble du conte met en récit : « trouver chaussure à son pied ». Le même jeu se retrouve dans « Le Chat botté22 », où la répétition du mot sac dans la première séquence du conte - celle de la chasse - invite à reconnaître plusieurs expressions comme « l’affaire est dans le sac » (ainsi que le laisse entendre le chat à son maître), « voir le fond du sac » (ce que se refuse à faire le fils du meunier qui ne cherche pas d’abord à pénétrer les secrets de son animal), « tirer d’un sac deux moutures » qui signifie tirer d’une affaire un double profit (comme le chat de son sac), et enfin, ainsi que l’a proposé Louis Marin23 sensible à la répétition du mot cordons, « un homme de sac et de corde », qui sert à désigner un scélérat.

« L’Oiseau bleu » illustrerait également cette dernière forme prise par le jeu autour des proverbes. Dans ce conte se devinent en effet de multiples jeux de mots autorisés par la métamorphose de Charmant en oiseau. Cette métamorphose trouve son origine dans l’insulte de Truitonne : « je vous trouve un plaisant roitelet avec votre équipage marécageux » (p. 101) : si le terme de roitelet « se dit odieusement et pour déprimer la puissance du roi dont on parle24 », à la faveur d’une syllepse l’insulte commande la métamorphose en oiseau qu’opère la fée ; et la conteuse de poursuivre le jeu entamé par la fée, puisque la suite du récit propose une plaisante déclinaison d’espèces aviaires – l’Oiseau bleu a le « petit son de voix d’un rossignol » (p. 105), son ami l’Enchanteur le traite de Perroquet (p. 117), le chat l’attaque comme « il aurait fait un geai ou un merle » (p. 120) ; en outre le manège par lequel l’Oiseau bleu s’en va dérober dans son palais des bijoux qu’il apporte à Florine rappelle curieusement une habitude que l’on prête à la pie, et enregistrée dans la langue proverbiale - « On dit Larron comme une pie, car c’est un oiseau qui cache tout ce qu’il trouve, et qui aime surtout l’or et l’argent25 » ; et comme pour éviter les dangers, « il ne chantait que la nuit », il paraît également tenir du hibou. Un premier jeu, plaisant et poétique, qui fait de cet oiseau une créature protéenne.

Mais la conteuse ne se contente pas de multiplier les allusions à différentes espèces de volatiles. Les mésaventures que va connaître le prince une fois transformé en oiseau illustrent autant d’expressions proverbiales sur le thème aviaire, comme le montre l’enquête menée par Tiphaine Barbier26. Ainsi à peine métamorphosé, Charmant « voltige de branche en branche » en même temps qu’il « déplore sa méchante fortune et celle de Florine » : « où la chercherais-je ? Suis-je condamné à passer sept ans sans elle ? Peut-être que pendant ce temps on la mariera, et que je perdrai pour jamais l’espérance qui soutient ma vie » (p. 102). Dans cet état d’incertitude, n’est-il pas littéralement « comme l’oiseau sur la branche » ? car « on dit proverbialement d'un homme qui est dans un état incertain et sans savoir ce qu'il deviendra, qu'il est comme l'oiseau sur la branche27 ». Cependant l’Oiseau bleu retrouve Florine dans sa tour, et deux années s’écoulent heureusement pour les deux amants qui se rejoignent chaque soir à la fenêtre de la tour, Charmant comblant Florine de cadeaux, et celle-ci lui accordant peu à peu des faveurs sur la nature desquelles nous renseignera rétrospectivement le regard de l’espionne : elle « vit au clair de la lune le plus bel oiseau de l’univers » « qui la caressait avec sa patte, qui la becquetait doucement » (p. 114). Deux années d’un bonheur et d’une tendresse grandissante, qui paraissent illustrer le proverbe : « petit à petit l’oiseau fait son nid28 ». Mais bientôt l’oiseau tombe dans le piège de la reine, et se blesse sur les armes tranchantes qu’elle a fait attacher au cyprès (p. 115) : n’en a-t-il pas alors littéralement « dans l’aile » ? « On dit qu'un oiseau en a dans l’aile, quand il a reçu un coup qui l'empêche de voler ; on le dit figurément des hommes dont la santé ou la fortune sont ruinées29 » ; ou encore : « On dit d'un homme malheureux qu'il en a dans l’aile, pour dire qu'il lui est arrivé quelque accident fâcheux30 ». Que penser ensuite de la réaction de son ami l’Enchanteur lorsque l’Oiseau bleu lui fait part de son envie de regagner son palais : « Ne pourrais-je pas, répliqua-t-il, aller dans mon palais et gouverner tout comme je faisais ordinairement ? – oh ! s’écria son ami la chose est différente ! […] tel vous craint étant roi, étant environné de grandeur et de faste, qui vous arrachera toutes les plumes, vous voyant un petit oiseau » (p. 117). La réaction de l’Enchanteur à l’idée d’un retour au palais apparaît comme une variation sur l’expression « voilà une grande cage pour un petit oiseau », que l’on utilise « quand un homme de peu de considération est logé dans un logis magnifique31 », de même que l’expression « tirer une plume » signifie « ôter à quelqu’un quelque partie considérable de son bien32 » ; et en effet le roi ne tardera pas à se voir attaqué, non seulement par un singe mais aussi par ses héritiers qui tenteront d’usurper son trône - si bien que les sens propre et figuré de l’expression seront successivement illustrés.

