Résumé
Les nouvelles espagnoles publiées en 1772 par Louis d’Ussieux pour le lectorat parisien de la fin du règne de Louis XV, s’écartent décidément des topoï noirs et sanglants développés par les nouvellistes du Siècle d’Or espagnol. La déterritorialisation progressive des nouvelles espagnoles s’observe à travers une étude des sources successives donnant lieu au recueil parisien des années 1770, dont certains éléments seront repris en Allemagne par Carl von Grosse dans les années 1790. Les dénouements tragiques suscités par des duels, des crimes d’honneur et l’avarice des familles, qui sacrifient leurs filles aux ambitions de la lignée, sont peu à peu révisés pour permettre à la vérité, la vertu et l’amour de triompher. La rationalité remplace la superstition, le bonheur chasse le malheur et la vie défie enfin la mort. Même si toutes les issues ne sont pas forcément roses, l’empreinte des Lumières s’aperçoit.
Abstract
The Spanish short stories published in 1772 by Louis d'Ussieux for the Parisian readership at the end of the reign of Louis XV, are a decided departure from the dark and bloody topoi developed by the short story writers of the Spanish Golden Age. The progressive deterritorialization of Spanish short stories can be observed through a study of the successive sources giving rise to the Parisian collection of the 1770s, some elements of which were taken up in Germany by Carl von Grosse in the 1790s. The tragic endings brought about by duels, honor killings and the avarice of families, who sacrifice their daughters to the ambitions of the lineage, are gradually revised to allow truth, virtue and love to triumph. Rationality replaces superstition, happiness drives out misfortune and life finally defies death. Even if all the endings are not necessarily rosy, the imprint of the Enlightenment can be seen.
Si l’on peut définir la naissance européenne et l’histoire du roman comme celle d’une hybridation entre thèmes et motifs lyriques et amoureux d’une part, épiques et tragiques d’autre part, cette définition s’applique également à la naissance européenne et à l’histoire de la nouvelle. Née en Italie, elle a connu un temps fort en Espagne avant de s’épanouir en France, en Angleterre, en Allemagne et dans tout le reste de l’Europe. Facétieuse dans ses débuts et fortement arrimée aux narrations orales de divertissement – que l’on pense au récit cadre du Décaméron de Boccace et à toutes les mises en scène de devisants et devisantes ayant suivi ce premier modèle – la nouvelle rencontre, tout comme le roman d’ailleurs, la désapprobation des instances religieuses. Il faudra un génie comme celui de Cervantes pour proclamer l’utilité des nouvelles et faire enfin triompher le modèle de la « nouvelle exemplaire ». Pour parvenir à imposer cet oxymoron, il a fallu ruser avec les traditions et avec le pouvoir, car l’exemplum appartient depuis le Moyen Âge au discours religieux de l’édification morale, tandis que la nouvelle, souvent leste, cherche à divertir le public. Une délicate négociation entre l’idéal et le vrai, l’utile et l’agréable marque l’histoire du genre non sans privilégier tantôt les lieux communs du bonheur qui colorent la vie en rose, tantôt ceux du malheur qui l’abîment dans la noirceur.
Un recueil de Nouvelles espagnoles, paru à Paris en 17721, nous permettra d’observer la déterritorialisation, voire l’élimination des topoï noirs, sanglants et terrifiants, propres au Siècle d’Or espagnol, au profit de développements épousant l’optimisme des Lumières. L’importation de nouvelles espagnoles en France n’est pas une nouveauté au XVIIIe siècle. Elle commence déjà au début du XVIIe siècle, lorsque l’hégémonie de l’Espagne, sous la maison des Habsbourg, embrasse l’Europe tout entière. De fait, le genre de la nouvelle espagnole jouit d’une popularité évidente auprès du public français tant à l’époque baroque qu’à l’époque classique et joue même un rôle intéressant dans l’évolution de l’écriture romanesque en France. On distingue deux vagues de traductions, la première correspondant à l’assimilation d’une littérature rivale et la seconde davantage à un goût d’exotisme. À la fin du XVIIe siècle on remarque aussi une vogue de la nouvelle espagnole qui s’érige en sous-genre narratif essentiellement porté à Paris par l’éditeur Claude Barbin2. Le recueil de 1772, publié par Louis d’Ussieux chez Ruault, puise à toutes ces sources. Les Nouvelles espagnoles n’ont pas été traduites de différents auteurs pour cette publication, comme le titre du recueil et le double lieu de publication, Madrid et Paris, le laissent entendre, mais des traductions du XVIIe siècle, voire des nouvelles historiques françaises à sujet espagnol ont été retouchées pour convenir au goût du jour.
Le Siècle d’Or espagnol englobe les XVIe et XVIIe siècles. Or, pendant toute cette période, le pouvoir royal, doublé depuis 1478 de l’Inquisition, impose la foi catholique à l’ensemble de la population. Pour contrer la Réforme protestante, le Saint-Office publie les premiers Index de livres interdits vers 1560 avant même les conclusions du Concile de Trente. Plus vigoureusement encadré qu’ailleurs, le mouvement baroque de la littérature espagnole, qui s’aligne sur les règles tridentines, se conçoit aisément comme une « culture dirigée3 ». On voit pourquoi l’Espagne est réputée avoir été au Siècle d’Or « la maîtresse morale de l’Europe4 ».
