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Actes du congrès de la Société Française de Littérature Générale et Comparée, Aix-en-Provence, 29-31 octobre 2009

Partant du constat que « la littérature est aussi un art », Gérard Genette dans L’œuvre de l’art pense que l’on peut mieux cerner ce qu’est la littérature si l’on saisit ce qu’est l’œuvre d’art. La Poétique devient (ou redevient) ainsi une branche de l’Esthétique. La littérature s’inscrit dans un horizon théorique plus large qui innclut les autres arts, qu’il s’agisse des théories de l’imitation, des théories de la sensibilité (Shaftesbury ou Baumgarten), de la « doctrine de l’Art » de l’idéalisme allemand (Schelling, Solger, Hegel…), ou de problématiques plus récentes liées à l’incertitude quant au sens de l’art.

L’Esthétique comme discipline naît comme une recherche de l’unité conceptuelle des différents produits de l’art ; elle propose des catégories universelles permettant non seulement de lier les arts les uns aux autres, mais de lier les littératures nationales entre-elles, par delà les frontières. Comme le relève Bernard Franco dans La recherche en littérature générale et comparée en France en 2007, c’est la périodisation historique de l’Esthétique allemande qui fournit des critères communs aux littératures des différents pays (européens) et justifie donc la création en France de la première chaire de littérature comparée (« littérature étrangère ») en 1830. La périodisation en grands courants : symbolisme, classicisme, romantisme forgeait pour longtemps l’Histoire littéraire.

Aujourd’hui, cette discipline interdisciplinaire (entendons ici l’Esthétique…) ne fait pas l’unanimité. Et cette querelle de l’Esthétique n’est pas sans concerner la littérature comparée. Récuser la communauté des arts, c’est, comme le fait Alain Badiou, contester qu’il existe des catégories universelles s’appliquant aux différents arts, pour affirmer le propre de chaque art et défendre avant tout l’absolu primat du pur Poème (Petit traité d’inesthétique). A ce « modernisme », Jacques Rancière oppose une nouvelle définition de l’esthétique et une réflexion encore possible sur l’art avec la littérature : l’esthétique est le « régime d’identification » de l’art et non un discours dominant son objet de l’extérieur ; elle est à la fois le partage du sensible à l’œuvre hic et nunc et le discours sur ce partage (Malaise dans l’esthétique). Une telle approche permet d’échapper à la fois à une définition essentialiste de chaque art et à la tentation d’une hiérarchie des arts et des lettres.

Comment justifier en Littérature comparée l’usage des « esthétiques » et quel sens leur donnons-nous ? Est-ce que notre recours à l’Esthétique repose aujourd’hui encore sur le postulat romantique d’une unité de l’Art ? La périodisation (le baroque, par exemple, le maniérisme, et même l’idée d’une période telle que la Renaissance) fournit-elle encore à la recherche des outils valides ? Qu’y a-t-il de commun entre le Romantisme allemand et le Romantisme français ..? Cette interrogation pose aussi la question des transferts interculturels et de la traduction des concepts.

Quels concepts empruntons-nous à des historiens de l’art ou à des musicologues, par exemple, pour les appliquer dans le champ littéraire ?

Colloque organisé par l'équipe Transposition(s) du CIELAM : Fridrun Rinner, Elisabeth Rallo-Ditche, Inès Oseki-Dépré, Aude Locatelli, Lise Wajeman, Francesca Manzari, Eric Lecler, Sandra Raguenet