Aussi, lorsque la conteuse nous montre l’Oiseau bleu éprouvant « les maux de l’absence et ceux de la métamorphose » (p. 113), sans doute convient-il d’y entendre un calembour, ou comme l’on disait à l’époque une équivoque : ne désigne-t-elle pas à notre attention les mots de la métamorphose, qui lui inspirent ici les différentes séquences de son récit ? Et le jeu n’est sans doute pas fini ; car l’amant devient infidèle : non seulement il accepte un compromis avec Soussio pour redevenir le prince Charmant, mais il finit par accepter d’épouser Truitonne : et Florine de découvrir alors en son amant un « traitre » coupable « de la plus cruelle de toutes les infidélités » (p. 124). Charmant ne mérite-t-il pas alors d’être qualifié de « bel oiseau » ? car l’« on dit ironiquement qu'un homme est un bel oiseau pour témoigner un grand mépris de sa personne33 ». Et si l’amant trop vite découragé par les épreuves s’avère ainsi coupable, Florine n’a-t-elle pas aussi une part de responsabilité ? Souvenons-nous : quand les deux amants se retrouvent pour la première fois la nuit à la fenêtre, Florine est d’abord effrayée par cet oiseau qui parlait avec autant d’esprit que s’il avait été un homme, « mais la beauté de son plumage et ce qu’il lui dit la rassura » (p. 105). En vertu de quel principe la beauté du plumage est-elle de nature à rassurer la jeune fille : ne faut-il pas comprendre que cette nuit-là aux yeux de Florine « la belle plume fait le bel oiseau », c’est-à-dire que « Les beaux habits parent et servent à relever la bonne mine34 » ? Florine ne fait-elle pas ici les frais de l’ironie de la conteuse qui dénonce la facilité avec laquelle la jeune fille s’est laissée séduire par les apparences et par le physique avantageux de son prince charmant ?

À la faveur de ce jeu sur les énoncés proverbiaux, se dessine alors en creux comme une autre histoire, qui n’a sans doute plus rien de merveilleux : celle d’une histoire d’amour ordinaire, décevante, dans laquelle l’amant n’a pas su opposer devant les épreuves la constance espérée tandis que l’amante s’est laissée séduire par les apparences. Le conte tend à se dédoubler, pour laisser apparaître une histoire, c’est-à-dire un récit dont le régime de causalité n’est plus celui du merveilleux mais celui du vraisemblable.

« C’est un chiffre à double sens »

Aussi ne suffit-il pas de voir dans la langue proverbiale un procédé burlesque. Il s’agit d’un chiffre, d’« un chiffre à double sens35 », par lequel il nous est donné de lire deux histoires en une, comme l’annonce le titre de Perrault, Histoires ou contes du temps passé : un titre double qui suggère qu’il est deux manières de lire les récits qui vont suivre, comme des « contes », offrant le charme de la féérie et de la « naïve simplicité », ou bien (c’est-à-dire et en même temps) comme des « histoires », dont la vraisemblance et même l’actualité se découvrent selon « le degré de pénétration » du lecteur, pour reprendre les termes de Perrault dans la dédicace à Mademoiselle (p. 177). Cette langue proverbiale - que le conte parle en un sens littéral tandis que l’histoire se découvre à partir de son sens figuré - est le chiffre, ou peut-être l’un des chiffres, qui permet de passer de l’un à l’autre. Et le plaisir du lecteur se nourrit précisément de ce « jeu », au double sens du terme, entre les deux versions concurrentes que propose le conte, c’est-à-dire entre le sens littéral et le sens figuré, mais aussi entre les deux régimes de causalité – l’un merveilleux, l’autre vraisemblable -, comme entre les deux morales – l’une naïve, l’autre malicieuse.

Revenons aux contes de « Cendrillon » et du « Maître chat » : qui prête attention à la langue proverbiale découvre dans ces deux contes plus d’une quinzaine d’expressions proverbiales dissimulées dans le récit qui donnent à lire sous le conte de ma mère l’Oye une tout autre histoire.

Ainsi, dans l’héroïne vertueuse et docile qu’admirent les enfants se découvre une jeune fille, dissimulée, volontaire, voire ambitieuse, dont chaque action se prête à une double interprétation36. Au début du conte nous apprenons qu’une fois son ouvrage achevé, la malheureuse s’en va trouver refuge « au coin de la cheminée ». L’information paraît porter à son comble l’humiliation de l’héroïne, mais le détail est en fait un indice de sa duplicité, car non seulement « c’est d’elle-même que l’héroïne va s’asseoir au coin de la cheminée37 », mais en outre, selon la langue proverbiale, « sont faites sous la cheminée » « toutes les choses faites en cachette et sans solennité38 ». Ni les demi-sœurs de Cendrillon ni le lecteur naïf n’ont vu ce qui se préparait sous la cheminée du logis : tous ignorent qui se cache en Cendrillon, jusqu’au dénouement. Car l’on découvre alors, après l’essayage réussi de la pantoufle, que Cendrillon a conservé l’autre pantoufle dans « sa poche », et l’on est invité à y reconnaître une allusion à cet autre proverbe selon lequel « on tient une affaire dans sa poche pour dire qu’on est bien assuré du succès39 » : l’enjouement de Cendrillon, qui propose « en riant » d’essayer la pantoufle pour voir si elle lui va, la montre en effet « bien assuré[e] du succès ». Le lecteur amateur de proverbes admirera alors, dans le dénouement heureux du conte, plutôt que la récompense accordée par le Ciel à la vertu de la jeune fille, la réussite de la stratégie par laquelle, avec la complicité de sa marraine, elle a forcé la chance : le conte merveilleux se lit ici comme une histoire comique.