La nouvelle espagnole arrive à son apogée dans ce contexte. Les Nouvelles exemplaires de Cervantes, parues en 1613, sont diffusées en français dès 1614-1615 dans la traduction de François de Rosset et du sieur d’Audiguier. Elles connaîtront neuf rééditions avant 16705. Leur succès en France ne fait pas de doute : Jean-Pierre Camus, évêque de Belley, les lisait, tandis que « Scarron et surtout Sorel se sont déclarés hautement disciples de Cervantès6 ». En Espagne aussi, les recueils de nouvelles sont des « best-seller7 » à l’époque baroque, même s’ils n’ont pas tous connu le succès pérenne des Nouvelles exemplaires de Cervantes. C’est notamment le cas des nouvelles historiques de Don Cristóbal Lozano (1609-1667), docteur en théologie et ami de Calderon de la Barca. Outre des publications à caractère didactique et religieux, il fit paraître des nouvelles sous le titre éminemment baroque de Soledades de la vida y desengaños del Mundo, titre auquel les éditeurs adjoindront bientôt le sous-titre de novelas ejemplares. On retrouve quelque vingt-cinq éditions de ce recueil avant 1812. Dès 1672 il inclut en plus des quatre parties des Soledades (1658) également Persecuciones de Lucinda y trágicos sucessos de don Carlos (1636) ainsi que Las Serafinas (1672)8. La parution posthume de ces cinq nouvelles peut être due à un prosaïque manque de papier9 ou encore à la discrétion de l’auteur, puisqu’elles s’adressent à une dame appartenant à la première hiérarchie des anges si l’on veut bien en croire le nom de « Serafina » qui lui est donné.
Le duel
La fortune européenne de la troisième nouvelle adressée à Doña Serafina nous permettra d’apprécier comment chaque traduction ou réécriture modifie l’esprit du récit tout en conservant l’histoire dans ses grandes lignes et même dans ses détails. Le coloris bien sombre des solitudes et des déceptions annoncé dans le titre du recueil de Lozano se retrouve aussi dans le titre de la nouvelle : Buscar su propia desdicha10. Le malheur affiché situe d’emblée le lecteur dans l’espace des histoires tragiques qui mettent le public en garde contre toutes sortes d’abus. Le narrateur cherche donc l’attention et la complicité de la Señora Doña Serafina en lui promettant l’histoire d’un duel dont elle doit avoir entendu parler. La nouvelle est connue, mais il reste à en comprendre les raisons et à en tirer une leçon. Le dialogue engagé avec son interlocutrice privilégiée permettra au narrateur de discuter la moralité de l’histoire au fil du récit. En voici donc les points saillants :
Le héros castillan Don Félix s’en va combattre les Maures sous la bannière espagnole et sera fait prisonnier dès la première bataille où on le voit s’exposer dans l’avant-garde avec un grand courage mais sans tenir compte du surnombre des ennemis. Le narrateur ne manque pas de souligner que ce malheur est de sa faute. Le Bacha qui le mène à Alger, ayant apprécié sa vigueur, se l’approprie et en fait son esclave-confident. Il le place auprès de la belle Zayda pour qu’il la convainque de lui donner sa main. Don Félix découvre alors que la belle adore les faits d’armes et les hommes victorieux. Elle préfère donc Ochali, un valeureux cousin du roi, au doux Bacha. Après avoir souffert les colères de Zayda pour lui avoir assidûment fait la cour au nom de son maître, Don Félix parvient à la gagner pour lui dans un tournoi l’opposant à Ochali. Le vainqueur de ce tournoi est don Félix déguisé en Bacha. Personne n’aperçoit cette feinte. Zayda épouse le Bacha qui s’empresse de libérer son esclave. De retour en Espagne où son amoureuse l’attend à Plasence, Don Félix fait un détour par la Cour où il apprend que pendant son absence Don Francisco Valcarcel s’était signalé comme l’homme le plus fort du pays. Il décide alors d’aller se mesurer à ce noble du royaume de Murcie avant de se présenter devant la belle Doña María de Vargas, sa fiancée. Cette erreur est irréparable. Il meurt sans raison tandis que le bonheur sera pour Valcarcel qui épousera la belle que son opposant lui confie en mourant. Don Félix aura compris trop tard que la bravoure n’est pas une valeur en soi.
La mort du héros est la suite inévitable de son caractère excessif qui le prive d’un bonheur mérité. Par sa faute, son sort est noir plutôt que rose. Le récit de sa carrière permet d’opposer la violence des Maures à la mansuétude des Espagnols et parmi ceux-ci la valeur raisonnable du noble de Murcie par opposition à la bravoure futile du noble castillan ainsi que la fierté rageuse de Zayda et l’humilité bienveillante de Doña María. Le propos tragi-comique de la nouvelle n’est pas modifié lors de sa première traduction française publiée à La Haye en 1739 dans un recueil anonyme de Lectures amusantes11. Le traducteur s’excuse plutôt de ne pas rendre dans son texte tous les détails locaux et surtout la poésie faisant le charme de l’original. Il se borne à résumer la portée des passages versifiés et réduit la conversation moralisante avec la destinataire intradiégétique Doña Serafina au commentaire que voici :
Il me semble que j’entends mon Lecteur s’arrêter ici & se demander, si au lieu d’une Nouvelle, je ne lui donne point l’exorde de quelque Sermon de carême. Il est vrai que ce prélude est moral, le reste de l’Histoire que j’ai à raconter le sera aussi. Si on s’attache simplement aux faits ce ne sera qu’une Nouvelle. Si on les accompagne des refléxions que je laisserai à faire au Lecteur, ce sera un véritable Sermon, par le fruit que cette Nouvelle peut produire dans quiconque la lira avec un esprit de sagesse. Le seul recit fait naître naturellement ces refléxions. Persuadé qu’elles viendront d’elle-mêmes au Lecteur, je ne m’arrêterai point à les lui présenter ; & j’en userai sobrement pour ne point suspendre une Histoire qui l’amusera12.
