Dans l’épître liminaire d’Alector1, Barthélemy Aneau présente son roman comme un « fragment d’une diverse et estrange narration », « une histoire fabuleuse couvrant quelque sens mythologique, toutesfois bien dramatique et d’honeste invention, d’artificielle varieté et meslange de choses en partie plaisantes, en partie graves et admirables, et quelque fois meslées, plus toutesfois tenans de la Tragique que de la Comique » (p. 10-11). Cette variété, ce mélange se traduisent par un brouillage générique2, ce texte narratif oscillant entre roman de chevalerie, roman mythographique, roman gaulois, roman fantastique, roman alchimique ou encore roman utopique, liste non exhaustive et non dépourvue d’anachronismes. Ajouter à cette liste les catégories, elles aussi anachroniques, de roman rose et de roman noir serait sans doute vain. Au carrefour des genres et des modes narratifs et discursifs, Alector ne saurait se laisser réduire à une catégorie générique, d’autant plus que ce texte, qui met en jeu une rare érudition3, sait aussi jouer des codes et des thèmes de nature à séduire ou tenir en haleine le lecteur le plus naïf. C’est peut-être le cas avec les trois histoires d’amour contenues dans le roman, dont deux tournent à leur manière au récit noir. Nous nous proposons d’examiner ces trois histoires qui, articulant amour, sexe et crime, contribuent elles aussi au brouillage générique qui caractérise Alector ainsi qu’à son pouvoir de séduction.
La structure narrative d’Alector est parfaitement symétrique. Une narration première, prise en charge par un narrateur omniscient, est consacrée aux aventures d’Alector dans la cité d’Orbe et couvre cinq journées. Cette narration se répartit sur les quatre premiers et les cinq derniers chapitres4. Des narrations secondes sont prises en charge par deux narrateurs intradiégétiques qui échangent des propos alors qu’ils sont sur le chemin d’Orbe. L’un est Franc-Gal, le père d’Alector, qui conte, dans les chapitres V à VII et XII à XXI ses aventures et celles de son fils dont il a été accidentellement séparé et qu’il va retrouver à Orbe. L’autre est l’Archier Croniel, autrement dit le grand prêtre d’Orbe, qui conte dans les chapitres VIII à XI une histoire survenue dans cette ville à une époque ancienne.
Le premier récit qui nous intéresse est celui des amours de Franc-Gal avec Priscaraxe. récit autobiographique puisqu’il est pris en charge par Franc-Gal lui-même au cours de son échange avec Croniel, et histoire d’amour et de sexe sans crime. Dans le chapitre XIV, Franc-Gal raconte que, tel Noé, il a survécu à un déluge, non pas grâce à une arche, mais grâce à son hippopotame auquel il a greffé des ailes, ce qui lui permet de survoler la terre. Il visite alors les peuplades éprouvées, leur distribuant des vivres et leur portant secours5. Ayant mené à bien sa tâche de héros civilisateur, il aborde en Scythie, désireux de prendre du repos, et s’endort profondément. Réveillé en sursaut par un rêve prémonitoire, il se sent « estroitement embracé et serré corps et jambes par quelque personne » (p. 92) dont il donne aussitôt le portrait :
Adonc j’apperceu que c’estoit une jeune pucelle toute nue, de haulteur, grandeur et prestance de corps surmontant la commune, et d’excellente beauté de face, à cheveux clairdorez et rutilans comme raiz solaires ; la face blanche et polie et de beaux traictz, coulourée d’un vermeil tel que l’aube du jour ; les yeux rians et attractifz, survoultez de deux petitz sourcilz bruns ; le col droict et bien torné, la poictrine large et hault elevée, avec deux tetins rondz et incarnez ; les reins larges, le ventre coquillé blanc et poly, et le dessoubz refaict, vermeillant et surdoré […]. (p. 92)
En somme, une créature de rêve dont les attributs correspondent aux canons de la beauté féminine tels qu’ils apparaissent notamment dans la poésie amoureuse et dans l’iconographie de l’époque. À un détail près, cependant, qui inquiète Franc-Gal : au lieu de jambes, la belle a « une grosse et longue queüe serpentine rayée de diverses couleurs » (p. 92) qui lui permet d’enlacer les jambes de Franc-Gal.
La créature à la fois séduisante et un peu inquiétante se révèle « Fille de Phoebus et de Rhea » (p. 93), soit du soleil et de la terre6. Surtout, elle est prédestinée à Franc-Gal7 et, avec son ascendance divine, c’est la seule chose qu’elle sait d’elle, puisqu’elle ignore son propre nom : il est inscrit sur son bras droit, et c’est Franc-Gal qui doit le lui révéler. La révélation du nom s’accompagne d’une déclaration d’amour de Franc-Gal suivie aussitôt d’une consommation charnelle :
Mamie Priscaraxe (car tel est escript vostre nom et vous en souvienne), je cognoy maintenant que à bon heur je vous ay icy rencontrée, et ce bon heur je ne veuil pas refuser et pource, pour la singuliere beauté et bonne grace que j’ay trouvée en vostre hautaine part, sans desdain de la basse et terrestre serpentine non veneneuse, je vous accepte pour mienne et vueil estre entierement vostre.