De ce jeu, « Le Chat Botté » offre un autre exemple ; car derrière les aventures merveilleuses du fils du meunier et de son chat, nous est racontée l’histoire, aussi plaisante qu’immorale, d’une initiation à la filouterie40. Au début du conte la répartition des talents entre le fils du meunier et son chat est franchement inégale. Le Chat, connu pour exceller en divers « tours de souplesse » (p. 236), démontre très vite sa capacité à inventer d’habiles stratagèmes. La langue proverbiale vient le confirmer : car le choix de Perrault de dilater la séquence de la chasse au sac en deux épisodes (la prise du lapin suivie de celle des deux perdrix), là où la chatte de Straparole ne se servait qu’une fois de son sac, s’explique par la volonté d’illustrer l’expression « être au poil et à la plume » ; l’expression, d’abord utilisée pour un chien de chasse capable d’arrêter gibier à poil et gibier à plumes, célèbre en son sens figuré l’aptitude d’une personne à exceller dans des domaines très divers : « l'on dit encore qu'un homme est au poil et à la plume, pour dire qu'il a du talent, de la capacité pour toute sorte de choses41 », comme le chat excellera à la fois dans l’agilité physique (la chasse, la révérence) et dans les ruses du discours (le compliment, l’appel à l’aide, la menace). Quant au fils du meunier, il fait preuve dans un premier temps d’une étonnante passivité : il tarde à participer à l’aventure, au point de disparaître de la première séquence du conte ; et quand il finit par intervenir, son rôle consiste à obéir à son chat, et même à reproduire les ruses de l’animal : en effet, de même que le chat dans la garenne fait le mort pour déjouer la méfiance du lapin, de même le fils du meunier feint de se noyer dans la rivière afin de susciter l’intervention compatissante du roi ; de même que le chat, à la faveur d’une usurpation vestimentaire – ces bottes qu’il réclame à son maître -, avait réussi à s’introduire jusqu’à l’appartement royal, de même, une fois vêtu des habits du roi, le fils du meunier parvient à s’introduire dans l’intimité du monarque jusqu’à séduire sa fille.

Le Chat se fait ainsi le maître de son maître, et le premier titre du conte, « Le maître Chat », vient souligner cet échange inattendu des rôles entre l’animal et son propriétaire. Mais voilà que peu à peu le fils du meunier s’initie à la fourberie et finit par jouer sa part : après l’épisode de la fausse noyade, il fait les yeux doux à la princesse, répond avec aisance au roi. Cette capacité nouvelle du personnage à jouer un rôle est soulignée par l’indication concernant sa « bonne mine ». Cette bonne mine n’est pas seulement à entendre comme une allusion au physique avantageux du jeune homme, comme le laisse penser la parenthèse « (car il était beau, et bien fait de sa personne) » (p. 239)42 ; il est une autre explication à cette « bonne mine », explication que délivre la langue proverbiale : le jeune homme fait ici bonne mine à mauvais jeu, c’est-à-dire qu’il cache « le désordre de ses affaires par une démonstration de gaieté et de repos d’esprit43 ». Autrement dit, il est désormais de la partie. Une partie où il ne s’agit pas seulement de flouer le roi : les deux hommes s’amusent aussi de la naïveté de leur victime en désignant en sa présence la mystification en cours par des propos à double-sens qu’ils puisent dans la langue proverbiale. Ainsi, lorsque le Chat offre au roi le lapin qu’il vient de prendre dans son sac, il désigne sa prise par ces mots « Voilà, Sire, un lapin de garenne », qui invitaient le monarque à se souvenir du proverbe selon lequel « cela est de garenne, cela veut dire fin et fourbe44 ». La même ambiguïté est désormais entretenue par le fils du meunier. Lorsque le roi, après la rencontre des faucheux, le félicite sur son « bel héritage » : « Vous voyez, Sire, répondit le Marquis, c’est un pré qui ne manque point de rapporter abondamment toutes les années » (p. 239). En vantant l’excellente rente de son pré, le fils du meunier accrédite certes la fiction de son marquisat, mais il invite aussi le roi à se souvenir du dicton selon lequel « épargne de bouche vaut rente de pré45 ». Le proverbe fait signe vers la situation réelle du fils du meunier, à savoir sa misère et l’« épargne de bouche » qu’il a faite en différant de manger son chat : c’est le chat qui est un « bel héritage », en un sens que ne saurait soupçonner le roi. Que la plaisanterie corresponde au moment où les deux hommes sont parvenus aux champs de blé, instaure en outre un écho entre le champ de blé où le chat capturait les deux perdrix, et ces blés au bord desquels le marquis se joue du roi, écho qu’éclaire l’expression « pris comme dans un blé46 » qui signifie « être pris sans pouvoir s’échapper » ; se donne ainsi à entendre, en même temps que la faillite du roi, la réussite de l’élève désormais capable de rivaliser avec son maître.

Ce jeu sur la langue proverbiale, qui invite à découvrir sous le conte de ma mère l’Oye une histoire comique, illustre une caractéristique du texte burlesque mise en lumière par Claudine Nédelec :

Tout texte burlesque implique et nécessite une procédure de déchiffrement retorse, une attitude particulièrement attentive du lecteur, averti que le texte qu’on lui donne à interpréter est encore plus « piégé » que de coutume, d’autant plus qu’il est au premier abord propre à faire rire, sans qu’on sache trop bien de qui exactement […]47.

Ou, pour le dire avec les mots qui sont ceux de Perrault dans un passage du Parallèle consacré aux vers de ballet du poète Benserade : les contes donnent « un double plaisir, en donnant à entendre deux choses à la fois, qui belles séparément, deviennent encore plus belles étant jointes ensemble48 ».

 

Mais le risque était grand que le lecteur passe à côté de ce jeu. Aussi les conteurs ont-ils pris soin de multiplier les mises en garde contre une approche naïve de leurs récits. Ainsi Mme d’Aulnoy définit-elle le conte comme une « bagatelle où l’auditeur a seul droit de mettre le prix » (p. 353) : n’est-ce pas déjà appeler son lecteur à la vigilance, lui signifier l’importance de son rôle, de la même manière que Perrault dans la dédicace à Mademoiselle l’appelle à faire usage de son esprit « de pénétration » ? La conteuse nous offre en outre une figure du lecteur naïf en la personne du prince Torticolis, au moment où il cherche à s’occuper dans sa captivité :

Le prince aimait la lecture ; il demanda des livres, on lui permit d’en prendre dans la bibliothèque de la tour. Il crut d’abord que cette permission suffisait. Lorsqu’il voulut les lire, il en trouva le langage si ancien qu’il n’y comprenait rien ; il les laissait, puis il les reprenait, essayant d’y entendre quelque chose ou tout au moins de s’amuser avec. (p.178)