On ne pourrait être plus clair. Pour ce traducteur de la fin des années 1730, l’exemplum se passe de commentaires édifiants. Tout ce qu’il y aurait de sage à dire se trouve dans les discours et les gestes de Valcarcel et de Doña María dont le mariage réjouit pour finir toute la noblesse du Royaume de Murcie. Au lieu de rechercher la complicité d’une lectrice, ce narrateur s’adresse à un lecteur supposément sage dans le but déclaré de le divertir. Traditionnellement on attribue cette version « amusante » à Jean-Baptiste de Boyer d’Argens, mais Henri Coulet a des doutes qui se confirment lorsqu’on compare le Discours sur les nouvelles à d’autres préfaces du même auteur13. De plus, le marquis d’Argens publie en 1751 à La Haye chez le même éditeur une nouvelle espagnole et une nouvelle française pour peindre « tous les mouvements de la plus vive Jalousie dans la Nouvelle Espagnole », puis « dans la Françoise ceux de la Coquetterie14 ». De son propre aveu, d’Argens veut donner « une idée juste des sentimens du cœur & de l’esprit15 » tout en s’appuyant sur les stéréotypes des passions soi-disant nationales promis à un bel avenir. Rien n’est plus éloigné de l’attention que porte l’auteur du Discours sur les nouvelles aux particularités de la novela espagnole. Jusqu’à nouvel avis, il est sans doute prudent d’admettre simplement l’anonymat du recueil en question.
Lorsque Louis d’Ussieux publie son recueil en 1772 à Paris, le contexte littéraire et culturel s’est encore une fois modifié. La parution de l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert diffuse largement la pensée des Lumières à laquelle adhère notre littérateur, qui prend parti pour les philosophes dès 1768 dans L’Europe littéraire, périodique qu’il publie à Mannheim, mais aussi dans son Essai sur l’état actuel de la littérature française, publié à Paris la même année. En reprenant la traduction de 1739 dans son recueil, d’Ussieux en élimine encore davantage les commentaires métanarratifs et s’applique à augmenter le suspens en utilisant le présent historique pour décrire les multiples combats de Don Félix. Aussi n’est-il plus question dans le titre de la nouvelle d’un homme qui cherche son propre malheur, mais au contraire du Brave de Castille. Cette allusion au roi Philippe V d’Espagne dit Le Brave, qui avait régné de 1700 à 1746, est évidemment une manière de souligner un caractère national avec lequel le lecteur français peut prendre ses distances. Le cadre historique du récit demeure cependant situé sous le règne de Philippe II au moment où, pendant les années 1560, le général François de Mendoza eut quelques succès contre les Algériens près d’Oran et de Marzalquivir. L’Afrique et l’Espagne sont ici des théâtres également exotiques où s’égayer d’un caractère téméraire, orgueilleux ou carrément insensé, comme l’annonce le narrateur de 177216. Dans cette sorte de déterritorialisation, il n’y a plus beaucoup de place ni pour la peinture du noir des histoires tragiques, ni pour celle du rose des fins heureuses. D’Ussieux expédie donc le mariage final en une phrase et conclut que « les plaisirs succédèrent à la tristesse17 ».
La version de Louis d’Ussieux donne enfin lieu à une traduction allemande de cette nouvelle, publiée à Berlin en 1794 par le marquis Carl von Grosse. Sans nommer sa source, le nouveau traducteur se réfère tout de même dans sa préface à une traduction française qui ne rend pas le coloris national des nouvelles espagnoles. Il promet donc à ses lecteurs de restituer aux nouvelles leur couleur nationale, étant bien placé en Espagne pour en rendre compte. Le Brave de Castille devient donc, sous la plume de Grosse, le héros de Castille : Der Held von Kastilien18. Cette version, due à un chevalier de Malte faisant du service en Espagne, abrège encore davantage l’introduction et la conclusion du récit pour laisser toute la place aux aventures du héros Don Felix. Il apparaît enfin que l’Europe des Lumières ne recherche pas tant les leçons de sagesse issues du Siècle d’Or espagnol que quelques images stéréotypées du Castillan valeureux à l’excès et parfaitement exotique. La nouvelle exemplaire est devenue un pur divertissement.
La question du duel abordée par Lozano, puis poussée à l’absurde dans sa nouvelle, est en réalité un sujet épineux souvent traité dans les histoires tragiques tant il est vrai qu’au début du XVIIe siècle les lois tentent de mettre un frein aux mœurs querelleuses héritées du Moyen Âge19. Cependant, le crime d’honneur, qui met en danger la vie des femmes, n’est pas un sujet présent dans le corpus français étudié par Thierry Pech. En revanche, il s’agit là du sujet le plus noir souvent abordé dans les nouvelles espagnoles. La déterritorialisation de ce topos sanglant, qui traverse difficilement les Pyrénées, demande des adaptations au traducteur cherchant à intéresser un public français. On peut observer dans le recueil de Louis d’Ussieux trois stratégies différentes.
Le crime d’honneur
Si le duel met en jeu la vie des hommes, le crime d’honneur vise celle des femmes. Il n’est donc pas étonnant qu’une femme écrivain du Siècle d’Or espagnol ait vivement dénoncé cette pratique éminemment dangereuse pour son sexe. Il s’agit de la nouvelliste María de Zayas y Sotomayor à qui d’Ussieux emprunte non moins de cinq nouvelles qui avaient toutes connu des traductions préalables au XVIIe siècle. L’œuvre de Zayas comprend deux cycles de dix nouvelles, soit les Novelas amorosas y ejemplares (1637) et les Desengaños amorosos (1647). Un récit-cadre situe le partage de ces nouvelles à l’occasion de fêtes qui durent plusieurs soirées. L’enjeu est celui du choix à faire entre le mariage ou la retraite du monde. Or, les histoires proposées à tour de rôle par les invités jettent une lumière si défavorable sur les rapports entre les sexes que l’hôtesse de la fête choisira en fin de compte de se retirer dans un couvent. Le crime d’honneur est au centre de deux histoires reprises par d’Ussieux.