Ce disant, l’embraçay et baisay amoureusement sans nulle resistance, en me joignant à elle de tout le corps depuys la bouche jusques à la porte de nature, qu’elle avoit entierement feminine, belle, delectable et plaisante. (p. 93-94)
Si le passage à la consommation charnelle surprend par sa rapidité, il s’inscrit dans une scène qui est ni plus ni moins un mariage par paroles de présents, Franc-Gal paraphrasant la formule rituelle utilisée pour de telles unions, Ego te accipio. Dans un tel contexte, le passage immédiat à la consommation charnelle s’inscrit dans la logique d’un mariage par paroles de présents, la consommation étant l’acte qui le concrétise et le rend indissoluble.
L’histoire commune de Priscaraxe et de Franc Gal est aussi brève que fulgurante et fructueuse. Priscaraxe se retrouve vite enceinte d’un enfant dont nul ne doute qu’il sera un fils : ce sera Alector. Cependant, Franc-Gal décide de partir pour poursuivre à travers le monde sa mission de héros civilisateur avant même la naissance de son fils.
La scène au cours de laquelle Franc-Gal annonce à Priscaraxe son nécessaire départ recourt abondamment au pathétique. Priscaraxe est « touchée au cœur comme une beste sauvage sagittée » (p. 95). Après une première exclamation qui témoigne de son désespoir – « Ha Dieu, qui l’eust pensé ? » (p. 95) –, elle reste longuement silencieuse, comme évanouie, la tête sur la poitrine de Franc-Gal. Elle se lance ensuite dans une longue tirade de déploration dans laquelle elle reproche à Franc-Gal son inhumanité, lui rappelle qu’elle porte son fils, se dit vouée à la mort avec son enfant (p. 95-96), tirade ponctuée par étreintes, baisers et torrents de larmes. Finalement, Franc-Gal promet son retour lorsqu’il aura achevé ce qu’il estime être sa mission et offre en signe de ferme foi à Priscaraxe un anneau. La scène se termine ainsi :
Et ce disant, luy mis l’aneau au doy et le baiser enlangagé en bouche, qu’elle receut et l’un et l’autre fort gracieusement et amiablement, mais avec abondance de larmes grosses, telles que non feinctes, mais cordiales ; et neantmoins consolée sur l’esperance de mon retour fidelement promis, s’appaisa et consola en elle mesme. (p. 98)
Franc-Gal ne reviendra pas : il mourra à Orbe après avoir retrouvé son fils. L’histoire commune entre Pricaraxe et Franc-Gal s’achève donc sur cette scène d’étreinte et de larmes, et est donc encadrée par deux scènes d’amour où la tendresse a pour corollaire une consommation immédiate, sans embarras, sans culpabilité.
Franc-Gal ne laisse pas seulement à Priscaraxe un anneau et un fils à naître. Il a accompli en Scythie, comme il le fait ailleurs, son rôle de héros civilisateur : il a initié les peuplades à l’agriculture, les a organisées en société civile, a fait élire Priscaraxe reine. En somme une histoire d’amour qui fait de Priscaraxe, créature certes d’origine divine mais enfant abandonnée en terre de Scythie et ignorante de son propre nom, une reine.
Cette histoire, qui pourrait s’apparenter à un roman rose, contraste fortement avec l’histoire que Croniel raconte à Franc-Gal dans les chapitres VIII à XI, soit quelques pages seulement avant l’histoire des amours de Franc-Gal et de Piscaraxe.
Cette histoire a eu lieu environ 470 ans auparavant, soit à un moment où Croniel avait quarante-neuf ans. Ici encore, tout commence avec l’arrivée d’un étranger, cette fois-ci à Orbe. Il s’agit d’un certain Mammon, qui s’installe comme banquier et marchand. Il est
d’assez laide figure et noir comme un Aithiopian, neantmoins fort riche en or et argent, precieuses pierreries et autres mineraux, au demourant de grand et subtil esperit, et fort savant en toutes sciences sur tous hommes qui à luy s’affrontassent. (p. 59)
Le nouveau venu tombe « amoureux d’une tresbelle et tresvenuste fille de l’une des plus riches et apparentes maisons de la ville, laquelle fille estoit appellée Thanaise » (p. 60) et se met à
luy faire la cour assez lourdement, et plus imperieusement que gracieusement, par vantance de soy mesme, ostentation de son grand avoir et savoir, avec desprisement et envieux blasme de tous autres, et mesme des vertueux, et en outre s’efforçoit de l’attraire par riches dons et presens d’or, de gemmes, bagues et joyaux (jasoit que de sa nature fust fort avare), et encore plus de belles et amples promesses. (p. 60).