On ne saurait mieux inciter le lecteur à la défiance à l’endroit de ces histoires d’un autre âge où il n’est pas aisé d’ « entendre quelque chose », sauf à prêter attention au « langage si ancien49 » qui est le leur. La conteuse fait encore davantage : elle oriente son lecteur vers ce chiffre des contes qu’est la langue proverbiale, à travers une scène récurrente qui donne à voir comment l’écriture féérique opère à partir de la matière proverbiale : la scène de la métamorphose animale. Ainsi, dans « Le Rameau d’or », lorsque Brillante est métamorphosée en sauterelle pour avoir refusé d’aimer l’enchanteur : « Ho bien ! trop indifférente créature, dit-il en la touchant, puisque tu ne veux pas aimer, tu dois être d'une espèce particulière : tu ne seras donc à l'avenir ni chair ni poisson ; […] on t'appellera sauterelle » (p. 204). La métamorphose de Brillante en insecte littéralise l’expression « ni chair ni poisson » : « on dit figurément et proverbialement d'un homme qui demeure irrésolu entre deux partis, deux professions, deux religions, qu'il n'est ni chair ni poisson50 » ; et Furetière explique à partir du même jeu de mot que Mme d’Aulnoy : « on ne sait quelle espèce d’homme c’est là, s’il est chair ou poisson51 ». De même, l’apparition de la Fée de la Fontaine en écrevisse dans « La Biche au bois » trouve son origine dans un proverbe : « on dit proverbialement qu’un homme va comme une écrevisse quand il recule au lieu d’avancer52 ». L’allusion proverbiale n’est pas laissée à trouver puisque, lorsque la Fée de la Fontaine cède au dépit d’avoir été oubliée par la mère de Désirée, elle explique : « il est certain que j'en avais un pressentiment et c'est ce qui m'obligea de prendre la figure d'une écrevisse lorsque je vous parlai la première fois voulant marquer par là, que votre amitié au lieu d'avancer reculerait » (p. 244). L’humour consiste à faire délivrer par un personnage du conte l’explication des rouages de l’écriture féérique, laquelle conforte l’assimilation souvent signalée entre le personnage de la fée et la figure de la conteuse. Dans le même conte, l’on jugera sans doute plus poétique, car moins explicitement motivée, la métamorphose de Désirée en biche. Toutefois, dès la formule qui donne son titre au conte – « La Biche au bois » -, le lecteur du XVIIe siècle reconnaissait une expression proverbiale : « plus farouche que la biche au bois53 », qui orientait vers le chiffre de l’écriture féérique.

Comme Mme d’Aulnoy, Perrault ne cesse de mettre en garde son lecteur contre une lecture uniquement littérale, naïve de ses contes. Au nombre des procédés invitant à chercher au-delà du sens littéral, le jeu de mots qui consiste à faire allusion, dans le cours du récit, à l’une des expressions synonymes de « contes de ma mère l’Oye », dont le dictionnaire de l’Académie offre à l'article « conte » un premier échantillon : « Le vulgaire appelle, Conte au vieux loup, conte de vieille, conte de ma mère l’oye, conte de la cigogne, à la cigogne, contes de peau d’âne, conte à dormir debout, conte jaune, bleu, violet, conte borgne, des fables ridicules telles que sont celles dont les vieilles gens entretiennent et amusent les enfants54 ». Philippe Sellier a ainsi repéré, dans la « Belle au bois dormant », au moment où le prince « traverse plusieurs chambres pleines de Gentilshommes et de Dames, dormants tous, les uns debout, les autres assis » (p. 192), une allusion plaisante à l’expression « contes à dormir debout55 ». De même, qu’est-ce que « Le Petit Chaperon rouge », si ce n’est au sens propre un « conte de loup » ? L’expression est plus connue sous la forme « conte au vieux loup », mais on la trouve aussi sous la forme « conte de loup » pour désigner des « fables ridicules » dans plusieurs ouvrages du temps56. Dans « Le petit Poucet », les fagots de broutilles que les enfants du bucheron s’en vont faire dans la forêt ne révèlent-ils pas que l’auteur est en train, littéralement, de nous « conter des fagots » - pour dire qu’il « dit des bagatelles, des choses frivoles57 », ou si l’on préfère des « broutilles » - terme qui désigne déjà à l’époque de « petites choses inutiles et de nulle valeur58 » ? Dans « Le Chat botté », une inadvertance a souvent été relevée : après la scène de la baignade, le marquis de Carabas hérite soudainement du titre de comte. Plutôt qu’une inadvertance, ne faut-il y pas voir l’écho d’une plaisanterie reposant sur un jeu de mot entre les homonymes comte et conte, et qu’on trouve ainsi expliquée chez Furetière : « On dit d’un comte sans titre que c’est un conte pour rire59 » ? Et sans doute faut-il également comprendre que dans « Cendrillon », ma mère l’Oye « raisonne pantoufle », ce qui signifie « raisonner de travers60 », « faire des raisonnements ridicules61 » ? Ces jeux de mots étayent l’idée que les contes de Perrault relèvent d’un jeu, qu’ils sont des contes pour rire, c’est-à-dire qu’ils se moquent du lecteur naïf qui charmé par la lecture littérale serait tenté de s’y arrêter. Ils ressortissent de l’art de conter des choses absurdes, tel qu’il est expliqué dans la Dissertation sur la Joconde :

Le secret donc en contant une chose absurde, est de s'énoncer d'une telle manière, que vous fassiez concevoir au Lecteur, que vous ne croyez pas vous-même la chose que vous lui contez. Car alors il aide lui-même à se décevoir, et ne songe qu'à rire de la plaisanterie agréable d'un Auteur qui se joue et ne lui parle pas tout de bon. Il rapporte à la vérité des aventures extravagantes, mais il les donne pour telles […]62.

N’est-ce pas là aussi l’une des leçons du « Chat botté » ? Car si le Chat, par la fiction qu’il déploie et par le plaisir qu’il prend à mystifier le roi, est sans nul doute une figure du conteur63, si son élève, qui peu à peu s’initie au double langage et aux allusions proverbiales, offre une figure du lecteur averti, le roi, incapable d’accéder au sens figuré, ne représente-t-il pas un lecteur naïf, sourd aux avertissements du conteur ?