L’histoire andalouse du huitième « desengaño20 » se situe à la fin du XVIe siècle, lorsque le comte de Lemos était vice-roi de Naples. La jeune Doña Mencía vit à Jaen avec son père, Don Pedro, et son frère, Don Alonso. Tous deux comptent faire entrer la jeune fille dans un couvent pour pouvoir conserver tout le patrimoine. Mais elle est recherchée par Don Enrique, jeune homme originaire de Grenade, dont les parents très fortunés étaient venus habiter Jaen, lorsqu’il était encore enfant. Guidé par l’avarice et l’orgueil, Don Pedro rejette tous les prétendants de sa fille et notamment Don Enrique, car il ne veut pas mêler son sang à celui de cette famille. On sait que la « limpieza de sangre » est une obsession en Espagne dès la fin du XVe siècle, alors que des lois sont édictées pour favoriser les « vieux chrétiens » qui n’ont pas d’ascendance juive ni musulmane. Mais en l’occurrence, la « tache » aperçue est celle d’une origine paysanne. Malgré tout, Doña Mencía répond aux avances de Don Enrique. Pour venger cet affront et sauver l’honneur de la famille, Don Pedro et son fils tendent un piège aux malheureux amants. Don Alonso commet alors un crime très noirs. Doña Mencía meure poignardée, tandis que son fiancé survit tout juste à ses blessures. Il ne lui reste plus qu’à se faire moine et à construire un tombeau pour sa femme. Elle entre en gloire, belle comme jamais, dans sa dernière demeure un an après sa mort. Il y aura ensuite un second meurtre à Naples avant que la justice ne se saisisse de Don Alonso, le juge et le décapite. Quant à Don Pedro, il préfère cette infamie à celle d’avoir une descendance indigne de son sang !
La rédemption religieuse du couple sacrifié ne se retrouve pas dans la traduction française due à Claude Vanel en 1680. Poignardée par son frère, Doña Mencia ne succombe pas à ses blessures. Bien armé, Don Henrique se défend vigoureusement contre ses attaquants. Enfin, le Corrigidor intervient rapidement pour redresser la situation. Bientôt les amants peuvent donc se marier. Après la mort de Don Alfonse, Don Pedre, puni du Ciel, décède rapidement pour permettre une conclusion en rose : « Ainsi D. Henrique estant défait de tous ses ennemis, vêcut heureux avec sa femme, qui herita seule de tous les biens de D. Pedre21. » La version publiée par d’Ussieux ne diffère pas de celle de Vanel, mis à part la modification de quelques noms de personnes et de lieux. Les scènes les plus lugubres sont abrégées et la fin en rose citée ici tombe aussi. Est-ce par manque de place au bas de la dernière page, ou pour conclure sur le « châtiment du ciel22 » bien mérité par un père plus attentif à la pureté du sang qu’à la vie et au bonheur de ses enfants ? Quoi qu’il en soit, le crime d’honneur à pu être déjoué.
Les pères tyranniques ont très mauvaise presse dans les nouvelles de María de Zayas. Un autre exemple de leurs abus se trouve dans l’histoire madrilène contée par Mathilde aux convives réunis. Laurela, l’héroïne du sixième desengaño23, possède tous les charmes des jeunes filles les plus nobles et les mieux éduquées de Madrid. Étant musicienne, elle s’entoure de suivantes capables de l’accompagner. Elle est repérée par un étudiant musicien comme il s’en trouve dans les grandes villes. Ce soupirant parvient à entrer à son service déguisé en fille et lui apporte beaucoup de joie. Mais lorsqu’un prétendant demande la main de Laurela, Estefanía redevient Esteban et enlève la belle… L’ayant « vaincue » sans peine, il l’abandonne sur les marches de l’église Santa María en lui avouant tous ses torts. Ne pouvant pas se saisir du coupable, la famille venge son honneur en assassinant Laurela. Un complot très noir se trame entre le père de famille et l’oncle et la tante ayant recueilli la pauvre jeune fille. L’accident qui cause son décès est minutieusement organisé, puis présenté comme un châtiment du Ciel. La vérité du crime d’honneur est cependant révélée aux sœurs et à la mère de Laurela par une servante. Entièrement désillusionnées à propos des hommes, celles-ci se retirent dans un couvent.
Cette tragédie est tournée en tragi-comédie dans la traduction de Claude Vanel24. Pour ce faire, le traducteur s’écarte de l’original en donnant des rôles plus intéressants au prétendant légitime de Laurette et à l’épouse de Don Estevan. De son côté, le musicien en fuite sera puni de mort par un hasard providentiel et ses aveux, recueillis par son rival D. Henrique, justifieront l’héroïne. Enfin, au lieu de venger son honneur, le père de famille paiera la dot permettant à sa fille de se retirer dans un couvent. Même si l’issue de cette histoire n’est pas vraiment rose, le crime d’honneur en est cette fois entièrement éliminé. D’Ussieux reprend à peu de choses près cette version qui acclimate sensiblement la nouvelle baroque espagnole au goût plus classique qui se développe en France, tandis que l’Académie préconise la francisation de modèles étrangers25. Un siècle plus tard, Louis d’Ussieux adhère toujours à ce projet de francisation et d’acclimatation de la littérature étrangère. Il emprunte donc à une comédie de Marivaux, toujours jouée à Paris dans les années 1760, le titre de sa nouvelle traduction. La Feinte Musicienne ou l’Amant déguisé devient alors La fausse suivante26 de sorte que personne ne peut se souvenir de l’histoire tragique d’origine.