Laid, noir, avare, riche, prétentieux : les stéréotypes s’accumulent, qui laissent mal augurer de cette histoire. Évidemment, Mammon est éconduit, d’autant plus que Thanaise « bien avoit son cueur ailleurs » (p. 60). À l’arrière-plan de cette histoire, donc, peut-être un roman rose dont, cependant, nous ne saurons rien. Éperdu de désir et informé, par une servante moresque de Thanaise, que tous les matins la jeune fille descend dans son jardin pour se rafraîchir et faire sa toilette à la fontaine, Mammon se cache de nuit dans le jardin attendant l’apparition de Thanaise, ainsi décrite :
Luy, de son embusche voyant venir ceste tant belle et jeune creature, affublée seullement d’une simple cotte legiere de satin colombin, abbatant la rosée à piedz nudz plus blancz qu’albastre, et descouvrant de beaux bras nudz et charnuz de vive blancheur, monstrant un poictrail relevé de deux pommes d’yvoire ou tetins de mesme couleur et fermeté, sa teste negligemment coiffée d’un bel et blanc couvrechef de fine toile transparente, au travers de laquelle on povoit veoir ses cheveux aureins, d’ond une partie detressée luy battoit sur le col et les espaules, et un touppet retortillé et crespelu luy descendoit ondoyant sur les yeux clairs comme deux pieces d’argent nouvellement forgées, et neantmoins encore aucunement aggravez du passé sommeil et pource semblans estre batuz d’amour, d’ond ilz avoient plus de grace, Mammon de son embuscade voyant telle divinité humaine, à pene se peut il contenir et differer ses joyes qu’il ne l’allast tout de ce pas embracer. (p. 60-61)
Aneau s’empare de ce qui est un topos de la poésie amoureuse, la belle matineuse, et dresse à l’occasion un portrait de la jeune fille qui est, comme celui de Priscaraxe, fondé sur les canons convenus à l’époque de la beauté féminine. Tout, dans ce tableau, dit la grâce, la perfection physique associée à un négligé matinal qui ne fait qu’ajouter à son pouvoir de séduction, l’insouciance et l’innocence, et prépare le récit de ce qui est déjà une profanation, l’apparition se produisant sous les yeux de Mammon en embuscade. De fait, Mammon se jette sur Thanaise, lui tient des propos amoureux accompagnés de « baisers et attouchemens lascifz » (p. 61), avant d’en venir à une tentative de viol. Les cris de Thanaise alertent ses deux frères, dont l’intervention met Mammon en fuite.
Banquier et marchand, Mammon est aussi sorcier. Les refus de Thanaise et l’intervention de ses frères ont décuplé son désir qui prend la forme d’une « ire despiteuse » (p. 62), le conduisant à confectionner un « philtre ou poison amatoire » (p. 62) afin « de se faire aimer par force et contre nature » (p. 62), philtre qu’il confectionne à partir d’une pomme et de divers ingrédients dont son propre sperme. Utilisant encore une fois la complicité de la servante mauresque, Mammon parvient à faire ingurgiter le philtre par Thanaise le soir même qui suit la tentative de viol (p. 63). Le résultat n’est pas tout à fait celui attendu. Thanaise s’endort, fait des songes terribles qui se traduisent par « distortions de face, indecens mouvemens de membres, gemissemens profondz et criz entrerompuz de fois à autre » (p. 63). À son réveil, devenue folle, elle est prise d’une frénésie lubrique :
Car elle tenoit des propos impudiques contre sa nature et costume, changeans et muables coups à quille, et s’entretenans comme arene sans chaulx, et entre autres disoit que son con estoit devenu un fauconneau d’artillerie que Mammon avoit chargé de poudre et de boulet, et mis le feu dedans, d’ond le boulet avoit tué beaucoup de gens, et le feu et fumée tenebreuse aveuglé plusieurs mortelz […]. (p. 63)
Métamorphosée, Thanaise meurt dans son délire et est enterrée dans le même tombeau que son esclave more qui, saisie de remords, se suicide. Rien n’est cependant fini pour Mammon, qui se persuade que peut-être « Thanaise n’estoit point morte, mais tombée en lethargie par la force de son Philtre » (p. 66). Il décide de se rendre au tombeau de la belle, ce qui se traduit par la scène suivante :
Et en regardant ce jeune corps estendu à la renverse, auquel les beaux traictz restoient en leur entier, telz qu’en la vie avoient esté, luy sembla qu’elle dormist, et, mettant la main sur son ventre et au dessoubz avec attouchement libidineux, luy fut advis au taster que il y restoit encore chaleur et que la Matrice (qui est un animal dans un autre animal du corps feminin, ayant vie et sentiment à part) eust encore mouvement et chaleur. Parquoy, par le charnel attouchement sensible et par la visible descouverte des membres nudz de ceste jadis tant belle fille, et par fort libidineuse imagination eschauffée en ardente luxure, se jecta dessus et se mesla charnellement avec ce corps mort, dans lequel il sentoit encore quelque vie, chaleur et mouvement, ou fut par estre ainsi à la verité, ou par forte imagination qu’il en concevoit ; et à ce vilain acte employa une partie de la nuyct qui luy sembloit soubz son obscurité couvrir sa vilainie. (p. 67-68)