 

L’on voit peut-être mieux désormais comment le jeu sur les énoncés proverbiaux participe de la subversion inhérente à l’invention du conte de fée : non seulement il permet d’inscrire sous le conte merveilleux un sens second, une autre histoire qui ne se révèlera qu’au lecteur doué de pénétration ; mais le jeu consiste aussi à nous « découvr[ir] le chiffre64 » pour le dire avec les mots de Pascal, c’est-à-dire à mettre dans un demi-jour, la manière dont procède l’écriture féérique : par littéralisation de ce langage venu du fond des âges qu’est la langue proverbiale.

Le jeu des proverbes dans la Querelle des Anciens et des Modernes

Aussi convient-il, pour finir, de voir comment ce travail des conteurs sur la langue proverbiale s’inscrit dans la Querelle des Anciens et des Modernes.

Tout d’abord, ce jeu sur les proverbes participe pleinement de la défense et illustration de la langue française qui est au cœur de la Querelle. C’est l’un des sujets du Parallèle des Anciens et des Modernes ; et Marc Fumaroli a montré, à travers l’exemple du conte « Les Fées », comment les contes eux-mêmes célèbrent « la supériorité de la langue française65 », celle des honnêtes gens, polie par le bel usage, par opposition à la fois à la « langue latine, langue de doctes qui vivent entre eux », et à la langue du vulgaire, encore chargée d’impuretés. Or le jeu sur la langue proverbiale est un argument de plus en faveur de cette supériorité de la langue française ; il vient faire miroiter l’un des avantages que procure une langue vivante, dans laquelle il est possible de mobiliser jusqu’aux significations de la langue orale et familière, pour multiplier les allusions et les doubles lectures que goûte le public mondain. La langue est vue comme un véritable trésor, pour reprendre une image de Claudine Nédelec :

en empruntant ainsi à tous les lexiques disponibles, l’auteur burlesque interprète la langue comme un « trésor », c’est-à-dire en termes de richesse, d’abondance, d’accumulation, trésor hétérogène, voire hétéroclite ; ce qui fait la valeur d’une langue, c’est la quantité variée des mots dont elle dispose, de par son histoire, de par la variété de ses locuteurs dans l’espace physique et dans l’espace social, de par ses capacités de création et de renouvellement. Or une telle interprétation de la langue n’est pas une évidence66.

Et de fait cette mobilisation ne s’effectue qu’à mots couverts, car il n’est pas de bon ton de « parler proverbe » : comme le dit le Chevalier du Parallèle, « je dis un proverbe et je sais que cela n’est pas poli67 ». D’où ce travail de chiffrage, où un mot, un détail dissonant, vient mettre en alerte l’esprit du lecteur, pour lui faire reconnaître l’allusion proverbiale dissimulée sous la fausse simplicité du conte.

 

Mais la célébration de la langue française n’est pas la seule facette de la querelle que vient éclairer le jeu sur les proverbes. Comme on a commencé de l’apercevoir, ce jeu invite constamment le lecteur à déporter son attention vers les enjeux sérieux du récit. Dans les contes de Mme d’Aulnoy, il vient ainsi accuser la réflexion menée sur le mariage et sur le statut de la femme dont les prétentions au libre choix, ou au célibat, ne sont pas entendues : en témoigne ce quarteron d’épingles d’Angleterre que la Belle aux Cheveux d’or accepte de la part du premier ambassadeur (« Et pour ne pas mécontenter le roi, elle prit seulement un quarteron d’épingles d'Angleterre » p. 76) ; il s’agit, explique la conteuse, de ne pas mécontenter le roi tout en refusant les présents dont il avait prévu de la couvrir, car la princesse « était fort sage, et savait bien qu’il ne faut pas que les filles reçoivent rien des garçons » ; mais surtout ne faut-il pas entendre que ce faisant elle tire son épingle du jeu ? c’est-à-dire qu’elle se retire du danger, se dégage « d’une mauvaise affaire, d’une partie périlleuse68 », laquelle mauvaise affaire est un mariage dont elle ne veut pas. L’allusion proverbiale vient ainsi révéler ce que le récit feignait d’ignorer, puisque le refus de la princesse y était mis sur le compte du caprice : « soit qu'elle ne fut pas ce jour-là de bonne humeur, ou que le compliment ne lui sembla pas à son gré, elle répondit à l'ambassadeur qu'elle remerciait le roi, et qu'elle n'avait point envie de se marier. » (p. 76). Contre le discours misogyne, ou patriarcal, qui refuse de prendre au sérieux le refus que la jeune femme oppose au mariage ou du moins à ce prétendant, le proverbe vient ici discrètement rétablir la juste perspective.

Chez Perrault, non seulement ce jeu sur la langue proverbiale donne à lire une histoire cachée dans le conte, mais il découvre dans le conte une pièce qui célèbre sur le mode allégorique la victoire des Modernes. Relisons la première moralité du « Chat Botté » :

Quelque grand que soit l'avantage
De jouir d'un riche héritage
Venant à nous de père en fils,
Aux jeunes gens pour l'ordinaire,
L'industrie et le savoir-faire
Valent mieux que des biens acquis.