Toute la noirceur du crime d’honneur est vigoureusement dénoncée en Espagne dès 1624 par le biais d’une nouvelle de José Camerino intitulée El casamiento desdichado27 ou « Le mariage malheureux ». Mais, rapidement transposée en français par Nicolas Lancelot, cette histoire circule en France dès 1628 sous un titre plus réjouissant, soit Le ravissement heureux28. L’allusion à des destinées heureuses ou malheureuses disparaît entièrement dans le titre qui ouvre le recueil de Louis d’Ussieux en 1772 pour laisser place à une indication géographique située bien précisément entre l’Espagne et la France : La cabane des Pyrénées29. Vingt ans plus tard, on retrouve le même choix dans la traduction fidèle de cette nouvelle en allemand, publiée à Berlin par le marquis von Grosse : Die Hütte in den Pyrenäen30. À la fin du XVIIIe siècle, un recueil de nouvelles espagnoles s’inscrit manifestement dans le marché du divertissement à Berlin et le relais français va de soi. Qu’est-il advenu des noirceurs de l’histoire tragique d’origine dans ces circonstances ?
Dans la plus pure tradition de la novela, Camerino centre l’intrigue de son récit sur un conflit familial privé, mettant en jeu l’honneur de la lignée.
La fille d’un noble de Séville, prêt à partir pour les Indes, tombe amoureuse d’un gentilhomme français qui lui fait la cour. Surpris sous la fenêtre de Beatriz, Ricardo se bat en pleine nuit contre le fiancé de sa belle et ses acolytes. Le rival meurt de ses blessures et le couple décide de s’enfuir en France. Pour être lavé de tout soupçon, Ricardo demeure en ville, tandis que Beatriz prend la route de la France déguisée en page. Cette ruse réussit d’autant plus facilement que la famille offensée doit partir rapidement pour les Indes sur ordre du roi. Malheureusement, Beatriz est dévalisée par des brigands en traversant les Pyrénées, ses accompagnateurs meurent, mais elle est sauvée par un second gentilhomme français qui emmène le soi disant page Alejandro avec lui à Paris. Avant de dévoiler la scène parisienne, le récit se tourne vers Ricardo, qui apprenant plus ou moins ce qui s’est passé, devient fou de désespoir et de jalousie. Il se réfugie à Marseille chez son frère qui le soigne pendant un an pour lui rendre sa santé mentale. Pendant ce temps d’étranges accidents arrivent à l’héroïne travestie. La sœur de son nouveau maître tombe amoureuse du prétendu page. Les deux risquent de mourir aux mains du frère qui surprend leurs gestes. Beatriz révèle alors sa vraie identité pour éviter le carnage et s’expose ainsi à la passion amoureuse de son maître. Elle cherche refuge dans un couvent qui abrite également la sœur de Ricardo. Enfin, les amoureux se retrouvent, se marient, ont des enfants et vivent six ans de bonheur. Tout est rose, sauf que la « jalousie de la Fortune31 » vient tout gâcher. Au Pérou, le frère de Beatriz, qui fait sa cour à une princesse indigène, est diffamé par un rival pour n’avoir pas vengé l’enlèvement de sa sœur. Il fait alors un immense voyage pour laver son honneur en poignardant sa sœur et son beau-frère en France. Ce noir carnage a lieu de nuit. Puis l’assassin prend la fuite tout en regrettant de n’avoir pas vu ni tué ses neveux… Comme il échappe à la justice, seul le présent récit tragique dénoncera ce crime d’honneur à travers le monde entier.
Mais Nicolas Lancelot trahit le propos de Camerino, car sa version ne sert pas à condamner le frère assassin. Il supprime carrément l’épisode rose du mariage et du bonheur des amants ainsi que l’épisode noir du crime d’honneur. Il développe plutôt les topoï qui lui permettent de ramener l’intrigue en France. L’histoire commence dans les Pyrénées au moment où l’héroïne se lamente de son sort dans la solitude. Sa belle voix attire l’attention du gentilhomme français qui prendra ce page abandonné à son service non sans avoir écouté son histoire quelque peu déguisée. Ce qui se passe à Séville puis aux Indes ne fait donc plus partie de l’action. Par contre, le topos de la jeune femme travestie en page, qui suscite l’amour d’une autre femme, est redoublé par la lecture d’une aventure semblable dans la Diana, roman pastoral de Jorge de Montemayor. Le ravissement heureux, annoncé dans le titre de la nouvelle, se réfère sans doute à la fuite réussie de l’héroïne, mais aussi à la vogue des importations littéraires de l’Espagne qu’on s’arrache à Paris. Beatriz, renommée Cécile par Lancelot, subit hélas le même sort, car les deux gentilshommes français, à qui elle doit son séjour parisien, finissent par s’entretuer en duel à son sujet. Elle en meurt de chagrin au couvent. Cette triste fin n’a plus rien à voir avec le crime d’honneur dénoncé par Camerino. De plus, elle frustre le lecteur d’une fin en rose que tout semblait annoncer, le titre de la nouvelle inclus. Mais, le meurtre et le rapt pouvaient-ils être aussi franchement encouragés ? La mort du héros coupable sanctionne clairement les combats singuliers. Elle nous ramène à la noirceur des duels attaquée par Cristóbal Lozano et ses traducteurs, à la différence que ce sont des Français qui s’entretuent dans l’histoire révisée de José Camerino. Les versions de Louis d’Ussieux et de Carl von Grosse maintiennent cette triste fin proposée par Nicolas Lancelot. À défaut du crime d’honneur, la France et l’Allemagne connaissent bien le fléau des duels.