Cette scène de nécrophilie, qui pousse le roman noir au comble du sordide, se soldera par la naissance d’un enfant que Mammon viendra recueillir vingt-deux jours plus tard : ce sera Desalethès, l’enfant non allaité par sa mère, voué par les fées qui président à sa naissance à être « le plus grand menteur du siecle » (p. 69) et à « mourir pour dire verité » (p. 70). Si l’histoire est sordide, elle n’en exerce pas moins un pouvoir de séduction, au moins sur celui qui en est l’auditeur dans le roman, Franc-Gal, qui, l’ayant entendue, déclare à Croniel :
Mais levons nous d’icy, et poursuyvons nostre voie, et en cheminant je paracheveray le residu de ma narration pour te rendre partie du plaisir que j’ay eu à la tienne, laquelle ne m’a semblé ne longue, ny ennuyeuse, ains tresdelectable, pour les merveilles que tu y as recitées […]. (p. 81)
S’il y avait amour et sexe sans crime dans l’histoire de Priscaraxe et Franc-Gal, sexe et crime sans amour dans l’histoire de Thanaise et Mammon, les trois se combinent dans l’histoire des amours d’Alector et Noémie Gratian, qui occupe les chapitres I à IV, donnant un parfait scénario de roman rose qui vire au noir.
C’est sur la fin de cette histoire d’amour que s’ouvre le roman. La première phrase du premier chapitre8, ouvrant la narration in medias res selon un procédé mis à la mode par la traduction de L’Histoire Æthiopique d’Héliodore9 par Amyot, nous fait assister à une scène de massacre :
Le pavé de marbre blanc en la basse court du palais des Gratians, Seigneurs citoiens Orbitains, avoit changé sa blanche couleur en rougeur sanguinolente par l’effusion du sang humain et en plusieurs endroictz estoit couvert de corps occis, gisans à l’entour du preux Alector, comme l’herbe abbatue autour du faucheur, les uns du tout oultrez, les autres encore tirans le jarret et jectans les derniers souspirs. (p. 17)
Corps gisant, combattants morts ou expirant, marbre devenu rouge sang, le tout s’organisant autour d’Alector, seul contre tous, dont les prouesses ont causé ce massacre. La raison d’une telle violence est donnée dans la deuxième phrase :
D’autre part la court estoit toute plene de gens en armes s’efforceans de prendre vif ou bien de tuer le gentil Escuyer, qui, ayant esté surprins un matin par le trop tardif sommeil d’un doux dormir doré en la chambre de la belle Noemie Gratianne, entendant rompre la porte sur luy, pour cuyder sauver l’honneur de sa dame plus que pour paour qu’il eust, estoit sauté par une fenestre en la basse court, sur la chemise vestu à la haste seullement d’un Gallicam Saye d’armes, avec un Jasseran de filz d’or et soye purpurine, et la chaine d’or, et d’un chappeau vermeil en teste, au demourant nu et descouvert, fors que d’un grand et large escu de cuyvre, portant de sinople verd à un coq d’or s’elevant, armé et onglé de gueulles, et d’une tresbelle, riche et tresbonne espée d’ond la refulgente splendeur taincte en sang boillant estoit si redoubtable aux assaillans, par l’exemple des trop hardiz occis, que tant bien fussent ilz armez, si n’en osoient ilz approcher. (p. 18)
À la vision initiale du massacre s’oppose l’évocation d’une douce nuit d’amour, ponctuée par un réveil en sursaut et par la fuite précipitée de l’amant clandestin soucieux de préserver l’honneur de Noémie. La suite du chapitre raconte le combat héroïque d’Alector qui fait des exploits avec son épée contre une multitude d’assaillants, puis qui se réfugie sur un piédestal supportant les statues des trois Grâces, emblème de la famille Gratian. C’est alors que sort du palais Gratian « une jeune fille de singuliere beauté et encore de plus souveraine grace » (p. 20), qui n’est autre que Noémie, accourue « par furiale rage d’amour », qui s’interpose en appelant ses frères, parents et amis à renoncer à leur assaut. Son discours permet de préciser quelques éléments de l’histoire d’amour qui s’est nouée entre elle et Alector. Se demandant si ses frères agissent par amour d’elle ou par haine d’Alector, elle conclut :
Si c’est pour l’amour de moy, pour l’amour de moy donc pardonnez la vie, l’honneur et liberté à Alector, auquel je doy l’honneur, la liberté et la vie, comme vous mesmes bien le savez ; d’ond luy mort, impossible est que vive je demeure. Oultre ce que en luy faisant tort, avec le villain vice d’ingratitude contraire à vostre nature et au surnom de nostre famille, vous violerez le sainct droict d’hospitalité occiant vostre hoste en vostre maison, où vous l’avez receu cordialement et meritoirement. (p. 21)
Le texte crée donc des attentes : il joue de non-dits quant au rôle d’Alector auprès de Noémie, dont il a défendu « l’honneur, la liberté et la vie ». Cette histoire d’amour, à peine esquissée ici, tourne court : après son discours, Noémie enlace Alector. Parmi les assaillants se trouve un soupirant éconduit de Noémie qui, rendu furieux par le spectacle des amants enlacés, décoche une flèche dans l’espoir de les tuer tous deux. La flèche atteint la seule Noémie qui expire en disant son bonheur de mourir en sauvant Alector. Ce dernier, désireux de châtier le coupable, part à sa poursuite et, oubliant de se préserver, est saisi par les assaillants et déféré devant la justice.