Dans cet éloge de l’« industrie » et du « savoir-faire », préférables à un héritage aussi grand soit-il, l’on entend d’abord un éloge parfaitement immoral de la filouterie : le terme d’industrie convoque l’expression proverbiale « chevalier d’industrie », qui définit en effet les deux protagonistes comme « des gens qui n’ont point de biens, qui subsistent par leur adresse et leur industrie, comme les filous, flatteurs, écornifleurs et donneurs d’avis69 ». Et l’amateur de proverbe de repérer alors, cachée dans le dernier distique, une variation sur un nouveau proverbe : car l’« on dit d’un écornifleur que ses pourchas lui valent mieux que ses rentes70 » (« pourchas » étant un vieux mot qui désigne le « profit » d’une intrigue, d’une ruse). Cette présence d’un proverbe dissimulé dans la moralité est une nouvelle forme prise, dans les contes de Perrault, par le jeu sur la langue proverbiale : quelques mots, une tournure caractéristique (ici « valent mieux que ») doivent éveiller l’attention, susciter la reconnaissance, pour orienter le lecteur vers le sens caché du conte. Et voilà qui vient finalement donner raison à Mlle L’héritier, quand elle invitait à voir dans le conte la mise en récit d’un proverbe. Ici le proverbe célèbre à la fois l’habileté, la ruse qui ont mené le fils du meunier jusqu’au trône, mais aussi non sans humour l’art du conte tel que le pratique Perrault, dans son ingéniosité et sa nouveauté, qui « valent mieux » que cet « héritage » et ces « biens acquis » dans lesquels il convient de reconnaître les œuvres de l’Antiquité venues à nous « de père en fils », dont l’admiration inconditionnelle aveugle selon Perrault un public de dupes : le roi, sourd aux jeux sur la langue française et séduit jusqu’à l’ivresse par les possessions de l’Ogre, est le symbole de ce public qu’aveugle la prévention en faveur des Anciens, tandis que la louche complicité du Chat et de son maître apparaît comme une figure de la collaboration enjouée que Perrault engage avec son lecteur.

 

 

Il y a fort à parier que la nièce de Perrault était bien informée des intentions de son oncle ; et même, que sa lettre était destinée à offrir au lecteur un indice de la manière dont il convenait de lire les Histoires ou contes du temps passé. Chez nos deux conteurs, le jeu sur les proverbes, en même temps qu’il assure l’enjouement de la narration, programme plusieurs niveaux de lecture71, invitant à découvrir, dissimulée dans le conte de fée, une histoire dont les enjeux sont aussi sérieux qu'une critique du mariage aristocratique, ou la Querelle des Anciens et des Modernes. Et si Perrault a sans doute porté plus loin l’exploitation de la langue proverbiale, se devine néanmoins chez nos deux conteurs un même amusement ébloui devant les richesses de la langue française. Sans doute leur dessein n’a pas été la préservation de contes populaires, mais les deux conteurs ont bel et bien œuvré malgré tout à une forme de préservation par cette attention portée à la langue proverbiale où se rencontrent culture mondaine et culture populaire.

Ce dédoublement à l’œuvre dans le conte invite en outre à prolonger la réflexion de Marc Escola concernant les liens entre l’esthétique de la nouvelle historique et galante et le conte de fée. Dans son ouvrage sur les Contes de Perrault, Marc Escola constate en effet qu’une mode a chassé « l’autre sans vraie solution de continuité » alors que « les deux genres peuvent sembler de prime abord bien opposés » et qu’« on imaginerait mal trouver un conte merveilleux dans La Princesse de Clèves72 » : au terme de ce parcours il est possible de nuancer un peu plus l’opposition entre les deux genres, puisque le lecteur qui prête attention à la langue proverbiale découvre dans les contes des histoires - ou des « fragments d’histoire73 » – vraisemblables ; en outre, il se pourrait que La Princesse de Clèves ait elle-même donné aux conteurs l’idée de ce jeu sur les proverbes. L’hypothèse peut surprendre tant un tel jeu paraît a priori éloigné du ton et des enjeux du roman de Mme de Lafayette. Et pourtant, La Princesse de Clèves pratiquait déjà ce jeu sur la langue proverbiale74. En témoigneront deux exemples, choisis pour le lien qu’ils entretiennent avec nos contes. Le premier se situe au moment où le duc de Nemours est victime d’un accident de cheval lors des préparatifs du tournoi. A peine rétabli il s’empresse de reparaître à la Cour : tous les courtisans se précipitent pour s’enquérir de sa santé ; seule Mme de Clèves, consciente de s’être déjà trahie par la frayeur qu’elle a manifestée lors de l’accident, tente de demeurer impassible : « il n’y eut personne qui ne lui demandât de ses nouvelles, excepté Madame de Clèves qui demeura auprès de la cheminée sans faire semblant de le voir75 ». La dissimulation de l’héroïne est soulignée par la narratrice, non sans ironie. On s’étonne en outre de voir affecté à cette tentative de dissimulation un cadre précis, « la cheminée », alors même que la romancière refuse si souvent la description des lieux. Mais si la cheminée apparaît comme l’élément de décor où il convient de situer la dissimulation de l’héroïne, n’est-ce pas en écho à cette expression proverbiale, déjà rencontrée dans « Cendrillon » : « On dit proverbialement Faire quelque chose sous la cheminée, pour dire, Faire quelque chose en cachette et sans observer les formes76 » ? Le jeu sur les proverbes dans La Princesse de Clèves éclaire ainsi nombre de détails qui ont parfois surpris en raison même de leur faible motivation. Surtout il vient jeter une lumière oblique, ironique sur les événements vécus par l’héroïne. L’exemple le plus cruel de ce jeu est offert par la scène de la rencontre, lors du bal donné au Louvre. L’héroïne y naît à l’amour, dans une conversion de tout son être que provoque la gracieuse apparition du duc. De son point de vue, la « surprise » tient de la merveille. Du point de vue du lecteur, elle relève du piège, de la conspiration : car c’est le roi qui lui donne l’ordre de prendre « celui qui arrivait » au lieu de celui qu’« elle avait dessein de prendre », et la Dauphine joue elle-même un rôle trouble dans la scène de présentation qui suit. Le jeu des proverbes lève le doute car si, littéralement, l’intervention des souverains consiste à faire danser l’héroïne avec le duc, leur véritable dessein est mis au jour par le sens figuré de l’expression, qui signifie : mettre quelqu’un dans l’embarras pour s’en amuser77. La merveille se dissipe en mirage. S’étonnera-t-on encore que La Princesse de Clèves soit souvent si proche du conte ?