La mort
Si la noirceur des crimes d’honneur ne se maintient pas lors du transfert des novelas espagnoles en France, l’horreur suscitée par des revenants est également évitée dans les traductions françaises du XVIIe siècle. La magie noire et les superstitions religieuses n’y trouvent pas leur place, comme l’a bien montré Guiomar Hautcœur dans son analyse des traductions de Claude Vanel publiées en 168032. Le besoin de rationalité est encore plus marqué au XVIIIe siècle, lorsque d’Ussieux publie ses nouvelles espagnoles. Parmi tant d’exemples traitant de la vie posthume des morts, choisissons le plus marquant, soit le cas d’une jeune femme qui revient apparemment de la mort à la vie pour épouser in fine son premier et seul amour. Cette histoire est contée dans la huitième nouvelle du premier recueil de María de Zayas intitulée El imposible vencido33. Dans le texte le terme de maravilla remplace celui de novela. Il s’agit bien d’une merveille ou d’un miracle dont les heureux amants sont redevables au Christ qui a béni leur amour.
L’action se situe à Salamanque où se trouve la principale faculté de théologie d’Espagne. Les héros, Leonor et Rodrigo, sont des voisins natifs de cette région et s’aiment depuis leur tendre enfance. Mais lorsque vient le temps de les marier, Rodrigo n’est pas choisi par les parents de Leonor, car il n’est pas l’héritier du domaine familial, étant le second fils de sa famille. Les amants s’engagent secrètement et Rodrigo part rejoindre le duc d’Albe en Flandre pour mériter par les armes la main de sa belle. Les aventures situées en Flandres occupent la moitié de la nouvelle. Pendant ce temps Leonor est trompée par son prétendant, Alfonso, et ses propres parents sur la conduite de Rodrigo et croit qu’il s’est marié là-bas. Elle se rend alors à la volonté de son père et épouse Alfonso sans l’aimer ni lui permettre de consommer ce mariage. La seule satisfaction de l’époux est d’avoir gagné une grande fortune. Cependant Rodrigo revient glorieux de la campagne de Flandre et en l’apercevant Leonor s’évanouit, est déclarée morte par trois médecins, puis enterrée. Son retour à la vie s’amorce nuitamment, lorsque Rodrigo corrompt le sacristain pour s’introduire dans le caveau où elle repose, lui adresse des discours passionnés et demande au Christ qui surmonte l’autel de cette crypte d’entendre ses vœux. Voyant bouger la morte, il l’emporte chez lui, la réanime et, non sans consulter un théologien, procède à un nouveau mariage. La fête de ce mariage qui se tient à Salamanque rend l’affaire publique et le premier époux en saisit la justice. Le « corregidor » fait arrêter tout le monde, mais la famille de Leonor se tourne vers l’Église pour faire instruire le procès. L’évêque entend les confessions des trois intéressés et donne raison aux cœurs purs, parce que, selon la théologie tridentine, la foi donnée suffit pour valider un mariage. L’histoire des amours de Leonor et de Rodrigo se termine donc en rose !
Mais, dans la version française de Vanel34, rien ne se passe ainsi. Le procès est instruit par la justice séculière, les amants sont trouvés coupables de complot, Leonor, rasée et jetée dans un couvent, puis Rodrigo, exilé. Ils meurent tous deux dans les plus brefs délais, de sorte que la fin de l’histoire est on ne pourrait plus noire, mais le droit séculier en sort vainqueur, ce qui importait évidemment sous Louis XIV.
D’Ussieux redresse l’histoire pour conserver la fin heureuse sans avoir pour autant recours au miracle. Dans sa version35, Alfonse est atteint d’une maladie et, sur son lit de mort, il avoue ses torts, rend Leonor héritière de tous ses biens et souhaite aux deux amants plus de bonheur qu’il n’en a lui-même vécu. En fait, l’intervention de Louis d’Ussieux est minime dans le texte de Vanel, mais l’issue féministe de l’original est confiée au sort plutôt qu’à un tribunal ecclésiastique. Les aveux que font les mauvais sujets avant de mourir favorisent les fins heureuses. Il semble y avoir là un topos capable de mettre les histoires tragiques en échec. Dans La feinte musicienne, l’aveu de Don Estevan n’empêche pas la femme trompée de se retirer dans un couvent, mais un siècle plus tard celui de Don Alonso facilite le bonheur de la femme abusée et contrainte par avarice (codicia). Ce péché capital est dûment puni comme dans l’histoire originale.
Conclusion
Que nous apprennent en définitive les déterritorialisations des nouvelles baroques espagnoles, acclimatées en France aux XVIIe et XVIIIe siècles, sur le sort des topoï noirs de l’exemplarité chrétienne ? Comme on vient de le voir, la morale chrétienne véhiculée par ces nouvelles espagnoles demeure la même à travers les siècles. Il s’agit toujours de dénoncer les excès et de favoriser la mesure, la bonté et le respect des meilleurs usages. Cependant, les stratégies discursives se modifient. Les histoires tragiques misent sur l’effet dissuasif des châtiments, tandis que leurs révisions ultérieures cherchent à encourager les bons sentiments. Centrée sur les rapports amoureux, la novela insiste sur la vulnérabilité des jeunes femmes dont le bonheur ne vaut pas cher en comparaison de l’intérêt et de l’honneur des familles. La retraite dans un couvent s’offre à celles-ci, lorsque leurs espoirs amoureux sont déçus. Cette issue topique lénifiante remplace la mort cruelle de quelques héroïnes, dans les versions françaises des nouvelles de María de Zayas. Un autre expédient est celui de la guérison de la victime poignardée. L’issue de l’histoire tragique peut alors se présenter en rose.