Tout ce premier chapitre joue d’une tension entre la beauté et l’horreur. Alors que coule le sang et gisent les cadavres, tout se passe sous la tutelle symbolique des grâces, dont les statues protègent Alector. Au marbre blanc des statues répond le teint et, plus largement, la beauté de Noémie, dont le portrait est précisé au moment où elle prend la parole pour appeler ses frères à cesser le combat :
Elle estant descoiffée à cheveux espars, beaux comme raiz de Soleil, la face triste et esplourée, mais neantmoins plene d’une treshardie et grave constance, son beau corps plus blanc que les statues des Graces alabastrines qui au dessus estoient posées, et parmy le blanc illuminé d’un vif incarnat couvert seullement avec ses linges deliez et transparens d’un legier manteau de damas blanc, constituée entre les deux parties, se tourna vers ses freres et leurs adherens […]. (p. 20)
L’esprit de ce portrait est fort proche de ceux de Priscaraxe et, plus encore, de Thanaise. Par ailleurs, Noémie s’apparente aux Grâces non seulement par son teint, mais encore par une tenue qui, jouant des effets de transparence, évoque la statuaire antique10. Peut-être cela préfigure-t-il son destin : à la fin du chapitre, elle est enterrée « au droict du lieu mesme où elle avoit esté tuée, jouxte le soubzbase du perron des Graces, pour les excellentes graces d’esprit et de corps qui en son vivant (outre la fortune) l’avoient anoblie » (p. 23). Comme si les statues des Grâces constituaient par anticipation son monument funéraire, et c’est d’ailleurs sur le piédestal qui soutient les statues qu’est gravée l’épitaphe de Noémie11.
L’intrigue se complique d’un risque d’erreur judiciaire : Alector est accusé du meurtre de Noémie. La comparution devant le tribunal va permettre, par le témoignage d’Alector et surtout d’Arcane, la servante de Noémie, d’en savoir un peu plus sur cette histoire d’amour qui s’est terminée tragiquement. Alector a sauvé Noémie qui venait d’être enlevée dans la campagne par un centaure, qu’il tue au moment où celui-ci parvient dans son antre avec sa belle captive. Alector, Noémie et Arcane passent la nuit dans l’antre du centaure. Au récit du combat contre le centaure, de tonalité épique, succède un récit d’innamoramento réciproque et fulgurant. Voici ce que déclare Arcane :
Et durant le manger, ma Dame Noemie (au cœur de laquelle amour avoit desjà prins place, au regard et admiration de la beauté, hardiesse, proesse et gracieuseté de ce jeune Escuyer qu’elle contemploit en grande admiration, à la clarté d’un merveilleux fourreau d’espée qu’il portoit, si lumineux de nuyct et en lieu obscur qu’il donnoit autant de clarté que un resplendissant flambeau) […] luy demanda quelle bonne advanture l’avoit là apporté si à poinct pour sa delivrance. (p. 36)
Alector est séduit par sa beauté, sa vaillance, tandis que Noémie est fascinée par un accessoire singulier, son fourreau phosphorescent qui fait de lui une source de lumière éclairant la scène du repas partagé dans l’antre du centaure. Selon Arcane, Alector « n’estoit pas moins attainct de la grace et beauté de Noemie qu’elle de luy » (p. 36), déclaration un peu surprenante de la part de cette narratrice intradiégétique qui écrit à sa façon le roman rose, même si ses déclarations sont confirmées par ce qui s’ensuit. Le dialogue entre Noémie et Alector prend forme de déclarations d’amour mutuelles. Ainsi, Alector, apprenant le nom de la jeune fille, passe très vite du compliment galant à une forme d’engagement :
Mon nom (respondit elle) est Noemie. Noemie (dist il) ? Quiconque ce nom vous imposa ne faillit pas à bien et convenablement vous denommer. Car vrayement Noemie, c’est à dire belle et tresbelle, estes vous, et encore plus gracieuse. Et à ce que vous dictes n’avoir suffisance à recompenser le plaisir et service que je vous ay faict, non pour celluy là (que je recognoys estre petit ou nul, au respect de vostre dignité), mais pour tous les services et honneurs que je desire et pretendz vous faire à l’avenir, et pour la grande et indicible amour que j’ay envers vous, je vous requier, ma dame Noemie, et demande en recompense une petite part de ce qu’est en vous le plus abondant, c’est de grace, beauté et amour mutuelle et reciproque. (p. 38-39)