Notes

1

Marie-Jeanne Lhéritier, « Lettre à Mme D.G. », cité dans L’Âge d’or du conte de fée : de la comédie à la critique (1690-1709), éd. de Nathalie Rizzoni, Julie Boch, Nadine Jasmin, Honoré Champion, « Bibliothèque des Génies et des Fées », 2007, pp. 371-2. La première phrase de cet extrait est citée dans l’édition au programme : Mme d’Aulnoy, Contes de fées, Folio classique, 2008, p. 360. On se contentera désormais, pour toute citation d’un conte de Mme d’Aulnoy, d’indiquer dans le corps de l’article les pages correspondant à cette édition.

2

Les différentes formes du jeu permettent d’imaginer la familiarité que les joueurs entretenaient avec la langue proverbiale. Une autre illustration de cette familiarité intéressant directement notre corpus serait offerte par la correspondance de la Palatine, où abondent les allusions proverbiales.

3

Charles Sorel, Les Récréations galantes, 1671, p. 98.

4

Charles Perrault, Contes, éd. C. Magnien, Le Livre de Poche, 2006, p. 200 (nous soulignons). Désormais les références des citations des contes de Perrault seront indiquées entre parenthèses dans le corps de l’article : elles renverront toujours à cette édition.

5

« Le Chevalier : […] ne pourrait-on pas dire en parlant d’Homère et de ses Héros, à gens de village trompette de bois ?
Le Président : Que dites-vous-là, Monsieur le Chevalier ?
Le Chevalier : Je dis un proverbe, et je sais que cela n’est pas poli, mais je m'explique et crois dire la vérité, quoi qu’il en soit […] » (Charles Perrault, Parallèle des Anciens et des Modernes, « quatrième dialogue », 1692, t. 3, p. 99).

6

« il passa en commun Proverbe que de faire une incongruité dans la langue c’était donner un soufflet à Ronsard ». Charles Perrault, Parallèle des Anciens et des Modernes, « Premier dialogue », 1690, t. 1, p. 66.

7

Charles Perrault, Les Hommes illustres qui ont paru en France pendant ce siècle, 1696, p. 73.

8

Vincent Voiture, Les Œuvres de Monsieur de Voiture, Paris,1650, p. 477-481.

9

Les Murs de Troie, v. 465-468, dans Le Burlesque selon les Perrault, Œuvres et critiques, éd. C. Nédelec et J. Leclerc, Champion, Paris, 2013, p. 231.

10

Charles Perrault, Parallèle des Anciens et des Modernes, t. 3, p. 292.

11

Voir Jacques Chupeau, « Sur l’équivoque enjouée au grand Siècle : l’exemple du Petit Chaperon rouge de Charles Perrault », XVIIe siècle, 1986, n°150, p. 35-42.

12

Philibert-Joseph Le Roux, Dictionnaire comique, satirique, critique, burlesque, libre et proverbial, 1718.

13

Dictionnaire de l’Académie, 1694.

14

14 Furetière, Dictionnaire universel, 1690.

15

Furetière, Dictionnaire universel, 1690.

17

Furetière, Dictionnaire universel, 1690.

18

Dictionnaire de l’Académie, 1694.

19

Le Dictionnaire des halles, ou Extrait du Dictionnaire de l’Académie française, Bruxelles, 1696, p. 156.

20

Furetière, Dictionnaire universel, 1690. De même : « ne mets en ton doigt anneau trop étroit : ne contracte alliance ni amitié qui te soit désavantageuse, préjudiciable, périlleuse, comme il se voit es mariages trop inégaux, es amitiés des petits avec les grands, et cetera » (Le grand dictionnaire français-latin, 1618). Voir aussi Fleury de Bellingen, L’Étymologie ou Explication des proverbes françois, 1656, p. 347.

21

Sur le jeu des proverbes dans « Cendrillon », voir Constance Cagnat-Deboeuf, « Du jeu des proverbes dans les Histoires ou contes du temps passé » : l’exemple de « Cendrillon ou la petite pantoufle de verre », XVIIe siècle, 2017, p. 631-644.

22

Sur le jeu des proverbes dans « Le Maitre chat ou le Chat botté », voir Constance Cagnat-Deboeuf, « "Le Chat botté", ou la mystification d’un Moderne », dans Réussir l’Agrégation de Lettres modernes 2022, Sous la direction de Marie-Ange Fougère, Éditions universitaires de Dijon, 2021, p. 45-58.

23

Louis Marin, « À la conquête du pouvoir », Le récit est un piège, Éditions de Minuit, coll « Critique », 1978, p. 123.

24

Dictionnaire de l’Académie, 1696.

25

Furetière, Dictionnaire universel, 1690.

26

Voir Tiphaine Barbier, « L’allusion proverbiale et le jeu de mots dans Contes des fées suivi des Contes nouveaux ou Les Fées à la Mode de Madame d’Aulnoy », mémoire de master 2, soutenu en 2018, à Sorbonne-Université.

27

Dictionnaire de l’Académie, 1694.

28

Furetière, Essais d’un dictionnaire universel, 1685.

29

Furetière, Essais d’un Dictionnaire universel, 1684.

30

Furetière, Essais d’un dictionnaire universel, 1685, à l’entrée « aile ».

31

Furetière, Dictionnaire universel, 1690.

32

Dictionnaire de l’Académie, 1694.

33

Furetière, Dictionnaire universel, 1694.

34

Georges de Backer, Dictionnaire des proverbes français, 1710.

35

Blaise Pascal, Pensées, fr. 291 (Sellier).

36

Pour d’autres exemples, voir Constance Cagnat-Deboeuf, « Du jeu des proverbes dans les Histoires ou contes du temps passé » : l’exemple de « Cendrillon ou la petite pantoufle de verre », art. cit.

37

Michèle Simonsen, Perrault. Contes, PUF, coll. Études littéraires, 1992, p. 92.

38

Furetière, Dictionnaire universel, 1690.

39

Furetière, Dictionnaire universel, 1690.

40

Voir pour davantage d’exemples, Constance Cagnat-Deboeuf, « "Le Chat botté", ou la mystification d’un Moderne », art. cit.