Le topos sanglant qui résiste le mieux à la déterritorialisation est celui du duel. On a même vu qu’il peut se substituer au topos du crime d’honneur, courant dans la novela espagnole, mais difficile à acclimater dans le reste de l’Europe. Enfin, c’est la topique du travestissement qui vient au secours des amoureux et leur permet d’extérioriser leur passion sous une identité d’emprunt. Il va sans dire que le musicien travesti en servante et la jeune fille travestie en page donnent lieu à des quiproquos fort divertissants pour le lecteur. Même le Brave castillan est amusant, lorsqu’il donne libre cours à sa passion du combat déguisé en Bacha ! Mais le travestissement, qui nous ramène dans les lieux sombres de l’histoire tragique que sont la crypte et le tombeau, est certainement la mort apparente de Leonor. Zayas n’hésite pas à accorder à cette héroïne, maltraitée par les siens, une seconde vie heureuse en invoquant tous les recours de la religion. En tant que défenseur du droit civil, Vanel aggrave au contraire le malheur de la jeune femme en la faisant juger coupable d’un complot contre son mari. Mais d’Ussieux restaure la victoire des cœurs en attribuant au mari tyrannique un geste généreux au moment de sa mort. Naturellement bon, l’homme des Lumières fait confiance à la raison humaine. Il est capable de maîtriser ses passions et de faire preuve d’un bon jugement. Dans ce contexte, les noirceurs de l’histoire tragique ont fait leur temps et l’avenir peut se concevoir en rose.
Notes
Nouvelles espagnoles, traduites de différents auteurs par M. D’Ussieux, Madrid, et Paris, Ruault, 1772, 2 vol, in-12.
Pour plus de précisions voir Matthieu Verrier, « La littérature française au miroir de la littérature espagnole », in Florence Lantel-Ribstein, dir., Les Relations internationales à travers les traductions françaises au siècle de Louis XIV, septet-traductologie.com, 2013. Consulté le 10.02.2017.
José Antonio Maravall, La cultura del Barroco, cité par Jean-Michel Laspéras, La nouvelle en Espagne au Siècle d’Or, Perpignan, Éditions du Castillet, Publications de la Recherche, Université de Montpellier, 1987, p. 23.
Affirmation attribuée à Karl Vossler par Bruno Damiani, Moralidad y didacticismo en el Siglo de Oro (1492-1615), Madrid, Editorial Orígenes, 1987, p. 9 (en espagnol).
Voir George Hainsworth, « Quelques opinions françaises (1614-1664) sur les Nouvelles exemplaires de Cervantès (1613) », Bulletin Hispanique, 32/1 (1930), p. 64.
Joanna Gidewics, Soledades de la vida y desengaño del mundo de Cristobal Lozano: novela barroca de desengaño y best-seller dieciochesco, in Actas del V Congresso de la Asociación Internacional Siglo de Oro, p. 614-622. Voir le tableau à la p. 618.
Voir la thèse de Federico Rodolfo Schweizer, Cristobal Lozano’s Ideology in Soledades de la Vida y Desengaños del Mundo, The University of Texas at Austin, 2007, © Ann Arbor, MI, ProQuest, 2009, p. 261-266.
Anne Cayuela, Le paratexte au siècle d’or: prose romanesque, livres et lecteurs en Espagne au XVIIe siècle, Genève, Droz, 1996, p. 69.
Buscar su propia desdicha. Novela tercera. A la Señora Doña Serafina, in Don Christoval Lozano, Soledades de la vida y desengaños del mundo. Novelas ejemplares. Corregidas y enmendadas en esta quinta impression. Con licencia, Barcelona, Pablo Campins, 1722, p. 212-262. Édition originale : Los Monges de Guadalupe, Soledades de la Vida, y Desengaños del Mundo, Madrid, 1658. Approuvé par Calderón de la Barca.
Don Félix ou l’homme qui cherche son propre malheur. Nouvelle espagnole, in [Jean-Baptiste de Boyer d’Argens] Lectures amusantes, ou les délassements de l’esprit avec un discours sur les nouvelles. Première partie, La Haye, Adrien Moetjens, 1739, p. 288-289.
Cf. Henri Coulet, éd. Nouvelles du XVIIIe siècle, Paris, Gallimard, 2002, p. 1517 et Jan Herman, éd. Recueil de préfaces de romans du XVIIIe siècle, volume1 : 1700-1750, Saint-Étienne et Louvain, PU, 1999, p. 196-210.
« Lettre à M. D. C. », in Avantures de Bella et de Dom M***. Nouvelle Espagnole, par le marquis Dargens, La Haye, Moitjens, v. 1, n. p.
Le Brave de Castille, in Nouvelles espagnoles, traduites de différents auteurs par M. D’Ussieux, Madrid et Paris, Ruault, 1772, t. 1, p. 259-300, notamment p. 259.
C. M. von Grosse, Der Held von Kastilien, in Erzählungen vom Verfasser des Genius. Zweiter Theil. Mit einem Kupfer. Berlin, Friedrich Vieweg der ältere, 1794, p. 240-297.