Le propos du galant a un effet immédiat sur Noémie, que note la sagace Arcane :
La pucelle Noémie, encore jeune et simple, et qui jamais n’avoit autant ouÿ parler d’amour, aux parolles de ce tant beau jeune Escuyer se trouva toute changée, esmeüe et eschaufée des ardeurs que jamais n’avoit senti […] (p. 39)
Cette métamorphose est confirmée par le propos que Noémie tient à Alector. En substance, elle évoque sa « transmutation nouvelle », elle se sent « enflammée et affectionnée », elle n’a d’autre volonté que celle d’Alector, et finalement lui octroie son amour pour toujours, se déclarant conquise par lui (p. 39). La rapidité et l’intensité d’un tel innamoramento se traduit par une scène à l’eau de rose qui menace de dégénérer en scène plus crue, les gestes des amants suscitant l’émoi, voire l’excitation d’Arcane :
Alector, tant joyeux que plus ne pourroit estre, la remercia tresaffectueusement en luy implantant frequens baisers sur baisers, passans de la bouche au cœur et (comme l’on dict que par la bouche se met le feu au four) enflammans de plus en plus les premieres estincelles de ce feu couvert, attisé par doux attouchemens de main, allumé par soufflemens de gracieux souspirs, et par fois arrosé d’eau de larmes esprainctes de deux cœurs serrez en la presse d’amour, en sorte que, à la contemplation de telle douceur, qui (pour dire verité que j’ay jurée) me faisoit venir l’eau à la bouche, et par ennuy d’estre seulle, je m’endormi sur une couche de fueilles jusques au matin. (p. 39-40)
La vision de la scène romanesque agit presque comme la lecture d’un roman à l’eau de rose : elle excite et en même temps permet, paradoxalement, de trouver le sommeil, peut-être dans l’espoir de prolonger en songe le plaisir ressenti ou de conjurer la frustration d’une nuit solitaire. Or la frontière entre songe et réalité va devenir incertaine dans la suite du récit, peut-être parce qu’Arcane perçoit qu’il se passe, dans l’antre du centaure, ce qui ne saurait se dire, mais qui se laisse suggérer :
Et pource, de ce qui fut faict entre eulx, comme je n’en voulu rien savoir, aussi rien je n’en say, sinon que en mon dormant (ne say si je songeoie ou non) me sembla ouyr quelques douces plainctes de ma dame, entremeslées de joye ; d’ond me voulant lever pour aller vers elle, me commanda de dormir et me tenir en repos, ce que je fei voluntiers jusques au matin, que le Soleil estoit jà haut et reluysoit dans la caverne ; et à ceste prime lumiere levée, je regardoye ceste belle paire de tant belles jeunes personnes que le Soleil en pallissoit, gisantz face à face et à demi embracez, sur une grande couche de mousse verde, qui estoit (comme je croy) la lictiere du Centaure. (p. 40)
Le témoignage d’Arcane, sans doute faussement naïve, ne manque pas d’être plaisant : elle ne sait pas si elle songe ou non, elle ne veut rien savoir de ce qui se passe entre Noemie et Alector, mais enfin, elle interpelle sa maîtresse qui lui ordonne de dormir. Au matin, elle retrouve le couple d’amants enlacés, et on sera sensible au détail de la « couche de mousse verde » qui est probablement la litière du centaure : ce qui aurait pu être le théâtre d’une scène de roman noir – le viol de la belle par le monstre lubrique, et peut-être sa mise à mort – devient le théâtre d’une nuit d’amour désirée par les deux partenaires, au cours de laquelle les « douces plainctes » de l’héroïne « entremeslées de joye » substituent une petite mort entre les bras d’Alector à la mort qu’aurait infligée le centaure. Arcane a-t-elle songé ? Quelque chose s’est-il passé ?