41

Dictionnaire de l’Académie, 1694.

42

Sur l’utilisation ironique des parenthèses dans les contes, voir Marc Escola, Contes de Charles Perrault, Paris, Gallimard, coll. « Foliothèque », 2005, p. 96-99.

43

Furetière, Dictionnaire universel, 1690.

44

Pierre Richelet, Dictionnaire françois, 1693, vol. 1.

45

Philibert-Joseph Le Roux, Dictionnaire comique, satirique, critique, burlesque, libre et proverbial, 1718.

46

« On dit encore proverbialement être pris comme dans un blé pour dire, être surpris quand on s’y attend le moins et sans pouvoir s’échapper » (Dictionnaire de l’Académie, 1695). Allusion signalée par Jean-Pierre Collinet dans Charles Perrault, Contes, Paris, Gallimard, Folio, 1981, p. 331.

47

Claudine Nédelec, « Burlesque et interprétation », Les Dossiers du GRILH (en ligne : https://journals.openedition.org/dossiersgrihl/329, consulté le 8/12/2021).

48

Charles Perrault, Parallèle des Anciens et des Modernes, « quatrième dialogue » (1692), t. 3, p. 311.

49

Ce « langage si ancien » ne fait-il pas songer aux « maximes antiques » qui, sous la plume de Mlle L’héritier, désignaient précisément les proverbes ?

50

Dictionnaire de l’Académie, 1694, à l’entrée « chair ».

51

Furetière, Dictionnaire universel, à l’entrée « espèce ».

52

Furetière, Dictionnaire universel, 1690, à l’entrée « écrevisse ».

53

« Tu es plus farouche que n’est la biche au bois » (Adrien de Montluc, Comédie de proverbes, 1633, p. 117). Ou encore « je suis une biche au bois, éloignée de toute politesse » (Mme de Sévigné, lettre du 15 juin 1680, écrite des Rochers).

54

Dictionnaire de l’Académie, 1694, à l’entrée « conte ».

55

Voir Philippe Sellier, « La Belle au bois dormant », Essais sur l’imaginaire classique, Champion Classiques, 2005, Paris, p. 83.

56

« Vere, vere, ce sont abus que vos contes de loup, d'esprits fantastiques » (F. Béroalde de Verville, Le Moyen de parvenir, 1610, p. 245) ; « des contes du loup que les femmes des champs faisaient à leurs enfants » (Les comédies de Térence avec la traduction et les remarques de Mme Dacier, 1691, t. 1, p. 357).

57

« On appelle proverbialement et bassement conteur de fagots, un homme qui conte des bagatelles et des niaiseries » (Dictionnaire de l’Académie, 1694, à l'article « conteur »).

58

Dictionnaire de l’Académie, 1718, à « broutilles ».

59

Furetière, Dictionnaire universel, 1708.

60

Dictionnaire de l’Académie, 1696, à « raisonner ».

61

Dictionnaire de l’Académie, 1695, à « pantoufle ».

62

Dissertation sur la Joconde, dans Contes et nouvelles en vers par M. de la Fontaine, t. 1, 1665, p. 100.

63

Sur le Chat botté comme figure de l’auteur, voir Nadine Decourt, « La fortune des bottes du Chat botté », dans Tricentenaire Charles Perrault. Les grands contes du XVIIe siècle et leur fortune littéraire, sous la direction de Jean Perrot, In press editions, 1998, p. 97-110.

64

Pascal, Pensées, fr. 291 (Sellier).

65

Marc Fumaroli, « Les Contes de Perrault, ou l’éducation à la douceur », La Diplomatie de l’esprit. De Montaigne à La Fontaine, Tel Gallimard,1998, p. 450.

66

Claudine Nédelec, « Burlesque et interprétation », Les Dossiers du GRILH (en ligne : https://journals.openedition.org/dossiersgrihl/329, consulté le 8/12/2021).

67

Charles Perrault, Parallèle des Anciens et des Modernes, 1692, t. 3, p. 99.

68

Dictionnaire de l’Académie, 1694.

69

Furetière, Dictionnaire universel, 1690, à « industrie ».

70

Furetière, Dictionnaire universel, 1690, à « rente ».

71

Autre caractéristique du texte burlesque mise en lumière par Claudine Nédelec : « Les textes burlesques du XVIIe siècle peuvent sembler réclamer, pour être pleinement goûtés, un lecteur compétent, très cultivé, voire à la culture encyclopédique. Cependant il ne faudrait pas oublier la procédure qui consiste […] à programmer des niveaux de lecture différents suivant les différences culturelles du public ». Claudine Nédelec, « Burlesque et interprétation », Les Dossiers du GRILH (en ligne : https://journals.openedition.org/dossiersgrihl/329, consulté le 8/12/2021).

72

Voir Marc Escola, op. cit., p. 105-116.

73

Ibid.

74

Voir Constance Cagnat-Deboeuf, « La cheminée de la reine : pour une lecture proverbiale de La Princesse de Clèves », à paraître dans les Mélanges en l’honneur de Gérard Ferreyrolles, Champion, 2022.

75

Mme de Lafayette, La Princesse de Clèves, éd. Jean Mesnard, Paris, Garnier-Flammarion, 1980, p. 151.

76

Dictionnaire de l’Académie, 1694.

77

« On dit prov. & fig. Faire danser quelqu'un, pour dire, Faire faire, ou faire dire quelque chose de ridicule à quelqu'un, sans qu'il s'aperçoive du dessein qu'on a de se moquer de lui. On dit aussi prov. & fig. Faire danser quelqu'un, pour dire, Luy donner bien de la peine, bien de l'exercice, le réduire à ce qu'on veut » (Dictionnaire de l’Académie, 1694).

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Table des matières

De La Princesse de Clèves au Fils naturel. L'invention de la scène (Journée d'étude d'Aix)

La Princesse de Clèves (Journée d'étude du Mans)

Journée d'agrégation du 4 décembre 2021