Thierry Pech, Conter le crime. Droit et littérature sous la Contre-Réforme: Les histoires tragiques (1559-1644), Honoré Champion, 2000, p. 359sq.
Desengaño octavo. [El traidor contra su sangre], in María Zayas y Sotomayor, Obras narrativas completas : Novelas amorosas y ejemplares. Desengaños amorosos, Madrid, Fundación José Antonio de Castro (Biblioteca Castro), 2001, p. 653-685.
Nouvelle XVIII. Un crime en attire un autre, in Nouvelles de Dona Maria De Zayas, traduites de l’Espagnol, Paris, G. Quinet, 1680, t. 5, p. 93.
Toujours un Crime précéde un grand Crime, in Nouvelles espagnoles, traduites de différents auteurs par M. D’Ussieux, Madrid et Paris, Ruault, 1772, t. 2, p. 76.
Desengaño sexto. [Amar solo por vencer], María de Zayas y Sotomayor, Obras narrativas completas : Novelas amorosas y ejemplares. Desengaños amorosos, Madrid, Fundación José Antonio de Castro (Biblioteca Castro), 2001, p. 575-617.
Nouvelle XVI. La Feinte Musicienne, ou l’Amant deguisé, in Nouvelles de Dona Maria Dezayas, traduites de l’Espagnol, Paris, G. Quinet, 1680, t. 4, p. 217-283.
Guiomar Hautcœur Pérez-Espejo, Parentés Franco-espagnoles au XVIIe siècle. Poétique de la nouvelle de Cervantès à Challe, Honoré Champion, 2005, p. 190 sq.
La Fausse Suivante, in Nouvelles espagnoles, traduites de différents auteurs par M. D’Ussieux, Madrid et Paris, Ruault, 1772, t. 2, p. 77-124.
El casamiento desdichado. Novela IIII, in José Camerino, Novelas amorosas, Madrid, Tomas Junti, 1624, p. 54-74.
Nicolas Lancelot, Les Nouvelles tirées des plus célèbres auteurs espagnols, Paris, Billaine, 1628, t. 1, p. 84-203.
Nouvelles espagnoles, traduites de différents auteurs par M. D’Ussieux, Madrid et Paris, Ruault, 1772, t. 1, p. 1-55.
Die Hütte in den Pyrenäen, in C. M. von Grosse, Erzählungen vom Verfasser des Genius. Erster Theil, Berlin, bei Friedrich Vieweg dem älteren, 1793, p. 141-148.
« embidiosa la fortuna » cf. El casamiento desdichado. Novela IIII, in José Camerino, Novelas amorosas, Madrid, Tomas Junti, 1624, p. 73. Dans les années 1620, l’Amour et la Fortune sont les principaux agents invoqués par les narrateurs de nouvelles. Voir en France le recueil de Sorel intitulé Les nouvelles françaises où se trouvent divers effects de l’amour et de la fortune, Paris, Pierre Billaine, 1623.
Novela octava. El impossible vencido, in María Zayas y Sotomayor, Obras narrativas completas : Novelas amorosas y ejemplares. Desengaños amorosos, Madrid, Fundación José Antonio de Castro (Biblioteca Castro), 2001, p. 297-329.
Nouvelle VIII. Rien n’est impossible à l’Amour, Nouvelles de Dona Maria Dezayas, traduites de l’Espagnol, Paris, G. Quinet, 1680, t. 3, p. 1-89.
Les Stratagêmes de l’Amour, in Nouvelles espagnoles, traduites de différents auteurs par M. D’Ussieux, Madrid et Paris, Ruault, 1772, t. 2, p. 125-190.
Table des matières
Origines antiques et formes pré-classiques
Desultoriae scientiae stilo : Du topos comme échangeur entre le rose et le noir, d’Apulée à Sade
Mélusine : la violence des sentiments
Amour, sexe et crime dans Alector (1560) de Barthélemy Aneau
Territoires instables de la fiction pastorale : entre les « hommes de paix » et les « gens de guerre »
La grande hybridation : 1650-1780
De l’affaire Gaufridy à l’affaire La Cadière, de François de Rosset à Boyer d’Argens : des noirceurs du diable au roman rose
Une tentative de déterritorialisation : l’histoire de la marquise de Ganges dans les Lettres historiques et galantes de Mme Du Noyer
Les contes de fées ne sont pas toujours roses : avertissements et désillusions dans les contes merveilleux de la fin du XVIIe siècle
Les infortunes chinoises de la vertu. Jin Yun Qiao zhuan, un roman rose très noir du XVIIe siècle encore inédit en français
Jin Ping Mei, le plus grand malentendu de l’histoire de la littérature chinoise
Les histoires noires du Siècle d’Or espagnol retouchées en rose pour l’Europe des Lumières
Le mariage des topoï lyriques et tragiques dans Les Lettres de Sophie de Vallière de Mme Riccoboni
La révolution gothique
« Rubans roses » et « idées noires » dans La Nuit anglaise de Bellin de La Liborlière
Le roman à complot, produit des Lumières
Implications idéologiques de l’hybridation romanesque dans l’Histoire de quatre Espagnols (1802-1803) de Galart de Montjoie
Rétif de la Bretonne au XXXIe colloque de la SATOR
La vertu chez Sade et chez Rétif à l’épreuve de la traduction japonaise
Le roman rose face aux passions noires : Delphine de Germaine de Staël
Noirceurs esquivées. Mimésis et générosité dans La Femme jalouse
Du rose au noir chez Jean-Claude Gorjy : un laboratoire romanesque de la terreur, hybridation ou métamorphose ?
Lust, Caution (色,戒) : l’histoire derrière l’histoire