Arcane dit contempler « à grand plaisir ma Dame Noemie avoir prins plus haute et nouvelle couleur que sa naturelle blancheur par le dormir matinal ». Le passage de la blancheur naturelle à une nouvelle couleur, indéfinie, pourrait naturellement signifier la perte de la pureté virginale. En fait, désormais le corps de Noémie parle : sitôt éveillée, tout se passe dans son échange de regards avec Arcane :
[…] et ma dame Noemie semblablement se leva, qui en me regardant devint rouge et honteuse d’avoir (comme je pense) dormi si haute heure. (p. 40)
Tout est ici dans la tension entre le peu crédible « dormi » et la clause « comme je pense » qui semble appeler une lecture par antiphrase, sauf à penser qu’Arcane ait décidément une naïveté de lectrice de roman rose, ce que semble infirmer tout le passage.
Pour le lecteur attentif, les choses sont plus claires que pour Arcane : il sait, lui, que la nuit dans l’antre a donné lieu à une scène de défloration. Alector est jalonné par une série de prophéties plus ou moins énigmatiques. L’une d’elles, la première du roman, adressée par un Caloier, ermite et devin, à un parent de Noémie, annonce le ravissement d’une « bische blanche » par un ravisseur qui « n’est ny homme ny beste » et l’arrivée d’un « enfant né de double naissance12 » qui la délivrera et qui « pour pris de son faict […] cueillera la fleur » (p. 32).
Après cette nuit dans l’antre du centaure, Noemie, Alector et Arcane arrivent à Orbe. Les frères de Noémie, pleins de reconnaissance, offrent l’hospitalité à Alector qui, toujours selon le témoignage d’Arcane
[…] accepta tresagreablement pour l’amour de ma Dame Noemie qu’il aimoit trescherement, et laquelle il venoit souvent visiter, caresser et faire l’amour honneste, sans villainie ne deshonneur, ne qu’il passast la ceincture (au moins que j’aye veu). S’il y a autre forfaict, ou veritable, ou par faulse accusation intenté, d’ond soit procedé tant de mal, je proteste que je n’en say rien plus que ce que j’en ay dict. (p. 41)
Arcane est décidément un témoin idéal : elle ne sait que ce qu’elle a vu, mais enfin, son art de modaliser son récit suggère, malgré elle, qu’il y a peut-être autre chose que ce qu’elle a vu : en ce sens, la clause « au moins que j’aye veu » sitôt après la formule « ne qu’il passast la ceincture » est à la fois un trait de génie de Barthélemy Aneau et le comble de la tartufferie de la part d’Arcane : des amours de Noémie et d’Alector, le narrateur omniscient ne dit explicitement que ce qui reste conforme au code de l’honneur des dames tout en suggérant que ce code a été largement transgressé ; Arcane, de son côté, en reste dans son témoignage au niveau de l’immédiatement visible ou audible, de l’explicite, mais laisse entendre malgré elle, qu’il y a du non vu et du non-dit dans lesquels se joue l’histoire d’amour entre Alector et Noémie.
Pour conclure, une remarque sur la fonction de ces trois histoires dans le roman. Alector est condamné à affronter le serpent des arènes, monstre anthropophage qui apparaît comme le châtiment d’un crime originel dans la ville : les Orbitains, qui s’étaient détournés de la vertu, ont lapidé un prophète, Calliste, qui les appelait à se ressaisir. Alector triomphe du monstre et libère Orbe, conformément à une prédiction de Calliste. Orbe est une utopie urbaine largement décrite dans les chapitres XXII à XXIV. Or cette cité parfaite ne fonctionne pas. Elle est dans le roman le théâtre de trois assassinats : ceux de Noémie, de Thanaise, de Calliste. Orbe, qui a une longue histoire dont témoigne son patrimoine architectural, s’oppose en cela à la Scythie : après le déluge, tout est à construire en Scythie et c’est ce que fait Franc-Gal. Il est frappant de constater que la seule histoire d’amour qui ne ne se termine pas tragiquement a lieu en Scythie entre Franc-Gal et Priscaraxe dans une atmosphère d’innocence originelle. L’utopie orbitaine est à l’inverse le lieu des interdits qui séparent les amants ou des convoitises qui conduisent au crime. Aneau invente donc cette utopie paradoxale, une cité idéale qui produit le mal et le malheur : c’est peut-être une façon pour lui, qui a édité l’Utopie de More13, de suggérer qu’il ne croit pas aux utopies, sinon à titre de modèle idéal dont la mise en œuvre serait catastrophique. À propos de l’Utopie il écrit, dans l’ « Advertissement declaratif de l’œuvre », que More « ha voulu figurer une morale Republique, et tresparfaite politique : voire si tresparfaite que jamais telle ne fut, ne est, ne paraventure sera14. » Outre qu’elles contribuent à l’« artificielle varieté » que revendique Aneau dans l’épître dédicatoire, peut-être les histoires d’amour, de sexe et de crime que contient Alector ont-elles pour fonction d’illustrer le scepticisme d’Aneau à l’égard des utopies. Aux systèmes figés, peut-être préfère-t-il l’idée d’une incessante refondation : c’est peut-être la mission qui incombera à Alector à Orbe, qu’il a délivré du serpent des arènes15.
Notes
Alector, Histoire Fabuleuse, Traduicte en François d’un fragment divers, trouvé non entier, mais entrerompu, et sans forme de principe, Lyon, Pierre Fradin, 1560. Le texte sera cité d’après l’édition suivante : Alector ou le coq. Histoire fabuleuse, édité par Marie-Madeleine Fontaine, tome 1, Genève, Droz, 1996. Les références paginales suivront chaque citation.
Voir sur ce point Pascale Mounier, Le roman humaniste : un genre novateur français. 1532-1564, Champion, 2007, p. 258-259 et 264-265.
Les quelque 500 pages de notes qui constituent le tome 2 de l’édition du roman donnée par Marie-Madeleine Fontaine en attestent.
C’est à ces peuplades qu’il doit son nom de Franc-Gal : « Et pour autant que je leur administroie liberalement (ce que soit dict sans vantance ne reproche), ilz me baillerent tiltre de FRANC, qui en langage Celtique est à dire Liberal et Hardi, tellement que depuys le nom de FRANC-GAL m’en est demouré. » (p. 91)
Voir le titre du chapitre I : « La surprise d’Alector en la chambre de la pucelle Noemie Gratianne. Son evasion et merveilleuse defense. L’occision de s’amie entre ses bras. La prinse, accusation et emprisonnement de luy, et la sepulture d’elle avec son Epitaphe. » (p. 17)
L’Histoire Æthiopique de Heliodorus, contenant dix livres, traitant des loyales et pudiques amours de Theagenes Thessalien, et Chariclea Aethiopienne. Nouvellement traduite de Grec en Françoys, Paris, Jan Longis, 1547. Voir M.-M. Fontaine, éd. cit., tome 2, note 5, p. 374. Le début du premier chapitre d’Alector peut être considéré comme un pastiche du début de L’Histoire Æthiopique. Voir Pascale Mounier, op. cit., p. 259.
« Cy devant gist la belle Noemie | Que lamenter l’ordre des Graces semble. | Pour d’Alector estre constante amie | Sentit le coup d’amour, et mort ensembe. » (p. 24)
Alector naît d’abord dans un œuf que Priscaraxe couve pendant neuf jours au terme desquels il rompt « l’ovalle où il estoit enclos » (p. 111).
La Republique d’Utopie, par Thomas Maure, Chancelier d’Angleterre. Œuvre grandement utile et profitable, demonstrant le parfait estat d’une bien ordonnee politique : Traduite nouvellement de Latin en Françoys, Lyon, Jean Saugrain, 1559.
Aneau annonce dans l’épître liminaire qu’il donnera l’histoire d’Alector en « son eage virile », et que cela consistera « en un second livre ou tiers, autant comme la matiere se pourra estendre » (p. 11). Le projet n’a pas abouti, Aneau étant mort assassiné en 1560.
Table des matières
Origines antiques et formes pré-classiques
Desultoriae scientiae stilo : Du topos comme échangeur entre le rose et le noir, d’Apulée à Sade
Mélusine : la violence des sentiments
Amour, sexe et crime dans Alector (1560) de Barthélemy Aneau
Territoires instables de la fiction pastorale : entre les « hommes de paix » et les « gens de guerre »
La grande hybridation : 1650-1780
De l’affaire Gaufridy à l’affaire La Cadière, de François de Rosset à Boyer d’Argens : des noirceurs du diable au roman rose
Une tentative de déterritorialisation : l’histoire de la marquise de Ganges dans les Lettres historiques et galantes de Mme Du Noyer
Les contes de fées ne sont pas toujours roses : avertissements et désillusions dans les contes merveilleux de la fin du XVIIe siècle
Les infortunes chinoises de la vertu. Jin Yun Qiao zhuan, un roman rose très noir du XVIIe siècle encore inédit en français
Jin Ping Mei, le plus grand malentendu de l’histoire de la littérature chinoise
Les histoires noires du Siècle d’Or espagnol retouchées en rose pour l’Europe des Lumières
Le mariage des topoï lyriques et tragiques dans Les Lettres de Sophie de Vallière de Mme Riccoboni
La révolution gothique
« Rubans roses » et « idées noires » dans La Nuit anglaise de Bellin de La Liborlière
Le roman à complot, produit des Lumières
Implications idéologiques de l’hybridation romanesque dans l’Histoire de quatre Espagnols (1802-1803) de Galart de Montjoie
Rétif de la Bretonne au XXXIe colloque de la SATOR
La vertu chez Sade et chez Rétif à l’épreuve de la traduction japonaise
Le roman rose face aux passions noires : Delphine de Germaine de Staël
Noirceurs esquivées. Mimésis et générosité dans La Femme jalouse
Du rose au noir chez Jean-Claude Gorjy : un laboratoire romanesque de la terreur, hybridation ou métamorphose ?
Lust, Caution (色,戒) : l’histoire derrière l’histoire